• L'album de Famille des Français 1940-1970 (4)

    L'album de Famille des Français 1940-1970 (4)

    Le gazogène a conquis quelques transports en commun et surtout celui des marchandises, suscitant une modeste industrie de sous-traitants. Elle reste petite pour des raisons d'influence territoriale limitée dans une France divisée en deux "zones". Mais elle est vitaleL'album de Famille des Français 1940-1970 (4)
    pour les habitants des villes soumis à des restrictions de plus en plus grandes. Les produits de première nécessité, à commencer par ceux de l'alimentation, ne sont disponibles que contre des tickets de rationnement. Il s'en fait d'abord un trafic sur la base d'échanges puis arrive le "marché noir" dans lequel l'occupant tient sa place lui aussi. Les échanges, comme le marché noir, exigent tous deux des liaisons entre Français, ceux de la ville et ceux de la campagne. Sur les 41 millions d'habitants que compte le pays, un peu plus de la moitié vit encore dans un milieu rural. Celui-ci est en voie de dépeuplement mais beaucoup d'urbains y ont toujours des attaches familiales à divers degrés, grands parents, parents, cousins. Le "gazo" s'affirme alors comme un indispensable trait d'union : il permet d'apporter à la ville ce dont elle a besoin pour se nourrir, tandis que lui-même est alimenté par le bois que fournit la campagne. 

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    Fabrication du charbon de bois en forêt de Sénart (Photo © CNRS) dans les années 20. On monte une "meule" en deux couches de buches ceinturées d'un large cône métallique, lequel est ensuite coiffé d'un couvercle ouvert. À la base de la "ceinture" des orifices permettent la mise à feu des buches et assurent un courant d'air nécessaire à leur lente combustion.

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    Plusieurs fabricants proposent des gazogènes à installer sur des véhicules, mais peu (sinon un seul ?), ont pensé à la moto, aussi humble soit-elle comme cette 100 René Gillet.

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    À moins d'atteler une remorque, les capacités de transport étaient forcément réduites...

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    Les mois passent, les restrictions persistent et certains motocylistes doués vont relever le défi : créer leur propre installation d'un gazogène sur une moto. Curieusement, beaucoup d'entre elles seront des adaptations réalisées sur des Peugeot 350 latérales, du moins parmi celles qui ont survécu jusqu'à nous. Ainsi d'un modèle P 107de 1932 présenté par Jean Ethiévant lors d'une réunion Moto Légende à Montlhéry (2001 ?) où l'on aura reconnu Michel de Thomasson au micro. Sur http://www.rmce.fr/65+peugeot-p107-gazogene.html on retrouvera toute l'histoire de cette machine et de sa pittoresque remise en état qui a failli se terminer de façon aussi tragique qu'inattendue.

    LE "GAZO" RACONTÉ PAR CEUX QUI L'ONT CONNU

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    L'imposant dispositif gazogène ne dépasse cependant pas la voie de l'attelage.

    Le 21 juillet 1941, l'oncle de M. Destailleurs signait un chèque de 5 000 F à l'ordre des Motocyclettes René Gillet (Montrouge). Il lui restait à payer le solde sur l'achat d'une 750 Type G/1 attelée à un châssis R-G et munie d'un tan-sad, d'une roue de secours (avec pneu), d'une chambre à air, le tout atteignant 15 194,55 francs. Exploitant forestier en L'album de Famille des Français 1940-1970 (4)
    Touraine, l'oncle allait pouvoir continuer son travail qui était la fabrication du charbon de bois. Il fit naturellement installer sur la René Gillet un gazogène dont les spécialistes pourraient donner la marque grâce à la plaque triangulaire visible sur la photo ci-contre. Charles Destailleurs, son neveu peut parler de cet attelage qu'il a bien connu dans sa jeunesse : "La machine marchait bien, mais le moteur de 750 cm3 était faible pour tracter ce lourd ensemble qui, sans passagers ni charbon de bois faisait déjà un bon 325 kg. Très vite mon oncle a acheté un moteur neuf de 1000 cm3 chez René Gillet pour remplacer le 750. Le rendement du nouveau moteur est devenu très satisfaisant. J'avais 16 ans en 1944 lorsque mes parents m'ont expédié pour 6 mois chez L'album de Famille des Français 1940-1970 (4)mon oncle à la campagne (époque de la Libération). La René Gillet m'est apparue comme un formidable machine, sa complexité relative la rendait encore plus attractive.

    Mon oncle, homme charmant et suffisamment patient m'a initié à la conduite et à l'entretien de son engin. J'avais aussi la tâche de la mise en route du gazo (...). La mise en route du moteur à gaz froid était laborieuse, aussi mon oncle qui gardait précieusement quelques litres d'essence démarrait son moteur à l'essence. Très vite il refermait le robinet d'essence et ouvrait le clapet d'arrivée du gaz. À chaud, le moteur partait normalement au gaz (...). À l'essence, équipé de la sorte on faisait en pointe du 75/80. Au gaz, on plafonnait aux environs de 55/60 km/h (...). Ça marchait quand même bien et faisait ma joie sur les petites routes alors désertes de la Touraine. 

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    On remarque deux immatriculations différentes sur ce même attelage. Celui qui apparaît sur les grandes photos - 9663 RN1 - est du département de la Seine (février 1941) et il correspond donc au moteur de 750 cm3. L'autre numéro - 7269 HD 4 - sur les deux petites photos a été délivré en Indre-et-Loire, où officiait l'oncle. Il serait donc celui de la machine à moteur 1000, mais "HD 4" est d'août... 1938 ! ? (Ceci n'est pas un "quizz", quiconque peut donner une explication est bienvenu.)

     À la Libération, des soldats américains de passage étaient stupéfaits par cette drôle de machine. Ils ne voulaient pas croire au fonctionnement du gazogène. Mon oncle a dû débrancher la tuyauterie d'essence pour faire la démonstration. Par la suite, mon oncle m'a donné la machine, j'en suis encore l'heureux propriétaire. Malheureusement la gazogène a été ferraillé après la guerre".

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    Dans les années 80, Charles Destailleurs au guidon de la survivante.

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    Au hasard d'expositions ponctuelles, ici à Limoges en 2008, on découvre des réalisations de gazogènes pour motos qui comme beaucoup n'ont pas dépassé un cercle confidentiel. Ainsi de cette Automoto A 14, une 220 latérales, qui a roulé dans la région limousine entre 1943 et 1945. C'est un prototype établi par Marcel Chazelas (Saint-Priest Taurion). Voir commentaire de "jackymoto" ci-dessous.

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    La machine est belge (Gillet d'Herstal 350 culbutée), mais le gazogène est bien français, construit par les Ets Grange à Valence. Machine exposée à un Rétromobile des années 90 (?), elle est depuis au repos dans un musée privé, m'a t-il semblé.

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    Trouvées sur le site www.militaria1940.fr plusieurs photos contemporaines de cette 350 Peugeot P 112 munie d'un gazogène Imbert. Avec la P 107, l'autre 350 latérales, la P 112 sera fournie à l'armée française sans modifications importantes donc sans gazo. Un prototype de TT 112 avec soufflerie de refroidissement, échappement relevé, réducteur de vitesse, etc, fut étudié par Peugeot à la toute fin des années 30 mais jamais fabriqué en série pour cause de "guerre-éclair". 

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     Aucun des ouvrages consacrés à Peugeot ou aux motocyclettes militaires françaises ne semble avoir fait mention de cette machine et sur le site qui la présente sa description par son propriétaire est très succinte (Celui qui peut compléter...).

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    Lorsqu'on n'a pas de moteur, pas d'essence, pas de gazo, restent les mollets, et encore à condition de trouver des pneus !

    (C'est - encore et toujours - À SUIVRE !)


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  • Commentaires

    1
    Jacques
    Vendredi 10 Juillet 2015 à 09:09

    Merci pour ce passionnant article et ces magnifiques photos d'époque. J'adore !

    2
    jackymoto
    Samedi 11 Juillet 2015 à 20:56

    Et Marcel Chazelas finit directeur technique de l'usine Legrand (appareillages électriques). Il m'avait raconté en riant qu'au retour du bal certaines de ses passagères avait la culotte un peu noire, avec le sac de charbon qu'il trimbalait sur le porte bagage...mais ça roulait, un luxe à cette époque. Je crois que la fabrication de son gazogéne avait servi également d'exercice au lycée technique ou il apprenait son boulot d'ingénieur.

     

     

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    3
    Jackymoto
    Lundi 13 Juillet 2015 à 13:11

    J'ai oublié de dire que mon père avait eu la joie extrême d'être charbonnier dans un chantier de jeunesse (plutôt de Pétain que de jeunesse!) à Belin, dans les Landes, et il refusait de s'y arrêter , même pour pisser, quand nous allions en vacances au pays Basque. Visiblement, il ne gardait pas un très bon souvenir de cette période( par contre, il faisait lui même le charbon de bois pour les grillades!).

    4
    Zhumoriste
    Lundi 13 Juillet 2015 à 17:41
    Ce serait à raconter dans tes Mémoires, sinon c'est perdu pour la postérité !
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