• Les "bizarres" du Concorso Villa d'Este 2016

    Déjà en 1963, Maitre Folace avait prévenu : "Le tout venant a été piraté par les mômes (...) on se risque sur le bizarre ?". Plus d'une demi-siècle après, la formule est toujours d'actualité. Où çà, l'actualité ? En Italie. Non, pas au Grand Prix qui a vu la casse-moteur  de Valentino, mais sur les rives du Lac de Come où se tenait l'annuel Concorso de la Villa d'Este. Craignant de lasser avec des machines trop vues, les organisateurs (B.M.W. depuis

    Les "bizarres" du Concorso Villa d'Este 2016

    Le Concorso ne se prive pas d'exposer autre chose que des machines mécaniques...

    2005) ont cherché à varier les plaisirs. Pas à 100 % en ce qui concerne les motos - le Concorso accueille aussi quelques voitures... - mais un effort a été fait dans ce sens puisque, figurez-vous, il n'y avait pas une seule Harley parmi les 35 machines sélectionnées, et une 1000 Vincent bien esseulée. À vrai dire, la moto paraît un peu incongrue, noyée dans un milieu où, selon un argumentaire de BMW Group, le visiteur "respire un air d'authentique aristocracie infiniment supérieur à celui, plus commercial, de toute autre manifestation du même genre". Pour illustrer ce décalage, une comparaison entre le jury "voitures" et le jury "motos" s'imposait...

    Les "bizarres" du Concorso Villa d'Este 2016

    Panamas immaculés et une légère surcharge pondérale (en français : p'tit bide) permettent de faire la différence entre les galopins (et la galopine) du jury des motocyclettes avec les doctes membres cravatés du jury voitures. Côtés moto, on aura reconnu, de droite à gauche : Carlo Perelli, président du jury, Edgar Heinrich (Chef Designer BMW), François-Marie Dumas (Moto-collection.org), Paul "Sparkling" d'Orléans (journaliste blogueur), Sara Fiandri (Fashion Director à Cosmopolitan Italy), Arnost Nezmeskal (Musée national des Techniques de Prague)

    Dans les précédentes éditions du Concorso, la représentation française était maigre, quoique de qualité. Cette année, le cru était excellent et bien plus fourni avec quatre machines. Mais avant de pousser un cocorico mérité, honneur à Sara la galopine du jury, authentique motarde néanmoins. Elle ne pouvait qu'attirer l'attention de Paul d'O toujours prêt à rendre service à une demoiselle. Il l'a même incitée - ce qui doit être proibito au Concorso - à se mettre au volant d'un engin aussi bizarre que son nom : MagnetSelbstfahrer, littéralement "Magnet à pilotage automatique" (me dit gogole), ce qui est hautement optimiste (l'automatisme, pas Google, quoique...) !  

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    Millésimé 1911 (Collection du Museum für Sächsische Fahrzeuge), ce 900 cm3 est dans la lignée (peut-être le précurseur ?) d'autres trois-roues qui vont naître avant et après la guerre 1914-18. Ils devaient concurrencer, mais à moindre coût, la voiture légère, offrant une protection et un confort supérieurs à celui d'un sidecar.

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    La longueur démesurée de la partie-cycle n'est pas de trop pour assurer la stabilité de l'engin (les virages...) dont la voie est plutôt étroite. La suspension de la roue avant est originale, sinon élégante, et témoigne d'une préhistoire hippomobile encore proche.

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    Née en 1901 (ou 1903), la Magnet Motoren A.G. établie à Berlin fait partie des pionniers du motocyclisme allemand. Elle a débuté avec des motorisations signées Fafnir (Aix-la- Chapelle) et Minerva (Anvers) et a aussi produit ses propres moteurs bicylindres en V. Son activité a cessé durant la Première guerre mondiale.

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    Avec sa carrosserie plus élaborée , le "Sociable" de Scott (~1923) est sans doute le plus connu des trois-roues "hérétiques" (ici celui du Musée de Mulhouse. Photo zhumoriste). Dans une version dénudée et armée d'un canon léger, le Gun Car, il suscita à la veille de la guerre l'intérêt de l'armée britannique qui ne donna pas suite après essais.

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    Tout est dit par Seal dans sa publicité de 1922 : "La propreté et la fiabilité d'une voiture pour le prix d'un sidecar". Ce constructeur anglais de Manchester se présente lui aussi comme un précurseur puisqu'il est sur le marché depuis 1912.

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    Au hasard de l'objectif dans les allées du Concorso, de droite à gauche, un clone de Gainsbourg en compagnie de la voisine du beau-frère de Tati dans Mon Oncle, un clone de Raymond Barre qui provoquerait le suicide d'un caméléon s'il se posait sur sa veste et enfin les couleurs du drapeau italien joliment personnalisées (la verte n'était pas loin).

    Les "bizarres" du Concorso Villa d'Este 2016

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    Suivant le conseil de Maitre Folace (j'espère que vous aviez reconnu Francis Blanche dans Les Tontons Flingueurs), suivant, donc, son conseil on persiste dans le bizarre avec la Viratelle. Pure joyau de la technique française, la création de Marcel Viratelle n'a pas connu le sort, que dis-je, la gloire qu'elle méritait ! Lisez plutôt sa fiche technique : bloc-moteur 350 cm3 en aluminium à soupapes latérales, refroidissement par eau avec radiateur et ventilateur, boîte à 3 vitesses épicycloïdales commandées au guidon, graissage automatique, transmission finale par chaîne entièrement enclose, câbles de commandes dissimulés dans les branches du guidon, suspension de selle en liaison avec les repose-pieds "wagon", deux freins à mâchoires dans le moyeu arrière, roues "instantanément démontables par retrait de la broche" (la chaîne reste en place). Ces caractéristiques réunies sur une même machine de 1920 vont apparaître peu à peu sur les motos de la dizaine d'années suivantes. Durant ce temps, la Viratelle s'effacera du paysage.

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    Cette Viratelle, bijou de la collection de Jean-Marc Brionnet, sera l'une des dernières restaurations entreprises par le regretté Marc Defour. Les sélectionneurs ne s'y sont pas trompés qui l'avaient placée dans la catégorie de "Ceux qui ont osé la différence" où elle a remporté le Premier prix. Elle y était en compagnie de la Magnet et de la Megola. On pourrait trouver plus discutable le choix d'une MV 600 Turismo et d'une Sunbeam 'Gros boudins' S7 qui complétaient cette catégorie.

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    Tout le souci du détail et le soin apporté dans son exécution se retrouvent dans la commande d'embrayage au pied, sans doute due à l'époque à une influence des normes américaines, surtout appréciable en cas d'attelage. En revanche, on peut louer le modernisme de la commande  de frein arrière (photo précédente) au moment où, dans ce domaine, la règle était au court et si malcommode levier commandé au talon.

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    Une publicité officielle sur une carte postale (Collection Zhumoriste) qui ne rend vraiment pas justice à l'exceptionnel niveau de présentation et de réalisation de la machine elle-même ! 

    Comme pour les autres machines de sa génération qui se veulent révolutionnaires (Blériot, Louis Clément et autres Janoir), la Viratelle est proposée en 1919 à un prix totalement irréaliste. Ces prix étaient basés plus ou moins - après une mise à niveau à la louche - sur ceux de 1914. Ainsi, au Salon de Paris la Viratelle est affichée à 3 200 F ou 4 000 F avec sidecar, un prix auquel se compare celui d'une ABC 400 (flat-twin), d'une Blériot 500 (bicylindre vertical) ou d'une Louis Clément 500 (bicylindre en V). Le retour sur Terre va se faire au Salon de 1921 lorsque l'inflation du lendemain de guerre s'abat sur l'économie française. De quoi déchanter lorsque la Viratelle est grimpée à 5 850 F ! (6 600 avec side)... L'effet destructeur sur la construction motocycliste tricolore va être parachevé par l'arrivée sur le marché des motos des surplus américains et britanniques (en 1921 = 1700 F une Indian solo et des Harley à peine plus chères !).  

    Les "bizarres" du Concorso Villa d'Este 2016

    "Si à 50 ans on n'a pas une Rolex on a quand même raté sa vie" est une déclaration de Séguéla (une "connerie", dira-t-il plus tard) qui a dû faire sourire certains des participants ou visiteurs de la Villa d'Este tant le nombre de montres de luxe y était notable et visible. Avec un peu d'ostentation, soupçonne-t-on, l'un des sponsors du Concorso étant un horloger de ce "luxe" suisse : A. Lange & Söhne, dont le catalogue avec ses montres à 210 000 euros ridiculise Rolex... On comprend alors pourquoi il est impératif de se tenir au courant heure par heure des fluctuations de la Bourse, par la Presse (Financial Time) et aussi, sur son iPhone de celui du baril de pétrole dans les pays du Golfe.

    Sauf mention contraire, les photos sont BMWgroupclassic)  

    (À suivre : Encore des bizarres du Concorso) 

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 29 Mai 2016 à 20:47

    J'aime...si j'osais quelque familiarité j'irais jusqu'à dire que...  "je like" .

    Encore un bel article rédigé avec plein d'humour et très intéressant; tout ce que j'aime.

      • Lundi 30 Mai 2016 à 08:50

        Likez, likez, et il vous sera pardonné !

    2
    jackymoto
    Dimanche 29 Mai 2016 à 21:08

    La Villa d'Este,  faut pas confondre avec la villa Sam Suffi ou Do Mi Si La Do Ré, c'est pas l'ambiance "Fête à neuneu" et ça ne devait pas sentir la merguez brûlée! Les  élucubrations voulant déguiser les motos en voitures, se sont toujours terminées en jus de boudin, on se demande bien pourquoi. Je me souviens avoir croisé à Sydney un attelage Guzzi sans guidon, que son corpulent (et paralysé) propriétaire conduisait depuis le side. A mon avis les montres sont sûrement des bazars Taïwan achetées au marché aux voleurs de Vintimille...smile

     

     

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    3
    Malterre92
    Lundi 30 Mai 2016 à 22:40

    Toujours aussi fraîches ces pages, que je me délecte à lire à chaque publication ! Une fois n'est pas coutume je suis en mesure d'apporter une contribution : sur la photo du jury voiture on reconnait à gauche Patrick Le Quément, ex-patron du design Renault. Je ne le connaissais pas féru d'anciennes ...

      • Mardi 31 Mai 2016 à 09:38

        Merci de la précision, le voici identifié pour la postérité, j'allais dire "pour l'éternité", mais avec Internet on ne sait jamais !

    4
    egui
    Lundi 27 Février 2017 à 14:14

    Au sujet de l'influence des normes américaines sur les commandes de la Viratelle :

    Marcel s'adresse ici au journal « The motorcycle" du 6 juin 1921 » suite à un article Paru dans le magasine anglais" au sujet d'une normalisation des commandes des motocyclettes préconisée par l'ACU* pour exprimer son point de vue.
    "Monsieur,
     au sujet de la normalisation des commandes recommandée par l'ACU , je serai heureux, si vous m'en donnez l'occasion d'exprimer mon point de vue  en tant qu'ancien lecteur de votre revue.
    L'objectif de la normalisation des contrôles est de donner au pilote en toute circonstance la maîtrise de la machine. Il n'est donc pas nécessaire d' effectuer l'action des contrôles
    instantanée et simultanée . Les recommandations formulées par l' A.C.U. ne semblent guère à répondre aux besoins des motocyclistes.....
     

    * : The Auto-Cycle Union (ACU) is the governing body of motorcycle sport in Great Britain

    Il semble bien que Marcel Viratelle ait fait peu de cas des standards anglo-saxons et avait les idées bien arrêtées sur la question.

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