• Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Comme promis après le dernier article du 23 octobre, voici du nouveau. Et du nouveau de taille puisqu'il s'agit d'un moteur à 20 (vingt) cylindres, pas moins !

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    C'est Kees qui nous fait profiter de cette extraordinaire trouvaille et qui par ailleurs met en doute la réalité du petit moteur en V présenté à Mannheim. À son avis, il s'agirait d'un moteur-pompe de bateau installé dans un cadre de bicyclette. On a déjà connu les fausses Guzzi à pedigree invérifiable, plusieurs Yamaha gagnantes de Grand Prix, l'inénarrable Soyer de course si bien préparée qu'elle a trouvé un client (un pigeon me susurre une voix qui lit par dessus mon épaule) en Angleterre. Aujourd'hui il faudrait donc se méfier non seulement des restaurations approximatives mais aussi des faux "ancêtres". C'est d'autant plus ardu que les témoignages d'époque se font rares car, comme le disait Alphonse Allais : "Plus on ira, moins il y aura de centenaires qui auront connu Napoléon 1er"... ou, moins loin de nous, le tricycle De Dion !

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Du plus gros on passe au plus petit avec cette Herdtlé-Bruneau présentée lors d'une déjà lointaine réunion des Coupes Moto Légende. Autant qu'il m'en souvienne, il s'agit d'une réalisation personnelle d'un amateur particulièrement doué (rien à voir avec son pilote occasionnel). Bien qu'elle montre quelques libertés avec le modèle original, cette machine est bien dans l'esprit de son époque. Il me semble même qu'elle fonctionnait tout comme une "vraie" grande.

    DU SOLIDE BREVETÉ S.G.D.G.

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    ... TRÈS SOLIDE puisqu'il s'agit de brevets Herdtlé-Bruneau retrouvés par Jean-Luc Lamouroux, ardent pionnier de la recherche sur les ancêtres françaises. On lui doit déjà bien d'autres lumières sur des marques peu connues, Lurquin-Coudert par exemple. C'est la dernière (?) production motocycliste de H & B qui a suscité son intérêt, une machine de 1913 et qui n'a pas connu de descendance pour les raisons qu'on imagine. Là encore la marque n'a pas fait dans le classique, précédant les constructeurs qui se révèleront dans les années d'après-guerre. On pense aux Blériot, Louis Clément et autres Janoir qui s'écartèrent résolument des sentiers battus. Trop, comme on sait.

    Jusqu'ici, ce bicylindre longitudinal Herdtlé-Bruneau refroidi par eau n'était connu que par deux petites (et mauvaises) photos ci-dessous reprises d'après des photocopies. On les trouve dans La France Automobile du début de 1914, à l'occasion d'une présentation de toutes les motos disponibles sur le marché français (compte-rendu du Salon 1913). Le moteur reprend les cotes des monos, soit 45 (ou 48) mm d'alésage x 75 mm de course soit une cylindrée de 238,5 cm3 (ou 271,4 cm3). Le premier chiffre étant le plus vraisemblable car on restait ainsi dans la limite des 250 cm3, soit une cylindrée administrative.  

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Les lecteurs de la presse spécialisée anglaise (MotorCycle ou Motor Cycling ?) étaient mieux lotis grâce à deux autres photos d'une agence française. On y voit très clairement le moteur avec son radiateur placé derrière la colonne de direction ainsi qu'un attelage-panier en osier et, surtout, l'étonnante fourche avant largement décrite dans les brevets. 

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    La plus grosse différence visible entre les documents français et britannique réside dans l'emplacement du radiateur, devant ou derrière la colonne de direction. Impossible de trancher car ce radiateur ne figure pas sur les dessins du brevet. Par ailleurs, le rédacteur anglais de la légende s'est trompé en prenant les deux bras de suspension arrière pour les deux brins de la chaîne, laquelle se trouve sur le côté droit. 

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    L'axe de la suspension arrière oscillante est concentrique à l'axe de sortie de "boîte" afin d'obtenir une tension de chaîne constante durant le débattement de la suspension. Le brevet précise que la construction est identique dans le cas d'une transmission par courroie ou même avec une transmission par arbre... (ce qui poserait des problèmes que H & B éludent...). La poulie en bout de vilebrequin est probablement destinée à recevoir une courroie d'entrainement d'un ventilateur placé derrière le radiateur. Le court levier plat, que commande un câble et rappelé par un ressort, manœuvre l'embrayage à plateau de friction et galet détaillés ci-dessous.

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Le plateau de friction et le galet d'entrainement sont creux (Fig. 2 et 4) et percés d'orifices destinés au refroidissement par circulation de l'air. Dans le même but, des palettes de longueur variée (Fig. 1) sont disposées intérieurement dans le plateau et "réparties de façon à former ventilateur", selon le brevet.

    DES SUSPENSIONS ORIGINALES, MAIS PAS RÉVOLUTIONNAIRES

    Malgré son aspect assez Shadok, la fourche avant n'est pasHerdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !) une réelle nouveauté, sauf par son orientation. En effet, il suffirait de retourner le dessin de droite à gauche pour retrouver une figure bien plus familière : celle de la Truffault montée chez Peugeot ou encore la Saclier choisie par Stimula. Avec des articulations simplifiées, la Herdtlé-Bruneau place l'élément de suspension DANS la colonne de direction au lieu d'être Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)positionné devant cette dernière chez les deux autres constructeurs.

    UN PEU D'AIR NEUF

    Cependant, MM. Herdtlé-Bruneau marquent un point devant la concurrence en introduisant un élément nouveau dans leur suspension : l'air. Sur la vue en coupe (ci-contre à gauche) de cet élément, la pièce 22 entourée d'un ressort 20 coulisse "à frottement doux" dans la colonne de direction 18. L'étancheïté de l'extrémité supérieure du piston est assurée par deux pièces 23 "en cuir embouti (...) ou bien métallique". Ce montage "constitue, par les deux chambres 29 et 30 de part et d'autre du piston 23, un appareil amortisseur à air, qui amortit les mouvements de compression ainsi que les mouvements de détente du ressort 20 et aussi évite tout choc en fin de course, ce qui donne une grande douceur à la suspension de la roue avant". ( NDLR : Les citations en italique sont extraites des brevets).

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Retrouvées par Jean-Luc Lamouroux (encore !), ces quelques lignes annonçaient la présence de la Herdtlé-Bruneau au Salon de Paris en 1912 (à noter l'alésage de 48 mm.). Par la même occasion, on y apprend, "pour cause d'agrandissement" précisait un prospectus de novembre 1908, le changement d'adresse de la société intervenue au 1er juillet 1909. Le 93 de la rue Pelleport est à quelques centaines de mètres parallèlement à l'ancien siège de la rue de la Chine. Ces informations sont extraites du Bulletin officiel de L'Union Vélocipédique de France, l'une des rares publications (cycliste, celle-ci !) de l'époque qui fournissaient quelques informations sur l'activité du petit monde motocycliste renaissant (en attendant la naissance de Moto Revue).

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Dans son compte-rendu du Salon de Paris 1913, la revue Omnia (Rédacteur en chef Louis Baudry de Saunier) publia 7 pages en novembre sur la production motocycliste. On y trouve une photo du moteur Herdtlé-Bruneau avec une succincte description de ses pièces principales : A - bloc-cylindre ; B - logement de la magnéto ; C - transmission accessible par une trappe fermée par une plaque, ici retirée ; D - levier de commande du changement de vitesse décrit à gauche. Le plateau menant B fixé sur la sortie-moteur A est en fonte et il appuie sur le "galet" C en "carton comprimé de nature spéciale à grand coefficient d'adhérence" (dixit Omnia). Le changement de vitesses (multiples) s'obtient par le déplacement du galet le long de l'axe E guidé par la clavette D.

    Herdtlé-Bruneau, le petit mono a grossi (énormément !)

    Dans son livre sur les "600 marques de la Seine - de A à K" (Éditions Histoire & Collections - 2012), Bernard Salvat publie cette illustration extraite d'un document publicitaire de la bicylindre H & B (ci-dessus). Probablement réalisé avant la version définitive de la machine, ce document montre des différentes importantes avec l'exemplaire présenté au Salon. Le moteur semble identique, mais la partie-cycle est fort différente. Le cadre est un simple-berceau au lieu d'être interrompu avec le moteur formant entretoise, le réservoir est rond avec le radiateur devant la colonne de direction, les garde-boue sont symboliques, pas de carter enfermant la chaîne et, surtout, pas de suspension arrière.

    En attendant d'autres documents qui permettraient de trancher vraiment, on tiendra pour version définitive la machine présentée par les deux mauvaises photos de La France Automobile publiées ci-avant sous formes de photocopies...

    (Prochain article : Herdtlé-Brunau prend l'air) 

     


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  • Commentaires

    1
    jackymoto
    Lundi 7 Novembre 2016 à 23:40

    Machine tout à fait intéressante qui aurait peut être été produite sans l'arrivée des machines américaines des surplus de la guerre de 14-18. Avec cette énième interprétation du changement de vitesse par galet et plateau, (très séduisant sur le papier: deux pièces et une infinité de vitesses) et sa garniture en carton, il aurait fallu voir l'efficacité sur la route.

    Je ne connais qu'un exemple de ce système fonctionnant correctement c'est celui de la Neracar, les autres n’entraînant bien que dans les pays plats. Il y a une trentaine d'année j'avais vu arriver une barre de coupe suisse munie de ce système. Au bout de 2 jours, le bandage en caoutchouc du galet s'était coupé (brûlé) et la machine ne fut jamais réparée car il aurait fallu un mécano au cul en permanence...

      • Oliéric
        Mardi 8 Novembre 2016 à 09:30

        Bien vrai! parmi les matériels audiovisuels que je réparais, il se trouvait de temps à autre des projecteurs 8mm où le changement de la vitesse fonctionnait sur ce principe. Ça n'a jamais fonctionné autrement que sur le papier! Comment une pièce d'usure pourrait-elle donner un fonctionnement stable sans rattrapage?

    2
    jackymoto
    Mardi 8 Novembre 2016 à 13:53

    Il y a bien moyen d' appuyer en permanence sur le galet antagoniste par l'intermédiaire d'un ressort...ou même de mettre un ressort au cul du grand plateau monté lui même sur un manchon coulissant.  Je pense que dans le cas d'un bazar à moteur thermique c'est surtout l'utilisateur n'ayant aucun esprit mécanique qui va fumer la garniture du galet en embrayant n'importe comment au démarrage. Le galet entraîneur ne peut  pas être très large car il va chauffer, le patinage étant permanent car la partie extérieure de son bandage devrait tourner à une vitesse supérieure à la partie intérieure ( comme les pneus large qui demanderaient d'avoir...un différentiel au milieu lors des manœuvres serrées!).

     

    3
    Renaud
    Mercredi 9 Novembre 2016 à 14:37

    C'était pourtant bien pensé, renvoi d'ange et boite en un seul mécanisme! Et ça aurait été d'un faible coût en fabrication par rapport à des pignons coniques

    4
    DIALMAX
    Mercredi 9 Novembre 2016 à 16:48

    Bonjour, j'ai vendu des tondeuses autoportées américaine ARIENS (années 70/80) équipée de ce systéme de transmission qui donnait satisfaction, l'important était le réglage du disque caoutchouté qui en particulier ne devait pas pouvoir venir se placer sur le centre de l'autre disque métal car il y avait un effet patinage constant, en retraite depuis un "certain temps" j'ai été voir si ils existaient toujours et il semble qu'ils emploient toujours ce principe.

    5
    Jackymoto
    Mercredi 9 Novembre 2016 à 17:05

    Je me souviens du  défunt mécano-utilisateur de la Neracar du musée de Luneville, il mettait un peu de colophane sur la garniture en cuir quand ça patinait...smile

    Ce principe doit fonctionner sur une machine pas trop puissante. La voiture la Violette de Marcel Violet est montée comme ça, mais je suis à la veille de voir rouler celle qui existe (restaurée) dans mon coin...un peu bossu, il faut le dire.

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