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Le coït est un sport de combat (2)
Spidy/Prolo aurait pourtant été à l'aise en telle compagnie.
LE PREMIER SEXOLOGUE VENU TROUVERAIT LA "SPÉCIALITÉ" de chacune des héroïnes - il y a aussi un héros - de BD présentées ci-dessus qui sont les vedettes des PFA (Petits Formats Adultes) d'Elvifrance. En cas de doute, il lui suffirait (au sexologue) de piocher dans les œuvres du Marquis de Sade ou de Sacher-Masoch, ou encore de Krafft-Ebing, voire du plus moderne Rapport Kinsey. Il y a tout là-dedans et même le reste.
Point de ces "cuculeries" savantes chez notre Spidy, alias Prolo. Avec lui, c'est brut de décoffrage : direct au cœur du sujet ! (façon de parler). Mais les ébats érotiques auxquels il se livre, et qu'une certaine morale pourrait réprouver, il les livre pour une bonne cause : celle du PROLÉTARIAT ! Et pour mener à bien son apostolat, il n'a jamais besoin de forcer la... main à ses partenaires. Au contraire de presque tous les cruels personnages masculins (ou pas) des autres PFA de la même écurie, lui opère en douceur.
Bizarrement, les femmes sont bien mieux dessinées que les autres personnages, y compris Prolo lui-même. Se pourrait-il que, suivant la pratique des "usines" à comics américains (par exemple, chez Marvel), plusieurs dessinateurs étaient utilisés, l'un pour les paysages, un pour les décors urbains, un pour le scènes d'action, etc ?
Pourtant, avec sa mâchoire qui semble dissimuler une enclume, le physique de Prolo ne le favorise guère, même si ce visage ressemble à celui de Lando Buzzanca, un acteur italien. Celui-ci a été la vedette d'un film de Luciano Salce intitulé Il Sindacalista qui retrace les aventures d'un ouvrier très engagé dans la défense du monde des travailleurs. Ce film est daté de 1972, donc antérieur à l'apparition
⇐ Séduisant ou pas, Lando est très clair dans ses intentions (ici dans une parodie de James Bond).
de Prolo en BD (1975 en Italie, 1978 en France). Si bien qu'on peut se demander s'il n'a pas fait plus qu'inspirer - fantaisies érotiques mises à part - les dessinateurs et auteurs des "bulles" des personnages sur papier. Par ailleurs, aucune signature n'apparaît dans ces PFA. Si la manière de Milo Le déclic Manara est bien visible sur les couvertures, rien n'est dit des scénarios ni des dialogues (peut-être Giampiero Rapetti). Mais pour ces derniers, c'est d'une importance secondaire car l'édition française ne respecte que lointainement l'original italien.
TRADUTORE... TRADITORE !
Les spécialistes français qui ont écrit sur Elvifrance (B. Joubert ou C. Bier) ont l'air d'être d'accord sur le fait que Georges Biélec, le directeur de EF, mettait son grain de sel dans les phylactères (fumetti). Exemple dans Prolo n° 1 avec ce monologue d'un ouvrier : "La vache ! Le téléphone a encore augmenté... si je fais pas quelques extras, le mois va être maigre", qui est traduit par : "Si on n'fait pas grève, comment j'ferai mon jardin, moi ?". Dans ce cas, ce n'est pas seulement la langue qui est trahie, mais aussi l'esprit. On va heureusement le retrouver plus loin cet esprit, dans l'histoire qui tourne autour d'une grève. Du moins sa menace, qui ne se concrétisera pas grâce aux talents ...
... de Spidy/Prolo ! L'affaire a commencé par un blocage de la chaîne de fabrication des téléphones chez Anatole Chtrop & Cie. La faute est due à Mélanie Ildéfonse (!), nouvelle ouvrière vite entraînée dans les toilettes des dames par Spidy/Prolo où (sans retirer sa salopette aux multiples poches encombrées d'un double-mètre pliant et d'une grosse clé à molette), il la besogne activement. Le contremaître de l'atelier, Peppone (il a la tête du Gino Cervi dans Don Camillo (voir ci-contre), prévient Bismuth le chef de service. Après un échange de mots d'oiseaux, soldé par une grosse baffe de Spidy sur la joue de Bismuth, celui-ci alerte Dufilou, le secrétaire général. S'ensuit une réunion des chefs au cours de laquelle un consensus est trouvé avec Spidy, soutenu mine de rien par Thérèse la secrétaire de Dufilou qui en pince pour le "monteur". Plus question de grève. L'incompétence de la "pyramide de capitalistes" (Dixit Spidy) est manifeste, mais tous se mettent d'accord pour désigner un responsable : Spidy ! Dufilou propose alors, pour s'en débarrasser, de l'envoyer travailler au Katanga à l'installation d'une succursale de la Chtrop...
OÙ IL EST QUESTION DE MOTOS
En attendant le départ, Spidy saute sur sa Guzzi et rentre chez lui où il se consolera le soir en retrouvant Thérèse dans son lit. Les principaux acteurs de la série Prolo sont donc présentés. Ils feront partie des "personnages réapparaissant" tout comme dans la Comédie Humaine d'un certain Honoré de Balzac ! (on a des références ou on n'en a pas ...).
Au passage, il aura, de façon colorée comme à son habitude, donné son opinion sans nuances sur la production de motos japonaise .
Si les quatre (2 x 2) échappements n'étaient pas aussi visibles, on aurait quand même du mal à reconnaître une 500 Guzzi 4 cylindres dans sa version Alejandro De Tomaso (ci-dessous dans une présentation Benelli - document moto-collection.org).
Ce faisant, il défend une industrie nationale même si le talent du dessinateur laisse un peu à désirer. Il a pu s'inspirer des dessins d'un autre grand artiste transalpin. Bien connu des "amateurs" pour ses diverses versions d'œuvres érotiques, Histoire d'O, Emmanuele et autres Casanova qui lui ont fourni un standard de vie attrayant, Guido Crepax montra souvent des motos. On les trouve surtout dans ses premières œuvres avec Valentina, son personnage préféré. Séduit d'abord, comme beaucoup, par les Harley, il deviendra...
... ensuite plus raisonnable, par exemple avec ces M.V. 4 en silhouettes dans une espèce de "jeu de loi". Un rapprochement avec la vignette précédente révèle une influence sinon une ressemblance évidente.
Dans la mesure du possible, les dessinateurs d'Elvifrance, ainsi que les auteurs qui traduisent les bulles essaient de coller à l'actualité française. C'est évidemment plus facile pour eux de jongler avec calembours et jeux de mots en observant une ligne bien définie : plus c'est mauvais, meilleur c'est !
Petit florilège entre con-fesse, filipachiant et Doctoresse Hesse, croix gammée-mée, mais il y a aussi au fil des épisodes (46 avant l'interdiction), des Dou-Dou Meng (le milliardaire rouge), un Krass-Kuri, un Mairgeron (Maire-Bergeron). De quoi revisiter à toute vitesse l'histoire politique et syndicale de la France des années 70/80. La difficulté est plus grande pour les artistes de la plume et du pinceau responsables de la couverture du fascicule. Elle doit être accrocheuse - comme la manchette d'un journal - et c'est pour ça qu'elle n'a que très peu à voir avec l'histoire qui suit. Elle fait parfois appel à l'imaginaire collectif comme le montre ici cette œuvre de Milo Manara.
Chacun a reconnu (on ne ment pas SVP), une version de l'affiche du film Malizia sorti en 1972 qui enflamma la péninsule latine puis le monde entier : 1 970 000 entrées en France et 5 milliards de lires au box-office italien ! "L'effet Malizia" exista jusque dans les "fumetti" (ci-dessous) bien éloignés des préoccupations socio-familiales qui inspiraient le film, en plus de ses composantes érotiques.
Dans tous les festivals où Malizia fut présenté, les acteurs récoltèrent des récompenses, confirmant la consécration de Laura Antonelli vedette de la comédie érotique à l'italienne. Elle tournera ensuite avec les meilleurs metteurs en scène, Dino Risi, Ettore Scola, Luchino Visconti, Claude Chabrol, Mauro Bolognini. Défigurée par un traitement aux collagènes, elle finira misérablement, soutenue par la religion.
Prochainement sur cet écran :
Les mille et une vies de Spidy Gonze à l'Aise
Tags : Spidy, Prolo, Malizia, Lando Buzzanca, Il Sindacalista, Luciano Salce, Christophe Bier, Bernard Joubert, Elvifrance, Milo Manara
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Commentaires
Un bon motard est un motard cultive :D - surtout ne pas interrompre la voix de la sagesse: merci zhumouriste nouveau.3ralentiJeudi 14 Janvier 2021 à 20:49Bon si la nourriture est la sexualité du 3e age notre zhumoriste ne vieillit pas !
Un tout petit peu de moto quand même .
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Vendredi 15 Janvier 2021 à 19:58
Je n'ai jamais eu un gros appétit, çà explique...
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Ah, bon, il y a quand même des motos, et italiennes de surcroît!
Je suis rassuré, Jean est toujours en pleine forme...
Amitiés à lui