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La plus connue de toutes ces "chenillées" est sans doute la Lehaître, peut-être parce qu'elle fit son apparition à la populaire Foire de Paris plutôt que sur le territoire "secret défense" du Polygone de Vincennes. Sa photo fut diffusée en 1938 via les agences de presse, dans de nombreux journaux, spécialisés ou non. Elle inspira rapidement les artistes du futur qui comprirent rapidement à quel usage guerrier on pouvait la destiner.
L'artiste de Modern Mechanix s'est inspiré de la deuxième mouture de la Lehaître. Car, pas plus que la Mercier, cette moto-chenille ne convint du premier coup aux militaires, malgré sa facilité déconcertante à escalader un tas de pavés...
Première version. La volumineuse chenille Kégresse en caoutchouc était entraînée par une couronne arrière solidaire d'un gros galet. D'autres galets dans le "nez" de la carrosserie et à l'aplomb des roulettes assuraient le relais de la chenille. Sa stabilité était confortée par deux roulettes auxiliaires suspendues sur des lames de ressorts cantilever. Ce qui ne contribuait pas à alléger l'ensemble, lequel dépassait les 400 kilos que le bloc-moteur Chaise 500 ACT emmenait péniblement à des 30 km/h !
La destination des roulettes reste un mystère. Elles sont mobiles sur le plan vertical et réagissent aux mouvements du guidon. Mais elles ce mouvement vertical n'est que de faible amplitude car limité par celui de leur ressort à lames cantilever.
Dans sa dernière version, Lehaître a supprimé les roulettes, à moins qu'elles ne soient dissimulées dans la carrosserie un peu plus élaborée (?). Toujours insuffisante aux yeux des militaires pour qui elle fut jugée "ne pouvant rendre aucun service à l'armée".
La Foire de Paris fut sans doute le seul lieu d'exposition où cette machine pouvait être montrée. Dommage qu'elle n'ait pas suscité plus d'attention de la presse spécialisée, ce qui nous laisse aujourd'hui sur notre faim de connaissances.
Dans un registre à peine plus raisonnable que ses "chenillées", Lehaître s'était déjà distingué en 1936 au célèbre Concours Lépine de Paris, parmi tous les Géo Trouvetou de la création motocycliste française. Dans la foulée des New-Motorcycle, Majestic et autres Durandal à châssis-coque en tôle emboutie de la toute fin des années 20, il a présenté son modèle, lui aussi en embouti mais articulé. De cette façon, la machine se dépliait comme un couteau suisse multi-outils ou un Leatherman, permettant en quelques secondes un accès aisé à ses principaux organes. La création du "french inventor" avait suscité assez d'intérêt pour traverser l'Atlantique et faire l'objet d'un article (ci-dessus) de la presse populaire nord-américaine, reprenant la presse française.
Comme un air de Monotrace dans la Géomobile de Géo Trouvetou (personnage créé par Carl Barks, chez Disney)
Si la moitié supérieure relevable apportait un confort indéniable dans le cas d'une intervention sur les éléments de la partie motrice, la double articulation de la fourche, ainsi fragilisée, était d'une utilité plus discutable. Sauf à assurer l'équilibre de l'ensemble en position ouverte. Il est néanmoins dommage que pas plus cette machine que l'une des chenillées Lehaître ne soit parvenue jusqu'à nous. Mais tous les espoirs restent permis : il a bien fallu un demi-siècle pour que les Mercier refassent surface !
(À suivre)
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AVIS AUX AMATEURS : J'ai remis la main sur huit exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
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Après la Chanon du dernier article, vue au Horse Power Run 2016, une autre française peu connue, voire totalement oubliée refait surface. Et c'est encore de Hollande que nous vient la lumière sur cette Monarque !
Quoique belle et grande, cette photo d'époque restait bien seulette dans mes archives. À côté, une copie de la couverture du catalogue de... La Samaritaine laissait planer un doute sur le sérieux et la longévité de la marque Monarque. Pourtant, à la lueur ce qu'on en sait aujourd'hui, il s'avère que cette mécanique était quasiment d'avant-garde !
D'abord, on tourne autour du moteur. Ce qui, de loin, frappe tout de suite l'œil, c'est cette tige de commande d'un culbuteur à l'échappement. C'est déjà intrigant, mais on a vu ça ailleurs avec les moteurs Clément ou Buchet. De plus près, on voit que ce "culbuteur" est double, c'est à dire qu'il appuie sur chacune des soupapes, à l'admission comme à l'échappement. Alors, comment cela se fait-ce ?
Pour le savoir, rien de tel qu'une petite autopsie. Très légère, exigeant une ouverture de quelques centimètres de diamètre, mais ô combien instructive ! On tombe les trois vis qui fixent le couvercle du boîtier d'allumage et apparaît...
... une boîte à malices débordante de jus de cervelle. Un pignon entraîné par le pignon-moteur porte un "came" ondulée savamment pour agir sur le poussoir entaillé. Celui-ci reste appliqué sur la came par deux ressorts concentriques logés dans le bas du tube contenant la tige de commande du culbuteur (J'espère que j'ai mis les photos dans le bon ordre - gauche/droite, haut/ bas - mais si quelqu'un peut nous en dire plus sur le fonctionnement...).
J'étais plus riche que je ne pensais. Mal classée, une photo pas trop nette a refait surface. Prise sous la pluie lors d'une réunion du Motocyclettiste en 1984 à Sury-le-Comtal, le fief de Marc Defour. On y voit bien le culbuteur qui appuie alternativement sur l'une ou l'autre soupape, le tout étant commandé par UNE SEULE CAME ! Au premier plan, à droite du culbuteur...
... on trouve un petit robinet qui permettait d'injecter un peu de carburant dans le cylindre afin de faciliter le démarrage. Robinet que l'on retrouve sur la machine photographiée récemment, mais situé sur l'autre côté du cylindre et complété par son petit levier de commande (ci-dessus).
Il aurait donc a existé deux modèles différents de moteurs (au moins). Avec confirmation par l'inscription "S.G.D.G." venue de fonderie sur le carter-moteur au-dessus de la marque MONARQUE. Sur l'un elle est courbe et horizontale (ci-dessus) sur l'autre. L'espèce de potence en fer plat tortillé dans tous les sens est sans doute un système bricolé pour tenir enfoncée la soupape d'échappement. Ainsi on pouvait vaincre la compression au démarrage (?) ou tout simplement faciliter les manœuvres à la main, moteur arrêté.
Autre détail particulier de cette Monarque, la fixation du guidon permettant de l'abaisser ou de le relever à la demande sans avoir besoin de toucher à la potence.
Le seul levier au guidon actionne par câble un très discret frein type vélo sur jante. Il est fixé sous la fourche arrière horizontale (suivre la flêche).
FROUFROUS
Dans le catalogue de La Samaritaine on trouvait une page de mode à l'intention des nouveaux motoristes de 1904. De quoi donner des idées à nos jeunes gandins (et gandinnes) qui croient suffisant qu'une casquette et une fausse paire de moustaches suffisent à donner un "look" (sic) ancien.
Aux amateurs de "nuances de Grey", on signale tout particulièrement le costume à 59 F en "tissu caoutchouté" ou encore à 89 F le "Costume d'amazone... jupe longue avec culotte intérieure". Pour les hommes, c'était un peu plus compliqué et moins érotique avec "le veston, le gilet et le pantalon cousus ensemble". Pour les "5 à 7", il valait mieux s'y préparer à l'avance...
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AVIS AUX AMATEURS : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
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C'était un temps où tout Parisien qui se respectait devait avoir sa maison de campagne. De préférence en Normandie afin de pouvoir profiter pleinement des retours bouchonnant du lundi matin sur l'autoroute de l'Ouest. Pendant ce temps nos voisins, Néerlandais principalement, trop à l'étroit dans leur plat pays, essaimaient en France. Le Midi eut leur préférence, en particulier les Cévennes où ils achetèrent des hameaux en ruines qu'ils restaurèrent après y avoir hissé leur drapeau national (authentique !). Ils ont aussi pratiqué la "sortie de grange", découvrant des motos aussi anciennes que françaises qui sont aujourd'hui dans leurs collections. Les premiers amateurs français d'alors voulaient tous une Norton, BSA, Velocette et autres machines qui existent à des dizaines d'exemplaires, ce qui désolait fort Marc Defour. Fin connaisseur de rares mécaniques il fustigea les béotiens dans un éditorial du Motocyclettiste titré simplement "Anglomanie" (je cite de mémoire). Pendant ce temps, et même avant, les Néerlandais s'intéressaient à des ancêtres rares, pour ne pas dire uniques. Heureusement, ils s'en servent au lieu de les figer dans des musées. Ainsi, au dernier Horse Power Run (leur Pioneer Run) est sortie une moto Chanon dont on ignorait l'existence, même si on en trouve trace dans la presse de l'époque en 1904/05.
Toutes les photos du Horse Power Run sont sur : www.vmcmotor.com
Installée au 22, rue Duret à Paris XVIe, la Sté H. Chanon & Cie fut fondée en 1891 pour la production de cycles. En 1905, le 15 avril, elle est vendue à M. Henri Gaubert qui continue la construction de cycles, motocyclettes, tri-cars et triporteurs automobiles. En 1906, il propose des motocyclettes de 2 ch 3/4 ainsi que des tri-cars de 4 ch 1/2 à refroidissement par eau. Des changements de vitesse (sans précision de constructeur) et des moyeux Rivierre sont aussi disponibles.
Gaston Rivierre, élève de St-Cyr, pionnier du cyclisme puis du motocyclisme avait inventé un moyeu donnant deux vitesses avec embrayage par cône et contre-cône. Il permettait ainsi l'emploi d'une chaîne de transmission directe, comme on le voit ici sur un tricar Chanon à l'impressionnante couronne arrière. Très apprécié des constructeurs de tricars et quadricyles, le moyeu Rivierre fut commercialisé jusqu'à la veille de la Guerre.
Motos et tri-cars Chanon étaient équipés de moteurs Villemain (35, rue Arago à Puteaux), un constructeur qui paya de sa personne en course. Engagé au Parc des Princes dans les 100 kms du Criterium du 1/3 de Litre en 1904, il termina 5ème de sa série au guidon d'une improbable "Lumière". Dans la même épreuve de 1905, en septembre, il menait une Chanon à la 7ème et dernière place en finale. Quelques mois plus tôt, on l'avait vu courir à Dourdan, seul concurrent en catégorie "tri-cars, demi-litre" sur un Chanon qui abattait son km en 50 secondes. Un autre Chanon était présent, seul engagé en "tri-cars 2 places", par Henri Gaubert le nouveau propriétaire de la marque.
Gaston Rivierre himself au départ d'une épreuve de vitesse. Sa machine à moteur Villemain refroidi par eau pourrait être une Chanon préparée par ses soins. Sa transmission utilise un démultiplicateur sur le flanc gauche du moteur (on aperçoit une partie de la couronne dentée) qui transmet le mouvement à un petit pignon côté droit qui entraîne enfin la chaîne finale. Le moyeu arrière est le Rivierre comme il se doit (Photo Gallica - BNF).
Ne rien démonter sans avoir pris connaissance auparavant du fonctionnement de l'appareil ci-dessous. Aucune réclamation ne sera admise en cas d'erreur de manipulation..
E = cuvettes en tôle portant l'embrayage (à gauche) et les pignons H, I et J du train épicycloïdal (à droite). En F et G, cône et contre-cône du système d'embrayage. Au moyen de M on appuie sur les ressorts, ce qui repousse F, c'est le débrayage.
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Donc, les femmes sont "plus attirées par les hommes adeptes du manspreading". Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais les chercheurs de l'Université de Berkeley en Californie (Le Monde du 17 avril). Ces gens sérieux passent leur temps à étudier des phénomènes de société et des comportements humains dont vous n'auriez jamais pensé qu'ils puissent intéresser des scientifiques. Moi non plus. Bon, maintenant curieux comme vous êtes, vous voulez savoir ce qu'est le manspreading ?. Alors, restez assis car ça va vous étonner : c'est la faculté qu'ont les hommes d'écarter les jambes à tout propos. Affaire d'hygiène, disent certains, car l'homme a besoin de ventiler une partie de son anatomie. Et il est évident que si la nature a situé les choses de la vie à l'extérieur du corps de l'homme c'est qu'il y a une bonne raison à cela : favoriser la production des spermatozoïdes par ces gonades. Les chercheurs américains ont vérifié la chose en utilisant des photos suggestives- quoique habillées - sur des sites de rencontres. Leur conclusion est sans appel : les hommes qui ont eu le plus de succès auprès des "internautesses" en manque sont ceux qui posaient avec les jambes écartées. Ce qui nous arrange bien, nouz'ôtres motards vu qu'on roule toujours les pattes écartées. (P.S. : donc évitez le scootère...).
De Don Juan (Fernandel) à Casanova (Donald Sutherland, vu par Fellini), tous les plus célèbres séducteurs confirment les "découvertes" de la science : chaque fois que c'est possible, aérez les parties nobles". Ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes avec le théâtre moderne où le rôle...
... est parfois joué par une femme : ci-dessus Sophie Paul Mortimer auThéâtre de Vanves en 2012 !
Vers la fin des années 50, une initiative fut lancée pour amener la femme à égalité avec l'homme sur le terrain du manspreading. Le succès ne fut pas au rendez-vous et fut sans doute cause, pour une part, de la disparition de Pontiac en 2009. Cependant, le mouvement a refait surface récemment au Japon. Une émission de télé y incite les jeunes filles à écarter les jambes au cours d'un exercice en public où on les soumet à une machine qui semble venue tout droit de l'Inquisition (à voir sur Dailymotion, vous trouverez sans doute tout(e) seul(e) la référence...).
♥
LES CONNARDS DU SAMEDI SOIR
Je gare mon pétarou sur le trottoir devant mon Monoprix favori pour refaire mon stock de spaghettis et de chaussettes par la même occasion. Au plus près de la bordure pour ne pas (trop) gêner les piétons. Je ressors une dizaine de minutes plus tard pour trouver un scooter à 1 mètre du mien, au beau milieu du passage tandis qu'un trois roues s'est collé à la vitrine du magasin. Ainsi, à nous trois, on occupe un peu plus de la moitié du passage. Si un pandore était passé par là, on écopait d'une bonne place à 135 euros avec peut-être le droit d'aller récupérer nos bécanes à la fourrière... Merci les abrutis !
"La mise en fourrière, ne peut être prescrite qu'après injonction des agents", Ouf !
∀ ? ? ? § ∇ ß ? ? ? ∀
Avec les Charline Vanhoenacker, Alex Vizorek, Philippe Geluck, et tant d'autres, les Belges ont déboulé en France pour manger le pain de nos humoristes nationaux. À la liste, on n'oublie pas d'ajouter Raymond Devos, jongleur ès-mots ou encore Noel Godin, célèbre "entarteur" de personnalités médiatiques (ci-contre BHL). Il faut croire qu'ils ont ça dans le sang, les Belges, même lorsqu'il est bleu, ce sang. Rip Hopkins est un photographe britannique qui a voulu y aller voir de plus près. On connaît déjà de lui une série de photos décoiffantes qui ont donné un livre savoureux ("Another country" 2010 Éditions Filigranes.....) sur ses compatriotes exilés en France et particulièrement en Dordogne. C'est quasiment un document ethnologique qui, dans quelques centaines d'années, laissera perplexes les chercheurs sur les us et coutumes des habitants périgourdins. Aujourd'hui établi en Belgique, l'artiste s'est intéressé à la noblesse de ce pays, là aussi avec un point de vue qui pourrait être ethnologique en plus d'être historique.
Comme il l'a fait avec ses compatriotes expatriés en France, Rip Hopkins a gagné la confiance de nombreux comtes, barons, écuyers, chevaliers, princes et princesses belges qu'il a décidés à poser pour lui. Provocation, autodérision, narcissisme sont les sentiments qui ont animé ses "sujets". Une audace certaine s'exprime au travers de ces images (qui ne sont pas des clichés), grâce à une atmosphère qui baigne tout : l'humour !
Le comte Laurent d'Ursel, artiste et philosophe. Sur ses fesses est tatoué le premier article de la Constitution belge... Président et co-initiateur de l'association DoucheFLUX ( Cette photo et les trois suivantes son © Agence VU).
Le baron d'Huart dans son Messerschmitt (que les pigeons ne respectent guère).
La princesse de Chimay, princesse de Caraman, née Françoise Peter, pose avec un aigle sur le bras dans la loge rococo de son palais.
Le prince de Chimay, bûcheron et sa chienne. Ses santiags auraient appartenu à l'un des Rolling Stones. Voir sur Youtube le désopilant making of de cette photo qui prouve qu'un prince est capable de parler "vert" comme vous et moi.
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L'armée a longtemps été un miroir aux alouettes pour les inventeurs de tout poil. Inventer n'importe quel engin et le vendre aux militaires paraissait être la formule magique génératrice d'espèces sonnantes (les nôtres !), à défaut d'intéresser des entreprises civiles jugées plus méfiantes que les galonnés d'états-majors. Les exemples abondent de machins divers présentés à "l'évaluation" des militaires. Une pratique qui n'est pas sans évoquer les séquences irrésistibles du "Dictateur" où des allumés viennent présenter à Hynkel-Chaplin des parachutes miniatures avec lesquels, l'un après l'autre, ils s'écrasent lamentablement au sol après avoir sauté par la fenêtre...
Atteindre le stade de "l'évaluation" militaire n'était pourtant pas si facile à en croire l'avis recueilli par René Mazoyer auprès d'un René Gillet désabusé. Lui confiant à la fin des années 40 son intention de faire adopter sa 500 "Flêche d'Argent" par l'armée française (ci-dessous la version touriste), notre "doyen" des constructeurs lui avait vigoureusement déconseillé cette idée : "Ne vous amusez pas avec l'armée. Ce sont d'abord de mauvais payeurs (...). Il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Il y a toujours un pet de travers . Ne vous amusez pas avec, vous allez avoir des soucis". René Mazoyer ne se risqua donc pas à solliciter les militaires. Il préféra cultiver ses amitiés avec le Club Motocycliste de la Police Nationale (C.M.P.N.) dont plusieurs de ses membres coururent sur des Mazoyer "cross" dans les épreuves du genre si populaire à l'époque. Ils avaient commencé sur des machines à base de motos provenant des surplus anglais (Matchless G3L), mais il n'exista jamais qu'une poignée de Mazoyer entièrement construites par cet artisan passionné. Une Cross et une Tourisme sont entrées dans une collection particulière et une autre Tourisme est allée à un parent. Deux, incomplètes, sont parties à la ferraille, ce qui fait une production de cinq machines. Mais toutes, même la Cross, avaient leur carte grise.
Parmi les "shadokeries" qui ont laissé une trace dans l'histoire motocycliste, la "moto-chenille" tient une bonne cote. Non, pas la machine la plus connue sous ce nom, je veux parler de la Kettenkaftrad de NSU (moteur Opel), qui est une simple "chenillette", dont seule la direction par guidon et la présence d'une seule roue avant justifie le nom de "moto". Or on sait que cette disposition avait été choisie pour ne pas désorienter le pilote habitué au maniement d'une moto ordinaire. La vraie moto-chenille est l'engin à deux roues dont la roue avant ou la roue arrière, voire les deux, a (ont) été remplacé(es) par une chenille. Mais avant d'en arriver là, il a fallu procéder à des tentatives hasardeuses comme on va le voir.
Bien avant Mazoyer, beaucoup d'autres "innovateurs" ont tenté leur chance auprès de l'armée, tout particulièrement dans les décennies 20/30. Il semble que les initiateurs du mouvement ont été les Britanniques avec plusieurs modèles dont une Triumph latérales (ci-dessus 1926 ?). Cependant, ils ont commencé en la jouant "petit bras" et se sont contentés d'un train roulant de deux petites roues en tandem reliées par un bras articulé à l'emplacement de l'axe de la roue arrière "normale". La boîte à vitesses d'origine commande via une chaîne la première des roues arrière, côté gauche, et une courroie crantée transmet ensuite le mouvement à la deuxième roue.
Toujours pratiques, les concepteurs de cette Triumph ont conservé tout l'avant de la machine, lui adaptant simplement une sorte de "kit" triangulé. L'ensemble étant facilement démontable au cas où son propriétaire changerait d'avis sur la destination prévue initialement. À vrai dire on s'interroge sur l'avantage d'une telle transformation. La garde au sol, primordiale en tout-terrain, reste plus que faible tandis que le petit diamètre des roues arrière était loin de favoriser l'évolution et la stabilité en terrain un tant soit peu mouvementé (sable ou boue, ornières, piste caillouteuse ou pentue).
Une autre version connue de la moto à trois roues fut présentée au War Department britannique en 1928. Équipée d'un moteur Blackburne à soupapes latérales de seulement 250 cm3 (car la puissance était secondaire), cette O.E.C. (Osborn Engineering Company) utilisait la fourche avant "duplex" caractéristique de la marque. Avec ses articulations compliquées et délicates, cette fourche n'était peut-être pas vraiment idéale sur une machine destinée à des mains aussi militaires qu'inexpertes. De plus, l'O.E.C. exigeait un cadre spécifique, certes doté d'une bonne garde au sol, mais bien plus onéreux que celui de la Triumph issu de la série. Après essais, Triumph ou O.E.C., aucune des deux ne put obtenir l'assentiment du Ministère de la Défense...
Le virus s'est propagé à l'autre bout de la planète et s'est manifesté vers 1930 chez les Japonais de la firme Rikuo. Primitivement distributeur Harley-Davidson, puis constructeur de la marque américaine au moment de la militarisation de l'Empire, Rikuo avait résolu le problème de l'adhérence et de la stabilité en adjoignant un sidecar à sa machine à trois roues. Quitte à opter pour un trois roues, l'armée japonaise se tourna finalement vers les gros triporteurs nombreux sur le marché civil de l'époque (Mazda, Tohatsu, Lion, Tsubasa), à peine transformés pour un usage guerrier.
C'est la chenille qui se prépare...
Dès la fin du XVIIIè siècle, alors que la locomotion en est encore à ses balbutiements, on pense déjà à un dispositif pour remplacer les roues afin de pouvoir circuler sur n'importe quel terrain, neige ou glace. Les idées ne manquent pas dans ce but, surtout à base de larges plaques lisses, articulées et enroulées autour d'une jante. Les premiers véhicules équipés d'une bande de roulement crantée apparaissent aux États-Unis vers 1910. Mais c'est le succès du système Kégresse dans les raids Citroen qui va exciter les esprits après la Première guerre. Partout en Europe, voitures et camions, tracteurs agricoles ou engins de chantier se voient greffer des chenilles, dans un but pas toujours dénué d'arrière-pensées belliqueuses. Tout naturellement on y pense pour la moto.
En France, ce mouvement va être une "spécialité" de trois hommes : MM. Courtot, Mercier et Lehaître. Entre avril 1935 et septembre 1938, chacun va présenter sa solution, voire plusieurs successivement, afin de répondre aux exigences de l'armée française.
En vérité, la machine du premier d'entre eux n'a de moto que la selle et le guidon puisqu'elle utilise deux chenilles. C'est plutôt un tracteur qui serait un embryon de la NSU kettenkraftrad. Dans une version postérieur à sa première apparition (1935) cette Courtot sera d'ailleurs qualifiée de moto-tracteur. Elle recevra alors une remorque et deux roues arrière destinées à calmer ses tendances au cabrage dans les montées abruptes.
L'une des deux photos existantes de la Courtot la représente dans sa version à roulettes arrière. Le livre définitif sur "L'Automobile sous l'uniforme" (Massin Editeur), évoque une motorisation par un Dresch de 1000 cm3 bicylindre. Or cette cylindrée n'apparaît pas chez Dresch sauf sur une bicylindre en V semi-culbuté avec un moteur M.A.G., machine qui n'exista qu'à l'état de prototype. S'agissait-il du moteur de celle-ci ?
Sur ce profil on distingue le carburateur qui alimenterait un deux cylindres en tandem (le Dresch à culbuteurs ?), mais il s'agissait d'un 500 cm3 seulement. Les lettres font référence à une description qui n'accompagne pas cette photo issue des archives militaires.
Le moteur d'une Dresch 500 Super Sport culbutée de 1932 (photo avec petite video du démarrage + promenade : motos-anciennes-limousines.blog.sfr.fr)
Avec la Mercier ci-dessus (Rétromobile 2008) on a affaire à une vraie moto-chenille puisqu'on en trouve une en place de la roue avant. Conception osée, surtout avec une motorisation "virile" fournie par un JAP 500 culbuté à démarrer par un kick "à main" placé à hauteur de poitrine... Adrien Mercier était du genre obstiné qui présenta plusieurs de ses machines à "l'évaluation" militaire pendant une décennie. Son premier modèle à moteur JAP latéral disparut sans laisser de trace autre que photographique (ci-dessous).
Il comportait deux chenilles avant et arrière, cette dernière tournant folle. Suivit une version avec une petite roue arrière (ci-dessous) qui fut présentée à l'armée en 1937. (Et non pas comme je l'ai lu sur le ouèbe "pour évoluer sur les terrains escarpés des montagnes suisses" !)
La chenille arrière a disparu, mais le bâti porte-bagages de renfort est encore à venir. On voit parfaitement le travail de la chenille qui épouse bien l'obstacle, mais la démonstration ne va pas plus loin. Et heureusement, car une fois la bosse franchie, le pilote serait resté bloqué à l'arrêt et en équilibre sur le sommet du talus...
La structure arrière est renforcée par un long porte-bagages qui supporte aussi le silencieux. Le moteur est un JAP culbuté (350 cm3 ?) refroidi par une turbine qui débouche sur les culbuteurs. L'échappement au dessin particulièrement torturé disparaît devant le réservoir, lequel a pris du volume en vue d'une consommation exceptionnelle qui se chiffrait en dizaines de litres ! Mercier reprit sa copie pour une nouvelle présentation à l'été 1939 et il continua à déposer des brevets jusqu'en 1942 (aux États-Unis !).
Ce modèle, déshabillé, pourrait être celui qui était exposé en 2008 à Rétromobile (1ère photo couleur). Cette fois le pilote est protégé par un bouclier métallique. Cette photo fait débat car il se dit que cet "accessoire" n'aurait été utilisé que lors d'essais privés. Dans ce cas, quid du pilote en uniforme sur un document militaire (ECPA) ? Tout au long de son existence, la Mercier JAP a reçu quelques modifications, par exemple les longerons de la chenille qui furent coulés (usinés ?) en alliage léger, tandis qu'ils perdaient leurs carters de protections visibles ci-dessus.
Pour de plus amples renseignements, on se reportera au numéro 102 (Juillet 2008) de la revue du Motocyclettiste, qui détaille toutes les Mercier. On y trouvera celle à moteur Aubier-Dunne deux-temps 500 twin parallèle (ci-dessus) que l'on distingue en arrière-plan sur la 1ère des photos couleurs ci-avant.
(Prochain article : encore des chenilles !)
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AVISSE À LA POPULATION : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
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Presque du même nom, tous deux ont accumulé les titres. Tous deux ont un bon coup de guidon, enfin presque, car le premier JMB = Jean-Michel Bayle et l'autre JMB = Jean-Michel Bayle(t) ne courent pas dans la même catégorie. L'un a battu les meilleurs du motocross américain multipliant dans les années 90 les titres des trois catégories 250, 350 et 500. L'autre a multiplié et cumulé les places de maire, député, sénateur, Président-Directeur d'un quotidien régional, journaliste, Président du Conseil général du Tarn-et-Garonne, patron du Parti radical de gauche, secrétaire d'État, ministre et sous-ministre dans divers gouvernements. Depuis mars 2016 il est de nouveau ministre à l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales (Ouf ! Le dernier éteint la lumière et ferme la porte !).
Dans sa nouvelle fonction, comme dans les anciennes, J-M Baylet est toujours montré en costume-cravate. Sauf qu'il y en a une, dans ces photos, qui fait presque tache...
...elle illustrait une page du quotidien Libération relatant la mésaventure de l'homme politique viré de son piédestal de président du Tarn-et-Garonne. Une péripétie banale avec une photo qui ne l'est pas. Inutile de vous décrire les affûtiaux de la panoplie de ce "biker" à deux balles qui fait la publicité d'une marque bien connue quoique étrangère. Ce qui pourrait le plus déranger, c'est de voir un ministre, donc représentant de la France, se transformer en homme-sandwich pour un produit peu compatible avec notre "territoire". On ira même jusqu'à parler de "terroir" dans lequel est enraciné le Parti Radical souvent qualifié de "gauche cassoulet"... On pourrait aussi trouver étrange qu'un enfant de Toulouse ait ignoré que dans cette ville on travaille à la construction d'une moto qui est française en grande partie. Poser sur une Brough-Superior aurait tout de même eu plus de gueule que sur une Heritage...
(P.S. : Toulouse où Boxer Design œuvre sur la Brough Superior est aussi le siège du journal La Dépêche du Midi dont le patron est... Jean-Michel Baylet.)
Thierry Henriette, patron de Boxer Design et son "bébé" (photo Dépêche du Midi...)
La petite galerie d'art
Louis Trinquier-Trianon était un affichiste-peintre-illustrateur de talent (1853-1922) d'origine suisse mais qui vécut à Paris où il travailla pour de nombreux supports. Certains d'entre vous le connaissent peut-être par cette vigoureuse affiche Griffon (ci-dessous) éditée aujourd'hui en carte postale.
Une même vigueur se retrouve dans une autre illustration (publication d'origine inconnue) qui exprime aussi bien les charmes que les difficultés qui attendaient le voyageur en automobile. Montagnes verdoyantes aux couleurs changeantes, routes bordées de précipices menant à des vallées de rêve... sauf que, sans doute emporté par ses origines...
... l'artiste a peint la côte de... Gaillon avec les caractéristiques du col du Grand Saint-Bernard dont on distingue d'ailleurs le célèbre tunnel ! L'œuvre était peut-être destinée à la publicité d'un constructeur automobile car au début du siècle il existait des catégories réservées aux voitures de tourisme et omnibus dans ces courses de côtes. En 1902, Rigal le meilleur des "motocycles" avait monté Gaillon - une ligne droite de 1 km - en 50 secondes 2/5 contre 1 minute 1 seconde à Truffault sur sa spectaculaire machine à moteur Buchet bicylindre parallèle de 12 chevaux, classée première des voiturettes.
La première des voitures "sérieuses" à deux places était une Decauville de 16 chevaux menée par Théry en 1 minute 5 secondes et 3/5.
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AVIS À LA POPULATION : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
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Un secrétaire de club qui paie de sa personne comme le fait Jean-Jacques Martin, il en faudrait beaucoup afin d'attirer d'autres Français au Pioneer. Sa Terrot 1913 de 330 cm3 était bien seule à représenter la marque dijonnaise, mais elle pouvait se flatter d'être parmi le cercle choisi des rares machines dotées d'une suspension arrière oscillante. Suspension qui sera dite "cantilever" une fois redécouverte quelques décennies plus tard. J.-J. Martin représentait le M.C. Vernolien (Verneuil-sur-Avre).
Reconnaissance éternelle à Isabelle Bracquemond pour cette photo empruntée à son Facebook !
Toute réunion d'anciennes permet de sortir des oubliettes une machine inconnue, encore plus mystérieuse si elle vient de loin, c'est à dire depuis l'autre bord du Channel .
Ce Pioneer en a présenté plusieurs de la sorte, dont cette française, du moins l'est-elle par son caractéristique moteur Buchet à soupape d'échappement culbutée. Restauration soignée type "Salon de Paris 1913"... Sauf pour ce réservoir rond un peu perdu dans un emplacement manifestement prévu pour un modèle en parallélépipède plat.
Peugeot était représenté par plusieurs machine dont la plus ancienne était cette 2 HP de 1903, transformée par un allumage à magnéto logée devant le carter-moteur. L'autre modification la plus visible était sa fourche avant oscillante...
... l'une des nombreuses productions dans le genre qui, presque toutes avaient commencé par une petite carrière dans le cycle. Cette "Idéale" qui se montait en conservant les pièces de la fourche d'origine concurrençait les Simplex, Hygina, Vigneaux, L'Élastique, Lithos, etc, sans oublier la plus célèbre de toutes, la Truffault...
... comme celle de la Peugeot de Johan Beenen (NL), une monocylindre de 1906 à soupape automatique. Sa fourche était un supplément à 175 F fourni par l'usine qui la présentait dans le catalogue des pièces détachées comme étant la "Fourche élastique Peugeot" sans mention de Truffault. (ci-dessous, le n° 3873 est un ressort de Ø 6 mm).
Si vous avez le moindre problème avec votre fourche, voici de quoi éclairer le concessionnaire Peugeot à qui vous vous adresserez près de chez vous. Avec ce descriptif accompagné du numéro des pièces détachées photographiées, vous lui faciliterez grandement la recherche dans son stock.On sait que ces vieilles mécaniques ont soif d'huile, presque autant que de carburant. Aussi chacun est-il prêt à toute éventualité dans ce domaine. L'optimiste se contentera des quelques gouttes d'une burette, tandis qu'un autre moins confiant a embarqué une bien plus forte dose. À moins que ça ne soit pour exposer un bidon "collector's" ?
Plusieurs machines à moteurs De Dion ont été construites au cours des ans, mais la "Dreadnought" de 1904 est la plus authentique. D'abord par son moteur, un gros 400 cm3 plutôt destiné à motoriser un tricar ou quadricycle, voire une voiture. Le créateur de ce bitza, Harold Karslake, était un personnage de haute et confortable stature qui voulait pouvoir vaincre sur deux roues les côtes réputées les plus difficiles de Grande-Bretagne. Ce qu'il fit avec succès jusqu'à le veille de la Première guerre, sans cesser d'apporter des modifications à son "Cuirassé" (Dreadnought, en langage rosbiflandais). La plus importante fut en 1908 le montage d'un changement de vitesse NSU à deux rapports, mais il n'a pas été conservé par la suite. H. Karslake avait aussi ses idées sur la circulation des gaz, ce qui l'amena à percer un deuxième conduit dans la "chapelle" contenant l'unique soupape d'échappement avec le tuyau correspondant bien visible ci-dessus. Toujours dans le but de mieux faire respirer son moteur, il pratiqua des trous dans la paroi du cylindre afin d'obtenir un échappement des gaz brûlés en fin de course du piston. Une technique abondamment pratiquée en compétition, quoique généreusement distributrice de l'huile censée lubrifier l'intérieur de ce même cylindre. C'est ainsi que Karslake devint connu sous le nom de Harold "Oily" Karslake...
Depuis qu'existe le Pioneer Run, la Dreadnought y a participé. Elle était déjà bien connue avant ça, et fut présentée en maintes occasions dont, ici, une avant-première du Salon de Londres de 1928. Deux ans plus tard, elle aura le privilège d'ouvrir le premier Pioneer en 1930. Un honneur double car son pilote était George Brough en personne qui s'était rendu célèbre dans le monde de l"ancienne" en remportant une épreuve du genre en... 1914. De plus, Karslake avait travaillé avec l'usine Brough-Superior et en avait profité pour construire en 1921 sa "Karbro Express", un autre bitza de 1500 cm3 !
Aujourd'hui, la Dreadnought appartient au Vintage Motor Cycle Club qui l'a reçue des mains de Karslake peu de temps avant la disparition du grand homme en 1962.
(Encore d'autres de photos de Gilles Destailleur, c'est donc À SUIVRE !)
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AVIS AUX AMATEURS : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
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C'est un peu comme la boutique du pâtissier, le Pioneer Run. Si on y va trop souvent (en visiteur), on en revient un peu écœuré. Trop de crème fouettée, trop de sucre-glace, trop de Chantilly, trop de brioches ou religieuses, ça vous reste sur l'estomac et pour peu qu'au retour, la vague chahute un peu le ferry... Pourtant, à chaque édition il y a du nouveau à découvrir et admirer. Et bien que la participation française soit faible, six engagés (sur 339 inscrits), on se rattrape avec la qualité du matériel. Oui, 6 participants français seulement, mais les quinze premières machines inscrites sont d'chez nous et ce sont les plus anciennes puisque le départ est donné chronologiquement en commençant à 1896 ! Dans les 4 premières minutes, on aura ainsi vu défiler 4 Léon Bollée, 8 tricycles De Dion ou à moteurs De Dion, 1 tricycle Automoto et enfin deux motos, 1 Clément et 1 Andru !
La "voiturette" Léon Bollée, ainsi baptisée par son créateur qui ne voulait pas que l'on confonde sa machine avec les tricycles est tout de même bien à ranger parmi les motocycles. Comme ce fut le cas à l'époque où elle "compétitionnait" contre les deux roues et trois roues et non les voitures. Avec, d'ailleurs, un succès certain dû à son excellente conception et à sa confortable cylindrée avoisinant parfois les 800 cm3.
Depuis déjà pas mal de temps, c'est celle de Dave Pittuck (ci-dessus) qui ouvre le bal du Pioneer avec son numéro 1. Des quatre autres de même origine, c'est elle qui avec son A 302 possède l'immatriculation la plus ancienne soit 1896. Au Pioneer de 1992 je l'avais photographiée sous toutes les coutures car - émotion - c'était la première fois que j'en voyais un exemplaire "en live et en direct", comme disent bêtement ceux qui causent dans le poste ou derrière l'écran.
À Epsom, où avait alors lieu le départ, Dave mettait la dernière main à sa machine, sous l'œil de sa fille fort intéressée. Tellement intéressée que je me demande si ce n'est pas elle que l'on retrouve à Brighton en cette année 2016, menant vigoureusement BS 8151, une autre Léon Bollée ! Ce qui n'a pas échappé à Isabelle Bracquemond que l'on remercie au passage pour sa collaboration... involontaire. Elle nous permet d'ouvrir de façon magistrale le reportage de Gilles Destailleur notre envoyé spécial sur les lieux de l'arrivée.
P.S. : On retrouvera près d'une centaine d'autres photos prises par Isabelle Bracquemond sur Facebook (adresse simplement sous ses prénom et nom)
Sans trop m'avancer, je dirais que Kate Baldock (selon le programme du Pioneer) ne fait qu'une avec la fille de Dave Pittuck photographiée en 1992 et dotée d'un autre patronyme par mariage. À Brighton, il se disait aussi qu'un Britannique, déjà possesseur de deux Léon Bollée, espérait en acquérir une troisième... La rumeur deviendrait donc une réalité ?
Le néophyte s'interroge sur les commandes d'une Léon Bollée dont le maniement est si spectaculaire qu'il en paraît désordonné. Comme tout l'ensemble de cette machine, Monsieur Léon marquait aussi par là sa différence. À commencer par une direction dont l'axe du petit volant porte un pignon engrénant sur la crémaillère d'un bras articulé qui agit sur une douille verticale montée sur roulements à billes. La roue est fixée à son extrémité. En tournant le volant dans un sens ou dans l'autre, on éloigne ou on rapproche le bras articulé et la roue suit ainsi le mouvement du volant. Autre commande originale, le gros levier vertical à main gauche se déplace sur un secteur cranté et permet d'avancer ou de reculer la roue arrière avec effet d'embrayage-débrayage sur la courroie de transmission que l'on tend ou détend à volonté. La poignée fait pivoter un axe intérieur qui commande trois vitesses par pignons.
Dans son ouvrage de 1899 "L'Automobile Théorique et Pratique - Tome 1", Baudry de Saunier consacre près de 40 dessins ou figures au fonctionnement des diverses pièces de la Léon Bollée. On y trouve la description du système d'allumage qui s'effectue au moyen d'un doigt de platine enfoncé dans le cylindre et chauffé au rouge par un brûleur. Ce brûleur est alimenté en essence par la tubulure M qui puise l'essence dans un petit réservoir fixé au dossier, derrière le pilote, sans doute pas mesure de sécurité. Aujourd'hui, ce système très dangereux a été remplacé par un allumage au gaz.
Une troisième Léon Bollée, celle de Philip Bewley est de 1897, mais c'est la plus puissante, déclarée pour 4 HP. "Ça fait un peu plus, je vous la laisse ?".
Belle restauration du tri De Dion 1898 mené par Nick Canfor. Pour une utilisation sans problèmes, le carburateur d'origine "à surface" a été court-circuité au profit d'un modèle plus moderne et sans doute moins capricieux.
Pour comparaison, voici la photo du tricycle De Dion complet et dans son jus d'origine qui figure dans les collections (ex-Schlumpf) de la Cité de L'Automobile de Mulhouse.
De loin, ça ressemble à un tri De Dion et ça fonctionne comme un De Dion. De près, rien ne va plus et on s'interroge, déjà sur le nom porté au programme : Dechamps. Une plaque fixé sur le boîtier de piles/batterie pourrait nous éclairer, malheureusement elle ne donne que l'adresse de l'agent de la marque en Grande-Bretagne. Au-dessus figure une mention évoquant des Ateliers à Brussels. C'est donc du belge mais bien ignoré par les historiens du cru. Rien, ce qui est exceptionnel, dans le monumental catalogue des Kupélian. La seule mention de la marque se trouve dans "Le Livre d'Or de l'Automobile et de la Motocyclette", un ouvrage du Royal Moto Union de Liège de 1951 publié en hommage aux cinquante ans d'activité de l'industrie belge. Une page y est consacrée à Dechamp, datant sa production automobile à 1903. Mais pas un mot, dans un texte d'ailleurs très court, sur ses activités antérieures dont pourtant ce tricycle est la preuve vivante.
Ce Dechamp, mené par Edward Crossman présente des particularités dont la plus immédiate est cette "cuillère" arrière solidement fixée au pont arrière. Elle est censée éviter les conséquences d'un cabrage (wheeling, comme on dit en défense de la langue française), dont les tris n'étaient pas avares, dit-on. Cependant, cet accessoire n'est nullement attesté dans la presse de l'époque ou dans les catalogues. Le carter-moteur à plan de joint horizontal fait partie des détails propres à ce Dechamps, de même que la culasse détachable amputée de quelques ailettes pour laisser le passage à la tubulure d'admission ou encore l'étrier de maintien de la cloche contenant la soupape de cette même admission. Enfin, la partie-cycle montre une simple fourche avant, alors que le cadre est fortement renforcé : entretoise devant le boîte à piles, et doublement des tubes entre pédalier et différentiel. Enfin, deux haubans allant, l'un du pédalier au carter-moteur et l'autre vers le demi-essieu droit solidifient cette triangulation.
Dans cette célèbre épreuve de 1902, on trouve Dechamps (sur Dechamps) à la 10 ème place des "Voitures légères" et une autre Dechamps, menée par P. Rivière est 31ème, sur 33 concurrents classés (Photo extraite du livre édité par le Royal Motor Union).
Encore un oiseau rare peu connu sous nos cieux alors qu'il est français et signé "Andru" (sans L). Ce mono à soupape automatique était un produit de la maison-mère Aiglon (Emile Debaralle) établie à Argenteuil et qui finira dans le giron de Peugeot. Spécialisé à l'origine dans la pièce détachée pour bicyclettes, Andru annonce renoncer en 1903 à ce commerce pour ne proposer que des bicylettes à sa marque. À son catalogue de cette année 1903 figure également une nouveauté motocycliste présentée seulement en dessin. Cette machine est absolument conforme à la Aiglon n° 1 de 1903, motorisée par un moteur 2 HP Mirus (240 cm3) ci-dessous, moteur également produit par les Ets Debaralle.
Extrait du catalogue Aiglon millésimé 1903.
Le secteur cranté le long du réservoir est destiné à immobiliser le levier de commande du carburateur (absent sur la machine du Pioneer et remplacé par un câble). On sait qu'à l'époque, la carburation étant préalablement réglée, la variation de vitesse ne se faisait qu'en agissant sur l'avance à l'allumage.
Dans le catalogue Andru de 1903, seul un dessin (celui du brevet ?) représente la machine annoncée. Ses caractéristiques sont identiques à celles de la Aiglon de même que le prix de 750 F. En "J" se trouve le levier de commande des gaz sur son secteur cranté. Un entonnoir elliptique capte l'air chaud du cylindre afin de le diriger vers la cuve du carburateur dans le but de combattre un éventuel givrage. En agrandissant l'image du catalogue Aiglon 1903 (cliquer dessus), on aperçoit une petite tubulure qui relie le carburateur et la chambre de la soupape d'échappement, une ingénieuse façon de se passer de l'entonnoir en question. Ce détail n'a pas été conservé sur la Andru du Pioneer.
Le moteur Mirus à soupape automatique de la Andru était aussi disponible chez Aiglon en version N° 2 à "soupapes commandées" (de nos jours on dit "latérales"). La machine était alors à 825 F. Par ailleurs, le moteur Mirus "latérales" équipait de nombreuses autres marques françaises de moindre renom.
(À suivre : d'autres merveilles du Pioneer)
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AVIS AUX AMATEURS : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
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