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TOUT D'ABORD une rectification qui, justement, concerne le deux-temps. Dans un précédent article sur ce Bol 1923, j'ai écrit que le C.S.V. de Marcel Violet était engagé mais n'avait pas couru. C'était une erreur car on retrouve dans les classements le scooter C.S.V. (Compagnie des Scooters Violet ?) du célèbre ingénieur spécialiste en beaucoup de choses diverses (son eau "dynamisée"), ce qui en fait un digne descendant de Georgia Knap.
Jusqu'à plus ample informé, voici l'unique document représentant la machine de Violet vue ici lors de la Coupe des 100 kilomètres disputée le 3 juin 1923 sur le circuit de Chanteloup-Triel. Le scooter à grandes roues a ainsi trouvé son défenseur qui était d'ailleurs le seul de sa catégorie dans cette épreuve. Engagé avec les 125 au Bol d'or, il a terminé 10ème sur 11 classés avec 119 points de pénalisations. Sans aucune description technique, on en est réduit aux hypothèses concernant cette machine. Entre autres une suspension arrière oscillante sur ressorts à lames dans un montage rappelant le Vélauto (Monet-Goyon) comme l'aspect général de ce C.S.V.
Dans la catégorie des 125 cm3, et bien que contraints de respecter une moyenne imposée de 38 km/h, les Rovin ont fait carton plein. Emmenées par le marquis Raoul Pégulu de Rovin soi-même, trois de ses machines terminent en tête avec 0 pénalisation.
Tous les pilotes sont donc ex-œquos, mais Barthélémy n° 21 favorisé par l'ordre alphabétique figure en premier sur les classements. Il est probable qu'il a aussi reçu la bise au vainqueur de la part de la "Miss" de service bien esseulée dans cette ambiance masculine (Photo BNF - Gallica). Avec Lézin, Barthélémy est l'un des fidèles de Rovin à qui il a apporté nombre de records de vitesse, y compris en catégorie 100 Mondiale pour laquelle il n'y a pas encore vraiment de concurrence.
L'équipe des Rovin à l'arrivée avec bouquets et visages un peu marqués : de gauche à droite, Barthélémy, Lézin et M. le Marquis himself qui courait sous le simple nom républicain de "Raoul" (Photo BNF - Gallica).
Bien en phase avec son époque, Raoul de Rovin modulait sa publicité en fonction du public auquel il s'adressait. Dans les revues spécialisées, il mettait l'accent sur les performances et les caractéristiques de ses machines. Dans la presse généraliste dite "de qualité" telle L'Illustration (à droite), ou celle plus populaire comme Lectures pour tous (à gauche), c'est l'élégance féminine qui était censée mettre en valeur ses mécaniques au demeurant connues pour leur finition exemplaire.
Dans un registre moins flamboyant, Chéret a lui aussi terminé avec un score vierge sur sa Mascotte P.S. (Photo BNF - Gallica). Signée de Poinsard, financée par Sivigny, la Mascotte est un deux-temps monovitesse capable de belles performances en vitesse pure. Le 9 septembre suivant, le même Chéret atteindra 85,328 km/h dans les tentatives au Bois de Boulogne, Allée des Acacias (!), mais l'éternel rival Rovin avait signé avant lui un sidérant 91,521 km/h grâce à Lézin qui ne pilotait qu'un 100 cm3 ! Pourtant, la Mascotte était bien gavée ce jour-là... par trois carburateurs...
Née avec une transmission par courroie directe, la Mascotte "Standard" pouvait recevoir un embrayage à segment extensible moyennant un supplément de 95 F s'ajoutant au prix de base de 1750 F. Au Salon de Paris 1923 elle est présentée avec chaîne finale et amortisseur dans le moyeu arrière, c'est la "Luxe" à 1850 F (embrayage en option : 95 F). Auréolée de son titre de "Championne de France" (Tourisme 125), garantie pour 65 km à l'heure, elle est de 140 plus chère que la "Luxe" alors que son embrayage est toujours facturé en supplément. Elle est aussi disponible avec un moteur à deux vitesses avec embrayage pour la coquette somme de 2185 F ce qui la rapproche des 250 cm3 et dépasse même certaines d'entre elles comme la D.F.R. ou l'Ultima, toutes deux à 1995 F. La Mascotte existera aussi en modèle "Dame" avec un moteur sans changement, simplement incliné sur l'avant dans un cadre "col de cygne". Comme durant toute l'existence de la marque et sur tous les modèles, la fourche est une A.B.L. pendulaire avec ressort horizontal. Les moteurs P.S. seuls étaient également disponibles pour toute autre marque à 800 et 900 F selon le type mono ou 2 vitesses. On les trouve ainsi chez Austral, Columbia, Prester, Sanchoc, Stella et bien d'autres sans doute.
C'est sans doute par ironie, provocation - comme nos ados actuels qui affichent une tête de mort sur leur T shirt - que Messieurs P. et S. avaient choisi un chat noir pour accompagner leur marque. Façon aussi de conjurer le mauvais sort. Lequel aura eu le dessus car La Mascotte s'estompe dans le paysage motocycliste français avant de disparaître des radars en 1925. Plus de Sivigny alors qu'on retrouvera dès la fin 1924 un Jean Poinsard qui deviendra le "P" des moteurs L.M.P. (Lalo, Mignonac & Poinsard).
En 250 cm3 comme en 350 - et en 500 - les vainqueurs de 1923 sont les mêmes que ceux de l'année précédente, mais à des moyennes plus élevées. Celles-ci dépassent les 50 km/h (58,500 pour la 500 Motosacoche) grâce à la nature d'un circuit plus roulant et à l'expérience acquise par les concurrents. Parmi ces performances, celle de François Clech sur sa 250 Motosolo (photo ci-dessus) est particulièrement remarquable car elle égale celle du premier des 350, Pierre (de Font-Réaulx) sur D.F.R. Les deux hommes sont crédités de 1200 km 362 chacun avec la même moyenne de 50 km/h mais, avec son manque de rigueur habituel, la presse spécialisée, de Moto Revue à Motocyclisme en passant par La Revue Motocycliste, tous annoncent 206 tours pour Pierre et 203 pour Clech...
Une photo moins connue de Clech avec une Motosolo du G.P. de Strasbourg 1923 qui permet de voir le côté transmission. Aux garde-boue près, elle est très proche de celle avec laquelle il a fait le Bol d'or. On trouvera plus de détails sur la carrière de Clech recueillis pas Alain Daigne et publiés sur Pit Lane ou encore sur la défunte revue Moto D'hier.
Toujours bienveillante à l'égard de D.F.R., dans son numéro avec les résultats du Bol la revue rouge passe en couverture la photo de Pierre de Font-Réaulx sur sa 350. Manière de représailles et témoignage de la guéguerre entre revues spécialisées, Motocyclisme ne cite Pierre que pour mettre en valeur la performance de la Motosolo de Clech crédité du même kilométrage que lui, tandis que La Revue Motocycliste, tout en louant leur valeur, ne cite aucun des noms des deux pilotes de D.F.R. (Pierre et Stanton) qui ont fait le doublé dans la catégorie 350.
Sans doute sourd aux sollicitations des démarcheurs en publicité des revues, pas un mot sur la 250 Supplexa hormis le classement sec de Toussaint (n° 34) qui précède ici la D.F.R. de Pierre. L'occasion de voir de près la nature du sol de ce circuit jugé plus roulant que celui du Bol 1922. On voit aussi que le casque n'avait pas encore convaincu tout le monde.
Pierre n'est pas le seul constructeur a payer de sa personne au guidon d'une machine à sa marque car Rasser était là, tout comme l'année précédente. En 1923, il est troisième des 350, derrière les deux D.F.R. à seulement 8 tours de celle de Stanton.
Huit attelages avaient annoncé leur engagement en 350, 600 et 1000 cm3 mais cinq seulement figurent dans les classements. Plus question des Sigrand 1000 (en réalité une production de MM. Debladis & Sigrand, futurs D.S. Malterre, à base de Harley et Henderson) ; plus de New-Imperial et pas plus de Motosacoche qui avait pourtant fait une belle démonstration en 1922. Le champ restait libre pour Harley-Davidson.
Avec 207 tours, soit 1206,189 km abattus en 24 heures, Becker l'emporte devant Vulliamy, également monté sur un équipage mené par le twin semi-culbuté de Milwaukee (191 tours du circuit de 5,827 kms). La moyenne de Becker, ci-dessus au pesage à Neuilly, établie à 50,25 km/h ne paraît pas exceptionnelle, mais elle bat cependant celle de Gex au Bol 1922 sur une Motosacoche 1000 chouchoutée par le concessionnaire national sans doute plus intéressé par de bons résultats que celui de Harley.
L'une des sensations d'une point de vue technique fut la première apparition dans une compétition française d'un britannique 350 Bradshaw. C'est Rovin qui avait engagé en sidecar une machine confiée à Roggero (Ci-dessus).
Roggero encore dont le passager se livre à une gymnastique qui déplaisait fortement aux partisans d'un tourisme tranquille symbolisé part le sidecar. La photo a sans doute été prise au matin du dimanche car les militaires ont abandonné la posture autoritaire qu'ils étaient censés incarner autour du circuit.
Doté d'un révolutionnaire refroidissement par huile et air, jamais vu dans le domaine motocycliste, le Bradshaw ne réussit pas à convaincre et ne se trouva que chez une grosse demi-douzaine de constructeurs. En France, seuls Rovin et D.F.R. séduits par son aspect moderne le montèrent sur des machines probablement à exemplaires uniques.
Spécialiste des longues distances (en 1914, il a fait un Paris-Marseille sur René-Gillet à 46 de moyenne !), Emmanuel Dubost a pris du service chez D.F.R. au Bol en sidecar 350. Le bouquet honore la deuxième place qu'il a apportée à l'un des créateurs de la marque Pierre de Font-Réaulx, ici à sa droite guillotiné par le photographe.
Seul en sidecar 600 cm3, Mignot a de ce fait "établi le record de la catégorie" en menant sa Triumph à 35,900 km de moyenne.
(Toutes les photos d'action de l'article sont © BNF - Gallica)
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Toute l'actualité sportive, les nouveautés techniques, les Salons des années 1922, 1923 et 1924 sont à retrouver dans ce livre (190 pages - 21 x 30) abondamment illustré de documents d'époque dont une majorité d'inédits.
Des trois autres livres consacrés à "La Motocyclette en France", le volume sur la période "1894 - 1914" est totalement épuisé ainsi que le deuxième sur "1914 - 1921". Seul celui-ci traitant les années 1922 à 1924 est encore disponible. 55 euros port compris (Plus amples informations sur janbour@free.fr)
3 commentaires -
COMMENTANT l'escapade de sa fille sur le tan-sad de la Terrot de son amoureux, Marcel Pagnol faisait dire au père de la petite, l'immense Raimu, cette mémorable sentence : "Parce qu'une motocyclette, ça n'a l'air de rien, mais ça peut emporter le bonheur d'une famille" (in La Fille du puisatier). Il aurait pu ajouter : "Le bonheur et aussi l'avenir d'une famille" car on était alors dans une époque où la contraception se pratiquait de façon barbare, à l'aiguille à tricoter, l'épingle à chapeau, la tringle à rideau (!) ou bien, effectivement, par un tour sur le tan-sad d'une moto ! La méthode faisait partie des "recettes" que se passaient les femmes dont la moins dangereuse n'était pas un passage, à l'issue parfois mortelle, chez la sinistre "faiseuse d'anges" qui pour ça risquait les assises et donc la guillotine... (ci-dessus, jaquette du livre illustrée par Sempé)
Il faut dire qu'avec une selle pareille, la démonstration n'en est que plus éclatante ! La page entière extraite d'un magazine hebdomadaire généraliste se trouve en bas à droite.
Grâce à la pilule, ces temps obscurantistes ont disparu (pas partout, hélas !) et la motocyclette est devenue un auxiliaire dans la gynécologie. Non pas de l'avortement, mais dans un remède aux petites misères féminines des lendemains d'accouchement. Si vous êtes un homme et que vous n'avez pas d'idées sur la question, demandez à Maman de vous expliquer. Les filles, plus fûtées que les gars, sont déjà au parfum. La moto - oui, on est parti de là - la moto est aujourd'hui un précieux indicateur de la qualité d'un produit qu'il est ainsi possible de tester /propositions (c'est du latin, c'est pas cochon). Dans des temps anciens, révolus eux-aussi, l'essai d'une moto permettait de détecter les fuites possibles d'un moteur ("surtout sur les anglaises", entends-je couiner dans le fond de la salle, près du poële, et c'était pas complètement faux). Aujourd'hui on pourrait tester aussi les utilisateurs eux-mêmes parce que - ne rigolez pas les gars - les "fuites" en question frappent aussi les hommes. Et pas que les vieux hommes si l'on en juge par cet extrait d'une publicité (ci-dessus, à gauche). Le texte est ambigu car dans "Aidez-les", ce "les" ne précise pas ce qui est concerné, ni qui parle ainsi. Si c'est un homme, c'est direct, précis, factuel. Si c'est une femme, toutes les suppositions/propositions sont possibles, y compris les plus... romantiques.
AU CIMETIÈRE des photos loupées, il y a les superpositions involontaires, l'ombre du photographe sur le sujet, le flou, la tête coupée du personnage, un décor ridicule, etc. Il y a aussi le sujet bancal en travers sur un côté, victime d'une trop forte pression sur le déclencheur. Souvent considérée comme raté, ce genre de photo est à nouveau pratiqué et par les plus grands chevaliers du Kodak, au point de devenir comme une épidémie. La preuve en quelques images glanées à travers la presse imprimée...
Clémentine Melois (écrivaine, plasticienne et oulipienne) en travers et en lévitation dans le quotidien Le Monde. (photographie par la portraitiste Annabelle Lourenço)
Josh et Benny Safdie, cinéastes, à Cannes (photographie de Stephane Vanfleteren pour Le Monde)
Stephane Vanfleteren frappe à nouveau dans Le Monde , choisissant un confrère pour sujet, le photographe Raymond Depardon, ici dans le rôle de l'arroseur arrosé.
Autre travers qui ne doit rien à la photographie mais tout à la nature. L'artiste Julien Berthier a déplacé le centre de gravité de ce bateau abandonné et que son propriétaire lui a cédé. Ensuite il en a modifié la coque puis l'a motorisé pour qu'il puisse "naviguer" dans cette position. Il était au mouillage dans la rade Vauban cet été au Havre.
Vu hors d'eau pendant une mise en place, on comprend mieux comment le "LOVE LOVE" de Julien Berthier peut se déplacer tout en gardant sa position insolite (Photos Julien Berthier).
Finalement, cette idée du "travers" n'est pas si neuve que ça comme le montre ce cliché signé Peter Webb (1971) d'une équipe de musiciens assez connus... Mais il est probable que les pionniers de la photo ont expérimenté ce "gag" dès leurs premières expériences.
Ça existe aussi en moto, on ne va pas s'en priver ! Une Greeves - freins à tambours - lors de l'épreuve finale d'accélération-freinage aux Six Jours Internationaux de Trial en 1964.
GRIBOUILLE Gribouille et Cafouille sont dans un bateau. Gribouille dit à Cafouille : "Tu sais qu'en février 2018 la prime de 200 euros (jusqu'à 400 euros à Paris...) à l'achat d'un vélo électrique sera supprimée ? C'est dans le projet de la loi de finances établi par le gouvernement et le ministre des Comptes publics l'a annoncé le 28 septembre". - "Mais non gros bêta, réplique Cafouille, elle sera rétablie en 2018, c'est Elisabeth Borne, ministre des Transports qui l'a dit le 10 octobre". "Attachée aux mobilités actives", qu'elle est, la Ministre, annonçant un débat qui va "imaginer un nouveau dispositif de soutien (...) avec de nouveaux outils simples et efficaces"! T'as compris quelque chose ? Moi non plus... (note à benêt : Gribouille est le personnage type de l'imbécile qui se jette à l'eau pour éviter la pluie. Cafouille : vous en connaissez au moins un dans votre entourage).
UN PEU DE COPINAGE Je vous sais sensibles à l'esthétique de la motocyclette et celle-ci ne peut que vous intéresser par son allure hors du commun. Mais le plus surprenant est à voir du côté gauche de cette machine que je ne peux vous dévoiler pour la bonne raison que je n'ai que cette photo à vous proposer. Le reste se trouve chez F.- M. Dumas sur son blog bien connu. Allez donc y faire un tour et vous y abonner si ce n'est pas déjà fait. C'est ici
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Dans les cartes postales les plus allusives des années 20/30, on a connu des séries dont "La façon de manger les asperges" ou encore "Comment déguster la banane", toutes s'adressant aux femmes, on l'aura deviné (tas de p'tits vicieux !). Rien dans tout ça à l'intention des hommes et il a fallu attendre le XXIème siècle pour que quelqu'un y pense enfin (ci-dessus) avec ce qui pourrait être "L'art de choisir une aubergine".
Rappel pour les ceusses de moins de vingt ans qui n'ont pas pu connaître ces fleurons de l'esprit gaulois (ci-dessus et ci-dessous) qui faisaient rire nos grands et arrière-grands pères.
On doit la version "aubergine" à Charlie Engman, un photographe anglais plutôt spécialisé dans la mode mais avec une touche personnelle complètement foutraque. Ce qui est déjà une prouesse dans ce monde bien fourni en foutraqueries.
Ainsi, lorsque la moto apparaît dans ses œuvres, ça n'est qu'à titre de faire-valoir mais ce n'en est que plus intrigant, entre punk et surréalisme (On lui saura gré d'avoir évité la Harley tellement tarte à la crème chez ces messieurs de la créativité).
Photo pour une marque de casques ? Un fabricant de blousons de cuir ? De canapés ? Et si c'était juste pour le plaisir... (à retrouver sur www.charlieengman.com)
Les youngtimers, hipsters, kustomiseurs (ah ! que ça c'est beau!) et autres bricoleurs de pansements d'amiante ont du souci à se faire. Une nouvelle vague venue du sud-est asiatique se profile, qui va leur donner quelques angoisses dont exemples ci-après recueillis par le ci-devant Vit Hasek globe-trotter de son état.Dans cette partie du monde asiatique, les animaux de trait comme le cheval, le mulet, l'âne, les bœufs ou le buffle ont fait place au scooter. Celui-ci est en grande majorité d'origine chinoise, plus ou moins construit sous licence, mais il n'a cependant pas chassé l'indestructible Vespa (licencié lui aussi ailleurs qu'en Inde ?).
Les vestiges du tablier attestent que l'on est bien en présence d'un Vespa. Pour ce qui est du reste...
Assaisonné à toutes les sauces, y compris les plus épicées, le Vespa a ses fans en Indonésie (Sumatra, Bornéo, Java) qui n'hésitent pas à lui infliger les pires sévices dont le moindre est de l'étirer, le dépouiller, l'abaisser tout en lui ajoutant... des roues. Mais pas seulement dans une version sidecar "banale"...
... car, ne respectant rien, ils inventent le sidecar Vespa "Mille pattes" gros calibre, ci-dessus et ci-dessous, entièrement recarrossé selon l'esthétique militaire.
On peut néanmoins se demander si le guidon style "ape hanger", pompé sur les choppers américains, n'induit pas quelques menus errements de trajectoire.
Une version plus modeste du "mille pattes" avec cette fois un guidon presque normal.
Pour certains, ce guidon n'est vraiment qu'un accessoire et la meilleure preuve en est que l'on peut très bien le "lyophiliser", sans doute en reportant au(x) pied(s) les commandes manuelles. Évidemment, ce qui tire le plus l'œil sur ces photos (ci-dessus et ci-dessous), ce sont des roues aussi jumelées que leurs pneus sont usés.
Ces machines sont de véritables caravanes "décapotables" car dans un pays aussi humide, il faut pouvoir se protéger des pluies parfois violentes. D'où un dais plus ou moins imperméable afin de rester au sec avec son compagnon de voyage, ici un petit singe.
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Sans doute sans le savoir, ces jeunes gens rendent ainsi hommage à George Brough (ci-dessus), l'un des constructeurs les plus "mythifiés" de l'histoire motocycliste ! Dès 1931, sa Brough-Superior "Four" à moteur Austin 4 cylindres avait ouvert une voie qui allait s'avérer sans issue. Un peu timide, G. Brough n'avait jumelé que les roues arrières de sa créature. L'étape suivante était d'appliquer la formule à la roue avant, étape franchie dans les années 40 par le Volugrafo italien à usage militaire.
Imprenable vue d'oiseau d'aigle sur une Brough "Four" attelée, ce qui était sans doute la seule utilisation justifiant le jumelage des roues arrière. Par ailleurs aussi luxueuse que moderne (bloc-moteur multicylindres avec marche arrière, refroidissement liquide, transmission par arbre), elle n'arborait pas la fourche avant Castle de modèles ultérieurs mais une simple Druid à parallélogramme.
Le pont serré entre les deux roues est constitué d'engrenages à taille hélicoïdale, gage de fonctionnement silencieux et de longévité. Sur les 10 exemplaires de cette "Four" construits de 1932 à 1934, on compte 8 machines survivantes dont quelques épaves vite restaurées au vu de leur valeur marchande actuelle...
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Puisqu'on parle gros sous, ne vous fiez pas à l'aspect "destroy" de ce jouet. Revisité par l'artiste allemand Dieter Roth (1930-1998), il vaut bien plus que sa valeur en chocolat ajouté. Car c'est bien ce dérivé de la fève de cacao qui dégouline sur cette moto-jouet mécanique qui se trouve encore pour quelques euros sur certains marchés de plein air.
Revu par l'artiste, ce banal joujou vaut une milliasse d'euros (la galerie où il est en vente annonce d'ailleurs : Prix sur demande). Sur sa lancée, D. Roth a réalisé cette "Course de motos" noyée, là encore, dans le chocolat comme d'autres œuvres dans cette matière. En particulier une monumentale "tour" formée de 2000 bustes de l'artiste d'une conservation aléatoire non garantie... Cette passion pour le chocolat, matière éminemment fragile s'explique sans doute par les origines de Roth : sa mère était Suisse.
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"Bol d'or - Tard dans la soirée, les spectateurs amateurs d'impression attendent la nuit le long de la route" (Légende au dos de cette photo signée de l'Agence Meurisse - Collection personnelle)
AU DÉBUT DES ANNÉES 20, l'industrie motocycliste américaine ne va pas très bien. Les dizaines de marques que comptait le pays jusqu'à la Première guerre ont pour la plupart disparu. Pratiquement, au niveau national il ne reste plus face à face que les deux géants Indian et Harley-Davidson. Ce dernier, moins engagé que son rival dans la coûteuse production de guerre tirera bien son épingle du jeu. Indian, au contraire va mal, essuyant les échecs commerciaux (19 000 ventes sur 30 000 espérées en 1920), les échecs sportifs ou techniques (le démarreur électrique, le coûteux rachat de Merkel), sans parler de la valse des dirigeants. L'un d'eux démissionnera, considérant qu'Indian ne s'intéressait pas suffisamment au marché des "utilitaires".
Il aurait peut-être dû être plus écouté car c'est dans celui-ci que va prospérer un constructeur de machines moins prestigieuses que les "big twins", mais plus apte à un usage aussi urbain que quotidien. Ce qu'on appellerait aujourd'hui un "marché de niches". Dès 1915, Leigh R. Evans s'était intéressé à la transmission par courroie sur un deux roues léger. Juste après la 1ère Guerre, il présente son "Cyclemotor" à moteur de 92 cm3 (51 mm d'alésage x 45 mm) qui apparaît chez nous en 1919. Ce deux-temps à transmission directe par courroie n'a pas grand chose de plus que bien des fabrications françaises concurrentes, mais il est lancé avec
une publicité bien conçue et, semble-t-il bien financée. (Affiche de Pierre Bompard, à droite) Les revues spécialisées en écrivent force éloges, soutenus par des pages de publicités dont certaines sont bicolores lorsqu'elles passent en couverture ou en dernière page. Lui aussi bicolore, un catalogue commercial grand format 21 x 29 présente, outre les modèles disponibles, une pleine page illustrant la douzaine des pièces essentielles composant le moteur (ci-dessus à gauche). On y trouve aussi une version pour dame qui semble n'avoir existé que sur le catalogue (extrait ci-dessous) car on n'en trouve aucune trace ailleurs, y compris sur le vouèbe. Auréolé de son origine yankee, le Cyclemotor a d'autres atouts, malgré un prix (le dollar est très haut chez les banquiers...) qui le handicape.UNE FACTURATION "MODULABLE"
Proposé à l'exorbitant tarif de 2 200 F en 1921, il redescend à 1 800 F l'année suivante, ce qui est comparable aux prix des françaises de la catégorie des 100-,25 cm3, hors l'imbattable Motobécane à 1 375 F ! Mais il n'est rien dit des différentes fourches suspendues de l'américaine (Type Druid ou pendulaire contre la rigide d'origine) ou des suppléments tel le moderne "éclairage électrique" facturé 180 F.
Contrairement aux apparences, la fourche sur ce modèle "Dame" est rigide.
Bien conçu, bien éprouvé car fort de son succès aux États-Unis, le Cyclemotor s'est trouvé deux agents (lire "importateurs"). Il s'agit de Geo Dupuy, à Paris, qui couvre la moitié nord de la France, la moitié sud étant dévolue à MM.Coren & David, à Orange (Vaucluse). Début 1921 figurait également en tant qu'agent "pour Paris et la Seine", un certain P.D. Brown. Lequel a dû jouer un rôle important dans l'aventure en France du Cyclemotor puisque le réservoir de la machine, sans doute la première photographiée par la Presse en France, porte en décalcomanie "Agence Cyclemotor - 39 rue Marbeuf - EVANS".
Ce Brown disparaît ensuite après avoir connu sa minute de gloire "warholienne" dans le Paris-Nice 1921 lorsque Pouget étant accidenté à Vienne, il repriend le guidon du Cyclemotor de son pilote et le mène jusqu'à Nice, hors classement, bien entendu. Autre exploit dans cette même année 1921 où, lors des tentatives de records aux Acacias (Bois de Boulogne) le 13 octobre, Ravenel établira le record "du monde" du kilomètre pour les bicyclettes à moteur en emmenant son Cyclemotor à 54 km/h (1' 7'').
Pouget sur son Cyclemotor au pesage de Paris-Nice 1921 qu'il ne pourra mener au delà de Vienne par la faute d'un chien errant (Photo BNF - Gallica).
Cependant il est une autre performance plus intéressante aux yeux des Français en ces temps de carburant cher. Moto Revue a lancé le Concours du Litre d'Essence premier du nom en décembre 1920 sur un circuit routier autour de Choisy-le-Roi dont le Cyclemotor est sorti vainqueur, ayant parcouru 81,524 km avec 1 litre du précieux liquide. Ce chiffre sera longtemps utilisé comme argument publicitaire ce qui a dû fortement étonner - s'il en ont eu connaissance - les responsables de la Evans Cyclemotor Corporation de Rochester dans un pays où le pétrole coulait à flots...
Le Cyclemotor dans sa version en "kit" était plus économique car adaptable à toute bicyclette moyennant 800 F. La vitesse se modulait grâce à l'avance à l'allumage commandé par un câble au guidon qui se terminait par une corde à piano fixée verticalement dans un enfoncement du réservoir. Ce dernier est donc bien caractéristique et spécifique du Cyclemotor d'origine (voir photo ci-avant en noir et blanc). Cependant, certaines machines en France auraient disposé d'une commande de la vitesse par un câble direct au carburateur (qui n'était sans doute pas celui d'origine).
Avec l'économie, la fiabilité était un argument important dans les motivations de l'acheteur potentiel. Le Paris-Nice par étapes était intéressant avec son côté vitrine publicitaire ambulante et MM. Dupuy et Coren l'avaient bien compris en y engageant plusieurs de leurs machines. Mais les embûches des routes mal entretenues, encombrées parfois de chiens ou bétail errants, la circulation automobile sur des itinéraires non protégés constituaient autant d'aléas qui ne permettaient pas de mettre en évidence les qualités d'endurance des machines. Une qualité souvent tributaire, par ailleurs, de celle des pilotes. Le Bol d'or résolvait une grande partie de ces difficultés en éliminant les risques "extérieurs". La formule était donc excellente pour que des marques moyennes, voire petites comme Evans, viennent y tenter leur chance.
La catégorie des 100 cm3 étant soumise à l'oukase de la Fédé qui refuse d'admettre ces petites cylindrées dans des épreuves de vitesse, l'hypocrisie a finalement accouché de la formule "régularité" avec pénalité de 1 point par minute de retard sur une moyenne imposée. En l'occurrence ce sera 35 km/h. L'époque est à la prolifération des petites cylindrées deux-temps au point que presque la moitié des 43 engagés de ce Bol est composée de 75, 100 et 125 cm3. La renommée du Bol n'est pas suffisamment établie pour que les plus importants constructeurs s'y intéressent. Ce qui, en 100 cm3, laisse une place pour les La Française, Thomann et autres Griffon (en proie à des difficultés avant d'être digéré par Peugeot). Labor et Armor, les faux-nez d'Alcyon, comme Thomann, sont quand même représentés par Jolly et Marc, les deux "pointures" de l'Oiseau bleu mythique.
Les deux Cyclemotorisres à l'arrivée sous l'œil d'une ravissante élégante. Toujours souriant, Pouget (à droite) a l'air moins éprouvé que Rossignol le gagnant. Il est vrai que plus de 800 km sur une simple selle Terry à ressorts, ça peut vous user son bonhomme !
Malgré une forte concurrence nationale, c'est pourtant le Cyclemotor qui l'emporte grâce à Rossignol pénalisé de 24 points tandis que Pouget, son co-équipier est 4 ème avec 46 points. Entre eux sont venus s'intercaler une La Française (31 pts) et une Thomann (45 pts) pilotées par Calvignac et Sallot. Longtemps Calvignac fut en tête de sa catégorie, désireux de montrer la supériorité de sa machine, d'autant plus qu'il en avait conçu le moteur et peut-être aussi la totalité tant elle était d'avant-garde. Qu'on en juge par sa silhouette et la brève description de cette "N° 26" extraite du catalogue de 1923 ci-dessous (les numéros 1 à 25 sont des bicyclettes et la 27 est le Modèle Dame de la bicyclette à moteur).
Le cadre "spécial renforcé" est construit en tubes d'acier soudés à l'autogène et le réservoir en tôle emboutie est soudé au tube supérieur, formant une poutre armée. Ce tube supérieur sert en même temps de réservoir d'huile pour le mélange de ce 100 cm3 deux-temps.
Autre caractéristique innovante, la transmission par chaîne sous carter via un démultiplicateur, le tout pouvant se "débrayer" par un bouton moletté . Hormis l'oscillante à l'avant, cette La Française présentait une caractère très moderne (sauf, peut-être par ses deux freins sur jante arrière) mais à un prix sans doute excessif pour une clientèle peu sensible à l'innovation. Lancée en 1923 à 1 650 F, elle passait à 1 950 F sans que l'on ait eu le temps d'imprimer un nouveau catalogue dans les mois suivants.
La descendance du Cyclemotor, disparu des radars historiques vers 1924, s'est faite suivant deux branches dont l'une - la française - est adultère ! En 1927 reparaît une effrontée "Evans Française" signée de Geo Dupuy, l'ex-importateur de l'Evans étasunien. De l'original ne reste que le cadre et le réservoir (pièces détachées en stock ou refabrications à l'identique ?) avec un moteur Duten bien tricolore.
"La moins chère du monde entier", n'a plus grand chose à voir avec la si simple Evans...
... alors que la Stock allemande préservée au Musée NSU de Neckarsulm en est la parfaite représentation. Et pour cause puisqu'il s'agit d'une fabrication sous licence. Outre un réservoir nickelé en place de celui d'origine noir avec filets or comme le reste des Evans, on remarque surtout une fourche avant de style Indian en plus léger. La Stock Motorpflug ("Charrue motorisée" ?) qui le fabriqua à Berlin n'en semble pas plus fière que ça, et il n'en est pas fait mention dans ses activités par vouiqui.
(À suivre)
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