• Bol d'or 1923 : une offensive "à l'américaine"

    Bol d'or 1923 : une offensive "à l'américaine"

    "Bol d'or - Tard dans la soirée, les spectateurs amateurs d'impression attendent la nuit le long de la route" (Légende au dos de cette photo signée de l'Agence Meurisse - Collection personnelle)

    AU DÉBUT DES ANNÉES 20, l'industrie motocycliste américaine ne va pas très bien. Les dizaines de marques que comptait le pays jusqu'à la Première guerre ont pour la plupart disparu. Pratiquement, au niveau national il ne reste plus face à face que les deux géants Indian et Harley-Davidson. Ce dernier, moins engagé que son rival dans la coûteuse production de guerre tirera bien son épingle du jeu. Indian, au contraire va mal, essuyant les échecs commerciaux (19 000 ventes sur 30 000 espérées en 1920), les échecs sportifs ou techniques (le démarreur électrique, le coûteux rachat de Merkel), sans parler de la valse des dirigeants. L'un d'eux démissionnera, considérant qu'Indian ne s'intéressait pas suffisamment au marché des "utilitaires".

    Il aurait peut-être dû être plus écouté car c'est dans celui-ci que va prospérer un constructeur de machines moins prestigieuses que les "big twins", mais plus apte à un usage aussi urbain que quotidien. Ce qu'on appellerait aujourd'hui un "marché de niches". Dès 1915, Leigh R. Evans s'était intéressé à la transmission par courroie sur un deux roues léger. Juste après la 1ère Guerre, il présente son "Cyclemotor" à moteur de 92 cm3 (51 mm d'alésage x 45 mm) qui apparaît chez nous en 1919. Ce deux-temps à transmission directe par courroie n'a pas grand chose de plus que bien des fabrications Bol d'or 1923 : l'offensive étasuniennefrançaises concurrentes, mais il est lancé avec Bol d'or 1923 : l'offensive étasunienne
    une publicité bien conçue et, semble-t-il bien financée. (Affiche de Pierre Bompard, à droite) Les revues spécialisées en écrivent force éloges, soutenus par des pages de publicités dont certaines sont bicolores lorsqu'elles passent en couverture ou en dernière page. Lui aussi bicolore, un catalogue commercial grand format 21 x 29 présente, outre les modèles disponibles, une pleine page illustrant la douzaine des pièces essentielles composant le moteur (ci-dessus à gauche). On y trouve aussi une version pour dame qui semble n'avoir existé que sur le catalogue (extrait ci-dessous) car on n'en trouve aucune trace ailleurs, y compris sur le vouèbe. Auréolé de son origine yankee, le Cyclemotor a d'autres atouts, malgré un prix (le dollar est très haut chez les banquiers...) qui le handicape.

    UNE FACTURATION "MODULABLE"

    Proposé à l'exorbitant tarif de 2 200 F en 1921, il redescend à 1 800 F l'année suivante, ce qui est comparable aux prix des françaises de la catégorie des 100-,25 cm3, hors l'imbattable Motobécane à 1 375 F ! Mais il n'est rien dit des différentes fourches suspendues de l'américaine (Type Druid ou pendulaire contre la rigide d'origine) ou des suppléments tel le moderne "éclairage électrique" facturé 180 F.

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    Contrairement aux apparences, la fourche sur ce modèle "Dame" est rigide.

    Bien conçu, bien éprouvé car fort de son succès aux États-Unis, le Cyclemotor s'est trouvé deux agents (lire "importateurs"). Il s'agit de Geo Dupuy, à Paris, qui couvre la moitié nord de la France, la moitié sud étant dévolue à MM.Coren & David, à Orange (Vaucluse). Début 1921 figurait également en tant qu'agent "pour Paris et la Seine", un certain P.D. Brown. Lequel a dû jouer un rôle important dans l'aventure en France du Cyclemotor puisque le réservoir de la machine, sans doute la première photographiée par la Presse en France, porte en décalcomanie "Agence Cyclemotor - 39 rue Marbeuf - EVANS".

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    Ce Brown disparaît ensuite après avoir connu sa minute de gloire "warholienne" dans le Paris-Nice 1921 lorsque Pouget étant accidenté à Vienne, il repriend le guidon du Cyclemotor de son pilote et le mène jusqu'à Nice, hors classement, bien entendu. Autre exploit dans cette même année 1921 où, lors des tentatives de records aux Acacias (Bois de Boulogne) le 13 octobre, Ravenel établira le record "du monde" du kilomètre pour les bicyclettes à moteur en emmenant son Cyclemotor à 54 km/h (1' 7'').

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    Pouget sur son Cyclemotor au pesage de Paris-Nice 1921 qu'il ne pourra mener au delà de Vienne par la faute d'un chien errant (Photo BNF - Gallica).

     Cependant il est une autre performance plus intéressante aux yeux des Français en ces temps de carburant cher. Moto Revue a lancé le Concours du Litre d'Essence premier du nom en décembre 1920 sur un circuit routier autour de Choisy-le-Roi dont le Cyclemotor est sorti vainqueur, ayant parcouru 81,524 km avec 1 litre du précieux liquide. Ce chiffre sera longtemps utilisé comme argument publicitaire ce qui a dû fortement étonner - s'il en ont eu connaissance - les responsables de la Evans Cyclemotor Corporation de Rochester dans un pays où le pétrole coulait à flots...

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    Le Cyclemotor dans sa version en "kit" était plus économique car adaptable à toute bicyclette moyennant 800 F. La vitesse se modulait grâce à l'avance à l'allumage commandé par un câble au guidon qui se terminait par une corde à piano fixée verticalement dans un enfoncement du réservoir. Ce dernier est donc bien caractéristique et spécifique du Cyclemotor d'origine (voir photo ci-avant en noir et blanc). Cependant, certaines machines en France auraient disposé d'une commande de la vitesse par un câble direct au carburateur (qui n'était sans doute pas celui d'origine).

    Avec l'économie, la fiabilité était un argument important dans les motivations de l'acheteur potentiel. Le Paris-Nice par étapes était intéressant avec son côté vitrine publicitaire ambulante et MM. Dupuy et Coren l'avaient bien compris en y engageant plusieurs de leurs machines. Mais les embûches des routes mal entretenues, encombrées parfois de chiens ou bétail errants, la circulation automobile sur des itinéraires non protégés constituaient autant d'aléas qui ne permettaient pas de mettre en évidence les qualités d'endurance des machines. Une qualité souvent tributaire, par ailleurs, de celle des pilotes. Le Bol d'or résolvait une grande partie de ces difficultés en éliminant les risques "extérieurs". La formule était donc excellente pour que des marques moyennes, voire petites comme Evans, viennent y tenter leur chance.

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    Les Evans Cyclemotor au pesage du Bol d'or 1923 devant le Laboratoire de L'A.C.F. à Neuilly-sur-Seine. La machine de Rossignol (à gauche) est équipée d'une légère fourche Druid tandis que celle de Pouget n'a qu'une économique oscillante. Les plaques d'immatriculation ne sont utilisées que pour circuler entre le proche siège de l'agence (31, rue Poussin, dans le 16ème) et Neuilly

    La catégorie des 100 cm3 étant soumise à l'oukase de la Fédé qui refuse d'admettre ces petites cylindrées dans des épreuves de vitesse, l'hypocrisie a finalement accouché de la formule "régularité" avec pénalité de 1 point par minute de retard sur une moyenne imposée. En l'occurrence ce sera 35 km/h. L'époque est à la prolifération des petites cylindrées deux-temps au point que presque la moitié des 43 engagés de ce Bol est composée de 75, 100 et 125 cm3. La renommée du Bol n'est pas suffisamment établie pour que les plus importants constructeurs s'y intéressent. Ce qui, en 100 cm3, laisse une place pour les La Française, Thomann et autres Griffon (en proie à des difficultés avant d'être digéré par Peugeot). Labor et Armor, les faux-nez d'Alcyon, comme Thomann, sont quand même représentés par Jolly et Marc, les deux "pointures" de l'Oiseau bleu mythique.

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    Les deux Cyclemotorisres à l'arrivée sous l'œil d'une ravissante élégante. Toujours souriant, Pouget (à droite) a l'air moins éprouvé que Rossignol le gagnant. Il est vrai que plus de 800 km sur une simple selle Terry à ressorts, ça peut vous user son bonhomme !

      Malgré une forte concurrence nationale, c'est pourtant le Cyclemotor qui l'emporte grâce à Rossignol pénalisé de 24 points tandis que Pouget, son co-équipier est 4 ème avec 46 points. Entre eux sont venus s'intercaler une La Française (31 pts) et une Thomann (45 pts) pilotées par Calvignac et Sallot. Longtemps Calvignac fut en tête de sa catégorie, désireux de montrer la supériorité de sa machine, d'autant plus qu'il en avait conçu le moteur et peut-être aussi la totalité tant elle était d'avant-garde. Qu'on en juge par sa silhouette et la brève description de cette "N° 26" extraite du catalogue de 1923 ci-dessous (les numéros 1 à 25 sont des bicyclettes et la 27 est le Modèle Dame de la bicyclette à moteur). 

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    Le cadre "spécial renforcé" est construit en tubes d'acier soudés à l'autogène et le réservoir en tôle emboutie est soudé au tube supérieur, formant une poutre armée. Ce tube supérieur sert en même temps de réservoir d'huile pour le mélange de ce 100 cm3 deux-temps.

    Autre caractéristique innovante, la transmission par chaîne sous carter via un démultiplicateur, le tout pouvant se "débrayer" par un bouton moletté . Hormis l'oscillante à l'avant, cette La Française présentait une caractère très moderne (sauf, peut-être par ses deux freins sur jante arrière) mais à un prix sans doute excessif pour une clientèle peu sensible à l'innovation. Lancée en 1923 à 1 650 F, elle passait à 1 950 F sans que l'on ait eu le temps d'imprimer un nouveau catalogue dans les mois suivants. 

     La descendance du Cyclemotor, disparu des radars historiques vers 1924, s'est faite suivant deux branches dont l'une - la française - est adultère ! En 1927 reparaît une effrontée "Evans Française" signée de Geo Dupuy, l'ex-importateur de l'Evans étasunien. De l'original ne reste que le cadre et le réservoir (pièces détachées en stock ou refabrications à l'identique ?) avec un moteur Duten bien tricolore.

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    "La moins chère du monde entier", n'a plus grand chose à voir avec la si simple Evans...

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    ... alors que la Stock allemande préservée au Musée NSU de Neckarsulm en est la parfaite représentation. Et pour cause puisqu'il s'agit d'une fabrication sous licence. Outre un réservoir nickelé en place de celui d'origine noir avec filets or comme le reste des Evans, on remarque surtout une fourche avant de style Indian en plus léger. La Stock Motorpflug ("Charrue motorisée" ?) qui le fabriqua à Berlin n'en semble pas plus fière que ça, et il n'en est pas fait mention dans ses activités par vouiqui. 

     (À suivre)


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  • Commentaires

    1
    jackymoto
    Dimanche 1er Octobre 2017 à 22:41

    J'étais hier au musée de Neckarsulm, qui a un étage de plus à chacune de mes visites...pas remarqué la Stock au milieu du tas de raretés où la France est assez bien représentée, et où les NSU double ACT sont presque courantes. J'avais vu  (chez Pierre Certain) , le tiers de l'échappement venu de fonderie avec le cylindre...et Pierre m'avait dit qu'un des modèles avaient les deux tiers du pot coulé de la même façon et ça devait faire un cylindre plutôt lourd!smile

     

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