• Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    Oui, je sais, en ces temps de commémoration de l'horrible événement, ça ne fait pas sérieux un titre pareil. Voire carrément indécent. Cependant, avant de monter en régime et prendre des tours, voyez un peu avec quel détachement les responsables américains traitaient eux-mêmes la chose. La photo ci-dessous a paru dans le magazine LIFE en novembre 1946. On y voit le vice-amiral Blandy de l'U.S. Navy, son épouse et le contre-amiral Lowry au cours d'une réception donnée à la suite de l'Opération Crossroads. C'était le nom de code de l'expérience atomique de Bikini présentée aux 167 habitants de l'atoll comme "quelque chose de bénéfique pour l'humanité". Les deux militaires étaient chargés de la supervision de ce qui fut une "demi-réussite" mais n'empêcha pas une cérémonie avec ce gâteau en forme de champignon qui allait devenir la "marque de fabrique" de tous les essais atomiques à venir sur la planète.

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

     Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    Quelques millisecondes après la mise à feu de la bombe de Bikini.

    Les petits traits noirs sont des bateaux de guerre américains et japonais, une quinzaine environ, destinés à l'étude des effets de la bombe sur des engins de guerre classiques. Sur l'homme, c'était déjà fait l'année précédente, mais l'Amérique n'en savait rien. La guerre était finie, le Japon était vaincu. Il y avait des dizaines de milliers de victimes à Hiroshima et Nagasaki, mais le silence recouvrait les détails sur la façon atroce dont la mort les avait frappés. Et l'on savait encore moins qu'elle allait continuer de tuer durant des décennies. La nouvelle bombe était comme une autre bombe en plus puissant, point final. Le public n'en demandait pas plus au-delà de cette explication plus ou moins officielle. Essayer d'en apprendre plus, c'était Secret Défense.  

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    À peine un mois après Hiroshima paraissait le premier comicbook traitant de la "chose" atomique. Ce fut ensuite un déferlement de produits dont les qualités allaient être multipliées à l'infini par l'atome. Tout devenait "atomique", depuis une huile-moteur (ci-dessus à gauche) jusqu'au plus intime "accessoire" d'hygiène de L'atomique femme au foyer (à droite). Et les sectes n'allaient pas se priver de l'occasion de démontrer la puissance de Dieu avec cette publicité provocante (au centre).

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

     Cible privilégiée des annonceurs, les enfants eurent aussi leur arme atomique, un modèle dérivé de celui qu'utilisait déjà le populaire Buck Rogers dans ses aventures interstellaires et cinématographiques des années 30. De quoi ringardiser l'arc et les flêches de Robin Hood ainsi que l'épée de Don Diego de la Vega (sur France3 à 20 h 20). 

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    Pas question d'oublier "le cochon qui sommeille" dans le... cœur du mâle américain et les revues légères actualisèrent les vieilles recettes à la lumière (euh...) de la nouvelle découverte. Le prétexte à ce strip-tease est tout de même plausible puisqu'il illustre la façon de se protéger en cas d'attaque nucléaire : plonger dans sa baignoire. Encore faut-il avoir le temps de se débarrasser des soutifs à baleines, bas et porte-jarretelles noirs (Rrrraaah ! lovely !), ces affûtiaux indispensables de l'époque. Mais le premier secouriste venu vous dira qu'on est aussi bien protégé en se jetant dans l'eau tout habillé...

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    "Atomic" également la boîte d'aiguilles assorties pour couturière fée du logis, avec une mise en scène qu'on retrouvera dans la séquence finale de "Docteur Folamour".

    ω

    Au fil des années, toutes ces fantaisies ont fini par disparaître, chassées par d'autres modes, d'autres lubies publicitaires. Un seul pays a su pérenniser l'évènement, le hissant au sommet de l'imaginaire populaire, faisant d'un simple mot un symbole planétaire. Ce pays, c'est la FRANCE et le mot c'est BIKINI !

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

     Cinq jours seulement après l'explosion de la bombe américaine lâchée le 1er juillet 1946 sur le minuscule atoll des iles Marshall, la piscine Molitor à Paris assiste à un autre genre de séisme. Danseuse nue au Casino de Paris, Micheline Bernardini, 19 ans, se présente au bord de l'eau habillée par quelques grammes de 45 centimètres carrés de textile. Le "bikini" est né, création de Louis Réard dont la mère tenait un magasin de lingerie près des Folies-Bergères (d'où l'inspiration ?). Son maillot de bain est lancé avec le slogan "Plus petit que le maillot de bain le plus petit du monde !".  

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    L'évènement a été filmé par les Actualités françaises, où l'on voit Mlle Bernardini présenter la "bikini" et la minuscule boîte qui le contient, grosse comme une boîte d'allumettes. Mais la chose n'a pas immédiatement déclenché l'intérêt des médias. Les photos qu'on trouve aujourd'hui sont toujours les trois mêmes. Mais il est vrai qu'en 1946 les agences de presse et les journaux avaient sans doute d'autres sujets à traiter. 

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    Moins vu est ce coté pile de la demoiselle pourtant plus "dépouillé" et bien proche de ce qu'on voit aujourd'hui sur nos plages. À l'époque, ces plages devront attendre plusieurs années avant de voir se populariser ce célèbre maillot dit "de bain" qui sera longtemps une façon de se montrer plutôt que se livrer à une activité natatoire. Les premières audacieuses à "l'endosser" durent supporter les remarques des hommes et celles moins agréables des femmes. Elles déclenchaient un attroupement partout où elles apparaissaient, surtout en dehors d'une piscine. Par exemple sur les bords de Marne, vers Joinville-le-Pont où le Parisien venu par le bus se baignait face à l'Ile Fanac (oui, dans l'eau de la Marne, l'eusses-tu cru ?). J'étais bien trop jeune alors pour trimballer un appareil photo et je le regrette bien encore aujourd'hui. La scène à laquelle j'ai assisté ce jour-là en 1946/47 reste pourtant dans ma mémoire. Même si ma mère m'a vite privé de voir de plus près le bikini de ces deux jeunes filles qui avaient bien du mal à se frayer un chemin vers la rivière parmi un essaim de jeunes gens pas du tout hostiles...

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    Par la suite, Louis Réard fera réaliser chez Chapron une voiture publicitaire à son nom. Cette Packard 1937 apparaîtra dans la caravane publicitaire du Tour de France.

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    Si j'en crois ce que j'ai vu sur le ouèbe, cette Packard existe toujours, sans doute aux mains d'un collectionneur avisé et amateur de Chapron. Pour se consoler, on peut se contenter de sa version en miniature fort bien faite et détaillée, mais à plus de 100 €, prix... atomique. !

    Pire qu'Hiroshima : la bombe anatomique !

    Parmi les "produits" atomiques à la française, on aura garde d'oublier cette chanson qui connut un joli succès. Un peu affligeante, aussi je n'en donnerai que le refrain : 

    Ah ! la danse atomic
    Y’en a pas des plus chic
    Son rythme fait sauter
    Tous les gens du quartier
    Ce pas qui fait fureur
    Ça vous fait boum ! au cœur
    Qui c’est qui tombe à pic ?
    C’est la danse atomic !

     ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ ♥

    QUOI ? PAS UNE MOTO DANS CETTE PAGE ? EH NON ! C'EST ÉCRIT EN HAUT APRÈS LE TITRE : "... MAIS PAS SEULEMENT"...


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  • Commentaires

    1
    hugues80
    Jeudi 13 Août 2015 à 19:31

    Quand on mettait autre chose que de l'essence dans le réservoir d'une mob (j'en ai vu mettre de l'éther ...) ça faisait boum aussi !!

    ;)

    2
    FAJ
    Jeudi 13 Août 2015 à 19:43

    Entre 1969 et début des années 1970 je voyais de temps à autre le paquebot Packard de Reard garé côté impair du Boulevard de Picpus près du square Georges Courteline ... sans miss Bernardini, hélas !.

    Quant à elle, l'étude attentive de son côté pile dévoile qu'elle ne s'exposait pas au soleil en bikini mais en culotte Petit Bateau  ! J'imagine le travail du maquilleur pour atténuer la démarcation du bronzage avant qu'elle puisse danser nue  !

    3
    Jeudi 13 Août 2015 à 19:44

    On savait s'amuser d'un rien en ce temps-là, aujourd'hui il leur faut un kit nitro qui ne se trouve pas en pharmacie

    4
    unsteady eddie
    Jeudi 13 Août 2015 à 20:08

    Pour être juste, très peu de gens en ces jours avaient une réelle idée de ce que la guerre atomique voulait vraiment dire. Ils connaissaient le bang mais pas l'effet sur les générations futures - les gens de la publicité reflètent ce qui est socialement acceptable.

     

    5
    Jeudi 13 Août 2015 à 20:32

    à FAJ

    "Danseuse nue", c'est vite dit car le nu intégral introduit, si je puis dire, par Bernardin (tiens, tiens) est bien plus récent. À vue de nez, je dirais 1980 (?) avant, c'était la feuille de vigne frontale

    6
    Jackymoto
    Jeudi 13 Août 2015 à 21:17

    Pour la vulgarisation de l'atome auprès des enfants, il a existé une boite de jeu américaine contenant vraiment des merdouilles nucléaires. Par chance elle eut peu de succès car elle était beaucoup trop chère. Beaucoup moins drôle, toute une génération de jeunes nanas fut sacrifiée dans une ville des USA (Essex dans le New Jersey) car elles peignaient les aiguilles des montres et autres appareils de contrôle pour l'aviation, avec de la peinture fluorescente radioactive.

    En 1954 la première machine à laver dans ma famille, fût une Thomson Gyratomic, le nucléaire était à la mode...

    7
    FAJ
    Jeudi 13 Août 2015 à 22:04

    Salut Jacky moto,

    Chez nous aussi, et dans d'autres pays vraisemblablement, les belles aiguilles vertes phosphorescentes des montres et du réveil de grand mère étaient revêtues de peinture au radium. Les ouvrières - et oui, c'était quasi exclusivement une main d'œuvre féminine, plus adroite - suçaient leurs pinceaux pour en affiner la pointe ... et par conséquent développaient des cancers de la bouche, de la gorge, de la mâchoire et des voies digestives. Mais qui s'en inquiétait alors ? La notion de maladie professionnelle, si elle existait, était sans doute "un risque du métier accepté", quelle horreur !  Autre horreur engendrée par la conjonction de la méconnaissance de la science,des intérêts de charlatans mercantis et rendues possibles par l'attrait des gogos pour la nouveauté, ce sont les suppositoires au radium (!!) parés de toutes les vertus dans les placards publicitaires de revues telles que La Vie au Grand Air. Sans doute les connais-tu.

    Zhumoriste

    Heureux, Jean, que tu mentionnes Alain Bernardin : gloire (posthume) à lui et au Crazy Horse ! Le corps féminin sublimé, une atmosphère unique, un spectacle de grande classe, un artiste et un génial inventeur de noms de baptêmes pour ses actrices. Mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi concernant l'omniprésence de la feuille de vigne. Ou alors dans les endroits pour touristes où les beaufs venaient "s'encanailler" avec leurs bergères : pas mes points de chute favoris !

    8
    Jackymoto
    Jeudi 13 Août 2015 à 22:42

    Ben oui, et je regrette que ces suppositoires n'aient pas été prescrits à certains dictateurs.

    Des aiguilles radioactives (au radium) avaient été vendues à des investisseurs et il me semble qu'on a a retrouvé un stock dans une maison ( Bordelaise?) récemment. Entre les pointes de para tonnerre, certaines lampes radio (pas si rares, j'en ai vu dans leur emballage doublé d'une feuille de plomb) du dentifrice (dans les années trente) ainsi que certains crèmes pour fond de teint. Il n'y avait que l'embarras du choix. A part les para tonnerre et autres cadrans lumineux bien identifiés, le reste traîne dans la nature. J'espère que les doses de saloperie dans les  produits cosmétiques n'étaient que publicitaires!

    En tant que Limousin, et vu le tas de cochonneries qu'a enterré le CEA dans les années 50 et 60 au nord de la Haute-Vienne, je m’intéresse au sujet..

    9
    Vendredi 14 Août 2015 à 09:57

    jacky

    J'ai le souvenir d'une virée de motos militaires (nobody is perfect !) en Limousin dont le parcours traversait une zone d'anciennes "mines d'uranium" (nous a-t-on dit ?). L'arrêt sur place a été de courte durée, heureusement car j'ai cessé de respirer pendant tout ce temps. Pas de baignoire en vue pour se protéger... 

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    10
    hugues80
    Dimanche 16 Août 2015 à 17:59

    J'espère que les explosions chinoises n'auront pas trop de retombées ... désastreuses ...

    :((

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