• La Suisse se dévergonde

    Au nombre des nations motocyclistes, la Suisse n'est pas toujours présentée à sa juste place. Les Motosacoche, Condor, Moser et autres Universal ou Moto Rêve n'ont pourtant rien à envier aux productions de leurs grands voisins européens, jusqu'aux insulaires du Rosbifland (now Brexiland ?). Parmi elles, Motosacoche se distingue par quelques réalisations insolites. Le mot est faible quand il est question, par exemple, de l'Hydrosacoche de 1910, motorisée par la paisible bicyclette à moteur. Elle pouvait recevoir plusieurs passagers et ses flotteurs en tôle galvanisée l'empêchaient "de couler à pic". Au cas contraire elle aurait pu intéresser plus tard le Pr. Piccard, recordman helvète des plongées profondes... (Modèle du Professeur Tournesol dans Tintin).

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     Dans le domaine du deux-roues qui nous intéresse en priorité, on trouve aussi la "bicyclette" à moteur 7 cylindres en étoile Dufaux (1905 ou 1907 selon les sources). Ancêtre de l'allemande Megola, elle fait aujourd'hui le bonheur du Musée de Lucerne.

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    Mais il ne s'agit encore que d'un prototype jamais commercialisé, alors que dans le genre décoiffant il a existé une autre Motosacoche à moteur latéral - à sa naissance. Elle finira, après bien des vicissitudes, à engendrer un modèle qui sera réellement commercialisé (on ignore cependant en quelle quantité...).

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    Unique illustration de la Motosacoche pour dames de 1903, grand mère fondatrice d'une lignée.

    En présentant cette machine au début de 1903 sur 3/4 de page, la revue L'Industrie Vélocipédique et Automobile fait preuve d'un lyrisme échevelé. "Cette motocyclette - écrivait - elle - nous en donnons la gravure (...) il (vous) suffira d'y jeter vos beaux yeux pour en saisir les avantages et les faire partager soit à votre papa, soit à votre époux, lesquels ne refuseront pas de vous en faire cadeau". Par la suite, l'auteur insistait fortement sur la maniabilité exceptionnelle de l'engin "permettant de faire avec assurance de brusques virages ; la fâcheuse pelle n'étant plus à craindre, avantage qui est à considérer".

    Aucune indication ne concerne le moteur à soupape automatique qui semble complètement différent d'un modèle connu chez les frères suisses. L'énorme masse sous le pédalier semble bien trop grande pour ne contenir que le carburant, même si le carburateur est placé très bas afin d'être alimenté par la seule gravité. La couronne que l'on distingue à travers les rayons et le filet protecteur de jupe pourrait être une poulie-jante destinée à une transmission par courroie ou encore une couronne dentée pour une transmission du système Knap.

    Même si la "pelle" n'était plus à craindre selon l'optimiste Industrie Vélocipédique, la Motosacoche Dames devait tout de même être d'une utilisation délicate au vu de la faible garde au sol sous son carter-moteur. Elle réapparait au catalogue en 1907, peut-être avant car si les documents de la marque sont nombreux et détaillés, ils sont rarement datés.

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    La forme est presque classique, en tout cas raisonnable pour une version "dames". Mais il ne s'agit toujours que d'un dessin qui permet cependant de voir que le cadre est spécifique. En effet, il a fallu modifier le tube avant extérieur qui se dédouble afin de recevoir la magnéto. Là encore, le moteur à cylindre bien vertical est différent de La Suisse se dévergondeceux des autres Motosacoche. Sa distribution fait appel à des soupapes dites "commandées c'est à dire toutes deux "latérales (bien que face à la route) et la transmission à la roue arrière se fait par une courroie sur poulie-jante.

    À noter que la fourche La Suisse se dévergondequi figure sur la machine ci-dessus est proposée au catalogue, ainsi que sur plusieurs autres machines, mais la marque n'en revendique pas la paternité comme elle le fait dans le cas du modèle à courts balanciers (ci-contre). Cette 1 HP 1/4 est vendue 775 F (français) soit 10 F de moins que la Motosacoche "homme" à allumage magnéto elle aussi mais probablement démunie d'une fourche suspendue qui reste un supplément. De même que le frein dit "à tambour" (à gauche) qui préfigure de façon sommaire ceux qui vont apparaître au début des années 20. Alors que cette "D" est proposée depuis 1907, au moins, les brevets qui la couvrent sont déposés le 11 novembre 1907 puis demandés le 10 novembre 1908, délivrés le 16 janvier 1909 et enfin publiés le 2 avril 1909...  De quoi relativiser les dates de naissance de certaines inventions "premières" sur lesquelles se disputent certains historiens en culottes courtes.

    Cette "nouveauté" est fidèlement transcrite dans les dessins du brevet, en y ajoutant les caractéristiques flasques protectrices qui signent la Motosacoche d'origine et servent à  diriger l'air sur le moteur "pour forcer sa ventilation".

    La Suisse se dévergonde

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     Insatisfaits de leur machine, les frères Dufaux se remettent à l'ouvrage. Dans le but de simplifier leur mécanique tout en économisant sur sa construction, ils en présentent une nouvelle version "provisoirement définitive" (on verra plus loin pourquoi "définitive")...

    La Suisse se dévergonde

    ... avec enfin une photographie ! Retour vers la fourche brevetée Dufaux et surtout utilisation du moteur de la Motosacoche de base qui évite l'onéreux dédoublement du tube avant de cadre. On remarquera que malgré sa jupe euh... sa soutane, ce prêtre a renoncé aux flasques protecteurs. Prestige de la moto ou prestige du costume, la gent féminine tient à profiter du spectacle...

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    Explication des guillemets ci-avant pour "provisoirement définitive" : après les soupapes latérales, la "Dame" est revenue à la soupape automatique sur ce qui est sans doute la dernière version D4 datée 1913 sur cet extrait du catalogue "Salon de l'Automobile - Paris 17 au 27 octobre 1913". Elle est "munie de fourche à ressorts anglaise", qui sera universellement plus connue sous le nom de "fourche Druid" d'après le fabricant original nommé A. Drew. Un britannique, of course.


  • Commentaires

    1
    jackymoto
    Vendredi 18 Août 2017 à 22:16

    Sur la Motosacoche 1903 ça m'a bien l'air d'être le carbu et non le pot d’échappement qui est situé au niveau du bas de la roue arrière: un vrai aspire poussière.

    Ils ont également oublié de mettre des ailettes au cylindre. L'énorme réservoir (huile et carburant) devait être juste un peu plus épais que tube du cadre et ne devait pas contenir grand chose.

    2
    Vendredi 18 Août 2017 à 22:24

    Un hydrocycle motorisé ! Si Alfred Cuisinet avait connu cela, il n'aurait pas dû pédaler si fortement ! smile Le cadre ressemble beaucoup à celui de la Nautilette Austral (breveté par Cuisinet en 1921). Même les dimensions des flotteurs se correspondent. Ces appareils, ont-ils vraiment sillonné les lacs et les rivières, enviés par les hydro-cyclistes ?

    3
    jackymoto
    Vendredi 18 Août 2017 à 23:58

    J'ai un plan de système D des années cinquante pour modifier un cyclomoteur comme ça.

    Succès assuré au niveau du public! J'aime bien l’appellation Hydrosacoche ...un peu comme les hydroballoches avec la combinaison de pluie fuyarde, toujours au mauvais endroit...

    4
    motocine
    Mardi 22 Août 2017 à 14:04

    La sacoche motorisée , celle qui équipait les vélos s'est progressivement transformée en machine complète avec la D4 puis toutes les autres ensuite sarcastic

    5
    François Arsène
    Mardi 22 Août 2017 à 22:30

    concept actualisé par Georges Monneret et son Vespa  à flotteurs pour traverser la Manche 

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