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LA MAIN AU PANIER : ÇA PEUT MENER LOIN !
Entendu un lundi matin au journal de la Matinale de France Inter : "Quand tu tires et qu'çà rentre, ça fait du bien !" Déclaration enthousiaste et débridée de Céline Dumerc (à droite) la capitaine de l'équipe de France de basket (baptisées "Les Braqueuses"), au lendemain de leur magnifique victoire sur la Serbie (73 à 57). Avec la suite malheureuse qu'on connait...
REPRENONS NOS ESPRITS !
Les plus grands noms de la photographie française ne se sont jamais beaucoup passionnés pour la moto ou le sport motocycliste. Cependant, en grattant bien, on peut récolter quelques images. Elles sont plus ou moins intéressantes mais elles ont le mérite d'exister.
On commence par celles d'Henri Cartier-Bresson, membre-fondateur de la célèbre agence Magnum, qui a parcouru le monde pour le compte de nombreux magazines français et étrangers. Toujours présent là où il se passait quelque chose, que ce soit l'arrivée des communistes à Shanghaï ou la crise de Cuba, jusqu'au combat pour le Larzac, la libération de Paris, celle des camps nazis, etc.
En Mongolie, un sidecar très familial (environ 1950). On aura reconnu une Planeta Ish d'origine russe, une 350 deux temps monocylindre de 11 chevaux "pompée" sur une DKW d'avant-guerre.
Publicité d'époque sur : https://www.autoevolution.com/moto/izh-49-1951.html#agal_10
Rejeton d'une riche famille d'industriels (le fil à coudre Cartier-Bresson), il refuse l'avenir qui lui était tracé. Des études artistiques le mèneront dans le sillage des surréalistes avant qu'il se tourne vers la photographie. Son premier reportage sur l'Afrique parait en 1930 puis il revient en Espagne au moment du coup de force de Franco. Il adhère à la cause des communistes jusqu'en 1946 avant de s'en éloigner à la suite de la répression en Hongrie (1947). Durant toute cette période, il ne signera d'ailleurs ses œuvres que du seul nom Henri Cartier, en particulier le film "Victoire de la vie", en hommage à la république espagnole (video sur http://parcours.cinearchives.org/).
Alors que la plupart des seigneurs de la photo ont été plutôt attirés par l'automobile, à l'exemple d'un Jacques-Henri Lartigue ou d'un Man Ray, on trouve chez Cartier-Bresson plus d'une douzaine de clichés sur lesquels apparait un deux-roues. Jamais en sujet principal certes, mais toujours présent dans un coin de l'image.
Dans le bidonville de Nanterre où vivront des milliers d'immigrés dans les années 50 à 70. À gauche, une Mobylette AV 89, principal moyen de transport de l'ouvrier et des jeunes.
Motobécane était alors le premier constructeur MONDIAL de deux-roues !
La moto est rarement le sujet principal comme ici en 1974 sur le plateau du Larzac. Un lieu de rassemblement emblématique des luttes de la jeunesse, à la fois CONTRE l'armée qui voulait agrandir un camp déjà existant et POUR défendre les paysans chassés de leurs terres. C'est à cette occasion que la France va découvrir une future grande gueule de la politique: José Bové.
Le rêve américain de toute une génération : le Fanticmotor Chopper ou la Harley (miniaturisée...) de Peter Fonda dans le film-que-vous-savez. Il fut proposé en 50 cm3 et en 125 cm3 et c'est avec l'un de ces 125 que Jean-Pierre Edart, apôtre du 50 à Moto Journal s'engagea - et termina - le Tour de France Motocycliste en 1974 !
Autre pays et autre machine, sans doute une Norton, puisque nous sommes en Angleterre où Cartier-Bresson a capté une image que l'on n'a guère l'habitude de trouver dans nos gazettes habituelles.(voir correction par Gilles Tocanne dans les commentaires en fin d'article)
"C'est grâce aux Américains, a t-il déclaré un jour, que j'ai été considéré comme un artiste-photographe". Dès le début des années 30, il est en effet exposé dans une galerie new-yorkaise alors que la France mettra plus d'un quart-de-siècle avant d'admettre que la photo est un art véritable (bien qu'elle fut pionnière dans ce domaine...). L'œil de C-B sur l'Amérique est critique mais pas sectaire comme on pourrait s'y attendre au regard de ses convictions politiques de l'époque. Lesquelles vont changer, on l'a vu. Au long de plusieurs séjours aux États-Unis, ses sujets se diversifient à l'extrême : chômeurs dormant dans la rue, banquiers dans leur bureau, grève aux usines Ford, prisonniers dans le New Jersey, manifestations des noirs pour les droits civiques. Du Texas, il rapportera une "image motocycliste'" rare. Elle est rare car elle a été faite "à la volée", depuis une voiture (le rétro en amorce à droite), rare aussi parce qu'on y voit un noir sur une Harley. C'est le noir qui fait la rareté, pas la Harley vue à Galveston, au Texas en 1967. Coïncidence ou non, de 1963 à 1968 l'Amérique était en proie à des émeutes raciales qui rendront célèbres à travers le monde les noms de Watts (New York), Selma (Alabama) ou Chicago. Une fois encore, Cartier-Bresson a donné son "point de vue" sur l'évènement...
Thème récurrent des photographes, "Les Amoureux" de Cartier-Bresson sont de ceux que l'on ne peut soupçonner de poser. D'autres plus célèbres sont d'ailleurs exploités en cartes postales et leur authenticité n'a de cesse d'être discutée par la "gentry" de la photo. On remarque au passage le cadrage tout en hauteur qui se retrouve souvent chez l'artiste. Il ne doit rien à un tirage postérieur dans la chambre noire car C-B ne recadrait jamais une photo. Dans sa tête l'image était "exacte" dès qu'il appuyait sur le déclencheur du Leïca.
ATENÇAO ! OCCHIO ! WATCH OUT ! ATTENTION !
Le ministère de l'Intérieur va nous gâter qui annonce la mise en place "massive" de radars embarqués, plus mobiles encore que ceux qui existent déjà. Dans des voitures banalisées, le conducteur sera seul à bord pour conduire et actionner l'appareil détecteur. C'est une question d'argent qui retarde l'affaire pour le moment (54 millions d'euros à trouver pour équiper 400 véhicules !), mais six voitures sont déjà opérationnelles à titre d'essai dans la région d'Évreux. Parait qu'elles seraient à la recherche d'un faux prêtre russe - plus ou moins barbu selon les saisons - au guidon d'un monstre noir qui sillonne la région. M'est avis qu'il ferait bien de se mettre au vélo, électrique à la rigueur et vu son grand âge...
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Suite de la saga Meguro (7)
Les savants ne sont toujours pas d'accord sur l'auteur de la célèbre formule "la fonction crée l'organe", ni sur sa validité. Alors, à qui l'attribuer : Darwin Charles ou Lamarck Jean-Baptiste de ? Pendant que d'autres avancent même le nom de Claude Bernard ! On ne tranchera pas sur cette querelle de clochers et voyons plutôt en quoi la formule peut s'appliquer à notre moto. Idée saugrenue, dites-vous ? Pas tellement si on examine la photo du Quasimodo tout tordu ci-dessous.
Question au bac : Faut-il être bancal pour piloter cette moto ou bien est-ce la pratique de cette moto qui vous rend bancal. Développez : vous avez 4 heures !
Si vous êtes de la génération Kevin ou Ryan, ça doit vous rappeler votre 104 Pigeot "tuné" à mort par un guidon en tubes torsadés et rapprochés pour donner une silhouette racing. Y'a de l'idée, mais vous avez tout faux car la bécane qui est pilotée par ce guidon n'a rien d'un cyclo. Ce n'est pas plus une épave sortie de la casse du Père Toupourien, mais une machine préparée pour une spécialité japonaise : l'Auto Race qui se traduit simplement par Course de motos (ou Öto Rèsu, le japonais, c'est pas simple !). Bien avant les épreuves tracées à Nagoya puis aux flancs du mont Asama, des compétitions motocyclistes se disputaient déjà sur des circuits improvisés. Finalement interdits, ils firent place à des aménagements en circuit fermé qui pouvaient recevoir aussi bien des courses cyclistes que des courses de chevaux et enfin des courses de motos.
Afin de soutenir une industrie motocycliste renaissante, les pouvoirs publics autorisèrent en 1950 les paris sur ces courses. Les parieurs devinrent vite intéressés puisqu'il s'agissait, à l'origine noble cause, d'encourager le développement de l'industrie. Tout comme la race chevaline est améliorée chez nous par le P.M.U. (Vous n'avez pas l'air convaincu ?). Avec sa vieille 500 Z 7 à soupapes en tête, Meguro était le mieux placé pour se lancer dans ce "sport" puisqu'il n'y avait pas d'autres grosses cylindrées japonaises dans la concurrence, hormis les Rikuo au gabarit Harley. Il faut savoir que Meguro était à l'époque parmi les grands constructeurs japonais. Mais ses choix techniques et une direction erratique le laisseront au bord de la route empruntée par ceux qui vont former plus tard "la bande des Quatre".
C'est donc le paisible moteur de cette machine, rescapée de l'avant-guerre qui motorise la Blue Meguro (c'est son nom), première machine d'usine siglée Meguro. Elle doit dater des tout premiers âges de l'Auto Race car ses pneus à gros pavés l'auraient empêché de rouler sur un sol bitumé. Fortement inspiré par le Motosacoche de la même période, ce culbuté a néanmoins reçu quelques soins qui le font passer de 11 ch d'origine à 28 ch ! Son allure générale est celle d'un classique engin de speedway avec quelques particularités dont la plus évidente est son guidon dissymétrique, la branche droite étant plus basse (et de beaucoup) tandis que la branche gauche est plus haute (beaucoup aussi). Il fallait bien ça pour permettre au pilote de se tenir sur une machine presque toujours inclinée côté gauche (on roule à contresens des aiguilles d'une montre). Et "inclinée", c'est rien de le dire, voyez plutôt ce que ça donne en action.
⇑ Tout l'art du pilotage consiste à rouler sans déraper en équilibrant avec la botte gauche munie d'une semelle en acier qui n'est pas là pour la simple décoration. Le guidon haut du côté gauche dégage le genou qui, sans modification, toucherait la poignée (On est ici en entrée de virage).
⇑ La première vitesse ne sert qu'au départ qui est donné moteur en route. Ensuite on se couche après un court bout droit. Ensuite, c'est gazzzzz !
⇑ Les pneus sont parfaitement lisses, pas de suspension arrière et une mini fourche télescopique d'un débattement symbolique (Récemment la fourche télescopique classique a fait son apparition - photo d'ouverture de cet article - ce qui enlève un peu au caractère "hérétique" de ces motos). Les manches sont extrêmement rapides mais courtes, 5 à 6 tours sur un ovale de 800 mètres qui accueille 8 pilotes à la fois. Un certain nombre de réunions permettent d'établir un classement final et national. À chaque départ, les pilotes sont échelonnés sur la grille dans l'ordre inverse de leur classement provisoire au championnat.
⇑ Comme dans un P.M.U. les courses sont suivies en direct à la télé. On se doute bien que les paris sont ce qui intéresse en premier les amateurs de ce sport... Pour éviter les ententes louches ou combines douteuses (les redoutables yakusas s'y sont intéressés), les pilotes sont enfermés dans une zone interdite à toute personne "étrangère" depuis la veille de la course (un dortoir est prévu).
⇑ Les somptueuses infrastructures des circuits (ici, celui de Kawaguchi) donnent une bonne idée de l'importance des "Öto Rèsu" dans la vie économique - et sportive, quand même - du Japon. Il existe quatre autres lieux du même genre dans tout l'archipel nippon.
L'ÉCURIE MEGURO
Le culbuté "suisse" avouant ses limites, Meguro proposa un monocylindre simple arbre à cames (commandé par chaîne) . Ce type MP de 512 cm3 développait 45 chevaux à 7 500 t/minute. Allumage par magnéto et boîte de vitesses à deux rapports par sélecteur respectaient les canons de la spécialité, y compris l'absence de freins.
⇑ En 1957/58 Meguro abandonna la distribution par tiges et culbuteurs de la 125 de son catalogue pour l'arbre à cames en tête. Bien que restée disponible durant plusieurs années, cette nouveauté fut un bide commercial avec 2000 exemplaires vendus. Les études sur ce 125 dérivèrent vers un nouveau moteur destiné à l'Auto Race. Ce massif Type MW de 605 cm3 fournissait 56 chevaux grâce à une distribution passée au double ACT.
Des dissidents installèrent un Triumph pour trouver plus de puissance avant que Meguro ne réagisse avec son gros twin. L'absence de toute photo sur ces derniers modèles semblerait indiquer que ce fut pas un succès. D'autant que le déclin de la marque commençait à se faire sentir. Cependant...
... on trouve sur le vouèbe cette machine qui pourrait être une Meguro-Kawasaki équipée du twin dernière génération dont il est question plus haut. Mais la taille des pneus est plutôt celle des machines de dirt-track "true blood american".
Le Japon s'intéresse à son patrimoine et le temps est loin où les usines passaient à la ferraille les motos de Grand Prix de l'année précédente ! Les machines les plus bizarres de la discipline Öto Rèsu ont leurs collectionneurs. Certaines sont exposées dans les mini-musées de divers circuits sur les lieux mêmes de leurs exploits. On voit ci-dessus un premier modèle (6) culbuté ou simple ACT puis une version à moteur Triumph (6 rouge). Plus loin, la 7 avec un moteur de marque indéterminée à cylindre et culasse très carrés, c'est peut-être celui de la Meguro MW mono à 2 ACT.
Suzuki fournit actuellement le moteur AR 600 (Auto Race 600) de la spécialité : bicylindre 600 cm3 à air avec deux soupapes (par cylindre), double ACT commandé par chaîne que l'on distingue sur la photo ci-dessous...
... exposé en démonstration dans une école. La pratique de l'Auto Race demande ensuite des années d'apprentissage dans d'autres écoles avant d'être admis à pénétrer dans l'arène avec les grands professionnels.
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Selon plusieurs sources, Eugène Mauve aurait fait ses débuts en compétition dans le Paris-Nice de 1920. Les "sources" dont il est question n'étant pas autorisées car elle pratique la "Méthode Ripolin" (*), on se reporte à la littérature de l'époque, donc Moto Revue (plus spécialisée, Cyclecars & Voiturettes n'apparaît qu'à l'été 1921). Mauve était déjà dans le monde motorisé car lors d'un "portrait" biographique publié par Motocycles en juillet 1951, il y était question de sa secrétaire, Mlle Colin "qui travaille avec lui depuis 1918" et qui est, ajoutait la revue, "simple, aimable et d'une compétence toujours souriante". Ici souvenir personnel - qui restera entre nous - à propos de la demoiselle qui était encore au côté de Mauve dans les années 50. Étant le plus jeune de la rédaction de MR, j'étais souvent "désigné volontaire" pour les tâches ingrates dont les demandes d'accréditation auprès des organisateurs d'épreuves sportives comme le Bol d'or. Le Bol, c'était Mauve et Mauve, c'était Mlle Colin qui répondait au téléphone avec l'amabilité du Cerbère de la mythologie grecque. De longues minutes de négociations étaient nécessaires à chaque fois pour obtenir le carton Passe-Presse (pour 1 seule personne !). Un journaliste supplémentaire n'avait droit qu'au carton "Invité" qui ne donnait pas accès à la piste ni aux stands. On n'a pas dû connaître la même personne, Motocycles et moi... (fin de la parenthèse personnelle).
(*) La méthode Ripolin consiste à copier ce que le premier a écrit sur un sujet donné, lequel a recopié ce que le précédent avait écrit, lequel a recopié ce que... etc... etc...)
La Elfe qui a failli courir à la Côte d'Argenteuil (Photo d'après Moto Revue)
Donc pas plus de Mauve que d'Elfe dans le Paris-Nice 1920 (15-17 février) qui a vu un triomphe pour le trois-roues Morgan. Pas de regrets à avoir car l'U.M.F. (Fédé de l'époque) annulera les résultats d'une épreuve trop mal organisée et source de réclamations innombrables.
La première grande épreuve de vitesse en région parisienne était la course de la Côte d'Argenteuil le 7 mars. Mauve y est engagé sur une Elfe mais, carrramba, encorrre rrraté ! il ne peut pas prendre le départ ! En cause, un garde boue avant manque sur sa machine en contradiction totale avec le règlement qui impose cet "accessoire" aux quatre roues (ou trois). Moto Revue en publie néanmoins la photo qui, surprise, ne correspond en rien à la squelettique Elfe "laboratoire roulant" (ci-dessus). Le détail le plus important est que son moteur, toujours un Anzani, est placé à l'avant, devant les pieds du pilote. La carrosserie est succincte, mais elle existe, sur un châssis beaucoup plus haut, tandis que les roues flasquées sont une variante aux roues fil "motos" que l'on verra par la suite.
Pas de Mauve au G.P. de Fontainebleau (30 mai) mais il est annoncé dans le Grand Prix des Cyclecars et Voiturettes de la Sarthe (Le Mans, 26 août), avec pas moins de quatre voitures. Deux en 750 et deux en 1100 cm3 qui seront motorisées avec des Anzani à air et à eau. Finalement, ce sont deux Elfe 750 "à air" qui se présentent au départ, venues par la route, en 5 heures, et menées par Mauve et Rousseau. Elles seront toutes les deux seules à courir dans leur catégorie.
Carte postale publicitaire.
Sur un châssis plus long, on voit qu'elles ont l'allure générale du modèle d'Argenteuil à la calandre prés qui simule un radiateur inexistant, tandis que la découpe latérale plus prononcée dégage la position du passager. Ayant chacune leurs garde-boue, elles partent pour les 273 km du parcours, soit 16 tours. Quoique largement inférieures en vitesse aux gros-bras de la concurrence (JAP 4 soupapes bi en V), les Elfe font bonne figure. Du moins celle de Mauve car Rousseau s'arrête au 5ème tour sur rupture d'une canalisation d'admission. Il roulait alors en une grosse demi-heure au tour contre les 18 à 20 minutes de son co-équipier. Lequel, trahi par sa magnéto lâche prise lui aussi au bout de 11 tours. Les longues distances ne sont manifestement pas le terrain préféré des Elfe, carrossées ou pas.
Présent dans toutes les épreuves sportives de la région parisienne, le constructeur de la route de la Révolte peut se permettre de ne pas mentionner, ci-contre, le nom de sa machine dans ses publicités. Sauf dans Moto Revue où il passe régulièrement un huitième de page siglé "Elfe"…
De plus, le monumental bicylindre en V favori de Mauve est sans doute arrivé à son terme d'évolution car, signe des temps à venir, l'épreuve du Mans a été remportée par le cyclecar Major équipé d'un Bi-Temps (licence SICAM) de Marcel Violet, l'apôtre du "sans-soupapes". Il est vrai qu'il a été favorisé par les déboires de l'Anglais Ware sur un Morgan à eau dont le radiateur vidé en sept tours fut rempli d'eau froide lors du ravitaillement, provoquant l'éclatement de la chemise d'eau d'un cylindre. Nullement démonté, Ware boucha l'admission sur ce cylindre et reprit la piste sur le seul restant, jusqu'au bout de ses 15 tours. Mais, pour citer un fameux "Corniaud" : "Maintenant elle va marcher beaucoup moins bien, forcément !).
L'ANNÉE 1920 se termine par les courses de côtes de Gaillon (10 octobre) et Gometz-le-Châtel (30 octobre). Une fois encore Mauve est devancé par Violet sur sa Major qui signe un 45'' 1/5 contre 49 '' à la Elfe à Gaillon tandis que dans l'autre côte, Mauve est ex-œquo avec Lévêque sur une Ruby. On ignore tout des Elfes engagées, mais au bénéfice du doute et au vu de leurs performances, on les suppose du type "laboratoire roulant".
Quand ce n'est pas le deux-temps de Violet qui fait des misères à Mauve, c'est un Morgan qui s'y colle, en particulier celui de Sandford (JAP) qui, au Concours du Litre d'Essence (26 décembre) a parcouru 25,588 kms avec un litre du précieux liquide alors que Mauve s'arrêtait à 19,127 kms.
LE RITUEL PARIS-NICE 1921 donne le coup d'envoi des grandes épreuves d'endurance du 21 au 25 février. Cependant, la grande affaire de l'année est la préparation d'un Paris-Madrid dans la tradition des ville-à-ville des débuts de la motorisation. Cet ambitieux projet, porté par Moto Revue et la quotidien L'Auto sera finalement transformé en un Paris-les Pyrénées-Paris. La moyenne imposée de 30 km/h (celle du Paris-Nice) n'aurait rien eu de redoutable au contraire des formalités administratives. Les passages en douane (aller-retour) ; le contrôle des quantités d'essence dans les réservoirs ; l'assurance obligatoire et autres triptyque, passeport, licence de l'année, etc, auront raison du projet.
Malgré les divers incidents ou accidents qui l'émaillent, Paris-Nice est parfois qualifié de "promenade de santé". Pourtant, il peut être éliminatoire. Ou pas dans le cas de Mauve. Si l'Elfe 1100 qu'il pilote a bien pris le départ de Montgeron à 6 h 45 au matin du 21 février, il n'en est plus question dans les jours suivants, et même pas dans le classement final. Bizarrement, on le retrouve dans le Criterium de Nice qui concluait ce Paris-Nice, comportant kilomètre lancé, démarrage à froid et montée de La Turbie. Or ces épreuves accueillaient les concurrents sans pénalités, donc médaillés d'or... Mauve, que Moto Revue donne Médaille de Vermeil (autre incertitude), s'y est classé troisième, derrière un Morgan et un G.N. (Godfrey & Nash). Les 90 km/h de l'Elfe 1100 dans le km lancé donne une idée des performances du bicylindre Anzani. Surtout que, une fois n'est pas coutume, Mauve a battu en 40'' le Morgan de Sandford crédité de 40'' 2/5.
Si l'on se fie à Moto Revue qui a publié cette photo, l'Elfe du Paris-Nice 1921 était celle-ci, préparée avec l'accastillage nécessaire à une longue épreuve : phare, coffre arrière, avertisseur à manivelle. Le décor révèle le lieu et les circonstances puisqu'il s'agit du "laboratoire" de l'A.C.F. à Neuilly où étaient présentées les machines des engagés pour vérifications techniques.
La même photographiée devant ce qui devait être les ateliers de Mauve, route de la Révolte à Levallois-Perret. Le cylindre fixé le long du châssis est le réservoir d'acétylène alimentant le phare.
Où l'on retrouve la N° 105 en pleine "action" mais photographiée dans un flou artistique qui permet de douter de la réalité même de l'action. En effet, il est douteux qu'un photographe ait pu se placer aussi près de son sujet dans une compétition tout en disposant d'un appareil (à plaques...) adéquat.
Autre photo d'une Elfe "Longue distance" assez peu différente de la première ci-avant, hormis la roue de secours sur le coffre et un réservoir qui semble plus volumineux. Cependant, le phare a disparu alors que le départ du Paris-Nice était donné aux petites heures du matin, donc dans la nuit de février. Autre hypothèse, Mauve était engagé pour Paris-les Pyrénées-Paris (30 avril - 4mai) mais il n'a pas pris le départ. En tout cas, pilote et passager sont chaudement vêtus.
Toujours en 1921, l'Elfe "dénudée" est engagée le 24 avril au Concours d'endurance de l'Union Motocycliste de France, soit 250 km à parcourir sur un circuit entre Marly-le-Roi et Noisy-le-Roi. Venant toujours par la route, Mauve emmenait prudemment des roues de secours arrimées de façon inhabituelle. Elles supportaient aussi la plaque d'immatriculation...
Le départ et l'arrivée était donnés à la Ferme du Trou d'Enfer (ci-dessus) qui servait de point de contrôle et de ravitaillement. L'endroit était desservi par une route dite carrossable, mais dans les chemins forestiers, le parcours "peut-être trop acrobatique" jugea Moto Revue, ressemblait plus à une épreuve de trial tel que les Anglais le pratiquait à l'époque (Photo BNF-Gallica).
Les pénalités s'appliquaient pour retard aux contrôles disséminés tous les 4 kilomètres sur le parcours mais aussi en cas d'arrêt du moteur pendant les ravitaillements. Par contre, le fait d'être poussé par des spectateurs dans les passages difficiles n'était pas sanctionné, du moment que le moteur du véhicule continuait à tourner. Mauve se classera deuxième derrière le G.N. de Honel et devant deux autres G.N. et le Morgan de Sandford.
Quelques modifications visibles sur l'Elfe au départ du G.P. de France des Motos et Cyclecars à Provins le 26 juin. Seulement une bien mauvaise et minuscule photo dans Moto Revue qui s'est pourtant fendue d'une page en héliogravure pour l'occasion. Le bâti arrière est renforcé pour soutenir un gros réservoir du carburant embarqué en vue des 297 km qu'il y avait à couvrir. Un autre réservoir est installé à l'avant, mais ni l'un ni l'autre ne seront utiles ! Dès le premier tour, un pneu avant de la machine déjante et après de multiples embardées, l'Elfe termine sa course contre un arbre. Mauve est indemne mais Lucien Charigny son passager et mécanicien est relevé avec une jambe brisée. Il est vrai que sa position l'exposait aux pires dangers en cas d'accident...
"Par manque de temps", nous disent les gazettes, Mauve n'a pu participer au G.P. de France de la Sarthe (Le Mans) où il était engagé. Mais on le retrouve au Meeting de Calais où il est premier en 1100 sur deux concurrents engagés... C'est ensuite le Concours du Litre d'Essence (25 septembre) dominé par la nouvelle venue de chez Peugeot : la 4 cylindres Quadrilette. Avec son litre de carburant, elle a parcouru 26 km 438 contre 20 km 340 à l'Elfe, soit 1 km 213 de plus qu'en 1920.
Évidemment, l'économie n'est pas le principal souci de Mauve, toujours présent lorsqu'il entend le mot "vitesse". Il a encore affuté sa machine (vraie) monoplace en vue de la Côte de Gaillon du 2 octobre 1921 (photo ci-dessus). Le bicylindre Anzani est flanqué d'une hélice censée le refroidir mais disposée d'une curieuse façon. Il est certain qu'un "laboratoire" même roulant sert à expérimenter les plus apparemment - folles idées !
Exceptionnelle photo d'une épreuve (toujours Gaillon 2 octobre) où tout est à détailler : d'abord la machine de Mauve (n° 72) en action devant des spectateurs contenus par des soldats en armes, ensuite le sol d'une "bonne" route dont on voit que la pente n'était pas la seule difficulté, le tout baigné dans un joli soleil d'automne d'une heure matinale que trahit l'ombre de l'Elfe...
LE 1er OCTOBRE 1921, dans son numéro du Salon de l'Automobile et de la Moto, Moto Revue publie une photo de la nouvelle Elfe. Ce sera - sauf erreur - le seul document qui montre ce changement radical dans les conceptions de Mauve. Le texte qui l'accompagne est sans équivoque. Après description de la motorisation toujours fournie par un Anzani 1100 bicylindre en V vient la BOMBE ! : "Suspension par semi-cantilever, direction à quadrilatère (Jeantorus)". De son côté, Cyclecars & Voiturettes dans son compte-rendu de Salon enfonce le clou dans sa description de l'Elfe : "Direction par vis sans fin et ressorts 1/2 cantilever à l'avant et à l'arrière". La messe est dite, le "laboratoire roulant" va peu à peu rejoindre la multitude des cyclecars concurrents. Si tant est que l'on puisse parler de concurrence puisque Mauve à lui tout seul formait avec sa machine (ses machines) une catégorie spéciale !
Le bouillonnant personnage pense déjà à ce qui restera l'œuvre de sa vie : une grande épreuve de 24 heures sans arrêt sur circuit fermé, à l'image de ce qui existe pour le vélo depuis 1894 : le Bol d'or. Le sien sera motocycliste, sidecariste et cyclecariste, sous l'égide de l'A.M.C.F. (Amicale Motocycliste et Cyclecariste de France), il se courra fin mai 1922.
Engagé dans nombre d'épreuves du début de saison, Mauve ne prend le départ qu'à la Côte d'Argenteuil déplacée à celle de Cœur Volant. Le 12 mars, en cyclecars 1100, il y signe un 46''2/5 que Cyclecars & Voiturettes commente d'un poli : "Performance des plus honorables".
Après l'intermède du Bol d'Or, on le retrouve à la Côte de Gometz-le-Châtel le 27 août, toujours avec son fidèle "laboratoire" 1100. Étant président de l'AAMM qui organise, Mauve devait montrer l'exemple et c'est sans doute pour ça qu'il pilote dans deux catégories...
... d'abord en "Monoplaces" où il termine 3ème sur quatre classés...
... puis en "Biplaces" avec la même machine, où il finit 5ème sur cinq classés (Nota : les "effets" de lumière parasites sur ces photos ne sont pas produits par l'écran de votre ordinateur en train de cramer. Ces documents proviennent du fonds Rol-Gallica de la BNF et, bientôt centenaires, ils ont souffert de l'épreuve du temps).
LA DESCENDANCE ADULTÉRINE DES ELFE
Sous le label "Elfe" vont être construits des cyclecars sous une marque qui semble avoir existé bien avant l'accord dont il est question ci-après. On ne sait pas dans quelle mesure Mauve en est vraiment le père. Car s'il est un génial artiste de la motorisation, il n'a rien d'un "finisseur" capable de proposer une machine prête à prendre la route. D'ailleurs, à cette époque, et pour longtemps, il est d'usage qu'un châssis motorisé passe ensuite dans les mains d'un carrossier spécialisé qui peut être choisi par l'acheteur.
Une publicité parue en mai après le Bol d'or 1922 (ci-dessus) donnait déjà un indice quant à l'avenir de l'Elfe. Les termes "de série" employés dans cette annonce ne cadraient pas exactement avec l'habituel "laboratoire roulant". La situation deviendra tout de suite plus claire à la fin de l'année lorsque, dans son panorama des cyclecars du Salon 1921, Moto Revue écrit à propos de l'Elfe : "Cet intéressant cyclecar sera fabriqué par une puissante société de province. Mauve, l'actif et sympathique constructeur aurait traité la construction de l'Elfe avec M. Defrance". La photo qui illustre l'article ne laisse aucun doute, l'Elfe de MM. Defrance n'a rien à voir avec celle(s) de Mauve. Il saute aux yeux que l'Anzani en V a été abandonné au profit d'un 4 cylindres Nova. Production de C.I.M.E. (Compagnie Industrielle des Moteurs à Explosion, Usine à Fraisses - Loire) le Nova a des soupapes "commandées par le dessus", autrement dit avec un arbre à cames en tête entrainé par un arbre à l'avant du bloc. Choix d'autant plus curieux qu'un Anzani 4 cylindres avec ACT est présenté au même moment.
Et Moto Revue d'en remettre une couche dans le compte-rendu de Salon qui suit où l'on apprend que "le stand de Mauve attira beaucoup de monde et beaucoup de curiosité (...) Le châssis exposé était (...) bien étudié et tout à fait dans les sentiers battus (sic)". Suit la description convenue du bloc moteur Nova de 55 x 100, la direction par vis et secteur, et enfin le coup de grâce "un châssis tout à fait du type voiture en tôle emboutie". Avec en conclusion : "Le Mauve est un cyclecar robuste et simple, ne possédant que des solutions éprouvées et d'une bonne venue. Il y a toujours quelques risques à être un précurseur, Mauve qui en fut un en tant que coureur n'a pas voulu l'être comme constructeur et il a bien fait"
Laudateur en diable, ce texte avait pourtant tout d'une oraison funèbre...
On ne va pas se quitter sur une note triste, alors une dernière photo pour la route d'une Elfe dont on ne connaît ni la date de naissance ni à quelle épreuve elle était destinée. On remarque seulement que ses ailes avant sont plus larges que de coutume et qu'une toile tendue fait fonction de capot devant les jambes de Mauve. S'il ne fallait qu'une image à garder en tête pour honorer le travail de l'artiste, ce serait celle-ci !
Quatre hommes et quatre icônes de la moto. On souligne que le p'tit bonhomme en culottes de golf est l'un des rares, sinon le seul, personnages non-coureur à avoir sa place dans la légende du motocyclisme français.
Photo par Le P'tit Photographe
Remerciements éternels (au minimum) à Marc Tudeau qui m'a épargné des heures de recherches en publiant sur son Facebook de nombreuses photos de Elfe provenant de la BNF-Gallica. Et en grand format siouplait ! On ne perd pas son temps en visitant son FB riche en "loucheries" comme on les aime.
4 commentaires -
Outre sa laideur (je persiste et signe), on a beaucoup reproché au défunt scooter BMW C1 d'être sous-motorisé. Il est vrai que les 15 pferde (chevaux) sur le 125 et 18 pour le 200 (176 cm3 en réalité), ramaient à assurer le décollage des 195 kilos (!) de la bête.
Manque juste un écran télé pour le passager qui doit s'ennuyer un peu... comme en voiture.
Cependant, il y a des inconditionnels de la formule 'ma-moto-sous-mon-toit 'qui ont trouvé des solutions dont celle ci-dessus, emmenée par le 6 cylindres de la Honda Gold Wing. L'aérodynamique de l'ensemble semble très correcte, n'était le petit appendice arrière destiné au transport de la glacière et simplement fixé par deux sandows.
Autre réalisation sur une base de Guzzi, semble-t-il. Plus artisanale et donc plus à la portée de l'amateur-bricoleur (Chez Bricorama, se recommander du Zhumoriste)
La suite mène logiquement à deux roues de plus ...
Mais pour beaucoup moins cher, les Chinois vous propose cette installation à une cinquantaine de dollars. Peut également servir d'abri de plage ou de châssis pour accélérer le mûrissement des citrouilles, courgettes ou autres cucurbitacées.
QUOI DE NEUF DANS LA PRESSE ?
Là, c'est l'embarras du choix, surtout qu'on n'y a pas mis le nez depuis longtemps. Beaucoup de mises en scène avec des scooters dans la mode. Ça nous change des omniprésentes Harley, mais est-ce un mieux ? On peut en discuter. En tout cas, c'est déjà plus varié et plus coloré. Exemple chez Dolce & Gabbana où, Italie oblige la Vespa est bien visible et participe de l'ambiance "Capri".
On s'étonnera toujours (et on regrette) les visages fermés-butés des deux 'vedettes' centrales qui plombent l'ambiance festive qui imprègne l'image. C'est, paraît-il, une façon de ne pas attirer l'attention sur la femme au détriment de ce qu'elle porte. Mouais...
Encore des scooters avec celui-ci qui remplace le cheval (Photo Morgan Fache pour l'Obs)
... et deux autres, shootés à Milan (Photo par Bea de Giacomo - M Le Monde)
Les Triumph de la génération "renaissance" ont une bonne cote auprès des stylistes de mode, donc aussi des photographes de même métal. La maison Ugholin (Lyon) l'a choisie pour son modèle qui présente la collection Printemps-Été 2017 de chemises, polos et pulls. Se fait aussi en bleu (la Triumph)
FAITES CE QUE JE DIS...
Vous avez vu - ou pas - cette grande enquête sur les journalistes dans le supplément L'époque du journal Le Monde. Sous le titre : "Sale temps pour les journalistes. Accusés d'être les suppôts du système, conspués par les politiques, délaissés par les lecteurs, ils ne font plus vraiment rêver. Mais pourquoi tant de haine ?". 18 journalistes de divers médias racontent leurs déboires, les quolibets, les insultes qu'ils subissent couramment dans l'exercice de leur travail. 18 en tout dont 2 femmes qui ne sont d'ailleurs pas sur "papier" mais sur "web". 2 femmes sur 18, ça fait donc un peu plus de 10 % alors que le nombre de Cartes de Presse détenues par des femmes représente 47 % des 35 238 cartes attribuées tout sexes confondus (16 446 contre 18 792). Alors que tout le monde, les journaux en premier, déplorent les difficultés que la parité rencontre pour s'imposer dans la pratique quotidienne, m'est avis que d'aucuns devraient commencer par balayer devant leur porte.
zhumoriste carte n° 14603
LE DESIGN FAIT-MAISON
"La Fiancée du vent" dans une version 1949, bien avant celle de BMW (qui a repris les termes de ce slogan à un livret de Horex publié à l'occasion de son cinquantenaire)
Pendant les années trente, les gazettes spécialisées abondaient en dessins fournis par leurs lecteurs sur le thème "La Moto en l'An 2000". On s'y étripait surtout sur le choix chaîne-ou-cardan ou encore deux-temps contre quatre-temps. Beaucoup plus rares étaient les projets avec carénages que l'on pensait alors réservés aux machines de records. Tout changea au début des années 50 lorsqu'apparut la fameuse BMW R12 carénée par Louis Lepoix (1918-1998) ci-contre à droite. Ce Français établi en Allemagne, à Baden-Baden, est l'un des premiers, sinon LE premier a avoir pensé le design de la moto. Aujourd'hui, il existe à Baden-Baden (QG de la Zone d'occupation française de 1945 à 1949) un établissement très réputé, le Louis-Lepoix-Schule, un lycée que la ville a installé dans les locaux de l'ancien Lycée Charles de Gaulle. Rien que çà !
Toujours "Über Alles Deutschland" ?
Il était dit que l'Allemagne serait le berceau de la moto carénée avec, souvenez-vous, la BMW R100 RS "Fiancée du vent". À moins qu'il ne s'agisse de l'Autriche où l'on pouvait voir, dès 1949, cette Zündapp (ci-dessus) engagée à L'Alpenfahrt de la même année. À en juger par le boîtier qui surplombe le carénage des culasses il s'agit d'une 4 cylindres K800 à soupapes latérales dont les deux bougies sont au-dessus des deux cylindres. Enfin, le pied du pilote cache le tube d'échappement du cylindre arrière prolongé par un silencieux non d'origine. À l'inverse des formes fluides et efficaces du point de vue aérodynamique (presque molles, à la Dali) de la machine de Lepoix, la Zündapp est moins enveloppée et si la partie arrière est plutôt réussie, l'entourage de la direction-réservoir est discutable. Mais il s'agissait peut-être d'un travail en cours (work in progress comme on dit en franglais).
Comme je n'aurai pas souvent l'occasion d'en parler, j'en profite pour passer le dessin du moteur de la Zündapp K 800 tel que le fournissait le service de presse de la ZUNdapp und APParatebau à sa belle époque. Avec ses 22 chevaux, cette 4 cylindres est le couronnement de la série "K" des machines que Richard Küchen avait conçues avec Xavier son frère pour le nouveau programme de 1933 présenté au Salon de Berlin. Transmission finale par arbre comme de bien entendu, mais elle utilise néanmoins 4 chaînes (duplex) au lieu d'engrenages pour la boîte à vitesses - l'idée fixe de Richard K - plus 1 chaîne à l'entraînement de l'arbre à cames.
PAS CON, LE MEC !
Si, à l'occasion de vos vacances vous allez trainer vos savattes en Nouvelle-Zélande, je ne saurais trop vous conseiller d'aller admirer la collection "100 chairs in 100 days" à la City Gallery de Wellington. Les plus anglophones parmi vous auront compris de quoi il retourne avec le titre de cette exposition "100 chaises en 100 jours" qui résume le travail de Martino Gamper, un artiste italien vivant à Londres. En récupérant des sièges abandonnés dans la rue ou en sollicitant des dons de ses amis, il a vraiment "construit" 100 chaises dans le délai annoncé. Fastoche ! dites-vous... encore fallait-il avoir l'idée. Maintenant, si ça vous inspire, rien ne vous empêche de vous mettre au travail car, chaque exemplaire étant unique, il n'y a pas risque de copies.
Depuis plusieurs années, la collection a voyagé à travers le monde. Sans doute en se transformant et en augmentant car, pour cl'expo de la ville de Wellington, qui ne présentait que 99 chaises, Martino Gamper en a réalisé une centième.
NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS...
Dans la presse quotidienne de papa - c'était il y a presque des siècles - on trouvait la page des "carnets". Blancs, roses ou noirs, il portaient à la connaissance des lecteurs les petits évènements de la vie de leurs voisins, connaissances et amis (ou ennemis). Blanc, le carnet annonçait les mariages, rose c'était pour les naissances et noir les décès. À mon avis, il manque une couleur annonçant les faits entre le noir et le blanc : t'as deviné, ce serait le gris. Pour des nouvelles pas vraiment gaies mais pas vraiment catastrophique. Ainsi pourrait-on y voir publier l'annonce que vient de faire François-Marie Dumas dans son blog de moto-collection.org :
"Clap de fin ! Si vous achetiez La Vie de la Moto pour lire ma double page d’histoire, ce n’est plus la peine, car après douze ans et 325 articles, j’ai décidé d’arrêter ma collaboration avec ce support avec qui je me sens de moins en moins en phase.
Ne comptez pas non plus vous rattraper, un numéro sur deux, avec les articles de Bernard Salvat, car il m’a chargé de vous annoncer que sa collaboration avec LVM s’arrêtera elle aussi après la parution du huitième et dernier épisode de l’histoire de Monet Goyon".
Comme vous voyez, ce n'est pas une nouvelle épouvantable. C'est seulement triste car il ne reste plus guère d'autre support "papier" où pourraient s'exprimer des gens du calibre de F.-M. Dumas ou B. Salvat. La presse moto ancienne ne se trouve déjà pas trop bien au point de pouvoir se passer de tels collaborateurs et la relève tarde à sa faire connaître. Les historiens-sic sont nombreux dans ce domaine, mais ils répandent plutôt leur science sur le vouèbe en pompant le "papier" aussi allègrement que maladroitement. Deux de leurs principales sources viennent donc leur échapper. Et on ne peut même pas souhaiter, comme d'usage, les retrouver "ailleurs pour de nouvelles aventures" puisqu'il n'y a plus "d'ailleurs".
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AVIS AUX AMATEURS : Il reste quelques exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 € port compris fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
Des trois volumes "La Motocyclette en France" déjà publiés, seul celui traitant de la période "1922-1924" est encore disponible. 55 € port compris. Adresse mail idem ci-dessus
10 commentaires -
La lettre "C" étant peu riche à Montlhéry en marques motocyclistes, surtout après le "CY" de Cyclotracteur, on poursuit avec le "D" de Douglas.
Bientôt centenaire et c'est reparti comme en 14 !
Pour un peu, Douglas aurait pu être française car lointainement née sous le nom de "Fée" elle fut vite transformée en "Fairy" bien plus britannique pur tweed. De bons historiens - tout aussi britanniques - supposent que le nom français avait plus de sex-appeal à une époque où la technique motocycliste française donnait l'exemple au monde (please, on ne rit pas !). Cette Fairy apparut en 1905 mais ne rencontra pas le succès par la faute d'un allumage fantaisiste et de la puissance trop modeste de ses 200 cm3 à soupapes automatiques. Car il y avait deux soupapes puisque ses cylindres étaient deux, opposés et disposés à plat "dans le sens de la marche". C'est ce qui faisait la différence avec la concurrence, mais c'est aussi ce qui faisait peur à l'acheteur peu enclin à expérimenter les nouvelles techniques.
L'unique Fairy 1907 survivante participe régulièrement à des expositions ou rallyes de machines anciennes, comme ici au célèbre Londres-Brighton (Pioneer Run) en 1987.
Cette Fairy fut découverte en pièces détachées dans un phare (!) à l'est de l'Écosse. Il existe un autre moteur en Nouvelle-Zélande où ces machines furent exportées, de même qu'au Japon.
Au bord de la déconfiture financière, son créateur, John Joseph Barter fit affaire avec William, l'un des trois frères Douglas. Fondeurs de leur état (lampadaires, poêles, grilles d'égout, etc). Ceux-ci avaient réalisé des travaux pour les moteurs de Barter et William décida de se lancer dans l'aventure motocycliste avec Barter dans ses bagages. En 1907, ils présentaient au Salon pas moins de six Douglas avec des moteurs de 340 cm3 tous en flat-twin longitudinal. Dans leur élan, il allèrent jusqu'à construire un 4 cylindres en V de 700 cm3 qui n'eut pas de postérité (sniff !).
D'année en année, Douglas améliora ses machines. La tenue de route ne fut pas négligée et fut rendue bien meilleure grâce au positionnement du moteur de plus en plus bas dans la partie-cycle. Sur ce modèle de 1911 (ci-dessus), la magnéto trouva une place dans une niche du réservoir, la mettant ainsi à l'abri de la pluie et ses courts-circuits, cauchemars des motocyclistes de l'époque.
Un dépôt en France, plutôt un hôpital, où étaient rassemblées les éclopées de la bataille avant réparations ou, plus probablement, réforme définitive. Les Douglas y sont en nombre.
Dès 1912, l'armée britannique pensait à l'équipement de ses unités motocyclistes. Ainsi, au Tourist Trophy de cette année l'on vit deux civils représentants de l'armée de Sa Majesté suivre attentivement le comportement des diverses marques engagées. Ce T.T. vit la victoire en 350 de la Douglas de Bashall. Ce n'est donc pas un hasard si plus de 25 000 machines de Bristol furent en service durant la Première guerre mondiale. Elles y gagnèrent leur réputation de fiabilité qui se répandit ensuite largement...
... après la fin du conflit lorsqu'elle furent mises en vente en France au titre de surplus militaires, en compagnie des BSA et autres Indian et Harley-Davidson. Sur ces dernières, les anglaises avaient l'avantage d'une moindre consommation, malgré et pour ces qualités même, des prix aux enchères plus élevés. Il semble que beaucoup de ces Douglas ont trouvé preneurs d'abord dans leur pays d'origine. On connaît peu chez nous d'annonces les concernant alors qu'abondent celles qui proposaient d'autres anglaises (Triumph, BSA) et surtout les américaines qui finiront par être bradées.
EUGÈNE MAUVE avec ses légendaires culottes de golf est connu pour être le "Père du Bol d'Or". Ce Bol était à l'origine motocycliste ET cyclecariste lorsqu'il l'avait créé en 1922 sous l'égide de l'AAAMM (Association Amicale des Anciens Motocyclistes Militaires) ci-dessous. Si on ne trouve pas trace de ses activités sur deux roues, Eugène Mauve, par contre était un cyclecariste convaincu qui a laissé sa trace (euh...) chez nos frères handicapés qui ont besoin d'une troisième, voire d'une quatrième roue pour tenir debout. En 1920, à 27 ans, il participe à sa première compétition, un Paris-Nice, sur une machine de sa construction : une Elfe. Ce sera son "laboratoire roulant" durant plusieurs années au cours desquelles l'engin squelettique sera largement remanié : plus court, plus long, biplace ou monoplace, équipé tourisme ou sport. Et même "hypersport" lorsqu'il doit batailler avec des organisateurs qui veulent lui imposer des garde-boue ou un éclairage. Les moteurs des Elfe viennent de chez Alessandro Anzani. En V latérales ou en V plus serrés à culbuteurs, ce sont de grosses gamelles dans la limite des 1100 cm3 du règlement cyclecariste.
Il fallait un solide optimisme - en plus d'une bon coup de patte - pour se lancer dans la reconstruction d'une Elfe selon Saint-Eugène-Mauve. Ce fut l'une des surprises de ce VRM 2017 que de retrouver une telle machine de légende avec un vrai moteur Anzani, jusqu'ici connu seulement - sauf erreur - par photos.
Qu'il soit refroidi par air ou par eau, leurs cotes-moteur sont identiques : alésage 75 mm pour 124 mm de course (1100 cm3). À gauche, un extrait de catalogue Anzani. Une photo d'époque de ce moteur sous un autre angle est annotée au dos : 2 VT 2. Le modèle à eau de droite est aussi sur une photo d'époque qui porte au dos la mention manuscrite : 2 V.
Contrairement à ce laissent penser les photos "officielles" précédentes, les cylindres ne sont pas sur un même plan mais en léger décalage. Ce positionnement est encore plus visible sur la photo suivante. Le refroidissement du cylindre arrière en est amélioré, au dépens d'une complication de l'embiellage (un FAJ ou un Jackymoto pourrait sans doute nous éclairer là-dessus).
Le châssis bois renforcé-métal, soigneusement entretoisé, a tout l'air d'une construction en Meccano, mais il fallait bien ça pour respecter les normes cyclecaristes. Celles-ci portaient sur la cylindrée maximum autorisée mais aussi sur le poids du véhicule qui devaitt être inférieur à 350 kg. D'où la prolifération de pièces en "gruyère" partout où c'est possible.
Essieu monté sur cheville ouvrière munie de deux ressorts antagonistes assurant un semblant de "suspension" mais pas de colonne de direction. Dans la meilleure tradition de l'aéronautique de l'époque, celle-ci est assurée par un système de câbles en acier coulissant sur des grosses roulettes et tirant sur chaque extrémités de l'essieu avant. Un moyeu au volant commande alternativement l'enroulement de chacun des câbles.
UN HISTORIQUE DE POCHE
La première apparition d'une Elfe dans Moto Revue est cette photo qui représente le Type Sport vu (?) au Salon 1919. Dans le tableau récapitulatif de MR où figure "Elfe" (pas d'illustration) on ne trouve que cette laconique description : "Monobloc Anzani" avec les prix soit 5 200 F (une place) et 5 500 (deux places). Dans le texte accompagnant la photo ci-dessus, il n'est plus question que d'une deux places avec moteur de 6 HP à transmission par courroie ou 8 HP avec chaîne. Les deux modèles bénéficient d'un "pont arrière complètement hermétique, avec 3 vitesses et marche arrière, au gré du client" (sic). Le changement de vitesse et l'embrayage seraient obtenus par "déplacement de l'essieu arrière" selon Motocyclisme, la revue rivale de MR. Ces descriptions approximatives et contradictoires permettent néanmoins de constater que la Elfe du Salon n'a rien à voir avec le fameux "laboratoire roulant" d'Eugène Mauve...
... lequel devait plutôt ressembler à ça ↑dans ses premières versions. "Inventeur" de la disposition centrale-arrière du moteur, Eugène Mauve parait avoir tâtonné avant de l'appliquer définitivement bien que restant fidèle aux moteurs d'Alessandro Anzani dont il était d'ailleurs voisin ou presque. On comprend en voyant s'engager de tels engins le casse-tête des organisateurs d'épreuves sportives contraints de les classer dans la catégorie "biplace" que Mauve obtenait, au mépris de la... virilité de ses mécaniciens...
Anzani ne dédaignait pas la distribution par soupapes latérales et son catalogue proposait ces deux bicylindres de construction différente. L'un avec la magnéto en bout de vilebrequin, l'autre avec la magnéto entraînée par cascade de pignons à l'avant du carter-moteur (Anzani était aussi constructeur de magnétos à sa marque). De cotes identiques, ces moteurs existaient en 750 cm3 (Alésage 75 mm x 84) et en 1000 cm3 (85 x 87).
Griffon, en 1920, semble avoir été la seule marque française à proposer une 1000 équipée de l'Anzani bicylindre latéral. Machine remarquable par ailleurs pour sa suspension arrière oscillante contrôlée par un ressort à lames placé verticalement derrière le tube de selle.
(Il en reste encore un peu, c'est donc À SUIVRE !)
Plus tard, lorsque la Elfe se sera embourgeoisée comme une vraie voiture, c'est encore un Anzani qui la motorisera, mais en 4 cylindres.
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