• Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    Les motos de Robert Capa

    Si vous ne regardez que le Journal de Jean-Pierre Pernaut sur TF 1, si vous ne lisez que "Le Chasseur Français", si vous n'écoutez que les "Grosses Têtes" à la radio, si Bigard vous fait rire, alors il y a peu de chance que le nom de Robert Capa vous soit familier. Pourtant, à un moment ou à un autre, vous avez croisé son chemin. Plus précisément sa "trace", ou ses traces, car on en trouve dans des milliers de revues, journaux ou livres depuis 1934 et aujourd'hui sur le vouèbe. "Reporters sans Frontières" l'honore avec sa publication annuelle (9,90 € en librairie et marchands de journaux) qui rassemble une centaine de photos dont la plus célèbre que voici... 

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    "Mort d'un républicain espagnol" (Guerre d'Espagne - 1936).

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    Dans le Vercors, une moto (Peugeot ?) pour quatre (octobre 1944).

    Classé parmi les photographes "humanistes" (Doisneau, Brassaï, Willy Ronis, Sabine Weiss entre autres), Robert Capa est surtout connu pour ses reportages de guerre mais il savait poser l'œil sur les aspects pittoresques de l'univers où la moto a eu une petite place.

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    Il travailla aussi épisodiquement pour la mode ou les sports. C'est pourquoi on le voit ici sur le tan-sad d'une Terrot pendant le Tour de France (1939).

    En 1933, il était en Espagne aux côtés des républicains (prière de ne pas confondre...) en lutte contre le coup d'État d'un certain Francisco Franco. Ayant fui sa Hongrie natale tombée sous la coupe autoritaire de l'amiral Horthy pour se réfugier en Allemagne, Capa avait dû fuir à nouveau en France  devant les persécutions antisémites des nazis. En Espagne, il ne pouvait se retrouver ailleurs que chez les républicains qui affrontaient des troupes soutenues par l'Allemagne de Hitler et les 90 000 volontaires fascistes de Mussolini. Exilée comme lui et pour des raisons semblables, la jeune Gerda Taro, a quitté la Pologne pour Paris où Capa devient son amant. Elle part avec lui en Espagne d'où ils signent ensemble des reportages pour le magazine VU.

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    Gerda Taro à Paris en compagnie de Robert Capa. La jeune femme mourra en 1937, écrasée accidentellement par un char républicain. Grand séducteur, Capa aura vers 1945 une liaison amoureuse avec... Ingrid Bergman. 

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    On savait qu'il existait des négatifs de reportages de Capa qui avaient disparu. On les pensait perdus à jamais jusqu'à la découverte au Mexique d'une valise contenant trois boîtes de rouleaux de films 24 x 36, soit 4500 négatifs. Étaient rassemblés là des travaux de Capa, de Gerda Taro ainsi que de "Chim" (David Seymour), tous photographes "engagés" dans cette guerre qui préludait à la tragédie planétaire.

    Dans cette "valise mexicaine" figure une photo d'un républicain sur sa Harley (ci-dessus), photo attribuée à Gerda Taro. L'homme scrute le ciel, craignant un bombardement aérien. Plus de 600 avions allemands formant la Légion Condor furent engagés en Espagne pour Les motos de Robert Capa (1913-1954) soutenir Franco. À leur "actif", la destruction du village basque de Guernica en 1937 qui inspira le tableau >  de Picasso et fit découvrir au monde entier l'implication nazie dans le conflit espagnol. L'Italie fasciste n'était pas en reste, fournissant 90 000 volontaires avec 900 avions et 950 chars. La Russie soviétique envoya aux républicains des armes et du matériel ainsi que des commissaires politiques qui se chargèrent de "faire le ménage" parmi les dissidents trotskistes ou autres indociles trop peu enclins à suivre les directives du "grand frère".

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    Réfugié aux États-Unis durant la guerre, Capa couvre le débarquement de Normandie puis la libération de Paris. Point de motos alors sauf, en cherchant bien, un sidecar René Gillet occupé par une jeune femme conduite par un policier (ami lecteur, sauras-tu les trouver ?).

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

     En 1954, Robert Capa est envoyé par Life en Indochine pour couvrir la fin de cette guerre (Photo mai 1954 - détail). C'est là qu'il trouve la mort en sautant sur une mine en suivant une opération dans le delta du Fleuve Rouge. Il avait 40 ans.

    Les motos de Robert Capa (1913-1954)

    L'une de ses dernières photos en mai 1954...

    Avec Henri Cartier-Bresson, 'Chim', George Rodger et William Vandivert, Robert Capa a fondé en 1947 l'agence photographique MAGNUM afin de protéger les droits des photographes auprès des éditeurs de journaux et magazines.

    (Toutes les photos de cet article sont © Magnum)

    REPORTERS SANS FRONTIÈRES apporte un soutien matériel et financier aux journalistes et medias en difficulté. L'argent issu de la vente de l'album est utilisé au financement de ces actions.


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  • Commentaires

    1
    fmd
    Lundi 14 Décembre 2015 à 10:16

    Merci Jean pour cet émouvant témoignage et, pfft! j'avais vu la René Gillet avant même de lire ta légende !

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    2
    Ultiman
    Lundi 14 Décembre 2015 à 10:34

    Merci pour cette évocation d'un photographe engagé.

    Pour la moto du Vercors pas vraiment sur que ce soit une Peugeot mais difficile à reconnaître!

     

    3
    Ultiman
    Lundi 14 Décembre 2015 à 10:41

    Je me risque: New Map à moteur Chaise, genre BL3 ? (réservoir, fourche, montée de culbu)

    4
    FAJ
    Lundi 14 Décembre 2015 à 11:13

     Pernaut, c'est qui ? Bigard je sais, c'est une marque de charcuterie de super marché ! Mais  Robert Capa - surtout ne pas confondre avec Robert Paca - Ménard !- ou du moins ses photos, je connais. Celle du républicain espagnol a fait l'objet de polémiques quant à son authenticité, je me souviens avoir lu dans des magazines de photo qu'il s'agirait bien d'un montage. Quand bien même, pour moi ça ne retirait rien au génie de Capa qui avait atteint son but : causer une vive émotion comme le fera cette photo de la gamine nue brûlée au napalm pendant la guerre du Vietnam. Merci, Jean, d'avoir évoqué la mémoire de cet artiste du Leica, par ailleurs fondateur de l'agence Magnum avec Henri Cartier-Bresson et David Seymour : des gens qui savaient regarder la vie ! 

    5
    jackymoto
    Lundi 14 Décembre 2015 à 12:50

    La première pétoire est bien équipée d'un Chaise. Et Capa pour ses reportages photographiques, vivait vraiment dangereusement...

    6
    Petarel
    Lundi 14 Décembre 2015 à 18:08

    Merci pour votre blog qui est génial.

    De la génération du baby boum, je ne connaissait pas Robert Capa, je vous remercie de l'avoir présenté. La photo du républicain espagnol entrain de mourir est vraiment poignante, ca me donne enfin envie de lire "l'espoir" de Malraux qui portait, il me semble, cette photo, livre que nous étions sensés étudier en philosophie mais que j'avais boycotté en raison de l'image " trop gaulliste " de cet homme.

    Quelle moto ? ca me dépasse mais je constate qu'en 1944 les motos rouillaient plus vite qu'aujourd'hui, elle faisait déjà épave alors qu'elle n'avait certainement pas 15 ans.

     

    7
    SIMON didier
    Lundi 14 Décembre 2015 à 18:14

    Il existe un album Télérama :La valise mexicaine, Capa/Taro/chim, trois photogaphes dans la guerre d'Espagne. Cet album a été réalisé à l'occasion de l'exposition, CAPA...au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, à Paris en 2013. A découvrire, si vous êtes passionné par ce photographe ou par la photo.

    8
    thefrenchowl
    Mardi 15 Décembre 2015 à 19:58

    Je connaissais un tout petit peu, merci de combler mes lacunes!!!

    Patrick

      • Mardi 15 Décembre 2015 à 20:33

        Your wish is my command, Sir !

    9
    Javier Rodriguez
    Jeudi 28 Janvier 2016 à 20:12

    Salut, Merci par cette merveilleuse article et les photos ajoutées. J'ai toujours adoré son ouvre pouvant assister à la première exposition des photos de la Guerre Cilvil réalisé à Madrid après la trouvaille de la célèbre valise. Je n'ai pas hésité à achéter le catalogue à l'époque, que j'ai toujours porté avec moi dans mes déménagements.

    Il faudrait d'abord dire que le vrai nom de cet artiste est Endre Ernő Friedmann. Robert Capa n'était qu'un pseudonyme utilisé autant par lui comme par sa compagne Gerda Daro, jusqu'au point que même aujourd'hui c'est difficile à savoir qui a fait quoi. Au moins jusqu'à sa mort pendant une de plus sanglantes batailles de la Guerre, à Brunete. Je connais bien l'endroit car j'ai grandi près de là.

    En ce qui concerne la photo la plus célébre que vous avez inclu dans cette article, Muerte de un miliciano (La mort d'un milicien), il y a tout un étude qui a révèle qu'en effet il a été tué à la coline "Muriano", aux alentours de Cordoue, où la photo a été prise. Après, c'est pas évident à savoir si a été au moment de la prise de la photo. En tout cas c'est pas la seule photo de cet instant, mais il y a toute une série de l'offensive immortalisée.

    Merci encore, et bonne continuation.

      • Vendredi 29 Janvier 2016 à 09:46

        Merci de vos encouragements. Il y a eu (et il y aura encore) bien des polémiques autour de l'affaire du milicien tué, mais je n'ai pas voulu développer cet aspect du travail de Capa, pas plus que sur son identité. Chacun peut trouver ça sur wiki alors que son intérêt pour la moto n'a jamais été (semble-t-il) souligné. C'est un aspect mineur de son œuvre, mais intéressant pour un blog consacré à... "la motocyclette ancienne".

    10
    Harley VLD 1200 cm3
    Vendredi 1er Avril 2016 à 21:54

    Bonsoir ,                                                                                                                             vendredi 01/04/2016

      Attention toutes les informations ci-dessous sont véridiques. 

    (  ceci n’est pas un poisson  d'avril   )                                                                                                                                      

    La moto sur laquelle est assis ce milicien républicain est une Harley-Davidson VLD de      1200 cm3.Le logo sur le réservoir est particulier car il s’agit d’un losange agrémenté       d’une aile sur la point supérieur et inférieur du losange. Ce logo n’a été appliqué qu’à       partir de 1934 jusqu’ en 1936.

    Cette photo je l’ai découverte sur une revue du type photo magazine de juin - juillet 2011   qui annonçait une exposition à Arles sur la valise Mexicaine. Habitant à côté d’Orléans à mon grand regret je n’ai pu m’y rendre. Notre père ayant fait la guerre d’Espagne en tant qu’estafette dans une milice républicaine, c’est avec grand intérêt que j’ai parcouru cette revue dans une grande surface.

     En regardant le site de l’exposition sur le web j’ai pu agrandir la photo et là le grand choc. L’homme sur la moto est notre père. Il est né à Madrid le 3 déc.1918 décédé le 25 mai   1980 d’un cancer.  La photo a été prise fin mai début juin 1937 il avait donc 18 ans et    demi. Il s’était engagé en déc.1936 . Le négatif fa été pris à 50 km au nord-ouest de   Madrid au  Paso de Navacerrada à côté de Segovia, il s’agit de la Batalla de la Granja .     Ce qui m’a permis de le reconnaître c’est son profil particulier et sa peau mate.

    Mes frères et ma mère qui a 98 ans cette année, l’ont aussi reconnu. J’ai  téléphoné,     envoyé via le web  des photos et des documents de mon père à cette exposition à Arles,  c’est resté lettre morte. Rageant et frustrant. Notre père nous parlait quelques fois de la guerre d’Espagne, où dans le cadre de ses missions d’agent de liaison il a été blessé plusieurs fois. Il nous disait que les nationalistes déversaient dans les virages de l’huile de vidange afin de faire chuter les estafettes. L’objectif était d’empêcher les agents de liaison d’informer leur Q.G de l’état d’avancement du conflit.

    En juin 2013 l’exposition a eu lieu à Paris au Musée d’Art et d’Histoires du Judaïsme. J’ai         pu cette fois-ci  voir de plus près ces fameux négatifs perdus et retrouvés 70 ans après ce  conflit fratricide. Sur le livre d’or j’ai mentionné que j’avais reconnu notre père sur la photo       de Gerda taro, j’ai laissé mon adresse e-mail. J’ai téléphoné au responsable de l’exposition       tion absent lors de notre visite, l’informant de cette identification de cette fameuse photo.       Rien n’y a fait, indifférence totale , révoltant.

    Une légende récente affirme que ce motocycliste est le colonel Gustavo Duràn. Il est peu crédible que des officiers  circulent en moto au risque de faire tirer dessus, comme notre      père, voir se faire tuer. De plus cet homme était très connu des milieux intellectuels, il           était musicien, écrivain. On pourrait dire que c’était un Dandy. Si c’était  vraiment lui qui         était sur la moto , nul doute que Gerda Taro l’aurait mentionnée sur le négatif. Ce  qui présentement, n’est pas le cas.

    La photo  a été  prise en mai - juin 1937, on la retrouve dans un photomontage de la revue Regards du 14 juillet 1937 à la page 22 et page 227 du livre la valise Mexicaine et là,  la  légende indique de façon anonyme ceci :

     Agent de liaison des milices espagnoles s’en va signaler l’arrivée des avions fascistes.

    Par conséquent, ce motocycliste est resté anonyme pendant plus de 70 ans. Cet agent de liaison n'est pas Gustavo Duràn .

    Ce milicien républicain s'appelait   Vicente Fernàndez-Fernàndez.

    Recuerdos a todos  los refugiados y hijos  de la Retirada      

                                                                                              Ay ! Carmela.    Ay ! Carmela. 

        Juan Fernandez-Fernandez     

                                                                                  Juan.fernandez@sfr.fr

     

     

     

    .

      • Samedi 2 Avril 2016 à 09:38

        Muchas gracias de cette contribution "historique" qui n'a pas retenu l'attention des responsables des expositions que vous citez. En effet, les "curateurs" n'aiment pas trop qu'on leur mette le nez dans leurs insuffisances, voire dans leur ignorance. Mais, de même que la polémique autour de "la mort du milicien" a fini par éclater au grand jour (au bout de combien d'années ?), de même la mise au point que vous dévoilez sera-t-elle prise en compte lors d'une nouvelle exposition de "votre" photo.

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