• 1954 revisité avec Motocycles et Moto Revue (suite)

    Indisponible pour le reste de la saison, Ray Amm laissait le champ libre à Duke, fraîche recrue de Gilera qui remporte le titre mondial 1953. Norton attaque l'année 1954 par une tournée au Brésil en février. Amm, engagé dans quatre courses en 350 et en 500, y signe quatre victoires pour Norton contre Lorenzetti en 350 (Guzzi) et Milani en 500 (Gilera). Avec toujours aussi peu de moyens - selon Duke, il y avait une "centaine de personnes à l'usine [Norton] qui sortait 200 machines par semaine" - Joe Craig lutte contre le manque de sponsors, et encaisse l'hémorragie de ses pilotes car après Duke, c'est Kavanagh qui a filé chez Guzzi, l'autre rival italien. C'est lui qui, en prélude au T.T., gagne en 350 à Floreffe devant Amm sur une Norton au carénage que les commentateurs peinent à décrire. En torpille, dit l'un, en gueule de requin, dit l'autre. Finalement, ce sera Longue Nose qui l'emportera, selon les Anglais, après tout les plus concernés. Alors que la concurrence Guzzi cherche à caréner l'arrière de la machine (La Galeria del vento qui vient d'être inaugurée est bien utile !), chez Norton on va... de l'avant en prolongeant la "bulle" en tronc de cône jusqu'à l'aplomb de la roue avant. Cette construction se retrouve sur la 500, mais ce n'est pas suffisant pour vaincre la MV 4 cylindres de Dale qui l'emporte de 14 petites secondes sur le Rhodésien au terme d'une heure de course.  

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    Le départ des 500 à Floreffe avec, de gauche à droite : Amm (Norton 52), Dale (MV 74), Laing ou Allison (Norton 62) et Kavanagh sur la 350 qu'il a menée à la victoire dans sa catégorie.

    L'italienne 4 cylindres disposait d'un carénage "normal" alors que les monos de Mandello vont ensuite être entièrement carénées sur un châssis en treillis de tubes soudés. Pas très orthodoxe, mais bigrement efficace. Quelques années plus tard, cette technique fera le succès des Maserati dites "Birdcage". 

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    Cette "cage à oiseaux" est loin des lignes épurées du tant vanté Featherbed  Norton qui fit sensation en son temps et dont Duke déposa quelques secrets dans la corbeille de mariage avec Gilera. Mais la "trahison" de l'Anglais - on le sait depuis - fut déclenchée lorsqu'il apprit à la fin de 1952 qu'il n'y aurait pas de place pour lui dans le team Norton de l'année suivante.

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    Le carénage 'becco d'ucello' (bec d'oiseau) des Guzzi avait beaucoup fait parler en son temps, celui de la saison 1954 suscita d'autres réflexions pas toujours agréables. Au GP d'Allemagne, un curieux voyant celle d'Anderson s'exclama à haute voix "Que c'est vilain, ce machin". À quoi l'Anglais qui parlait très bien l'allemand répliqua "Je préfère une moto vilaine qui va vite à une belle qui serait plus lente".

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     Position curieuse du bidon cylindrique des 350 Guzzi dont les entretoises qui le supportent sont taillées dans du bois d'arbre. Sur la 500, ce réservoir est supprimé et le carburant est stocké dans les deux côtés du carénage, à l'avant. 

    Après le Fish, il fallait trouver quelque chose d'encore plus différent. C'est donc la Long Nose, initialement projetée sous le nom de code "Proboscis" (du grec 'trompe'). C'est équivoque car la variété des proboscidiens va du tamanoir à l'éléphant, en 1954 revisité avec Motocycles et Moto Revuepassant par ce singe (à gauche) qui offre une certaine ressemblance avec "Qui vous savez" (clin d'œil aux plus de x... ans, mettez ici le chiffre que vous vous voulez). Personnellement, mon choix irait plutôt au Paleomastodon qui est l'ancêtre de 'notre' éléphant (voir illustration ci-dessous). Vous ne l'avez pas connu et moi non plus. Il a disparu il y a une paire d'années (entre l'éocène et l'oligocène, ce qui fait environ 38 millions d'années avant J.C.), mais je trouve qu'il rend bien plus justice à la création de Norton, avec un volume conséquent, un design moderne, dynamique, en résumé une belle prestance, même couvert de poils laineux (dans le cas de l'animal).

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    Ne vous fiez pas aux apparences, le paleomastodon était à peine plus grand que la moitié de notre éléphant actuel.

    Pour en revenir à 1954, Ray Amm après avoir testé la Long Nose la présente au Tourist Trophy. Outre l'appendice nasal, le bas du carénage dissimule des réservoirs additionnels qui doivent permettre de boucler les cinq tours de l'épreuve des 350 sans avoir à ravitailler.

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    Pied traînant terre, une figure de style que l'on voit peu souvent chez Ray Amm, mais l'aspect du sol luisant de pluie au T.T. 500 de 1954 suffit à expliquer cette prudence.

    Dès le départ, la Norton est extrêmement rapide. Dans le dernier tour, Amm est en tête avec une avance de 1 minutes 16 secondes. Il a pratiquement course gagnée lorsque un problème de soupape le force à l'abandon. Toujours aussi déterminé, Amm garde la même configuration pour le Senior 500 : Long Nose et réservoirs additionnels pour éviter un ravitaillement sur les sept tours de l'épreuve. Le départ est donné sous une pluie torrentielle et un vent violent tandis qu'on annonce du brouillard dans la partie montagneuse du circuit ! Malgré son handicap de 30 kg de carburant, Amm n'est qu'à 14 secondes de Duke à la fin du premier tour. Un tour de plus, il a gagné 2 secondes et il passe en tête au troisième tour. En ravitaillant, Duke perd 28 secondes sur la Norton au début du tour suivant !  C'est alors que se produit l'évènement dont on parle encore dans tous les pubs de l'Ile de Man entre deux lancers de fléchettes. On apprend que la course sera arrêtée après le passage du leader à la fin de son quatrième tour ! La décision des commissaires est intervenue suite aux conditions météo dégradées, mettant en danger la vie des concurrents. D'ailleurs, nombre de concurrents ont dû abandonner, dont les meilleurs "guzzistes" Anderson ou Kavanagh. Duke n'ayant pas pu combler son retard est à 1'05'' 8/10 de Ray Amm lequel est déclaré vainqueur de ce T.T. amputé de trois tours.

    Dans les Grands Prix suivants, Amm va se retrouver seul à défendre Norton contre des équipes de trois ou quatre pilotes chez Gilera, M.V., Guzzi ou encore AJS. Cependant on le voit toujours en bagarre pour la victoire. Mais que ce soit en Belgique ou en Hollande, la mécanique le trahit chaque fois tandis que la Gilera de Duke semble indestructible. La Longue Nose n'a pas subi de changement hormis un original appendice vu au Dutch T.T.

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     Lorsqu'on dit que Joe Craig a tout essayé pour rendre la Norton compétitive, ça n'est pas exagéré au vu de ce "déflecteur" de roue avant utilisé aux essais en Hollande.

    C'est devant 435 000 spectateurs que se déroule la plus somptueuse empoignade de la saison entre Duke et Amm lors du GP allemand sur les 11,453 km du terrible circuit de la Solitude. Amm y gagnera un nouvel équipier, Jack Brett et une victoire en 350 où les Guzzi sont en déroute avec les abandons de Kavanagh, Anderson et Lorenzetti, tous sur casse moteur. En 500, Amm retrouve donc Duke, son adversaire préféré. Il va le devancer à plusieurs reprises mais malgré ses efforts désespérés, la rouge 4 cylindres l'emporte de 3'' 3/10. Duke rendra hommage au courage du Rhodésien par cette phrase mémorable : "That Amm was terrific !".

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     Que du beau monde sur la ligne de départ des 500 au GP de Suisse 1954 à Berne-Bremgarten. Ray Amm côtoie Reg Armstrong (Gilera n°6). Le 16 est l'Écossais Fergus Anderson (Guzzi) et une autre Guzzi est visible tout à droite, sans doute celle de l'Australien Ken Kavanagh avec son casque blanc. En pole position, hors cadre à droite, doit se trouver Geoff Duke sur sa Gilera.

    Le même programme, mais en l'absence des M.V. se rejoue au GP de Suisse 500 avec le même résultat. Le circuit d'abord humide handicape la Gilera de Duke qui ne peut en utiliser toute la cavalerie. Ce dont Terrific Amm profite en prenant la tête après l'abandon de Kavanagh parti comme une fusée. À 8 tours de la fin, Duke a 5 secondes de retard sur la Norton, mais au tour suivant il est dans sa roue. La route s'est alors asséchée et la Gilera part irrésistiblement vers la victoire, laissant Amm à 4 secondes. 

    Les deux derniers Grands Prix de la saison ne sont que des formalités tant le classement du Championnat mondial est déjà connu. On sait que Monza est le terrain de jeu des Italiens avec son tracé extrêmement rapide. Démonstration par la Guzzi d'Anderson en 350, vainqueur à la moyenne de 163,670 km qui relègue Amm à 15 '' (5ème place). En 500, où Gilera a aligné cinq machines (!), Duke gagne la queue du Mickey à 179 de moyenne ! Il faut aller jusqu'à la 7ème place pour trouver Amm, à 1 tour de Duke...

    Quant au dernier GP espagnol à Barcelone (Montjuich), seules Guzzi et MV ont fait le déplacement, ce qui permet à Anderson (Guzzi 350) et Dale (M.V. 500) de grappiller quelques points supplémentaires. 

    Peut-être impressionné par les performances des Guzzi - qui sont des monos comme le Norton - Joe Craig sort un nouveau projet de sa musette. Suivant le proverbe anglo-saxon "If you can't beat them, join them" (Si vous ne pouvez pas les battre, rejoignez-les) la Norton 1955 aura un moteur... horizontal ! 

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    ... Horizontal et, qui plus est, avec un volant-moteur extérieur, tout comme ces italiennes... les... les... rappelez-moi donc leur nom...

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    Cette machine Type F n'aura qu'une très courte vie et ne fera entendre son moteur qu'une seule fois. C'était aux mains de Ray Amm pour des tests près de Birmingham, sur la piste du MIRA (Motor Industry Research Association, leur UTAC à eux). En novembre 1954, de retour de ces essais à l'usine avec Charlie Edwards, chef mécanicien auprès de Joe Craig, tous deux apprirent qu'il n'y aurait pas d'équipe d'usine Norton en 1955 ! "Ray entra alors dans un bureau, raconte Charlie Edwards, et il téléphona directement chez MV Agusta" !

    On sait la fin tragique de Ray Amm qui s'écrasa contre un pylône lors de sa première course à Imola sur la MV 4 cylindres au printemps 55. En décembre de la même année, Joe Craig abandonnait Norton et se mariait avec la veuve d'un coureur néerlandais. L'histoire des Grands Prix motocyclistes allait désormais s'écrire de plus en plus sans la moto anglaise.

     


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  • Commentaires

    1
    Durand
    Dimanche 7 Avril 2019 à 19:55

    Survivre au tourist trophy et mourir à imola la vie est terrible parfois

    2
    jackymoto
    Dimanche 7 Avril 2019 à 21:07

    Jo Craig qui avait couru le TT dans les années héroïques a fini au volant de sa voiture après un dérapage de sa voiture sur la neige, au début de sa retraite en Autriche...

    3
    Durand
    Dimanche 7 Avril 2019 à 21:11

    T as raison il faut jamais prendre sa retraite

    4
    jackymoto
    Dimanche 7 Avril 2019 à 22:39

    Et ne jamais aller au lit car c'est l'endroit dangereux où on a le plus de chance de crever!smile

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