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Flat-twin : qui a été le premier ?
JE NE SAIS PLUS QUI M'A POSÉ LA QUESTION, mais aujourd'hui j'ai la réponse ! Enfin, l'une des réponses, car au petit jeu de "qui c'est le premier qui a fait ça ou ça ?" il se trouve souvent un sniper pour vous dézinguer au dernier moment.
D'abord une précision : on parle ici du premier flat-twin appliqué à un motocycle. En effet, je ne prends pas beaucoup de risques en disant que ce type de moteur a d'abord existé dans l'automobile. D'ailleurs, c'est vraisemblablement le même moteur qui est né dans l'automobile avant de passer au tricycle, précisément sur CE tricycle ↓ ↓ ↓ ↓
Cette illustration a été publiée en accompagnement d'un texte dans la Revue Universelle du 19 février 1898. La Société Continentale d'Automobiles qui construisait ce tricycle est issue en 1897 de l'association de MM. Gautier & Werhlé créée avant 1894. En effet, cette même année, on trouve déjà M. Gautier au volant d'une automobile à vapeur (système Serpollet) qu'il mène à la 16è place du Paris-Rouen. Passés au moteur à pétrole, Gautier & Wehrlé présentent des automobiles "à grandes roues d'égal diamètre" , est-il précisé, ainsi que des modèles électriques. Parmi la gamme de leurs moteurs, il y en a un "à deux cylindres opposés". C'est probablement un moteur de ce type qui équipe leur tricycle de 1898 dont, selon la Revue Universelle, le principal intérêt est d'être rapidement "transformable en voiturette"...
Dans ce but, poursuit la revue, le tricycle se caractérise : "1° Par un moteur équilibré dont la position annule les trépidations. 2° Par la commande à engrenages hélicoïdaux. 3° Par un changement de vitesse permettant de gravir les rampes même accentuées. 4° Par une disposition générale spéciale des organes." Bref, on l'a compris, que du bonheur !
À peu près au même moment, La France Automobile publie une photo de ce tricycle dans une version plus complète. Il a gagné son réservoir de carburant placé au-dessus du moteur ainsi que sa boîte à piles dans le cadre, des accessoires simplement cités dans le premier texte de la Revue Universelle. Logé sous le carter-moteur en aluminium se trouve le carburateur "à ailettes" entraînées par une poulie (système semblable à celui du premier tri De Dion).
La transformation en voiturette annoncée par la Revue Universelle consistait tout simplement à remplacer la selle du tri par un fauteuil "sociable", c'est à dire à deux places côte à côte... Brrrrr !
Gautier-Werlé, et c'est dommage, n'ont pas dépassé le tournant du siècle. Dommage car ils avaient quelques idées originales dans le domaine plus motocycliste. À la fin de 1897, ils ont construit une machine dont le moteur constituait le tube avant du cadre, disposition qui sera longuement éprouvée plus tard sur les Panther britanniques.
La moto de la Société Continentale d'Automobiles présentée, ci-dessus, dans La France Automobile (1898). La même machine figure en photo dans la Revue Scientifique du 18/12/1897, malheureusement de trop mauvaise qualité pour être reproduite ici. Le (gros) tube de selle contient le carburant. La transmission par chaîne via un démultiplicateur est une remarquable, quoique coûteuse, innovation pour l'époque.
La même recette est appliquée sur le tricycle.
D'après ce que l'on peut lire chez les spécialistes de la motorisation, le premier moteur à "cylindres opposés" serait apparu chez le constructeur britannique Lanchester. Mais il n'est pas précisé le nombre de ses cylindres et je n'en ai pas trouvé d'illustration. Le plus approchant de ce qui nous intéresse est la gravure ci-dessus (non daté, vers 1890 ?). Elle représente un impressionnant flat-four de la Gas Motoren Fabrik Deutz qui exploitait le système Otto, amélioré d'après celui de Beau de Rochas.
Pour en arriver à la moto (je vois que vous vous impatientez) ce que j'ai trouvé de plus ancien, c'est cette Fairy qui est l'arrière-arrière-grand mère des Douglas. Ben oui, les jeunes couches, il faut vous y faire : le flat-twin a existé avant les BMW. Cette Fairy est née "Fée" (en français dans le texte), un peu avant 1905 puisque c'est cette même année qu'elle a été présentée au Salon de Londres. C'est une création de Joseph Barter qui, quelques années auparavant avait visité le Salon anglais. Il y avait été particulièrement impressionné par un stand exposant une automobile sur laquelle était posé un verre d'eau. Une fois le moteur mis en marche, seul un léger frémissement était visible à la surface de l'eau. Le stand était celui de... Lanchester, et le moteur était un flat-six !
La Fairy participa au Pioneer Run de 1987
Alors contre-maître dans une entreprise d'outillage, machines et ameublement pour magasins en tout genre, Joseph Barter fit construire - en perruque - un moteur à deux cylindres opposés. Ses premiers essais furent des échecs. De plus il dût quitter son emploi car son patron, qui l'espionnait, lui présenta une facture de 20 £ pour ce travail clandestin.
En rencontrant Walter Moore (pas celui du Norton ACT), sa destinée prit un autre cours. Surtout après que ce dernier le convainquit d'abandonner l'allumage simultané dans les deux cylindres de son moteur ! En 1905, Barter fonda sa propre société et la Fée devint alors Fairy. Le moteur de 200 cm3 à soupapes automatiques était fixé haut dans le cadre car on évitait ainsi d'avoir à modifier une bicyclette ordinaire. Meilleur mécanicien que financier, Barter liquida son affaire et fut embauché chez Douglas, des fondeurs (lampadaires, plaques d'égout, etc) qui avaient déjà fourni certaines pièces de la Fairy. La naissance de "l'autre flat-twin" s'annonçait...
Tags : Flat-twin, Gautier-Wehrlé, Fairy, Société Continentale d'Automobiles, Panther, Lanchester, Otto, Beau de Rochas, Joseph Barter, Douglas
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Commentaires
2jackymotoMardi 3 Mars 2020 à 16:14"Le premier", c'est un truc qu'il faut faire suivre de " jusqu'à la prochaine trouvaille". Je pense tout de même que ça va pas être facile de trouver plus ancien. L'engrenage hélicoïdal devait être une vis sans fin. A noter qu'un "journaliste" dans la présentation de l'espèce de choper BMW 1800 a remarqué que ce moteur n'avait pas d'arbre d'équilibrage! ( par contre il n'a pas vu le palier central du vilebrequin). Le flat même fabriqué en Russie ne vibre pas et ne perd pas les boulons. A noter que les snobs traitent les flat twin de "boxer" (je n'ais jamais vu les pistons se toucher...)
Sur la Gauthier et Werlé il valait mieux utiliser une pince à vélo du côté pédalier
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François ArsèneMardi 3 Mars 2020 à 19:58
salut Jacky, à ma connaissance le qualificatif boxer ne s'applique qu'à un 4 cylindres à plat dont le mouvement horizontal des deux pistons d'un même banc de cylindres rappelle celui des poings d'un boxeur frappant le punching ball
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François ArsèneMardi 3 Mars 2020 à 20:09
Il ne s'agit pas d'une moto mais d'une auto Henriod fabriquée à Neuilly sur Seine en 1897 dont le moteur est un bicylindre à plat, bielles apparentes et soupapes d'échappement en chapelle. C'est la seule connue. Elle participait au Hot Tube en Médoc en 2016 accompagnée d'autres engins - autos, tricycles, quadricycles - tous d'avant 1900. Superbe ! Si ça t'intéresse, Jean, mes photos sont à ta disposition
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3Jean-LucMardi 3 Mars 2020 à 17:56La revue "Le Journal" du 24 décembre 1895 parle d'un quadricycle-tandem Gladiator actionné par un moteur à deux cylindres opposés. Ce n'est plus un motocycle, mais ce n'est pas loin.
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Sauf erreur, Lanchester (je pense que c'est de lui qu'il s'agit) était obnubilé par les vibrations, d'où le choix du flat bien équilibré. Il a été un précurseur, entre autres, de l'utilisation d'arbres d'équilibrage dans les moteurs et des dampers pour amortir les oscillations de torsion.