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ENTRACTE : QUELQUES INSOLITES
Au hasard de la photographie, on découvre que des machines d'origine diverse ont été utilisées dans le conflit. Inattendue au milieu d'un paysage de désolation, cette Magnat-Debon 500 a bien été réquisitionnée ainsi que l'indique son immatriculation militaire.
Dans son catalogue millésimé "1917-1918", la marque grenobloise Magnat-Debon a publié cette petite photo d'une section du 106è Bataillon de Chasseurs Alpins à Pied (sic) équipée de bicyclettes de la marque. Bien en vue, au premier plan, le chasseur François Delebarre avait droit à une 500 bicylindre culbutée.
La guerre apporta une embellie financière bienvenue pour certaines marques dont la britannique Clyno. Elle fournira à l'armée de Sa Majesté cette 250 deux-temps à deux vitesses, mais sera surtout connue pour un sidecar 750 bicylindre en V, sommairement blindé et armé d'une mitrailleuse Vickers. Sans que l'on sache s'il s'agit de cette mono ou du sidecar armé, il y avait 478 Clyno présentes en France au moment de l'armistice.
Le sidecar Clyno armé équipera aussi l'armée russe, en concurrence avec la Scott twin deux-temps (ci-dessus), également dotée d'une caisse blindée. Cette dernière configuration ne sera pas utilisée dans les Iles britanniques, à une exception près.
Bien que rare, onéreuse et d'une mécanique de précision plutôt délicate, la Moto Rêve suisse est de service armé (avec ce seul exemplaire ?).
Les historiens spécialistes du "militaria" s'interrogent encore sur les méthodes d'immatriculation britannique des motos engagées dans cette guerre car il semble que certaines ont gardé leur plaque "civile", bien que réquisitionnées. Cette Calthorpe bicylindre en V attelée à un side en osier en fait la démonstration.
L'usage des Phelon & More (qui deviendra Panther vers la fin des années 20) était réservé au Royal Flying Corps. Cette 500 à soupapes latérales est remarquable par son moteur qui fait office de tube avant. Cette disposition originale sera conservée, sauf rares exceptions, jusqu'à la disparition de la marque en 1966. Il fut un temps où, en difficultés financières, Panther tenta l'importation du scooter Terrot...
Même si son pilote a mis pied à terre pour les besoins de la photographie, celle-ci permet justement de voir dans quel milieu évoluait une estafette motocycliste. Il a pourtant le privilège de mener une Rudge Multi, laquelle comme son nom l'indique dispose d'une changement de vitesse à rapports multiples. Ces variations sont obtenues en rapprochant ou en éloignant de la poulie-moteur toute la roue arrière et sa poulie de transmission finale.
Encore une Rudge Multi montée par Robert Sexé, l'une des légendes du motocyclisme française de la première moitié du XXème siècle.
Stefan Morar fut l'un des soldats du contingent russe envoyé par le Tsar en France pour combattre aux côtés des Alliés. La révolution bolchévique les empêcha de rentrer chez eux et Stefan s'établit alors chez nous à Paris où il fonda une famille. Il est ici aux commandes d'une peu courante James anglaise au caractéristique ailettage du cylindre "en hérisson".
Se faire tirer le portrait dans une position avantageuse est un plaisir qui ne se refuse pas et cet officier (belge ?) n'y a pas résisté. Stefan est l'avant-dernier à droite, devant un militaire français qui est sans doute le responsable attitré de ce sidecar. (Un lecteur belge et néanmoins ami signale le montage de la caisse à droite, au contraire de la pratique en Britannie. Cet attelage est donc possiblement français et de réquisition - Merci à Yves).
Largement diffusée, cette carte postale bien... composée à popularisé ce soldat "en embuscade" (il s'agirait d'un Belge) qui a délaissé sa monture, une autre James en solo.
Curieuse "prise de guerre" ou machine de réquisition, cette germaine Wanderer attelée témoigne d'une pratique qui perdure à travers les vicissitudes de la guerre : tout officier doit se faire véhiculer par un "chauffeur" ! (Plutôt NSU, voir commentaire ci-dessous)
Heureux militaire ! Outre deux vitesses avec embrayage et une transmission finale par chaîne, cette 1000 Flying Merkel bicylindre en V américaine bénéficie d'une suspension arrière oscillante avec élément mono-amortiseur (sous la selle). Graissage par pompe mécanique et même un démarreur électrique (en 1913, seule année) complétaient ce catalogue des plus séduisants. Seule restriction, à l'avant seul le guidon était suspendu. (Inexact selon commentaire ci-dessous)
Moto personnelle ou de réquisition, en tout cas cet officier photographié en mars 1916 peut être satisfait de sa René Gillet à soupapes latérales. La fourche de type Druid est une option qui ne figurera dans aucun catalogue de la marque, mais on sait que Monsieur René se faisait une spécialité de monter une moto selon les goûts du client. Il ne semble pas que René Gillet ait retenu l'attention des autorités militaires quant à la fourniture de machines. Il est vrai que la marque était alors une très modeste entreprise qui ne se développera qu'après cette guerre.
(La suite bientôt !)
NOTE À CEUX QUI PRENNENT LE TRAIN EN MARCHE...
Cette série d'articles est la suite numérique des trois livres que j'ai consacrés à "La Motocyclette en France". Sont déjà parus un volume sur la période "1894 - 1914", un deuxième sur "1914 - 1921" tous épuisés. Le troisième traitant les années 1922 à 1924 est le seul encore disponible. La présente "édition" est remaniée et complétée à l'aide de documents découverts depuis la parution du volume-papier. Le présent article est le sixième de la série commencée le 4 mars 2015.
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De profil, de dos, de face, en couleurs pétantes et avec les lignes anguleuses qu'exige la mode actuelle, vous avez tous les renseignements suffisants pour vous faire une idée d'un nouveau "concept" Honda apparu au dernier Salon de Milan 2015 puis confirmé à celui de Paris... On parle ici mécanique et les Salons précités n'étaient pas celui de la caravane, de l'ameublement ou de la lingerie et autres frivolités, mais des Salons de la Moto à pneumatiques (on a fini de cliquer sur les images de moto-collection.org ?)...
Ce scooter se veut "tout terrain" par... ses pneus et par son nom : "City Adventure", quoique le "City" introduise un bémol, de même que la cylindrée annoncée : 750 cm3 ! C'est... suffisant pour la ville, mais bien trop pour la gadoue et les grimpettes d'un trial. Surtout ceux d'aujourd'hui. On ne parlera pas du poids. Ni du prix... ceux de Honda étant connus pour ne pas être "contenus"...
Restons sérieux et revenons à l'actualité, même si ce n'est pas une vraie nouveauté. Car dès sa naissance, voire son invention, le scooter - qui n'en avait pas encore le nom - prétendait à une vocation, disons "trialisante". En 1902, Georges Gauthier, oui un Français de Blois, créait son Auto-Fauteuil afin de permettre à tous de circuler "aux colonies et dans tous les pays où les routes ne sont pas accessibles aux automobiles à quatre roues". L'intention était nette, et durant plus d'un quart-de-siècle G. Gauthier va s'appliquer à la justifier.
Présenté au Salon de Paris à la fin de 1902, l'Auto-Fauteuil n'est encore qu'une moto qui se singularise par ses petites roues d'environ 14/15 pouces, celle de l'avant étant légèrement plus petite qu'à l'arrière. Le fauteuil à accoudoirs est déjà bien présent et le sera toujours, tandis que le moteur est un De Dion à ailettes de 2 ch 3/4 qui se met en route comme une voiture, à la manivelle. Un embrayage à cônes permet l'usage d'une chaîne pour la transmission finale, extrême rareté de l'époque. (Document La Nature).
Rapidement va suivre un modèle au cadre largement ouvert, créant une silhouette qui est celle de tous les scooters à venir. Comme sur la première version, celui-ci est muni d'un "pied automatique breveté" sous le moteur (une béquille centrale) qui permet de laisser debout la machine "sans avoir à chercher un arbre ou un mur pour trouver un point d'appui". Rappelons qu'il faudra trois ou quatre décennies avant de bénéficier de cet "accessoire" sur nos motocyclettes. Ce Georges Gauthier était aussi un visionnaire ! (Document extrait de L'Industrie Vélocipédique et Automobile - Février 1903)
Vers 1905/1906, l'Auto-Fauteuil présente sa forme que l'on peut considérer comme définitive. Le moteur, qui est désormais de fabrication "maison" est à refroidissement liquide afin qu'il "pousse aussi fort au bout d'une heure qu'à la première minute". C'est surtout pour permettre à la clientèle visée de pouvoir utiliser l'Auto-Fauteuil sans rien perdre de sa dignité. Car cette clientèle est essentiellement la gent ecclésiastique laquelle, en ces temps reculés portent toujours la robe qui fait écran au courant d'air rafraîchissant le moteur !
Pour bien montrer ses intentions, Georges Gauthier publiera une abondante collection de documents publicitaires. Des cartes postales mettent en scène des abbés dans des situations extrêmes (pour l'époque), surmontant des obstacles qui s'apparentent à ceux qu'affronteront les premiers pratiquants du trial un tiers de siècle plus tard.
L'Auto-Fauteuil, selon M. Gauthier, s'adresse "à certaines classes désirant conserver une dignité de tenue en rapport avec leur situation et ayant besoin d'une véhicule économique passant partout". Démonstration faite ci-dessus par "M. le Docteur Biau, de Vabres (Tarn), dans les montagnes du Tarn".
Un abbé chasse l'autre, et on retrouve l'Abbé Alexandre dans le décor en contre-champ qui le représentait dans une carte précédente ci-avant (le "menhir est un repère).
Commerçants et professions libérales (intrépides) sont mis à contribution, et il est fort probable que M. Chevillot, photographe, soit l'auteur des clichés exploités par M. Gauthier. On remarque qu'il est en train d'activer la pompe à huile afin d'apporter un supplément de lubrifiant nécessaire pour surmonter l'obstacle.
L'Auto-Fauteuil est assez puissant pour que le missionnaire aux colonies puisse ainsi voyager avec son "boy" (sic) cramponné aux branches du guidon ! Un tablier protecteur dissimule le moteur au risque d'en augmenter la température.
Une guerre a passé et désormais le constructeur de Blois s'est assagi (?), un avant-train s'ajoute à l'Auto-Fauteuil, renouvelant l'assemblage qui fut en vogue avec le tricycle des premiers âges de la motorisation. La position de la passagère n'en est pas plus rassurante... Comme d'habitude, la photo est prise sur un terrain qui peut passer pour peu roulant : toujours l'image d'un véhicule passe-partout.
L'un des rares Auto-Fauteuil ayant survécu appartenait à "Eddy" Bonnin, artiste de music-hall à ses heures et participant aux réunions de l'A.A.M.A. dans les années 70/80. Charmant retraité qui, à un âge certain, démontrait qu'il n'avait rien perdu de sa souplesse en roulant autour de la table de son salon sur son vélo lilliputien !
L'Auto-Fauteuil finira par ne plus l'être que de nom (ci-dessus), tout en conservant les idées de base : moteur à l'arrière (économie d'un différentiel) et suspension par fourches pendulaires des roues avant. Une version abaissée présentera une carrosserie sommaire, sans qu'il soit possible d'en dater la réalisation dans les années 20.
L'époque pionnière du scooter se termine avec la disparition de l'Auto-Fauteuil dont le créateur continuera d'œuvrer dans le véhicule léger tout en menant une vie sentimentale agitée qui le mènera au suicide...
ENTRACTE
Le deuxième vague du scooter, essentiellement fournie par Monet-Goyon et ses Vélauto puis Super-Vélauto ne suscitera pas de scootrialisme. Néanmoins, on portera au crédit de la firme mâconnaise plusieurs Vélauto à arbre à cames en tête. Ils ne seront brièvement vus qu'en endurance et en vitesse sur route.
( À suivre - de 1949 à nos jours)
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L'article précédent (voir 9 décembre) se terminait sur le témoignage d'un "motar" heureux d'avoir réchappé d'un tir d'artillerie sur le convoi de camions qu'il accompagnait.
D'AUTRES ne s’en tireront pas aussi bien. Des années plus tard leur souvenir ressurgira de façon obsessionnelle, par exemple, dans les années 30, sous la plume du romancier Francis de Croisset qui témoigne ainsi :
"... Soudain, un échappement libre et des pétarades retentissent. La porte s’ouvre, c’est le capitaine Hollicot qui, dans toute sa gloire, apparaît. [...]
Les uhlans sont des cavaliers mais le messager les défie sur son "Cheval de Fer", une rapide bicylindre Indian. Incidemment, il est permis de douter que ces machines américaines aient été utilisées par des messagers, et des Français qui plus est.
- Vous sais, me dit-il, je suis le second motocyclette qui ait roulé dans la jungle. La première était un peintre hollandais qui s’est tué contre une grosse camélia. Et vous sais... Mais je ne l’écoute plus. Un brusque malaise m’envahit. Motocyclette... Tué... Ces deux mots, prononcés par ce clair garçon en kaki me rejettent dix ans en arrière. En vain, je me raidis contre mes souvenirs, contre l’absurde idée d’évoquer [...] un ciel glacé et la guerre. La vision s’obstine, l’emporte, et la route boueuse vient sur moi, avec ses arbres au fusain, la route défoncée que sillonnent sur leurs motocyclettes, tant de jeunes Hollicot qui rient et que personne ne devait revoir.
L’un d’eux, devant Dieckebush, écrasé à côté de sa machine et qui, le ventre labouré nous disait, à nous qui le ramassions : Je suis désolé de vous donner tant de mal. Et dont ce fut la dernière phrase. De chics garçons, tout de même, ces garçons-là !... ".
(Extrait de "La Féerie cinghalaise" - Librairie Hachette 1935).
Quelque part en France ou en Belgique, une section de motocyclistes britanniques du "Signal Corps" (Service des Messageries) montés sur des Triumph. Le brassard de couleur claire est probablement une marque d'identification, mais laquelle ?
Les récits de ce genre, censés décrire une certaine réalité seront publiés après la fin de la guerre. Durant celle-ci une abondante littérature guerrière se développa au bénéfice de ceux de l’arrière dont il fallait « soutenir le moral » comme disait avec une ironie amère les hommes qui avaient connu le front. Il en résulta une imagerie aussi exaltante que boursouflée dont de nombreux organes de presse se firent l’écho.
Thème récurrent, l'estafette fuyant sous la mitraille est mise à toutes les sauces. Après l'Indian précédente, on voit ici une Peugeot en action (reconnaissable à sa fourche du type Earles). Un louable souci de se rapprocher de la réalité.
Spécialiste des "petites femmes", l'illustrateur Xavier Sager apporta comme beaucoup d'artistes sa contribution au soutien du moral des troupes. Ces efforts dérisoires de l'arrière eurent des effets contraires sur "ceux du front", parmi lesquels naîtra une expression qui allait vite se répandre : "le bourrage de crânes".
Symbole de la collaboration entre les Alliés, un sketch humoristique dans lequel un militaire britannique subit les assauts de trois "mademoiselles" arborant nos trois couleurs sur leurs coiffures.(Archives National Library of Scotland).
Moment de détente sur une plage du nord de la France pour ces femmes des WAAC (Women's Auxiliary Army Corps) de l'armée britannique qui fut le première à organiser des unités féminines, mais comme... "auxiliaires".
À la fin de 1918, elles étaient plus de 100 000 à servir dans l'armée de terre (WAAC) et aussi dans la Royal Navy (à terre, pas sur les navires...).
Les archives gardent les images d'une réalité bien différente, ainsi celle de ces mutilés sur la place de la Concorde à Paris, abondamment décorés et présents lors du défilé du14 juillet 1915 (Archives Bibliothèque Historique de la Ville de Paris).
"Plus jamais ça" avaient crié en rentrant chez eux les rescapés de la grande boucherie des tranchées. Incorrigibles, à l'arrière d'autres avec entrain préparaient déjà les jeunes esprits à la "prochaine" (Archives B.H.V.P.).
En première ligne (!) du "bourrage de crânes" on trouve Lectures pour tous. Dans un numéro de juin 1915 cet hebdomadaire populaire à grand tirage publia un long article sur les formations cyclistes de l’armée française. Quelques paragraphes y étaient cependant consacrés aux motocyclistes sous le titre :
Une boulette qui ne passe pas
"Le cycliste (sic) est né malin. La malchance peut le faire tomber aux mains de l’ennemi, soit, mais on ne lui arrachera pas son secret. Passons plutôt la parole au coureur Stella, motocycliste de son régiment, qui fut en septembre ramassé par les Allemands sur le champ de bataille et transporté dans une de leurs ambulances, dont nos troupes s’emparèrent après la victoire de la Marne.
"Au ton du capitaine, écrit-il au Petit Courrier d’Angers, j’avais compris que le pli était sérieux. La route était belle, et je filais au moins à 60 à l’heure, quand tout à coup un trou, qui tenait presque tout le chemin m’oblige à ralentir et à passer à gauche. Ces animaux-là l’avaient creusé exprès ; une pluie de balles siffla autour de moi. Je mis aussitôt de l’avance à l’allumage, mais j’étais à peine sorti d’affaire qu’une mitrailleuse tirait sur moi. Atteint aux jambes et aux mains, je tombai, tandis que ma pauvre moto, restée près du fossé, accrochée à un arbre, se mettait à flamber. Je pus, en rampant, m’éloigner de 400 mètres. J’espérais pouvoir, sans être vu, traverser un champ de blé. Je ne rencontrais que des cadavres allemands.
Une photo mise en scène, soit, mais elle est plus réaliste que les autres interprétations débridées d'artistes du pinceau. La Douglas est peut-être celle du photographe.
"Il y avait eu un véritable carnage à cet endroit. En me penchant, je tombai sur un genou. J’essayai de me relever. Ce fut pour mieux retomber. Impossible de me tenir debout. J’étais là, impuissant, désespéré. Je pensais à mon pli, à mon capitaine si confiant ! Nul vivant près de moi pour continuer ma tâche ! Je sortis alors mon mouchoir dans lequel était cachée la note; je voulus la lire mais la nuit était trop intense : impossible de rien déchiffrer.
"Au même moment, j’entendis du bruit. Une troupe venait vers moi. Des Français, espérais-je. Désillusion ! A la voix d’un commandement, je reconnus des Allemands. Je me jugeai perdu. Je mis mon pauvre billet dans ma bouche et le mâchai avec rage pour l’avaler. Les Allemands étaient à dix mètres de moi. La note ne formait pourtant qu’une toute petite boule, mais qui s’obstinait à ne pas descendre. Je râlais. J’allais être pris et livrer mon secret.
"Simulant alors un dernier soubresaut d’agonie, je me dressai soudain et me laissai tomber à la renverse. Inspiration providentielle ! Le choc fit passer la boulette. Le pli était sauvé !".
Fournisseur essentiel de motocyclettes, la Grande-Bretagne avait également ses compagnies cyclistes... et ses chevaux. En Alsace libérée, celui-ci se trouve couronné d'un casque à pointe allemand, prise de guerre. (Archives National Library of Scotland)
Lourdement enjolivé, ce récit pouvait paraître vraisemblable mais les pages de Lectures pour tous sont trop riches d’autres faits aussi glorieux qu’incroyables. Ainsi de ces chasseurs cyclistes qui, dans la forêt d’Apremont, en Argonne, "... se précipitaient sur l’ennemi ! Le guidon d’une main, la baïonnette de l’autre, ils chargeaient ! Ils chargeaient à bicyclette, comme des fous ! ".
L’article était titré : "COMMENT ILS PÉDALENT SOUS LA MITRAILLE"...
À défaut de cyclistes chargeant à la baïonnette, on se contentera de ce motocycliste qui fait "un carton" exemplaire : six fois mouche avec son six-coups modèle 1892 !
Un exploit immédiatement répercuté à l'intention des chères têtes blondes...
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LA MOTO CHEZ 'CEUX D'EN FACE'
Au 1er août 1914, l'armée du Kaiser comptait plus de 4 000 motos dont cette Wanderer bicylindre à fourche avant suspendue. On voit comment la moto ajoutait au prestige de l'uniforme car, au dos de cette carte-photo, l'officier autrichien Hans écrivait de bonnes choses à Fraulein Greti Gall qui habitait à Vienne.
Géométrie particulière de ces Wanderer, mais d'une technique résolument moderne. Suspension intégrale par la fourche avant et un système oscillant arrière avec l'élément amortisseur sous la selle (dit "cantilever"). Dans les années 20, la marque créera une redoutable bicylindre culbutée en V à 4 soupapes par cylindre.
Un groupe de motocyclistes allemands sur plusieurs N.S.U. se prépare au combat. Tous les pilotes sont équipés de masques à gaz et coiffent un casque spécifique.
La distribution des moteurs N.S.U. est du type à soupapes opposées, celle d'admission étant située au-dessus de celle de l'échappement. N.S.U. pratiquait déjà avant la guerre une agressive politique d'exportation. En France, l'importateur parisien Hugo Storr participa à de nombreuses épreuves sportives d'endurance.
Ingénieux autant qu'original, le système de distribution N.S.U. expose dangereusement la tige de commande de l'admission. La marque de Neckarsulm donnera plus tard dans un autre genre original, étonnant le milieu motocycliste avec la commande des soupapes par biellettes de la N.S.U. 250 Max
Une section d'estafettes allemandes s'apprête dans une rue de St-Amand-les-Eaux (Nord) dont on distingue la tour abbatiale dans le coin supérieur gauche. Le magasin d'angle, une fabrique de chapeaux, était devenu le Bureau de logement (Quartier-Amt). Les machines sont des N.S.U. avec, tout au fond une Wanderer.
De l'autre côté du Rhin, l'imagerie populaire (carte postale) de la motocyclette militaire utilise les mêmes scènes spectaculaires qu'en France. Si la machine, sans doute autrichienne, n'est pas "rendue" ici avec une précision technique, le dynamique mouvement d'ensemble est, lui, d'une excellente qualité artistique.
On retrouve le thème habituel avec la variante de cavaliers ennemis qui sont probablement des Russes. Manifestement, l'artiste connaissait mieux la race chevaline que la mécanique motocycliste. Si quelqu'un pratique l'allemand gothique, on serait heureux de connaître le sens du poème d'accompagnement.
(À suivre)
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SI VOUS PRENEZ LE TRAIN EN MARCHE
Cette série d'articles est la suite numérique des trois livres que j'ai consacrés à "La Motocyclette en France". Sont déjà parus un volume sur la période "1894 - 1914", un deuxième sur "1914 - 1921" tous épuisés. Le troisième traitant les années 1922 à 1924 est le seul encore disponible. La présente "édition" est remaniée et complétée à l'aide de documents découverts depuis la parution du volume-papier. Le présent article est le cinquième de la série commencée le 4 mars 2015.
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Si vous ne regardez que le Journal de Jean-Pierre Pernaut sur TF 1, si vous ne lisez que "Le Chasseur Français", si vous n'écoutez que les "Grosses Têtes" à la radio, si Bigard vous fait rire, alors il y a peu de chance que le nom de Robert Capa vous soit familier. Pourtant, à un moment ou à un autre, vous avez croisé son chemin. Plus précisément sa "trace", ou ses traces, car on en trouve dans des milliers de revues, journaux ou livres depuis 1934 et aujourd'hui sur le vouèbe. "Reporters sans Frontières" l'honore avec sa publication annuelle (9,90 € en librairie et marchands de journaux) qui rassemble une centaine de photos dont la plus célèbre que voici...
"Mort d'un républicain espagnol" (Guerre d'Espagne - 1936).
Dans le Vercors, une moto (Peugeot ?) pour quatre (octobre 1944).
Classé parmi les photographes "humanistes" (Doisneau, Brassaï, Willy Ronis, Sabine Weiss entre autres), Robert Capa est surtout connu pour ses reportages de guerre mais il savait poser l'œil sur les aspects pittoresques de l'univers où la moto a eu une petite place.
Il travailla aussi épisodiquement pour la mode ou les sports. C'est pourquoi on le voit ici sur le tan-sad d'une Terrot pendant le Tour de France (1939).
En 1933, il était en Espagne aux côtés des républicains (prière de ne pas confondre...) en lutte contre le coup d'État d'un certain Francisco Franco. Ayant fui sa Hongrie natale tombée sous la coupe autoritaire de l'amiral Horthy pour se réfugier en Allemagne, Capa avait dû fuir à nouveau en France devant les persécutions antisémites des nazis. En Espagne, il ne pouvait se retrouver ailleurs que chez les républicains qui affrontaient des troupes soutenues par l'Allemagne de Hitler et les 90 000 volontaires fascistes de Mussolini. Exilée comme lui et pour des raisons semblables, la jeune Gerda Taro, a quitté la Pologne pour Paris où Capa devient son amant. Elle part avec lui en Espagne d'où ils signent ensemble des reportages pour le magazine VU.
Gerda Taro à Paris en compagnie de Robert Capa. La jeune femme mourra en 1937, écrasée accidentellement par un char républicain. Grand séducteur, Capa aura vers 1945 une liaison amoureuse avec... Ingrid Bergman.
On savait qu'il existait des négatifs de reportages de Capa qui avaient disparu. On les pensait perdus à jamais jusqu'à la découverte au Mexique d'une valise contenant trois boîtes de rouleaux de films 24 x 36, soit 4500 négatifs. Étaient rassemblés là des travaux de Capa, de Gerda Taro ainsi que de "Chim" (David Seymour), tous photographes "engagés" dans cette guerre qui préludait à la tragédie planétaire.
Dans cette "valise mexicaine" figure une photo d'un républicain sur sa Harley (ci-dessus), photo attribuée à Gerda Taro. L'homme scrute le ciel, craignant un bombardement aérien. Plus de 600 avions allemands formant la Légion Condor furent engagés en Espagne pour soutenir Franco. À leur "actif", la destruction du village basque de Guernica en 1937 qui inspira le tableau > de Picasso et fit découvrir au monde entier l'implication nazie dans le conflit espagnol. L'Italie fasciste n'était pas en reste, fournissant 90 000 volontaires avec 900 avions et 950 chars. La Russie soviétique envoya aux républicains des armes et du matériel ainsi que des commissaires politiques qui se chargèrent de "faire le ménage" parmi les dissidents trotskistes ou autres indociles trop peu enclins à suivre les directives du "grand frère".
Réfugié aux États-Unis durant la guerre, Capa couvre le débarquement de Normandie puis la libération de Paris. Point de motos alors sauf, en cherchant bien, un sidecar René Gillet occupé par une jeune femme conduite par un policier (ami lecteur, sauras-tu les trouver ?).
En 1954, Robert Capa est envoyé par Life en Indochine pour couvrir la fin de cette guerre (Photo mai 1954 - détail). C'est là qu'il trouve la mort en sautant sur une mine en suivant une opération dans le delta du Fleuve Rouge. Il avait 40 ans.
L'une de ses dernières photos en mai 1954...
†
Avec Henri Cartier-Bresson, 'Chim', George Rodger et William Vandivert, Robert Capa a fondé en 1947 l'agence photographique MAGNUM afin de protéger les droits des photographes auprès des éditeurs de journaux et magazines.
(Toutes les photos de cet article sont © Magnum)
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13 commentaires -
Échappant à l’horreur de la vie quotidienne des tranchées, l’agent de liaison motocycliste n’effectue pas pour autant des missions sans danger. Un autre motar évoque ses souvenirs dans une revue spécialisée. Au passage on notera un hommage appuyé à la Triumph, l’une de ces fameuses monos 550 cm3 latérales surnommées "Trusty" (loyale, sûre) pour leur fiabilité exceptionnelle.
UNE SALE BLAGUE DE L'A.L.V.F. (nda : Artillerie Lourde sur Voie Ferrée)
À chacun d'adapter son habillement selon les circonstances, depuis la tenue presque réglementaire, calot compris, jusqu'à la canadienne à col doublé de mouton en passant par la veste en cuir. Un seul casque dans tout ce groupe, mais guère protecteur pour un motocycliste. L'équipement en matériel est plus homogène car fourni par deux des trois marques les plus utilisées : Triumph (1ère à partir de la gauche, puis 2ème et 4ème) avec BSA pour les autres.
"LE SOIR VENAIT... Dans notre carrière de Billy un calme absolu régnait : les camions, partis depuis midi, ne devaient rentrer que dans la nuit ; aussi chacun jouissait de son mieux de la délicieuse fraîcheur qui se substituait au soleil tropical de l’après-midi. Pour mon compte, noyé dans ma veste de cuir, casque en tête et revolver au flanc, j’attendais "les papiers pour le P.C." en sacrant après le "vieux" qui allait encore me faire rentrer de nuit. Finalement il apparut et garnit ma sacoche d’une liasse d’états plus ou moins "néant" et de quelques messages secrets. Un coup de kick et ma Triumph, démarrant superbement, m’emportait plein gaz vers la ligne de feu. Bientôt je quittai la route de Reims et franchis l’Aisne. Au loin, vers le Nord, la canonnade marchait bon train, et tout faisait pressentir... un sérieux sonnage à l’arrivée. Néanmoins mon attention était principalement retenue par les difficultés du terrain et les doux gargouillements que la trépidation faisait naître dans mon estomac trop bien lesté. Aussi fus-je quelque peu ahuri de ce que je vis en dévalant la côte du fort de Condé. La route, la route où j’étais passé la veille, était aux trois quarts coupée, cependant que de respectables cratères en jalonnaient les bords et que de désagréables 105 y rendaient à cette heure le passage périlleux.
Pour apporter un peu de fraîcheur dans la fournaise du combat, rien de tel qu'une pastille "Ricqlès", avec en prime une vignette finalement pas trop éloignée de la réalité. Le thème représenté ici sera copieusement exploité par la suite.
CALME ET RÉSOLU je passai et bientôt, quittant la route, je m’engageai sur les pistes aboutissant au P.C. Dans le crépuscule, la flamme des arrivées, agrémentée du bourdonnement des éclats, réduisait à chaque instant mes chances d’arrivée, et pourtant le but était là, à huit cents mètres, dont chaque seconde me rapprochait. Une chose était seule possible : passer... ou tomber là, sur ces pistes, loin de tout secours...
Malgré tout, j’arrivai à destination, remis mes papiers, en reçus d’autres et me relançai dans la fournaise, poussant gaz et avance pour ne pas rentrer trop tard (...). J’arrivai à Celles, au bord de la voie ferrée, où quatre pièces de marine, en tourelles, braquaient leurs énormes volées à quelques mètres en travers et au-dessus de la route. Imprudemment, je tentai de passer avant le départ des coups : hélas ! la quatrième pièce cracha au moment exact où je passais dessous... Une flamme géante, un choc et je me retrouvai dans le fossé appuyé au talus, avec le feu à bord et sourd comme un pot. J’ai éteint l’incendie, et je me rappellerai longtemps d’avoir été "sonné" par un départ français".
Dans la Somme, tir d'une pièce de 164 sur voie ferrée. (Photo Culver Pictures)
CE VACARME de l’artillerie est toujours présent sur le front. Dans "Le Feu", terrible livre-témoignage d’Henri Barbusse, tous ces bruits sont évoqués avec une composante inattendue :
" - Le moulin à café ! Un des nôtres, écoute voir : les coups sont réguliers tandis que ceux boches n’ont pas le même temps entre les coups; ils font : tac... tac-tac-tac... tac-tac... tac...
- Tu te goures, fil à trous ! C’est pas la machine à découdre : c’est une motocyclette qui radine sur le chemin de l’Abri 31, tout là-bas".
Autre mission, autres dangers avec l’accompagnement des colonnes de camions. À l’époque pas question de liaison-radio entre les véhicules, c’est donc le motocycliste qui assure cette fonction. L’un d’eux raconte :
"CONVOYEUR"
"DEPUIS HUIT JOURS il pleuvait sans répit, comme si le ciel était d’accord avec les boches pour nous rendre infernale cette préparation d’offensive. Couverts de boue, de la semelle de nos souliers au cimier de notre casque, alourdis dans nos cuirs roides et le flanc battu par notre revolver rouillé, nous roulions sans répit dans la boue liquide où plongeaient voluptueusement nos silencieux crevés. C’était la "flotte" avec toute l’horreur que ce mot inspire au soldat.
"Naturellement, nos camarades des camions restaient de temps en temps enlisés dans les fossés avec quelques tonnes de ferraille ou d’explosifs.
Ci-contre vu par Jean Routier, le motocycliste en mission, réconforté par Hébé, fille de Zeus et symbole de l'éternelle jeunesse...
Heureux encore quand tout se passait sans dégâts, ce qui n’était pas toujours le cas au grand dam des dépanneurs qui ne savaient plus où donner de la tête. En conséquence, il nous fallut, en plus des messages diurnes et nocturnes, assurer le convoyage des ravitaillements en munitions en concurrence avec les "touristes" de l’échelon, chose peu agréable et souvent très dangereuse, vu la maladresse de certains chauffeurs et les fausses manoeuvres, assez fréquentes dans la nuit. Ce jour-là donc, c’était mon tour de faire le chien de garde le long des cinquante Peugeot du 1er Groupe du N...ième R.A.L. qui allaient charger à Bazoches pour gagner de nuit notre position de Brenelle. Aussi, un pied à terre et l’autre sur mon kick, j’attendais le coup de sifflet du capitaine chef de convoi. Il retentit, les moteurs grondèrent et le long serpent s’ébranla.
Dans son aspect presque "civil", la Triumph H a fort belle allure avec un pilote qui ne lui rend rien sous ce rapport. La machine a cependant suffisamment "vécu" pour arborer la courroie de cuir qui limitait les débattements de sa fourche pendulaire, l'une des rares faiblesses que ses utilisateurs reconnaissent à la H.
"Métier de chien que faire le chien par un temps de chien avec des vieilles badernes qui n’y connaissent rien. Vraiment quelle barbe que ce va-et-vient le long d’un convoi de deux kilomètres, mais aussi quelle école de manoeuvre avec ces interminables zig-zag au ras des quatre tonnes qui vous frôlent de leurs ailes mortelles et vous rappellent qu’en convoi toute fausse manoeuvre est passible d’écrasement !
"Enfin on roulait et, en dépit du tango, les bornes kilométriques se succédaient et nous rapprochaient du parc (...) le chargement commença (...).
"Trois heures plus tard, les moteurs grondaient de nouveau et le long serpent s’ébranlait, mais cette fois vers l’horizon rouge où flamboyaient canons et fusées. Arriverait-on intacts ou bien, averti par ce ronflement insolite, l’ennemi nous prendrait-il sous les rafales sinistres de ses canons lourds.
"Moins on est, meilleur c’est ; aussi était-ce peu réjouissant d’être cinquante-cinq véhicules ensemble (...). Ce n’est pas sans émotion que le convoi approchait du passage à niveau de Braisne. ZZ... boum ! un 105 vient de s’abattre à 10 mètres de la route, à la hauteur du 32e camion, un deuxième suit, court, puis un troisième en tête du convoi et un quatrième 100 mètres derrière nous.
Mais pourquoi diable s’arrête-t-on au lieu d’accélérer, notre abruti de capitaine a-t-il juré de nous faire casser la g..... Ma foi, je pousse jusqu’en tête voir ce qui se passe.
Heureuse idée qui me sauve la vie car j’ai à peine démarré que le camion de queue, dont les servants ont sauté et sont à plat ventre quelque part par là, reçoit un 150 sur une roue et s’abat.
Même pendant la guerre, la publicité continuera de sévir en utilisant des éléments tirés de l'actualité. Il en fut ainsi dans la revue "Automobilia" qui publia comme par le passé des informations sur l'activité des industriels de l'automobile. Par force, il s'agissait surtout de nouvelles commerciales provenant des pays alliés.
"J’arrive haletant en tête et trouve les chauffeurs en train de passer outre et de fuir, de fuir à plein moteur vers l’avant, vers les batteries qui attendent notre chargement. Vrai, notre piston [Ndlr : capiston = capitaine] de 60 ans n’est pas fort, faire arrêter un convoi sous un bombardement quand on attend après, c’est le comble de l’incohérence. Enfin quoi, il a voulu crâner, mais d’une drôle de façon car il importe d’arriver et non de recevoir des marmites, même au point mort. Du coup, je fais volte face. Ma place désormais est en queue et il faut savoir s’il y a plus de casse là-bas, mais voilà le 45... il me hèle : "Dis donc moto, on avance mais le lieutenant te cherche, il y a de la casse derrière. Hélas ! c’est vrai, en plus du 50 qui gît là, épave désormais inerte, le 47 et le 49 sont criblés d’éclats, réservoirs, radiateur, carter sont percés à jour. Le 48 est embourbé, c’est la débâcle et ces cochons de boches qui tirent toujours, mais par bonheur franchement long.
Un atelier de réparations "Cycles et Motos" français dans les débuts du conflit. On y trouve un inattendu échantillonnage de la production européenne avec, de gauche à droite : une 4 cylindres F.N. belge ; une Terrot française bicylindre en V et enfin une (bicylindre ?) N.S.U. allemande.
La guerre s'est installée pour durer et le matériel souffre au point que l'armée anglaise a créé des centres de réparations de ses motos directement sur le sol français. Reconnaissables au premier plan à leur volant extérieur, les Douglas y sont nombreuses, en compagnie de Triumph et BSA (Photo Olyslager Auto Library).
"Sur l’ordre du lieutenant, les rescapés des camions touchés grimpent sur le 46. Mais qu’est-ce ? X... et Z... laissent une traînée. Horreur! du sang, du sang qui suinte des manches de cuir, puis deux cris, ils sont touchés l’un à l’épaule, l’autre à la main et aucun ne s’en était encore aperçu ! Mais on a des pansements et l’ambulance de Braisne est proche. En avant le 46, on les aura...
"On a ravitaillé sans accroc, mais la vieille baderne de 60 ans a démissionné. Les convois se sont réduits à 5 camions et, à notre grande joie, nous avons repris nos liaisons cessant, sans aucun regret, de faire le petit chien le long de pareilles cibles ambulantes.
Avril 1917 - Un motar culotté".
LES "INSOLITES" DANS LA BATAILLE
Très tôt les militaires ont tenté d'utiliser le motocycle à des fins guerrières. Le tricycle De Dion-Bouton était présent lors de manœuvres françaises du IVéme corps d'armée en 1897 avec quatre exemplaires menés par leurs propriétaires réservistes. L'un d'eux était Georges Osmont, pilote "officiel" chez de Dion et qui louera aussi ses talents à la F.N. d'Herstal.
Un tricycle armé américain sera présenté par Mr Colt (celui du revolver) vers 1902 tandis qu'un quadricycle équipé d'une mitrailleuse fut testé dans la guerres des Boers (1899-1902). Ces tentatives ne débouchèrent sur rien de concret et il faudra attendre de longues années avant que l'idée d'une unité motocycliste militaire ne naisse, venant de la pourtant peu belliqueuse Belgique.
Le Bataillon cycliste de l'armée belge était équipé des meilleures productions de l'usine F.N. (Fabrique Nationale). On y trouvait aussi bien la fantastique 4 cylindres - dernière à droite et en amorce à l'extrême gauche - que la monocylindre (deux exemplaires au milieu).
S'il faut en croire cette carte postale "officielle" et en couleur, la F.N. 4 cylindres était réservée aux gradés. Celle-ci paraît être un modèle 1910-11 caractérisé par un carburateur logé sur le côté des cylindres. Le tube contenant le ressort amortisseur de la fourche sur biellettes est plus long que précédemment. Renommée pour sa robustesse, cette machine fut adoptée par l'armée russe.
Autre vue plus large de la section motocycliste belge visible plus avant. La plaque à gros chiffres qui apparaît à gauche est celle de l'immatriculation qui fut longtemps réglementaire en Belgique (Ne nous plaignons pas trop de celle qui est en vigueur aujourd'hui dans l'Europe unie).
Militaires et responsables civils au milieu des ruines de Pervyse - ou Pervijze - proche de Dixmude (Belgique), et qui fut entièrement détruite durant la guerre. Au premier plan, une Rudge "Multi", encore avec la spectaculaire plaque belge, tandis que le fût d'un lampadaire dissimule une 4 cylindres F.N.
(À SUIVRE)
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SI VOUS PRENEZ LE TRAIN EN MARCHE
Cette série d'articles est la suite numérique des trois livres que j'ai consacrés à "La Motocyclette en France". Sont déjà parus un volume sur la période "1894 - 1914", un deuxième sur "1914 - 1921" tous épuisés. Un troisième traitant les années 1922 à 1924 est le seul encore disponible. La présente "édition" est remaniée et complétée à l'aide de documents découverts depuis la parution du volume-papier. Le présent article est le quatrième de la série commencée le 4 mars 2015.
2 commentaires -
On l'a déjà montré précédemment, le scooteriste des années 50 ne craint pas de se lancer dans les longs voyages, même si la pluie menace à en juger par son équipement. Par contre, son 125 Lambretta ne présente que le minimum syndical dans ce domaine : porte-bagages et sacoches en simili cuir de plastique. On note la preuve d'un bel optimisme en confiant une lourde valise à la seule sécurité de trois sandows... Sans parler de la répartition des masses (plus un-e passager-ère qui prend la photo) sur un véhicule déjà "chatouilleux" de l'avant.
♥
Retour à nos temps modernes avec la pêche à l'insolite pratiquée par Jacky Pichaud l'éternel voyageur, bien mal accueilli par ce panneau énigmatique sur sa route vers Albion. Mais en franchissant le Channel...
... une visite au National Motorcycle Museum (oui, il ont ça les Rosbifs, et c'est "National" !) l'a consolé de cette petite contrariété. Surtout en y trouvant le seul exemplaire connu d'une machine anglaise équipée d'un moteur français ! Cette D.M.W. (Dawson Motor Works) est le fruit d'une brouille avec Villiers, le constructeur de moteurs deux-temps qui a approvisionné durant des décennies toutes les marques britanniques en quart-de-litre. Jusqu'au jour où Villiers décida de ne plus fournir les trop petites marques, parmi lesquels D.M.W. Piqué au vif (en VO : stung) la direction de D.M.W. envoya un émissaire sur le Continent d'où il revint au début des années 50 avec, dans ses bagages, un amour de petit bloc-moteur 125 cm3 français signé A.M.C.
Il y avait là de quoi faire un joli pied de nez aux arrogants propriétaires de Villiers, le consortium du même nom... A.M.C. étant les initiales qui cachent l'Associated Motor Cycles, réunion de Matchless et AJS. Mais cet A.M.C. français n'était pas un moteur ordinaire avec sa grosse culasse chapeautée qui contenait une distribution à 2 soupapes avec chacune leur arbre à cames commandé par un arbre vertical puis un train de pignons. Le classique volant magnétique de la série était remplacé par une dynamo en bout de vilebrequin rechargeant une bobine, l'arbre d'admission entraînant le rupteur. Installé dans une partie-cycle en tubes carrés et muni d'une fourche avant de type Earles, la "Hornet" (Frelon) de D.M.W. connut des débuts difficiles, tout comme ses cousines françaises. De plus, elle coûtait à peine moins chère qu'une 350 AJS 7R. Elle disparut d'autant plus rapidement que Villiers consentit à fournir de nouveau ses moteurs à la "petite marque". Les temps étaient devenus durs pour l'industrie motocycliste britannique (et européenne). On connaît la suite de l'histoire.
L'un des A.M.C. double-arbre du Bol d'or 1953. Une demi-douzaine de ces moteurs étaient engagés par des marques diverses, mais une livraison tardive les empêcha de donner un aperçu de leurs possibilités. En plus d'un couvre-culasse démesuré, ce 175 présentait une originale tourelle ailettée pour le refroidissement du retour d'huile. Ironie de l'histoire, la meilleure performance des A.M.C. dans cette course fut l'œuvre de Pahin sur une Automoto 175 à moteur "simplement" culbuté (2ème derrière Tano et son 175 Ydral).
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Ce blog est la suite de zhumoriste.over-blog.com/ dont les 375 articles sont toujours consultables bien que ce blog soit désormais en sommeil.
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