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En ces temps de nationalismes renaissant à travers l'Europe, alimentés par des commémorations aux motivations obscures, il serait bien de célébrer ceux qui, au lendemain de la boucherie de 14-18, ont refusé de céder aux "trompettes guerrières". La commune de Gentioux, dans la Creuse, fut parmi celles qui refusèrent d'élever un monument aux morts à la gloire du "poilu" vengeur immortalisé dans le bronze et fabriqué en série (authentique !). Il existe d'autres monuments dits "pacifistes", mais celui de Gentioux est le plus explicite. Son "Maudite soit la guerre" était tellement clair et insupportable que, lorsque revenant des manœuvres au proche Camp militaire de La Courtine les soldats français passaient devant cette inscription iconoclaste, un commandement leur ordonnait de tourner la tête...
OCCHIOLUNGO est le pseudo d'un attentif lecteur britannique de ce blog et, comme l'indique son nom, sa vision lui permet de remarquer un peu partout des oiseaux rares. Ainsi de cet Auto Fauteuril bien vivant et engagé par Vic Blake (ici avec Madame) au Pioneer Run de 2015. Il aurait connu quelques déboires tout au long du parcours mais néanmoins c'est un complément idéal à la série d'articles "Trial et scooter" publiés ici-même en début d'année. L'Auto Fauteuil y était en bonne place au titre de premier scooter du monde, jusqu'à preuve du contraire. Occhiolungo est curieux - comme nous tous - d'ancêtres plus ou moins connus et son site est un vrai bonheur pour les amateurs de machines d'avant 1914. De plus, il se donne la peine de fournir un maximum de renseignements utiles sur les motos qu'il photographie, en apportant du neuf (ce qui n'est, hélas, pas le cas de bien des sites et blogs...). On trouve tout cela à l'adresse https://occhiolungo.wordpress.com
Enfin, pour en savoir encore plus sur la vie de Georges Gauthier, inventeur de l'Auto Fauteuil et de bien d'autres choses encore, un site passionnant réalisé par le fils de G. Gauthier à l'adresse suivante : http://scootergeorgesgauthier.unblog.fr
En recopiant sa photo, le pubard qui a signé cette annonce a commis une erreur. Ami lecteur, saura-tu la découvrir ? Cependant il peut s'agir d'une erreur intentionnelle car sa présence aurait pu détourner gravement l'attention du lecteur. En effet, il est des absences tellement criantes dans un texte, un dessin, une photo qu'elles ont plus de présence que l'objet qui est mis en valeur. Au passage, on notera que ce jeune homme qui se paie des pompes à 340 balles d'euros n'avait plus assez pour s'acheter des chaussettes. Misère ! Ah, y a pas que chez les pauvres qu'il y en a d'la misère !
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COLLECTION CHAPLEUR : CRI D'ALARME DE L'EST RÉPUBLICAIN
Il faut sauver le vélo de Marie Marvingt !
PATRIMOINE - APRÈS LA FERMETURE DU MUSÉE DU CYCLE D’AMNÉVILLE, OÙ IRA LA BICYCLETTE DE LA CÉLÈBRE NANCÉIENNE ?
" C’est Marcel Cordier, le président de l’association Marie Marvingt, qui lance l’alerte. Le dernier vélo de la célèbre aventurière nancéienne, conservé au musée du vélo et de la moto d’Amnéville (57), pourrait disparaître. Ce serait dramatique pour tous les amateurs d’histoire locale car Marie Marvingt n’a laissé derrière d’elle que peu de souvenirs matériels.
Sa bicyclette, qu’elle appelait sa « Zéphyrine », fait partie des rares reliques sauvées de l’oubli (n.du zhumoriste : on la voit ci-dessus à 80 ans devant La Madeleine après son Nancy-Paris).
Pour l’instant, la menace est encore floue. L’association des amis de Marie Marvingt avait confié le vieux biclou au musée d’Amnéville à défaut de lui trouver un écrin plus digne à Nancy. L’annonce récente de la fermeture du musée remet tout en cause. C’est le maire d’Amnéville lui-même qui a prévenu Marcel Cordier par lettre. Ce dernier doit donc récupérer le vélo. Mais, pour en faire quoi ? Le Musée lorrain n’est pas candidat à la reprise de cet objet emblématique. Où l’exposer ? C’est toute la question…
Marie Marvingt l’utilisait encore à l’âge de 80 ans. Déjà octogénaire, cette grande sportive avait même réussi un trajet Nancy -Paris à la force du mollet ! Entre Marie Marvingt et le cyclisme, c’est une vieille histoire d’amour.
Cette féministe avant l’heure n’avait-elle pas demandé à participer, avec les hommes, au Tour de France ? Comme cela lui avait été refusé, elle avait tout de même réalisé la grande boucle en prenant le départ chaque jour, quelques minutes après les coureurs hommes. Celle qu’on appelait « La fiancée du danger » ne se bornait d’ailleurs pas à la pratique de la petite reine.
Première femme aérostière, aviatrice, inventrice de l’aviation d’urgence, alpiniste… Elle a goûté à tout. Elle cumulait pas moins de 17 records mondiaux dans différents domaines sportifs.
Le collier de perles
Cette Nancéienne qui vécut quasiment toute sa vie dans son appartement de la place de la Carrière est décédée sans laisser de consignes. « Comme elle ne payait plus son loyer depuis longtemps, à sa mort, son propriétaire a jeté ses affaires sur le trottoir », regrette Marcel Cordier. « Il n’est quasiment rien resté ».
Tout récemment, le président de l’association Marie Marvingt a retrouvé la trace du collier de perles de l’héroïne nancéienne. Avec le fameux vélo, il s’agit du seul souvenir matériel un tant soit peu significatif. C’est bien peu pour se remémorer une vie aussi romanesque.
Ludovic BASSAND
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Quelques images retraçant la carrière de Marie Marvingt choisies parmi les nombreux documents qui lui sont consacrés dans le ouèbe
Marie Marvingt intervenant durant la guerre auprès d'un blessé qu'elle transportera ensuite à bord de son avion. Celui-ci était équipé d'une capsule blindée sous son fuselage. Plusieurs centaines de soldats furent ainsi transportés vers les hôpitaux par l'intrépide aviatrice qui fut la troisième femme à obtenir son brevet de pilote (Dessin de E. Friant - 1916).
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Une de plus ?
Elle avait attiré le Kodak de Patrick Audousset lors d'un rallye des années 60/70, mais son pilote était-il Français ? On pourrait en douter au vu de son état peu soigné, mais compatible avec un parcours sous la pluie ou pire. Plus intrigante est son immatriculation visible sur le "nez de cochon" et qui, en France n'était plus obligatoire à l'avant des motos. Si quelqu'un en sait plus sur cette Vincent à l'habillage "personnalisé".
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AVIS AUX AMATEURS : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).
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Si le monde des ventes aux enchères est un monde "glauque" comme cause les jeunes couches, il semble que celui des enchères autour de la moto le soit encore plus, glauque. Cependant, de temps en temps, il fait sortir de l'inconnu (enfin, du peu connu) des machines qui, sans la monnaie qu'elles re présentent éventuellement, ne seraient jamais sorties de leur "grange". C'est pourquoi la maison anglaise Bonhams s'offre le Grand Palais parisien pour présenter aux enchères deux à trois cents véhicules à pneumatiques dont quelques motos. En février, deux d'entre elles valaient le détour pour nouzôtres : une Clément demi-française (le moteur est un M.A.G., le changement de vitesse est de chez Enfield), y côtoyait une René Gillet, française à 99 %.
Sans courir les rues, les Clément sont assez connues chez nous, ce qui n'est pas le cas des René Gillet surtout anciennes. Sentant le terrain mouvant pour présenter cette dernière, FMD alias Moto-collection.org m'a chargé de cette mission. Le précédent article sur la Coupe 1906 du M.C.F. m'ayant mis en condition, les photos, catalogues, revues, etc, sur René Gillet étaient encore "en attente de rangement". Je n'avais donc qu'à me baisser pour en extraire "la substantifique moëlle" afin de vous la transmettre.
D'abord une réflexion à propos du prix auquel cette moto s'est vendue : 16 100 €. Certes, c'est une somme, mais finalement assez peu pour une machine plus que centenaire et rare en ventes. Tous les jours vous croisez des machines de ce prix et même bien plus. On en trouve chez tous les constructeurs, depuis la Harley Low Rider jusqu'à la Yamaha FJR 1300 en passant par les BMW, Kawa, Guzzi, etc, cataloguées autour des 16 000 €. Des machines qui, sauf exceptions, ne verront pas leur valeur augmenter au fil des années, au contraire. Alors qu'une René Gillet...
Pour comparaison, voici la machine (ci-dessous) qui se rapproche le plus de la R.G.-Bonhams. Cette photo de 1911 représente Meuriot, chambre à air en sautoir, à son arrivée du Circuit d'Automne de Melun. Le premier en catégorie 500 était Dubost sur une autre René Gillet. La marque remportait aussi la catégorie "illimitée" avec Faÿ sur une 1000 cm3.
Donc "petit prix", relatif j'insiste, sauf que... Aux enchères, l'objet est vendu "en l'état", c'est la règle. Mais ce qu'on ne sait pas s'agissant d'une mécanique, c'est "l'état" de ce qu'il y a dedans. Un moteur non bloqué, c'est déjà un point, mais dans le cas qui nous intéresse, si ce qu'il y a dans le moteur est important, le réservoir l'est encore plus. On voit que les pipes d'admission en tubes flexibles (étanchéifiées au sparadrap ?) sont alimentées par un tube qui remonte dans le réservoir. Celui-ci reçoit l'essence avec, à part vers l'avant l'huile et sa pompe, plus une cavité pour la magnéto. Mais dans sa partie essence, il contient le carburateur spécifique aux René Gillet et à elles seules.
COMMENT ÇA MARCHE
La seule personne qui ait jamais pu répondre à cette question est le regretté Christian Christophe, collaborateur occasionnel de Moto Revue où il signait Ch2. Dans les années 50, il s'était rendu en Allemagne, son pays de naissance, à un rallye de motos anciennes organisé à Neckarsulm, berceau de N.S.U. Il y avait remporté le premier prix au guidon d'une René Gillet de 1907 sortie du bric-à-brac du motoriste et side-cariste Roger Sceaux, en compagnie d'une Indian de la guerre. Bien plus tard, à l'occasion d'un déjeuner chez Pierre Ducloux dans les années 80, j'avais demandé à Ch2 de nous expliquer le fonctionnement de ce fameux carburateur René Gillet. Aussitôt, il
avait pris un papier et un crayon pour dessiner le croquis ci-dessus d'un moteur monocylindre. Comme il avait tendance à nommer les pièces en allemand, lorsque le mot français lui échappait, j'ai pas vraiment tout compris.UN ANCIEN À LA RESCOUSSE : UN PEU PLUS DE CLARTÉ
Heureusement, j'ai retrouvé dans la revue Motocycles le récit de Paul Niederman qui avait aidé Ch2 à remettre en état la machine. Il avait pris des photos au cours du démontage des pièces, y compris celles constituant le carburateur dont il expliquait le fonctionnement : imaginez un long tunnel à l'intérieur du réservoir avec une extrémité débouchant à l'air libre à côté de la selle. À l'autre extrémité se trouve le conduit qui mène à la soupape d'admission automatique. Côté "air libre", une tulipe en laiton léger repose sur une cuve-boisseau qui se remplit d'une certaine quantité d'essence. Sous l'effet de l'aspiration de la soupape automatique, la tulipe se soulève et un peu d'essence est aspirée, formant une pulvérisation qui pénètre dans le cylindre.
Aucun autre réglage n'est possible, excepté le poids de la tulipe et la tension du ressort qui la maintient en place. Le régime du moteur ne se commande qu'avec le point d'allumage. Cependant, Paul Niederman avouait ne pas comprendre comment était calculée la quantité d'essence de façon précise, mais, ajoutait-il "Il est certain que ce système fonctionne". Même si, par ailleurs "Le ralenti de cette René Gillet laissait non seulement à désirer, mais il était inexistant". J'espère ne pas avoir trahi les explications de l'époque, mais si quelqu'un peut en parler avec plus de précision, le micro lui est ouvert !
La même offre s'adresse à qui va remettre en état cette René Gillet - Bonhams qui, vu son grand âge et son intérêt historique mérite des soins attentifs. Pour se rapprocher de l'état "d'origine", il faudrait aussi trouver de quoi remplacer le support de la magnéto. Le modèle coulé sera à copier (ou à chiner) pour remplacer celui qui est visiblement taillé dans la masse, ce que ne cache pas la photo du catalogue Bonhams (ci-dessous à gauche).
Pour modèle, l'une des photos faites par Paul Niederman (à droite) de la machine qu'il a datée de 1907. Enfin une autre photo, ci-dessous, plus récente (par FAJ, merci à lui) lève toute ambiguité sur le montage bien particulier de cette magnéto. Ce moteur, vu sur une bourse, devrait prochainement trouver sa place dans une machine reconstruite. La magnéto est ici une britannique Ruthardt, marque favorite de René Gillet, mais on sait quil était disposé à construire toute machine selon les goûts du client...
... dans son atelier de la villa Collet dont l'exiguïté apparait grâce à cette photo unique et d'autant plus émouvante (ci-dessous). On ne sait malheureusement rien du cyclecar présent qui n'a rien à voir, évidemment avec la voiture proposée dans le catalogue R.G. de 1907/08. Laquelle n'était qu'un châssis sur roues, sans pneus selon la pratique de l'époque. Aucun détail n'est fourni sur l'origine du moteur qui l'équipait, un 2 ou 4 cylindres fourni par un autre motoriste car il est peu probable que la villa Collet ait permis de construire autre chose qu'une moto dont la finition et la mise au point, selon des témoignages de clients, se faisaient souvent sur le trottoir.
La moto présente des caractéristiques intéressantes, mélange de suppléments (options en français du présent siècle) dont le plus visible est le réservoir rond. L'allumage s'effectue par une magnéto entrainée par chaîne et logée à la place du pédalier. Les pédales fixées sur le cadre servent de repose-pieds. Une disposition générale qui implique un démarrage à la poussette. Enfin, si la courroie plate est de rigueur, le carburateur R.G. est remplacé par un modèle plus classique. Autre troublante modification portant sur la partie-cycle avec ce cadre en simple berceau alors que sur toutes les R.G. de série on trouve un berceau interrompu, le carter-moteur formant entretoise. Sans que ce soit un élément déterminant, le guidon large et bas pourrait compléter une machines très spéciale. Peut-être destinée à la course de vitesse ?
La politique sportive de la maison est pourtant de courir avec des machines quasiment de série. Qu'elles soient pilotées par des proches de Monsieur René (Dubost, Meuriot, Ruby, Bloch) ou des clients anonymes mais passionnés, elles semblent sorties du catalogue. Elles présentent aussi les modifications mécaniques comme le remplacement du carburateur-maison qui est néanmoins resté en option durant plusieurs années. La magnéto dans le réservoir figure ici sur la machine de Bloch (ci-dessus) qui finira 5 ème du G.P. de Fontainebleau en 1913, et aussi sur celle de...
... Claudet (ou Plaudet), 6 ème lors de la même épreuve qu'il courra avec "armes et bagages", y compris la sacoche à outils esseulée en bout de porte-bagages. La fourche est une type Druid supportant un garde-boue du plus pur style "touriste". Le restaurateur d'aujourd'hui aura noté que toutes ces machines exhibent un réservoir nickelé... À noter également le dessin du pédalier en 6 ovales réguliers, marque de fabrique du constructeur qui peut aider à l'identification d'une pièce trouvée en brocante.
RIEN QUE POUR ME FAIRE ENRAGER...
... alors que j'ai commencé cet article en disant que les René Gillet n'encombraient pas le marché, une bonne âme m'envoie ces deux photos pêchées il n'y a guère sur le fameux site Le Bon Coin. Machine assez complète quoique largement modifiée par l'appoint d'une boîte à vitesse. Sauf mise en scène toujours possible, c'est une vraie "sortie de grange" avec ses fétus de paille accrochés aux poignées. Ce qui, au passage permet de détruire une légende selon laquelle René Gillet aurait "inventé" la poignée tournante, entre autres innovations comme le sidecar ou la selle surbaissée...
... la "saignée" que l'on distingue aux extrémités du guidon permet le déplacement d'un ergot se déplaçant dans une rampe hélicoïdale pratiquée dans un tube sur le guidon et protégé par une poignée souvent en corne. Le système servait de coupe-circuit.
Une belle illustration extraite d'un livre pour enfants (Éditions Coq d'or).
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Lorsque dans "Marius" l'immortel film de Marcel Pagnol, le héros Pierre Fresnay-Marius annonce à Raimu, son père, qu'il va partir en mission océanographique pour "mesurer le fond de la mer", il s'entend répondre : "Quand ça deviendra trop profond, laisse un peu mesurer les autres". C'est à peu près ce qu'à dû se dire le FMD de Moto-collection.org qui m'a refilé le "bébé à mesurer" sous forme des deux photographies ci-après représentant des personnages inconnus autour de machines inconnues dans un lieu inconnu.
Enfants et curieux habillés "en dimanche" témoignent de l'importance de l'événement.
Rien n'accompagne ces photos négociées en brocante, sauf la mention : "Circuit de la Sarthe 1906". Début de piste plausible, vu l'origine du vendeur. Sauf qu'une recherche dans les revues de l'époque ne donne rien sur la Sarthe ou encore Le Mans, lieu d'épreuves motocyclistes encore à venir. Pourtant le décor pouvait passer pour celui d'une campagne française, une cour de ferme aux bâtiments couverts d'ardoises (en fait, plutôt de lauzes). Mais rien de plus pour localiser ce "paddock" destiné à la mise au point de trois machines identiques dont deux sans leur moteur. L'épreuve sportive nécessitant une telle installation était assez importante pour avoir justifié la présence sur place d'au moins deux photographes. L'un ayant pris cette photo et l'autre, au premier plan, en plein travail avec son appareil à plaques (non, ce n'est pas une tablette tactile).
Sous l'œil de son pilote, poinçonnage de certaines pièces d'une machine par un commissaire après dépose de la machine "pesée" grâce à la balance romaine dont on distingue la chaîne d'attache au-dessus des spectateurs (d'où le terme "pesage" qui qualifiera les opérations de vérification).
L'autre photo allait se révéler plus "parlante". À l'agrandissement on distingue sur le carter-moteur deux lettres "E" et "T" venues de fonderies. Deux lettres qui terminent le nom de deux marques de moteurs : BuchET et René GillET. Toutes deux également vraisemblables, sauf que Buchet était, comme on sait, très spécialisé dans les moteurs culbutés, ce que ce moteur n'est pas (Sauf erreur, RochET n'a pas construit ses moteurs). Restait donc l'hypothèse René Gillet vite confirmée par la largeur des poulies, au moteur comme à la jante arrière, destinées à recevoir une courroie plate. En effet, Monsieur René refusait les avantages de la courroie trapézoïdale (solide mais sensible à l'allongement), préférant la souplesse de la plate, glissant éventuellement sous l'effort. Une vérification avec des catalogues d'époque s'imposait alors et, BINGO ! enfin une première confirmation : on est bien en présence de machines du modeste constructeur qui allait devenir un jour le "Doyen de Montrouge".
Sur cette photo de catalogue on suppose que cette machine est équipée d'un allumage par magnéto située dans l'autre face du réservoir, côté droit. Cependant le boitier métallique visible au flanc gauche est un mystère. Selon la documentation R.G., lorsque l'allumage se fait par "accumulateurs", une sacoche devant le guidon était destinée à recevoir ces éléments.
Pour l'heure, René Gillet encore installé dans la Villa Collet, en réalité une impasse du XVè arrondissement de Paris. D'après ses catalogues non millésimés mais néanmoins datables de 1905 à 1907, il proposait plusieurs machines, tricar, tandem, motos monocylindres et bicylindres, toutes à soupape(s) automatique(s). Parmi elles, trois "Types de Course" de 7, 8 et 9 chevaux, soit des cylindrées de 1000 cm3, 1150 cm3 et 1275 cm3. Monté d'origine sur ces "Types", le réservoir cylindrique était un supplément facturé 35 F pour les autres machines. Ce réservoir se retrouve sur les machines de nos deux photos.
Celles-ci étant identifiées, à un ou deux ans près, restait à confirmer le lieu et la date de ces scènes. C'est alors que dans un véritable "flash", me sont revenues des photos trouvées sur un site tchèque et qui avaient fait le sujet d'un article dans une de mes vies antérieures sur overblog. Des photos de la Coupe Internationale du Motocycle Club de France dont la troisième et dernière édition s'est disputée en Autriche et en... 1906 (voir sur Overblog du 17 janvier 2013).
La confirmation était apportée par la photo ci-dessous du site tchèque avec les mêmes personnages figurant sur la grande photo de Moto-Collection.org et quasiment sous le même angle !
Assis sur une chaise devant sa machine désossée, le pilote Lalanne semble attendre le verdict des mécaniciens qui s'affairent autour du moteur sur la table d'opérations à gauche. C'est peut-être lui qui figure aussi, haute taille et mains sur les hanches, dans la photo du pesage ci-avant.
Un document extrêmement rare d'une René Gillet de course, avec Tavenaux ici au départ de cette Coupe 1906 (Photo www.motocrosspacov.cz). Sont bien visibles la courroie plate et la sacoche de guidon contenant les accus, tandis qu'au flanc du réservoir est accrochée ce qui serait une trousse à outils. Le dossard à numéro est devenu un "cuissard", curiosité spécifique à cette Coupe autrichienne.
En 1905, les René Gillet étaient absentes de la deuxième Coupe organisée par le Motocycle Club de France. Lalanne et Fauvet qui les pilotaient n'avaient pu franchir le cap des Éliminatoires. La victoire dans cette Coupe étant revenue à la Laurin-Klement de Wondrick, pilote austro-hongrois, c'est l'Autriche qui organisait donc celle de 1906, le 3 juin.
Le M.C.F. décida soudain de ne pas participer à l'épreuve bien qu'il ait été à l'origine de cette confrontation internationale (!). De leur côté, les constructeurs français de renom n'ayant nulle envie de se frotter à la concurrence étrangère, attitude déplorable qui ne pouvait être que préjudiciable à notre industrie, René Gillet à lui tout seul décida d'affronter les Autrichiens chez eux, dans l'Empire même de François-Joseph. N'oublions pas que, né en 1877, René Gillet fut élevé comme des millions de Français dans le souvenir de la perte de l'Alsace-Lorraine en 1871, une blessure qui persistera jusqu'à la Première guerre, entretenue pas la célèbre phrase de Gambetta : "Y penser toujours, n'en parler jamais".
Au passage, il faut aussi noter que René Gillet n'était pas membre de la Chambre Syndicale du Cycle et de l'Automobile qui réunissait 225 adhérents. À côté des Gentil (Alcyon), Peugeot, Terrot, certains autres, tels Andru, Bernasse ou Coudert présentaient pourtant une modeste "surface" commerciale comparable à celle de René Gillet. De là à en déduire que ce dernier était en froid avec cette Chambre Syndicale... et que son engagement symbolique "seul contre tous" avait valeur de défi envers elle... Alors, un rebelle ce René Gillet ?
Son geste patriotique avait en tout cas une fière allure et la déception qui s'ensuivit fut d'autant plus grande. Car de nos trois hommes, aucun ne devait terminer cette course sur quatre tours de 62,500 km. Tous furent éliminés sur des chutes qu'on a expliquées par l'état déplorable des routes locales, sans comparaison avec celles utilisées en France pour de telles compétitions. En Bohème, Lalanne se brisa une rotule, Tavenaux y laissa une roue et Fauvet abandonna, trop atteint lui aussi dans une chute.
Plaque commémorative de la Coupe 1906 disputée à Pacov (Patzau) en Bohème.
Les deux derniers nommés auront plus de chance dans la seconde grande épreuve de vitesse sur route de l'année, mais toujours à l'étranger : le Circuit des Ardennes disputé le 9 septembre. Durant les 225 km de l'épreuve, les Griffon se livreront à un festival dans la catégorie des moins de 50 kilos, remportant les trois premières place avec Giuppone, Cissac et Demeester dans cet ordre. Cependant les René Gillet n'ont pas démérité. Prévôt terminait à une poignée de minutes derrière Demeester, se payant le luxe de battre un Anzani, jamais à l'aise, comme d'habitude, en dehors d'une piste de vélodrome. Il précédait de 9 minutes la René Gillet de Fauvet (une autre source place Tavenaux en 5ème position derrière Prévôt).
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Votre fibre artistique a l'air d'avoir apprécié la dernière partie de l'article Piero Taruffi sur le futurisme italien. Voici donc un complément sur le sujet avec des documents gardés depuis des années, sans penser que j'aurais un jour la possibilité de les republier. Republier car, évidemment, tout ceci existe grâce au ouèbe. (merci à J. Vivant pour le titre)
Pour des artistes qui allaient révolutionner le monde de la peinture, la littérature, la poésie, la gastronomie (!), etc, les membres du mouvement futuriste avaient plutôt l'air de braves bourgeois. Au centre, l'auteur du "Manifeste Futuriste", le poète-écrivain Filippo Tommaso Marinetti dont le texte sera publié en première mondiale par la quotidien parisien Le Figaro en 1912. Aucun journal italien n'avait accepté de faire connaître un texte aussi explosif. Il s'est dit, en Italie, que l'un des membres du groupe avait su capter l'intérêt de la fille d'un des riches actionnaires du Figaro, lequel à son tour sut se faire entendre par le directeur du journal. (se non e vero...). Une autre version de l'histoire est rapportée par Le Figaro lui-même dans un article consacré au centenaire du futurisme : "Marinetti s'est rendu à Paris pour obtenir cette publication grâce à Mohammed el-Rachi, actionnaire du journal et vieil ami de son père, l'avocat Ettore Marinetti."
Giacomo Balla (photo ci-avant, avec une canne) dessina les projets d'une mode vestimentaire "anti-neutre" car, proclamait-il : "Le vêtement moderne doit proscrire les couleurs fades et glauques ainsi que la symétrie. Il doit suggérer l'émotion et l'action par son caractère agressif, agile et dynamique". Balla utilise donc les cercles, les triangles, les spirales, les cônes, avec des boutonnages asymétriques, etc. Des idées que l'on retrouvera plus tard dans la mode, surtout féminine...
... comme ci-dessus chez un spécialiste du prêt-à-porter (chinois ?) qui sévit sur la Toile à l'enseigne de Sammydress avec des modèles bien plus ébouriffants et à des prix canon ! Cependant, méfiance, allez voir le blog d'Emma sur Youtube avant d'acheter quoi que ce soit (sammydress.com à vos risques et périls...emma04044). Vous aurez le délicieux accent québécois d'Emma en prime.
Les premières réunions publiques destinées à faire connaître le futurisme se déroulèrent au milieu de certaines difficultés. La preuve avec cette œuvre (1911) du peintre Umberto Boccioni, lui-même membre du mouvement et qui était donc bien placé pour témoigner des faits, quoique de façon plus comique que tragique.
Suivez le guide pour la suite de la visite qui commence avec une déjà vieille connaissance, Fortunato Depero, qui a signé cette "Motofutura" en 1922 .
Au passage, on remarquera que dans toutes ces peintures et tous artistes confondus, les motos se dirigent toutes vers la gauche. Un psychologue nous en donnera-t-il la raison ?
Dans l'article précédent, la reproduction de ce tableau de Mario Sironi était tout juste passable. En voici une autre de meilleure qualité.
Fortunato Depero a beaucoup travaillé dans la publicité tous azimuts. De ses œuvres, il reste encore aujourd'hui dans l'environnement des Italiens cette bouteille d'apéritif qu'il a dessinée en 1932.
"Rumore di moto" par Giacomo Balla - 1913
Costumes de théâtre créés par Fortunto Depero pour une pièce de 1924
"Motociclista" par Mario Guido dal Monte - Années 20
Motocycliste ou cycliste ? : "Étude" par Gerardo Dottori (1884 - 1977) - Il a commis dans les années fascistes de nombreux portraits à la gloire du Duce.
"Luxure - Vitesse", tout un programme de Filippo Tommaso Marinetti dans un livre illustré en couverture par Achile Puni.
Pourtant, dans son "Manifeste", le Futurisme s'élevait contre l'art classique et l'antiquité riches en représentations du corps humain, déclarant "Nous exigeons, pour dix ans, la suppression totale du nu en peinture !". Carlo Carrá brava l'interdiction en 1912, signant ce "Simultanéité - Femme au balcon" dont la technique va par la suite le rapprocher fortement des cubistes.
Jusque dans les années 60, le Futurisme jette encore quelques éclats qu'un Ivo Pannagi illustre avec cet "Enlèvement d'Europe". Selon "Les Métamorphoses" d'Ovide, c'est sous l'apparence d'un taureau que Zeus enleva la jeune Europe...
Pour Giacomo Balla, l'expression de la vitesse peut s'appliquer à (presque) tous les sujets, qu'il s'agisse de la rapide motocyclette...
... ou du banal chien-chien marchant dans la rue, surtout lorsque c'est un teckel !
"Il motociclista solo" par Ugo Giannatasio.
"Sans titre", du même artiste.
Toujours du prolifique Fortunato Depero - Probablement une étude pour la toile de 1922 qui figure au début de cet article ?
Signature illisible, peintre non répertorié, dommage...
Mario Sironi - 1920
Le style caractéristique de Fortunato Depero sur la couverture d'une revue sportive de 1927. On le demandera jusqu'aux États-Unis pour illustrer des couvertures de revues de luxe dont le snobissime Vanity Fair.
Bien que peu impliqué dans la mouvance futuriste, Pio Pullini montre néanmoins ses influences dans cette œuvre à la gloire des sinistres "Chemises noires" du régime mussolinien. L'artiste est très connu pour ses peintures de la vie des Italiens, réalisées clandestinement sous l'occupation allemande à la fin du fascisme.
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"Les Italiens sont appelés ainsi parce qu'ils gesticulent en mangeant des nouilles". Ainsi débutait le texte que le regretté Pierre Desproges consacrait à nos voisins dans son irrésistible ouvrage "Les étrangers sont nuls". Texte qui se concluait par "En résumé, on peut dire que l'Italie est un peu moins bien que la France. Sauf le cinéma italien qui va plus au fond des problèmes que le cinéma marocain, par exemple". Ce qui n'a rien à voir avec notre propos, mais je vous en ai mis une tranche supplémentaire pour vous inciter à acheter le livre cité plus avant (Éditions "Points - Poche).
Donc l'Italien gesticule, ce qui est une façon exagérée de définir son activité qui a effectivement à voir avec la vitesse. Jusque dans les arts qui ont vu naître un peu avant la Première guerre un mouvement qui allait enflammer les imaginations dans toute l'Europe : le futurisme. Dans son programme ,"Il manifesto del Futurismo" élaboré par le poète Marinetti, on oppose "vitesse, énergie, compétition" aux vieilles lunes esthétiques en vigueur comme la littérature raffinée d'un Gabriele d'Annunzio, la majestueuse statuaire antique, la poésie symboliste, etc. Dans ce Manifeste publié par Le Figaro (!) en 1909, on trouve des formules percutantes avec cette phrase "scandaleuse" destinée aux "vielles barbes" de la critique artistique : "Une automobile rugissante qui a l'air de courir sur de la mitraille est beaucoup plus belle que La Victoire de Samothrace" ! De fait, la vitesse est une inspiration récurrente des peintres futuristes et plus largement le déplacement de la motocyclette à travers l'espace qui va inspirer plusieurs dizaines d'artistes.
Achile Funi (1890-1972) "Motociclista e casa" 1914. Cette œuvre est utilisée en couverture d'un livre de Marinetti "Lussuria Velocita".
Au lendemain de la Première guerre, le Futurisme dérive lentement et accompagne le régime fasciste mussolinien qui s'impose en Italie au début des années 20 et dont il s'accommode sans problème . Il a perdu du terrain devant des mouvements naissant : cubisme, dadaïsme, surréalisme. En peinture, la moto reste néanmoins un bon sujet d'autant que le Duce saisit la moindre occasion de se présenter aux foules sur une machine de marque italienne, ce qui ne manque pas à l'époque.
La moto présentée comme un symbole de puissance, de jeunesse, de dynamisme a, curieusement, eu souvent la faveur de dictateurs ou dirigeants autoritaires. C'est aujourd'hui Vladimir Poutine qui parade à la tête de ses sulfureux amis du club des "Loups gris". Il imite l'Argentin Juan Peron que l'on vit sur une Gilera, une N.S.U. Max, une Velocette. Le Shah d'Iran ou le roi Hussein de Jordanie n'ont pas hésité eux aussi à se faire photographier de manière avantageuse sur une M.V. 4 pour le premier, sur une 90S et une Harley pour le jordanien. En son temps, le roi Juan Carlos posa son royal fessier espagnol sur une Bultaco. Mussolini avait été un précurseur !
Mussolini, Poutine, Peron : tout pour séduire le peuple. On remarque que le plus contemporain est aussi le plus prudent, sa machine est un... trike Harley.
Le mouvement futurisme reprend de la vigueur au début des années 30. C'est l'occasion de revoir en peinture la moto italienne. Celle-ci va entamer à distance un mano-a-mano avec la machine allemande de l'allié excécré et rival mais indispensable à Mussolini désireux d'avoir le soutien d'Hitler dans ses visées sur l'Éthiopie qu'il veut ajouter à "sa" Libye. Les deux dictateurs se singent à tour de rôle, l'un remet en usage le "ave" des Romains quand l'autre invente le "heil Hitler". La Wehrmacht se met au pas de l'oie tandis que lors de ses déplacements le Duce entraîne ses collaborateurs derrière lui au pas de course. Ces scènes ou d'autres ne manqueront pas d'inspirer un certain Charlie Chaplin...
Napaloni (Jack Oakie)et Hynkel (Chaplin) se jaugent >
Moins visible mais bien réel, un autre genre d'affrontement va se dérouler dans le sport motocycliste. Plus particulièrement dans les records dont celui prestigieux de la vitesse maximum sur le kilomètre. En Grands Prix la moto anglaise exerce une domination rarement mise en échec, grâce aussi à ses pilotes de grande classe. La chasse aux records demande peut-être plus de courage mais nécessite moins de qualités de pilotage. Elle permet surtout d'obtenir des résultats plus faciles à exploiter auprès d'un public non-connaisseur. C'est un domaine où s'affrontent dans plusieurs catégories les allemandes B.M.W., N.S.U. et D.K.W. quelques épisodiques F.N. belges contre les italiennes Guzzi et une 500 qui n'est pas encore Gilera. L'Angleterre joue les jokers grâce à son indestructible bicylindre JAP, mais après 1929 fascistes et nazis restent face à face.
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Outre son arbre de commande de l'ACT situé devant les cylindres, le moteur de la G.R.B. (à gauche) se signalait par quelques originalités dont un plan de joint à 45° du carter-moteur. Disposition retenue sur la deuxième version (à droite), mais avec une commande du double ACT par cascade de pignons. La culasse est refroidie par eau et la culbuterie se trouve totalement enfermée.
Depuis 1923, l'Italie possède une machine à la technique rare mais dont le mise au point s'avère aussi longue que délicate. Née G.R.B. des noms de ses deux concepteurs et d'un mécène venu de l'aéronautique (Gianini, Remor et Bonmartini) , elle devient ensuite OPRA (Officine di Precisione Romane Autoveicoli), puis CNA (Compania Nazionale Aeronautica). Durant ces pérégrinations, elle a conservé son bloc-moteur 4 cylindres transversaux à distribution par ACT, d'abord simple puis double. Développant 26 ch à l'origine, elle monte en puissance grâce à un refroidissement liquide de la culasse. Cependant elle reste fragile, et elle est abandonnée lorsque Bonmartini arrive à la tête de la CNA.
Sur la OPRA double ACT, un petit radiateur est logé dans l'avant du réservoir qui montre quelques trous-trous censés améliorer le refroidissement. Le freinage, qui sera plus tard l'un des gros progrès apportés par la moto italienne (diamètre et matériau léger) n'est assuré ici que par des patins sur poulies (!) aux deux roues. Échappement 4 en 2, comme sur la future Rondine. Cadre classique en tube.
Sitôt en poste, Bonmartini fait mettre en chantier une toute nouvelle 4 cylindres dont la conception-réalisation revient à Gianini et Piero Taruffi, jeune ingénieur et pilote qui a déjà eu l'occasion de tester la défunte OPRA (avec crevaison à 170 km/h !). Sur leur nouvelle 500 aux cylindres inclinés de 60° sur l'avant, ils utilisent la potion magique de l'époque : le compresseur qui permet d'atteindre les 60 ch ! Baptisée Rondine (L'Hirondelle) la nouvelle-née se signale surtout dans des compétitions intra-italiennes. Jusqu'en Libye où Taruffi et son coéquipier Rossetti prennent les deux premières places du GP de Tripoli en 1935 (circuit de Mellaha), mais sans grande concurrence internationale. La machine la plus dangereuse pour eux était la Guzzi compresseur bicylindre à 120° pilotée par Omobono Tenni qui fut éliminée sur rupture de chaîne. Il avait réalisé le meilleur tour du très rapide circuit libyen en 4' 25'' contre 4' 39'' 1/5 à Taruffi...
Les Rondine n° 3 (Rossetti) et n° 9 (Taruffi) du GP de Tripoli étaient munies d'un carénage qui ne sera plus vu par la suite. Il était très proche de celui qu'on allait connaître sur les machines de Grand Prix une grande décennie plus tard.
La nouvelle version de la Rondine signée Gianini-Taruffi montre une partie-cycle radicalement différente de la précédente. Cadre et fourche sont en acier embouti mais il n'y a toujours pas de suspension arrière.
Sous l'œil du comte Bonmartini (à g. en noir) administrateur de la CNA, le Duce lui-même examine la Rondine, entouré de ses généraux abondamment médaillés.
Témoignages d'une machine en perpétuelle évolution, les perforations dans l'avant du cadre de la Rondine étaient destinées à apporter un courant d'air direct sur le radiateur installé juste sous la colonne de direction (Taruffi aux essais).
Taruffi va se consacrer de plus en plus au développement de la Rondine qu'il a suivie en 1935 lorsque la CNA est passée sous le contrôle de l'avionneur Caproni. Lequel s'est empressé de se débarrasser de la Rondine en cédant à Gilera les six machines existantes avec plans de construction et pièces détachées. Il s'est dit que l'affaire aurait été proposée à Gnome-Rhône, mais aucune preuve de ce fait n'existe à ce jour. À partir de 1937, ce sont donc les Giordano Aldrighetti, Dorino Serafini, Francesco Lama qui écrivent le palmarès de la Gilera 4 cylindres. Surtout dans le championnat italien et un peu à l'étranger grâce à Serafini qui devient Champion d'Europe 1939 avec trois victoires dans les Grands Prix de Suède, d'Allemagne et à l'Ulster. Maigres résultats, néanmoins, pour trois saisons de compétitions.
La Gilera a pourtant reçu de profondes modifications car depuis longtemps, Taruffi est obsédé par le record de vitesse absolue détenu alors depuis 1932 par la BMW de Henne avec 227,760 km/h en 500 et 246,069 en 750. Employant un carénage presque intégral qui ne laisse visible que le torse du pilote et à peine ses jambes, Taruffi se lance le 19 novembre 1935 sur l'autoroute de Firenze. Avec un premier passage à 246 km/h puis un retour à 242, il établit ainsi le record à la moyenne de 244,482 km/h, suffisant pour battre la BMW en 500, même de peu.
C'est encore sous les couleurs de Caproni-CNA qu'est exposée au Salon italien de la moto la Rondine du record mondial avec son pilote. Son étonnant carénage avait été tout naturellemnt mis au point grâce à la soufflerie de Caproni.
Jusqu'à la veille de la Seconde guerre mondiale, Taruffi va poursuivre ses tentatives afin d'établir de façon "impériale" la suprématie de la Gilera 4. Ce sera chose faite, mais plus tard et dans un autre domaine que les records de vitesse.
(À suivre)
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Dire que la moto a inspiré les peintres futuristes (et au delà) n'est pas de la parole verbale. Ci-après quelques exemples de ces œuvres.
Achille Funi - 1914
Gerardo Dottori - 1914
Mario Biazzi - 1919
Fortunato Depero - 1916/1927
Mario Sironi - 1924
Roberto Baldassari
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N'ayant pas pu photographier le Canal Saint-Martin durant sa vidange pour nettoyage, j'ignore si cette année la récolte de détritus et ferrailles diverses comprenait quelques motos. Oui probablement, comme ce fut naguère le cas lors de la même opération en 2012 sur ce canal et celui de Saint-Denis qui le prolonge au nord (voir article du 4 mars 2012 sur http://zhumoriste.over-blog.com/).
En piqûres de rappel, pour se faire du mal, deux photos du reportage de 2012 en question qui a ému nombre d'entre vous, et on peut les comprendre.
Cependant ce genre de spectacle n'est pas une spécialité hexagonale et d'autres pays peuvent offir le même désolant spectacle. Ainsi du Rosbifland riche en estuaires de rivières, de ports et de digues propices à la "noyade" de deux-roues...
... que la mer révèle en se retirant à marée basse (Photo Kenjonbro).
Celui-ci n'est pas allé très loin, balancé directement depuis le bord d'un quai. Si cette pratique remonte aux belles années de la moto anglaise, il doit y avoir des trésors tout au long des côtes. Moins sûr, car avec l'eau de mer... (Photo Kenjonbro, comme la suivante).
À propos de moto anglaise, il doit y avoir quelques nostalgiques qui essuient une 'tite larme en voyant aujourd'hui leur policiers sur des tris Piaggio. Nouz'otes, Français on est malins et on a des Béhêmes pour faire le même boulot. C'est vrai que ça a une autre gueule, surtout lorsqu'ils escortent, en nuée "toutes sirènes hurlantes", un cortège de grossiums * en limousines noires aux vitres teintées. Au passage, on signale que ces vitres seront bientôt interdites, au grand soulagement du motard lambda. Désormais on pourra voir la tronche de l'automobiliste, s'il téléphone, s'il tourne la tête de l'autre côté, bref s'il nous a vu. Enfin, faut pas trop rêver, le contrevenant accro aux vitres noires encourt une amende de 135 €, autrement dit une misère pour cette catégorie "sociale" d'usagers...
* Prononcer avec l'accent de notre regretté camarade Jacques Duclos
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BARBIE BIKEUSE !
Il ne vous a pas échappé que la "Barbie™ Nouvelle" est arrivée ! Plus ronde, grande, petite, en souliers plats ou escarpins, etc, elle devrait coller un peu plus à la morphologie réelle des femmes d'aujourd'hui. Le choix s'est donc élargi, bien que déjà riche d'environ 240 modèles (!) différents. Il existe aussi depuis longtemps une Barbie™ motarde mais elle ne semble pas figurer dans la liste des 240 pré-cités. On la trouve sur le vouèbe, disponible sous plusieurs emballages (pardon boxes) plastiques et accolé au logo Harley-Davidson avec photo de la 1200 Sportster, donc une promotion commune. Cette proximité a donné des idées à des "plasticiens" qui créent des "motoramas" mettant en situation l'idole des gamines (ci-dessus), mais peut-être pas avec les affûtiaux - bas résille - de la collection Barbie™ (la maquette Harley n'est pas fournie).
Dernier (?) modèle présenté pour 2016, assez cher mais on trouve d'anciennes Barbie bikeuses en occasion pour quelques dizaines de dollars. Et comme le costume n'a pas beaucoup évolué...
Poussant le bouchon plus loin, la photographe pop-surréaliste Dina Goldstein a réalisé une série d'une douzaine de photos sous le titre "Dollhouse" (Maison de poupée). Sauf que ses "poupées" à elle sont une Barbie™ et un Ken™ grandeur nature, habilement maquillés et posant tels des mannequins de vitrine. Les deux personnages sont présentés dans des situations de la vie courante où chacun pourrait se reconnaître... "Vie courante", c'est peut-être vite dit, à moins que votre Ken à vous, comme celui de Dina Goldstein, se rase les poils des jambes dans sa baignoire !
Pour que la collection "deux-roues" soit tout à fait complète, il faut y ajouter le scooter de Barbie™ ainsi que l'ensemble curieusement baptisé "moto sidecar". Le side doit être destiné au chien car Ken™ n'y tiendrait pas.
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UN VINTAGE, UN VRAI !
Le vintage, néo-vintage, trackster, scrambler, newtimer, bobber ravage de plus en plus le petit monde motocycliste parisien à grand renfort de pneus cross, garde-boue sciés, bandes velpeau aux tubes d'échappements (passées à la peinture alu pour fourneaux), moteur bombé en noir mat et plus si... Une autre tendance est en train de prendre des tours, identique dans les grandes lignes mais appliquée aux 125 et moins. Les clones chino-coréo-taïwanais se prêtent bien à ces singeries. Malheureusement, il faut tout de mettre des sous dans une moto neuve qui une fois transformée vintage le restera. Or, lors d'une éventuelle revente et lorsque la mode (car c'est une mode) aura défuncté (c'est le destin d'une mode, mon p'tit gars, souviens-toi de l'époque des rat's) on risque de se retrouver avec sur les bras un truc invendable. Problème identique s'agissant d'une grosse cylindrée...
Le plus raisonnable, c'est de trouver une vraie vieille machine, limite épave, que vous payerez 3-balles-10-ronds. Vous allez pouvoir lui faire subir les pires sévices, y compris les "Cinquantes nuances de Grey" , ouvrage qui peut servir de manuel (wouaf !..) de l'utilisateur. Exemple avec ce 90 Honda vu sur un boulevard parisien, attaché à une grille par de grosses menottes (en acier, sans fourrure...). Nul besoin de coûteux accessoires en kit pour en faire une machine à la mode. À part un feu rouge "tomate" et la selle, c'est du fait à la main, au gré (pas grey) de l'inspiration et le tout respire l'authentique vieilli en fût. C'est çà, le vintage le vrai. Avec, on vous le souhaite, le détail qui tue comme ici et que vous aurez à cœur de conserver : la décalco d'époque du concessionnaire-vendeur.
À l'intention des jeunes couches, une photo du Honda 90 fabriqué de 1964 à 1969 sous diverses appellations. Selon les années et les pays il était S 90, 90 Sport, 90 Super Sport et j'en passe, mais toujours avec les même caractéristiques de son moteur de 8 ch à 9500 t/minute : monocylindre à deux soupapes, simple arbre à cames en tête commandé par chaîne, 4 vitesses au pied par sélecteur double-branche (puis simple branche ?), fourche avant télescopique hydraulique, suspension arrière à deux éléments, freins à tambours. Poids 80 kg. Vitesse 100 km/h. Sérieusement vintagé et sans son phare d'origine, le 90 des boulevards a nécessité une répartition différente de son accastillage électrique et de ses commandes au guidon, lequel paraît un peu chargé. Le rétroviseur disposé pour garder l'œil sur le genou gauche du pilote est d'une coquetterie ravissante...
AU MOMENT DE METTRE SOUS PRESSE (wouaf !) je trouve dans le supplément "Tendance" de l'Obs un article sur les "youngtimers" de la moto. D'où extrait qui résume le profil des acheteurs : "Les collectionneurs sont de moins en moins des bricoleurs. Ils envisagent le moto ancienne comme un objet lifestyle faisant partie de la panoplie du gentleman, à l'image d'une belle montre ou d'une voiture vintage. Ce ne sont plus des ferrailleurs comme au début de la moto de collection, mais de jeunes avocats, des médecins... Beaucoup de gens veulent une moto qui démarre tous les jours, qui puisse emmener leurs enfants à l'école le matin et qui soit utilisable dans le trafic moderne. Et il y a beaucoup plus de citadins parmi eux qui ont besoin d'une moto pas trop délicate".
J'ai recopié ça à la virgule près, sauf que... sauf qu'il faut remplacer partout le mot "moto" par celui de "voiture", vous l'aviez peut-être déjà compris. N'empêche qu'on n'est pas très loin de la vérité... ce qui n'est pas plus réjouissant. Moi je trouve.
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