• La Motocyclette en France 1914-1921 - Réédition (2)

    RÉALISME SUR LE TERRAIN

    Utilisée de façon brouillonne dans les débuts de la guerre, la moto montre rapidement ses limites. Malgré des essais déclarés convaincants lors des manœuvres du temps de paix, il s’avère bien vite, en situation réelle, qu’hommes et machines sont loin de pouvoir réaliser ce qu’on espérait d’eux.

    (On clique pour agrandir les images)

    La Motocyclette en France 1914-1921 - Réédition (2)

    Malgré toutes les qualités que l'on reconnaît au cyclecar Morgan, on peut douter de son aptitude à soutenir le feu devant l'ennemi. Il est probable qu'il a été réquisitionné à cause de son chauffeur Bloch, ex-pilote régulier de René Gillet qu'il mena souvent aux premières places. Il marque ici un arrêt sur les pavés de la Cour du Louvre, à Paris (Photo Rol).

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    Les tirailleurs sénégalais (constitués en 84 bataillons) de notre "armée noire" se couvriront de gloire, par exemple en défendant Reims que l'ennemi ne put jamais conquérir de toute la guerre. Dans un monde alors inconnu de la majorité d'entre eux, certains découvraient la moto comme cette Magnat-Debon 2 HP 3/4 à soupapes latérales. La fourche avant utilisait le principe de nos modernes télescopiques. On ne voit pas bien la raison d'être de cette photo sauf dans un but de propagande afin d'inciter "au pays" les hésitants-récalcitrants à se porter volontaires.

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    Les régiments de tirailleurs algériens et tunisiens totalisent 260 000 hommes mobilisés dont 190 000 seront engagés sur le front européen où 25 % d'entre eux mourront. Leur participation fut parfois décisive, en particulier lors de la Bataille de la Marne et à Verdun.

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     Alignés devant les ateliers d'une usine Peugeot non identifiée, une compagnie cycliste - où les bicyclettes côtoient des Paris-Nice - est passée en revue par des officiers généraux (belges ?), éperons aux pieds...

    Vulnérables, inadaptées (la réquisition dans le désordre...), les motos ne pourront remplir que des missions de liaison ou de servitude (vaguemestre, ravitaillement). On osera de délicats transports tel celui de pigeons-voyageurs enfermés dans une panière d’osier arrimée au dos du pilote ! (Nouveaux documents ci-dessous).

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    Couverture de la revue populaire "Les Annales" qui publia une série consacrée au conflit avec en sous-titre "La Guerre Pittoresque"... (humour involontaire ?). La machine est une BSA reconnaissable à sa fourche avant bien particulière.

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    Encore une vision "pittoresque, cette fois destinée à l'amusement des petits n'enfants. D'ailleurs, l'empereur d'Allemagne Guillaume II n'avait-il pas annoncé que cette guerre serait "Fraîche et joyeuse" !

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    Lorsqu'une idée est bonne, pas de raison de s'en priver quel que soit le côté de la frontière derrière laquelle on se trouve ! (Le casque acier "Stahlhelm" est apparu au début de 1916, quelques mois après le casque français type Adrian). 

    Les sidecars sommairement blindés (Scott, Indian, Harley-Davidson entre autres) et armés d’une mitrailleuse que l’on avait vus dans de brillantes démonstrations des années 10 resteront du domaine de l’hypothèse d’école. Tout comme tel autre side équipé d’un fragile poste de radio-télégraphie, d’une civière pour les blessés ou le burlesque sidecar-dentiste dont la caisse est remplacée par le fauteuil spécial de l’homme de l’art !

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    La France a goûté elle aussi au sidecar-mitrailleuse, attelé ici à une bicylindre Alcyon. La mitrailleuse 8 mm vient de la Manufacture d'Armes de Saint-Etienne, c'est un modèle 1907 qui sera remplacée ensuite par une Hotchkiss.

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    Dotée d'un blindage impressionnant, l'Indian-mitrailleuse semble avoir été surtout destinée à faire régner l'ordre contre les malfrats, voire les grévistes sur le continent nord-américain, plutôt que contre les Allemands... 

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    On n'oublie pas non plus l'expédition punitive des États-Unis contre le Mexique qui sera menée en 1917 par le général Pershing.

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    Harley-Davidson n'allait pas laisser le champ libre à son principal concurrent...

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    L'armée anglais entraînait ses troupes de façon beaucoup moins statique, avec cet attelage Clyno (ou Matchless ?) servi par trois hommes. Après ça, on comprend mieux pourquoi le trial est un sport né en Grande Bretagne.

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    Plus modestes, mais tout aussi... téméraires, les Néérlandais apportèrent leur contribution, mais seulement en solo. Aux "commandes" d'une Eysink, le lieutenant Van Bollen se chargea de faire une démonstration au profit de personnalités du Ministère de la guerre des Pays-Bas.

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    Née en 1888, la firme néerlandaise Eysink construisit d'abord des automobiles puis des motocyclettes dont cette 250 à soupapes latérales de 1916 d'allure assez britannique. Moteur et boîte à vitesses sont de sa fabrication. C'est sans doute ce qui lui valut ensuite les faveurs de l'armée. La fourche avant suspendue paraît être une Simplex, d'origine française comme cette photographie d'époque.

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     Le sidecar est un moyen tactique contre l'ennemi, mais on fait aussi appel à lui pour sauver les blessés dans son propre camp D'où cette démonstration de propagande à l'usage de "ceux de l'arrière", bien éloignée des dures réalités de la guerre. La machine pourrait être une Clyno bicylindre en V d'origine britannique.

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    Après son sidecar-mitrailleuse, Indian proposa à l'armée américaine l'antidote avec son sidecar-ambulance. Dans ce même domaine, une véritable escalade s'amorce et persiste avec...

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     ... le sidecar-ambulance à deux places ! Cependant l'environnement et les vêtements des badauds indiqueraient une présentation possiblement postérieure au conflit de 1914-1918. On verra par la suite que l'idée du sidecar-ambulance ne sera pas abandonnée dans l'armée française qui, dans les années 20/30, demandera à René Gillet des propositions sur ce thème.  

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    Avec le pittoresque cyclecar Bédélia, on dérive dans l'extravagant, mais il y eut également une version de cette même machine équipée d'une mitrailleuse !

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    En 1909, un commissaire de police à St-Etienne demanda à un constructeur de cycles d'étudier un ensemble permettant de transporter un blessé grâce à la bicyclette. L'attelage ainsi aménagé fut réinterprété (ci-dessus) un peu plus tard à l'usage de l'armée. Dans une première version, les fusils étaient remplacés par de simples branches d'arbres (Photo d'archives de l'indispensable site tontonvelo).

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    Que pourrait-on ajouter de plus à propos de cet attelage ?

    TÉMOIGNAGE D'UN EXPERT 

    Motocycliste militaire pendant le guerre, le journaliste Henri Mirguet résumait la situation en 1919 en écrivant, avec peut-être un certain optimisme: "Il est à noter, et j’insiste sur ce point, que ce ne sont pas des défauts mécaniques qui ont fait délaisser la motocyclette pour des services de guerre, mais seulement des difficultés d’adaptation à une besogne devenue si ardue, qu’elle pouvait être considérée comme une quasi impossibilité".

    En illustration de cette affirmation, et aussi pour la tempérer, on peut écouter ce que disait C. Dietz, descendant du précurseur du transport automobile au siècle précédent. Dans un récit des années 50, publié par la revue Motocycles, Dietz évoquait sa guerre à moto : "Je me préparais à partir en vacances quand la mobilisation éclata en août 1914. Je fus mobilisé avec ma machine [Ndlr : une 1000 Indian], pourtant je dus m’en séparer à la fin de l’année, les pavés des routes belges et de nombreuses chutes ayant eu raison de mon cadre. Obligé de changer de monture je pris une B.S.A. mono à boîte trois vitesses, chaîne-courroie. Cette bonne machine robuste ne donnait pas d’ennuis sauf l’embrayage qui collait à froid, mais ce n’était pas l’idéal. Je l’ai gardée jusqu’au jour où nommé officier, je dus abandonner la moto".

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    Dessin de Jean Routier qui donna souvent une vision iconoclaste de cette guerre.

    (À SUIVRE)

    Ce blog est la suite de zhumoriste.over-blog.com/ dont les 375 articles sont toujours consultables bien que ce blog soit désormais en sommeil.


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  • Commentaires

    1
    fmd
    Mercredi 11 Novembre 2015 à 12:09

    A te lire on regretterait presque de ne pas avoir été là à l'époque pour détailler ces "ubuesquetés", il est vrai qu'on aurait sans doute moins ri.

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    2
    gueguette
    Mercredi 11 Novembre 2015 à 13:14

    Toujours aussi intéressant !!

    J'ai bien aimé le side car trial !!

    LOL

    3
    FAJ
    Mercredi 11 Novembre 2015 à 15:36

    Le flingue qui sert à réunir les deux vélos, attaché avec les lacets ? La version piéton, c'était deux fusils enfilés dans les jambes et les manches d'un treillis pour faire une civière.

    Bloch, qui pilote le Morgan, serait-il le Robert Bloch qui, associé à André Rossignol remportera les 24 heures du Mans 1926 au volant de la Lorraine Dietrich n°6  ?

      • Jeudi 12 Novembre 2015 à 10:17

        Pas d'infos sur Bloch dont je n'avais même pas le prénom lors de la rédaction de mon livre. Il faudrait poser la question à des gens de l'automobile. Il y en a qui sévissent activement sur Facebook, je vais les... exciter ! 

    4
    Thierry17
    Mercredi 11 Novembre 2015 à 18:47

    "...dans les débuts de la guerre, la moto montre rapidement ses limites..."

    1981, des gendarmes débarquent à mon domicile pour me signifier que la moto que je viens d'acheter est mobilisable en cas de conflit. Il s'agit d'une 1100 Goldwing qui est réputé pour ses capacités de franchissement en tout terrain. Plus de 60 ans après la fin de la première guerre mondiale, on n'avait pas encore tiré toute l'expérience de celle-ci.

      • gueguette
        Mercredi 11 Novembre 2015 à 18:53

        LOL !!

      • Mercredi 11 Novembre 2015 à 19:10

        J'ai eu chaud, en 81 j'ai aussi acheté une Gold 1100 pour fêter la gauche au pouvoir. C'est sans doute pour ça que je suis passé à travers le recensement des "mobilisables"...

    5
    Jackymoto
    Dimanche 15 Novembre 2015 à 14:13

    Les deux couillons qui trimbalent le blessé (ou finissent de l'achever) utilisent deux vélos pliants modèle Capitaine Gérard, histoire de faire un peu plus lourd..

    Sous les godillots du "blessé" on peut admirer les fameux clous, que les bidasses laissaient en grand nombre sur les routes.

      • FAJ
        Dimanche 15 Novembre 2015 à 16:30

        ... ils se retrouvaient dans les pneus, il n'y avait plus qu'à les récupérer à l'occasion de la réparation d'une crevaison ... pas de gaspillage et vive la récup', la boucle était bouclée !

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