• Le trial en scooter ? Pourquoi pas ! (3)

    Le trial en scooter ? Pourquoi pas ! (3)

    Pas de méprise, pas de fausse joie, on se calme ! N'allez pas croire que cet acrobate fait du trial, loin de là... hélas. Enfin, pas tellement "hélas". En effet un curieux hasard a réuni là deux des plus attendrissants nanards de la production française des années 50. J'ai nommé la Starlett de Monet-Goyon (ci-dessus) et le scooter SC premier modèle (prototype ?) de Motoconfort/Motobécane, ci-après.

    Le trial en scooter ? Pourquoi pas ! (3)

    C'est son concepteur Éric Jaulmes qui pose 'publicitairement' dans un Col de l'Iseran (fermé) au guidon d'une machine qui fut un échec suite à "une foule d'erreurs sur le plan technique", de l'aveu même d'Éric Jaulmes (in "Motobécane - Souvenirs d'un ingénieur". 1990). Le prototype caréné par une coque en alliage léger avait pour lui une esthétique très réussie grâce au crayon de Géo Ham, mais sa sous-motorisation par le 125 latérales de la D 45 se révéla être un handicap qui fut vite comblé par un 125 culbuté sur le modèle commercialisé. D'autres difficultés se révélèrent par la suite avec la fonderie au sable de cette fameuse Le trial en scooter ? Pourquoi pas ! (3)coque, laquelle incluait aussi le réservoir où subsistaient des grains de sable impossible à éliminer ! La solution fut trouvée avec le SB, une tout autre mécanique à moteur 125 deux-temps qui, avec une partie-cycle en tube, louchait fortement vers le Lambretta "nu".

    De son côté, comme nombre de constructeurs français, Monet-Goyon prend en marche le train du scooter mené par Vespa et Lambretta. Avec leur Starlett, les Mâconnais créent une machine originale mi-moto (grandes roues) et mi-scooter (protection), bien digne d'une maison qui a produit les Vélauto, Super Vélauto et autres Cyclecarette à 3 ou 4 roues. La Starlett dessinée par Alexis Kow, dessinateur de carrosseries prestigieuses, rencontre un franc succès dès son apparition. Malheureusement, la réalisation n'est pas à la hauteur de la conception. Les Starlett reviennent à l'usine avec des fourches détruites et des carrosseries fendues, déchirées car réalisées dans des tôles trop minces par mesure d'économie... Sans cesse modifiée, améliorée, la Starlett survivra sous d'autres dénominations jusqu'à l'effacement de la marque en 1959. (On trouvera tout sur les vicissitudes qu'a connues la Starlett de Monet-Goyon - et bien d'autres choses passionnantes - dans les deux volumes que Jean Goyard a consacrés à sa marque favorite et publiés aux Editions du Vieux Guidon, Mairie de Replonges 01750)

    Pour la petite histoire de la photo en haut de page, elle provient des archives de l'excellent  FAJ que l'on remercie au passage ainsi que pour les précisions qu'il y ajoute : "Chaque année  à Morogues (Cher), dans le parc du château du Marquis de Maupas, avait lieu un motocross organisé par le Moto Club du Berry. À l'édition d'avril 55, un poussif Monet Goyon Starlett roulait entre les manches sans doute pour faire sa pub : bien qu'il n'y ait pas de méchantes grimpettes, quelle idée d'amener cet engin pataud sur ce terrain ?".

    Il semble me souvenir que cette photo, ou l'une de même série, a paru dans une revue sans lien direct avec la moto. Dès que je remets la main dessus...

    En Europe, le trial va connaître ses plus belles heures dans les années 50/60. C'est un sport nouveau qui ne demande pas un matériel trop spécialisé, ni des dons de pilotage particuliers. Enfin, et surtout, on peut le pratiquer n'importe où sans contraintes environnementales. À même pas une demi-heure de Paris, on traçait un circuit dans la forêt de St-Germain, dans celle de Meudon, de Clamart, on poussait jusqu'à Fontainebleau, Sénart, Rambouillet, etc, le tout avec l'accord et souvent le soutien des autorités locales, tant administratives que policières !  

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    Sur le plan international existait depuis plusieurs lurettes une prestigieuse épreuve (née en 1913) dénommée International Six Days Trial (ISDT). Elle se déroulait sur des routes et chemins choisis pour leur (très) mauvais état et aussi leur relief accidenté. Pas de "zones" non-stop mais un horaire strict à respecter, avec des moyennes différentes selon les cylindrées. Ces ISDT peuvent se comparer au supplice du pal : départ sur un lisse macadam, ci-dessus, avant d'aborder des zones plus douloureuses, tant pour la machine que pour le c.. les lombaires du pilote.

    La préparation des scooters était plutôt adaptée à la course sur piste avec, seul avantage sur la moto, la présence d'une roue de secours bienvenue sur des terrains où la crevaison n'avait rien d'exceptionnel, entraînant des retards considérables. Grâce à son gros réservoir, le Lambretta n° 16 de Carancini (photo) lui permettait de grignoter quelques précieuses minutes lors des ravitaillements, au détriment d'une maniabilité et d'une légèreté appréciable en tout-terrain. Surtout si, comme c'est le cas ici en 1950 au Pays de Galles, le temps est à l'humidité... Avec un certain étonnement, les observateurs notèrent la performance de Carancini qui n'abandonna qu'au cinquième jour de ces ISDT réputés être parmi les plus difficiles de toute leur histoire. La carrure du bonhomme, qui paraît relever du mobilier normand, y était peut-être aussi pour quelque chose...

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    Les Italiens, déjà assidus avant la guerre dans cette épreuve, y étaient revenus dès 1948 et Vespa y récolta une Coupe Spéciale. Elle couronnait la performance de Dino Mazzoncini qui s'était sorti des quatre premiers jours de l'épreuve sans aucune pénalité. L'homme était quasiment un "officiel" chez Vespa et il attachera son nom, l'année suivante, au record du monde de vitesse absolue en 125. Les usines n'hésitaient pas alors a engager des pilotes spécialisés dans la... vitesse. Voire des têtes d'affiche de Grands Prix, tels Bandirola (Gilera puis M.V.) ou Walter Zeller (BMW), reprenant le flambeau porté par un Georg "Schorch" Meier dans les années 30. En cas de bon résultat, c'est à dire une médaille d'or, la publicité qui en découlait dans la presse avait plus de poids si elle comportait le nom d'un pilote déjà connu. En plus d'être connu, il devait avoir une bonne constitution car en cette année 1950, une autre Coupe était allée à un pilote qui avait fait les 80 derniers kilomètres de la dernière journée avec une clavicule fracturée, ce qui donne une idée des difficultés de ces journées. 

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    Très largement répandu en Grande-Bretagne, le Lambretta fut tout naturellemnt engagé dans des trials nationaux, comme n'importe quel autre deux (ou trois) roues motorisé. Il était présent également dans les ISDT, en particulier lors de l'édition de 1961 disputée en Grande-Bretagne, toujours au Pays de Galles. Donnant l'exemple, Alan Kimber l'importateur de Lambretta y remporta une médaille de bronze au guidon d'un 175 TV même pas allégé de ses lourds panneaux latéraux.

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    Du côté des Italiens, l'usine Lambretta (merci au commentaire de Panamesc) frisa la provocation en 1969. Son champion Tullio Masserini se présenta au guidon d'un Lui 75, une élégante machine sortie du crayon de Giovanni Bertone, le célèbre designer transalpin.

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    Au lieu des cailloux d'une épreuve italienne (ci-dessus, toujours Masserini) ou de la bouillasse précédente des Alpes bavaroises aux ISDT, dont il se tira d'ailleurs pas si mal, le Lui était d'habitude présenté dans un environnement de jolies filles assez peu vêtues...

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    ... qui avaient d'ailleurs des méthodes bien à elles pour en assurer la maintenance, qu'il s'agisse d'un 75 ou du Lui 50 cm3 comme celui-ci (Photo Lambretta publicité).

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    J'ai bien dit et je le répète : "Assez peu vêtues !"

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    Les ISDT et d'autres compétition du même genre, en Italie et en Allemagne, virent défiler les machines les plus inattendues et aussi les plus inadaptées au tout-terrain. Exemple avec ce scooter Bastert allemand signé du designer français Louis Lepoix et dont la carrosserie est en duralumin. Il était doté de tous les accessoires routiers dont des flèches de direction intégrées de part et d'autre de la carrosserie (barrette verticale bordant le haut du tablier).

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    Lorsqu'on passe après les motos qui ont tracé leur sillon, les petites roues du scooter sont un gros handicap (ISDT 1960). Il faudra l'aide de plusieurs spectateurs compatissants pour "extraire" de sa situation le pilote anglais de ce Dürkopp "Diana" (Photo Erwin Jelinek).

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    Les pays de l'Est envoyaient de temps à autres (sous haute surveillance...) des concurrents participer aux ISDT. On y vit des machines polonaises (WSL), hongroises (Csepel) et aussi celle du "Pays Frère" avec ses lourdes M72 flat-twin, ceci bien avant les razzias de trophées qu'allaient faire les Jawa tchèques puis les MZ est-allemandes. Très répandu en URSS, le scooter sévit aussi en tout-terrain comme le démontre ce 150 Vjatka, mais la présence du couple posant en arrière-plan laisse supposer une séquence publicitaire... 

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    La fin du XXème siècle a été marquée par la rivalité entre Lambrettistes et Vespistes. Ces derniers étaient soupçonnés de "rouler de travers" à cause du moteur placé sur le côté de la roue arrière et, surtout, des roues non alignées dans un même plan vertical. D'expérience personnelle, on ne tranchera pas... Tout comme les Lambretta, des Vespa se sont frottés au tout-terrain. Outre la Coupe Spéciale 1948 déjà évoquée plus haut, une équipe officielle entièrement équipée de Vespa fit une moisson de médailles d'or en 1951, ayant traversé toute la semaine sans encourir la moindre pénalité. Dommage qu'il n'en reste pas de trace photographique, alors qu'il existe des dizaines de sites ou blogs consacrés à la marque ...

    On s'en approche sur retor.blogspot.fr qui rassemble tout (ou presque) ce qui concerne la compétition incluant des scooters. Y figure la photo ci-dessus dans un trial britannique de Arthur Francis, un spécialiste Vespa qui courait sur un 90 SS réalésé à 110 cm3. Pas d'autre modification apparente hormis les deux gros longue-portée sans doute utilisés dans des rallyes incluant des étapes de nuit.

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    Afin de trouver des modifications plus radicales et adaptées au trial, il faut revenir en pays latin. En Espagne et très précisément en Catalogne où Amedeo Molins, un motoriste barcelonais, appliquait des transformations radicales basées, disait-il, sur "des Vespa accidentés ou d'occasion". Tablier réduit à l'extrême, garde-boue et capot moteur allégés, coffre gauche supprimé pour laisser place à un silencieux (de nom), large guidon étaient le plus apparent, mais le moteur était aussi "travaillé" en 180 cm3 comme "c'est écrit dessus". La finition en orange vif devait être du plus bel effet. De quoi donner des idées à nos jeunes couches amateurs de scrambler-tracker-néo-machins à gros pneus à tétines ?

    On n'a pas traité ici des Vespa des Paris-Dakar et autres rallyes africains qui sont des machines trop connues. De même des Lambretta, Vespa, Bernardet ou Terrot (*) qui n'ont que peu à voir avec le tout-terrain, même s'ils ont pu rencontrer occasionnellement des difficultés comparables à celles d'un trial, comme on entendait ce sport en leur temps.

    (*) Oui, oui, un scooter Terrot a traversé le Sahara, du moins l'a t-on vu au départ, mais qu'en fut-il de la suite ? On reste à l'écoute de celui qui sait.

    À propos de Lambretta, on trouve sur le vouèbe deux films tournés à l'occasion du Scottish Six Days Trial de 1959 dont trois intrépides ont fait le parcours sur des Lambretta. C'est intensément publicitaire, mais les efforts et les coups de chaud de ces trois équipiers n'ont rien d'artificiel, même si le montage cinématographique est, lui, bien présent. C'est aussi l'occasion de voir des motos de trial de plus d'un demi-siècle en action et c'est spectaculaire. Surtout dans des zones que certains traversent sans mettre un pied par terre, alors qu'un piéton ne s'y hasarderait pas sans risquer de s'y étaler !

    À voir sur : http://youtu.be/wpxj4r2DWPU et http://youtu.be/WxQ_yZRrlZk

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    On peut quelque fois se faire une "zone" de trial à Vespa, simplement en allant au boulot !

     

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  • Commentaires

    1
    panamesc
    Lundi 11 Janvier 2016 à 13:01
    les lui et vega sont des lambretta , pas des vespa :) super blog !!!
      • Lundi 11 Janvier 2016 à 19:47

        Merci. C'est réconfortant de voir qu'il y en a au moins un qui suit !

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    2
    jackymoto
    Lundi 11 Janvier 2016 à 19:33

    Les Vespa ont toujours eu des trajectoires "comme un chien qui a ramassé un coup de pied dans le cul!" Le Lambretta à cardan est un veau ..mais qui avance droit (j'en ai encore réparé un il y a peu). La Vespa et Lambretta ont en commun une grande qualité de leurs composants qui en faisait des véhicules très fiables.

      • Lundi 11 Janvier 2016 à 19:52

        ... enfin, deux qui suivent...

    3
    panamesc
    Mardi 19 Janvier 2016 à 12:24
    les trajectoires des vespa (moins des lambretta) étaient plus dues à l'état des routes et à la petite dimension des roues . Avec les pneus d'aujourd'hui et le goudron actuel , on peut pencher bien plus que ce qu'on pourrait penser ! je suis scooteriste classique , évidemment :-) http://challenge.scootentole.org/
    4
    Luc Saint
    Mercredi 28 Février 2018 à 13:55

    Merci pour ce superbe travail... je ne sais pas si les motards et scootéristes actuels s'imaginent à quel point c'était dur de participer à une telle épreuve... et au guidon d'un scooter encore plus ! (véhicule citadin par excellence)

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