• Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    VOIR "EN ACTION" une machine à moteur de l'époque 1900 suscite pour le profane l'amusement, voire le sourire ou le ricanement des imbéciles. Le gloup-gloup de l'échappement, les gesticulations du pilote pour faire craquer son moteur, sa fébrilité en jonglant avec les manettes de l'engin sont effectivement pittoresques. Sauf que parfois c'est la crainte qui saisit le spectateur lorsque le gloup se tranforme en explosions crachant des flammes qui font reculer les plus téméraires. Les 4 en 1 de nos multi actuels sont généreux en décibels, mais ils n'ont pas la sauvagerie de ceux de nos ancêtres. Au premier rang desquels les Buchet et Renaissance : le "Petit monstre" Buchetcertains De Dion. Ces derniers étaient plutôt des "bitzas" destinés à l'entraînement de stayers (*). Point de ces grossières "amusettes" chez Buchet où dominait la recherche de la performance. Recherche favorisée par "l'invention" d'un moteur moderne avec soupape commandée à l'échappement, caractéristique des moteurs Buchet de l'histoire de la moto. Laquelle, n'oublions pas, doit beaucoup de son développement au tricycle (moteur De Dion). 

    Selon le dessin extrait du brevet (ci-contre), cylindre et culasse sont fixés par des colonnettes alors que sur le modèle construit, et figurant sur le catalogue 1900, la culasse est vissée sur le cylindre lequel est fixé par son embase. Les soupapes sont parallèles mais déjà, dans la version "à eau" des monos 3, 4 et 6 chevaux de la même année, la soupape d'admission est inclinée à 45 ° environ.

    Renaissance : le "Petit monstre" de Buchet

    Buchet a commencé par proposer une culasse adaptable sur les moteurs de Dion. C'est probablement ceux-ci qui équipaient les "motocycles" qui se sont signalés dans la quinzaine de victoires dont s'enorgueillit le catalogue Buchet pour 1899 et le début de 1900, sans mention de pilotes ni marques. La machine présentée ci-dessus n'est sans doute pas une réussite aux plans technique et esthétique, mais elle nous montre l'un de ces moteurs de Dion coiffé de la culasse Buchet à culbuteur. 

     À partir de ce monocylindre, et avec la même technique, Buchet va proposer toute une gamme de moteurs de plus en plus gros, donc de plus en plus puissants comme il l'explique dans l'un des ses premiers catalogues, un quatre pages recto-verso.

    "Notre moteur, qui a fait son apparition à la fin de 1899, et que les succès qu'il a remportés dans les courses ont mis immédiatement hors de pair, est basé, comme tous les moteurs similaires, sur le principe du cycle à 4 temps. Sa profonde originalité réside dans la disposition spéciale de ses soupapes, qui lui assure à dimensions égales une force bien supérieure (*) à celle de tous les autres moteurs ; mais cette disposition spéciale n'entraîne aucune complication, aucun soin de plus que les autres moteurs".

    (*) Buchet annonçait 30 % d'augmentation de puissance par rapport à un moteur à soupape latérale.

    Renaissance : le "Petit monstre" de Buchet

    Le choix des bicylindres Buchet à refroidissement par ailettes (extrait du catalogue de 1900.

    Pour des raisons de poids et d'encombrement évidentes, les bicylindres sont destinés aux "motocycles", ce qui, dans la terminologie de l'époque comprend les tricycles et quadricycles. De plus, leur cylindrée leur interdit une utilisation "ordinaire" puisque leur mise en route ne peut se faire qu'avec le secours de vigoureux "pousseurs". Ce sera d'ailleurs une source de conflits pour les tricycles dans les premières épreuves sur courte distance avec départ arrêté car on ne peut vaincre la compression de ces grosses gamelles à la seule force du jarret humain sur un pédalier.

    Les gros Buchet seront donc aux mains de spécialistes, seuls capables de maîtriser des machines que l'on dit être "les engins du 200 à l'heure" ! La course à la cylindrée finira pas "tuer" le tricycle. Il ne résistera pas à la vague automobile (même légère) malgré une ultime tentative en se transformant en quadricycle grâce à un avant-train adaptable. La montée du motocyclisme fera le reste. Un bon nombre de ces tricycles ont survécu avec des moteurs De Dion alors qu'à ce jour on n'en connaît qu'un doté d'un gros Buchet bicylindre et...

    ... C'EST CELUI-CI !

    Présenté en exclusivité mondiale grâce à son créateur-propriétaire qui a choisi zhumoristenouveau pour en publier les premières photos et avant de l'exposer à Lyon sur le stand du Vintage Revival Montlhéry.

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    Son propriétaire avait ce moteur nu depuis de nombreuses années et c'est au prix de longues recherches qu'il a pu déterminer que les tris Buchet de course étaient installés dans des parties-cycles Perfecta construites par Darracq. À partir de là, tout devenait plus... facile !

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    Avec deux fois 85 mm d'alésage pour 95 mm de course, la cylindrée totale atteint 1100 cm3, de quoi largement sa faire peur sur 3 roues. Encore est-ce probablement le plus "petit" des bicylindres Buchet.  Énigme historique non encore élucidée, les cotes intérieures pistons, vilebrequin, de même que la fonderie sont identiques à celle des de Dion. 

    Renaissance : le "Petit monstre" Buchet

    "Les motocycles Perfecta sont les seuls qui puissent résister impunément aux efforts excessifs des moteurs de curse : Buchet à deux cylindres, Soncin-Ouzou, de Dion, Aster, etc, réalésés employés par des recordmen tels que Baras, Béconnais, Osmont, Marcellin, Gasté, Vasseur, Bardin, parmi les plus célèbres rois de la route", ainsi parlait Henry de Graffigny dans l'un des premiers ouvrages écrit sur les motocycles et motocyclettes en mai 1900  (Guide-Manuel Pratique du Motocycliste - Réédité récemment en fac-simile et disponible en librairie et sur Internet @ maxtor.es - Pas cher : 11 zoros).

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    Henri Béconnais (1867-1904) sur son Perfecta de records surbaissé à moteur Soncin. C'est l'un des pilotes de tricycles (il venait du cyclisme) dont le nom revient souvent dans les palmarès des premières épreuves de l'époque, en endurance, "sprints" ou matchs sur vélodromes. Passé à l'automobile, il trouvera la mort aux commandes d'une Darracq près de Labouheyre lors d'essais routiers dans les Landes en 1904. Son mécanicien, Jules Bernard, décèdera avec lui.

    Renaissance : le "Petit monstre" Buchet

    L'embouchure du carburateur est munie d'un entonnoir afin de capter un air réchauffé et censé améliorer la pulvérisation du mélange carburant. Il peut également empêcher un givrage dû à la grande vitesse de la machine. Débouchant droit sur les pneus, les échappements les nettoyaient en même temps des saletés de la route dont les clous des fers de ferrage des animaux de fermes. 

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    La boîte métallique dans le cadre contient la batterie de l'allumage électrique qui s'effectue par rupteurs via le boîtier des trembleurs fixé derrière le pédalier. Les sacoches de cuir de la selle et sur le guidon contiennent les outils de (l'éventuel) dépannage.

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    À portée de main, juste sous le nez du pilote, la fiche mobile qui permet de couper le contact électrique en cas d'urgence. Puis les manettes de réglage de l'allumage et de la carburation (essence/air).

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    La fourche à simples fourreaux paraît bien fragile, mais les Buchet-Perfecta n'étaient pas destinés à des parcours sur routes ordinaires. On les voit d'ailleurs le plus souvent équipés d'une fourche Truffault déjà plus apte à absorber les "ondulations" d'une portion de route choisie pour sa bonne qualité telles les "promenades" de bord de mer (Nice ou Deauville).

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    Les culasses sont celles de monocylindres, dont une est simplement retournée. L'une des bougies est vers l'arrière et l'autre vers l'avant. Par la suite, les culasses seront symétriques (en "miroir") avec les échappements dirigés vers l'arrière. Les longues tiges de commande des culbuteurs sont logées entre les cylindres.

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    Un (gros) moteur déporté vers la gauche, une transmission sur la seule roue droite, il fallaitt une certaine expérience pour maîtriser la chose. Entre la dérive à la voile sur l'eau et le sidecar ? 

    Renaissance : le "Petit Monstre" de Buchet

    Victor Rigal met la dernière main à son imposant  Buchet qui n'est pourtant pas le plus gros de la série. Il pilotera un 4245 cm3 à Deauville en 1902 où il sera chronométré à plus de 124 km/h. Une vitesse exceptionnelle qui incitera les organisateurs de l'épreuve à en annuler les résultats...

     Et maintenant, rendez-vous au stand du Vintage à Lyon et jugez de visu ! 


  • Commentaires

    1
    fmd
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 11:27
    J'aurais eu su, j'eus allé à Lyon ! Rhâhhh…
    2
    gueguette
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 11:44

    De vraies bêtes !! qui crachaient des flammes !!

    https://www.youtube.com/watch?v=BfYbH7926gk

    3
    DIALMAX
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 11:54

    Dommage je ne peux pas non plus !

    Ils avaient déjà des slicks !

    4
    Newmap
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 13:53

    Moi non plus cette année, mais rendez vous est programmé pour 2016 ! Merci pour ces beaux articles

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    5
    FAJ
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 21:06

    Superbe réalisation ! Avec le méchant couple de ces gros moteurs lents appliqué sur une seule roue motrice, le pneu d'époque était à rude  épreuve. Les compte- rendus de compétitions font ils état de glissement sur jante et valve arrachée ou de déchapage ?

    6
    Jackymoto
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 23:13

    Et ils utilisaient déjà des slicks! happy

    Normalement les pneus à talons se gonflent à 3 ou 4kg, peu de chance de déjantage...sauf en cas de crevaison, incessantes à cette époque ou les chaussures étaient cloutés et les animaux ferrés comme le dit Jean plus haut. Les choses ne se sont vraiment améliorées qu'après la dernière guerre (avant guerre mon père allait au bahut à vélo et me disait que les crevaisons faisaient vraiment parties de l'ordinaire).

      • Samedi 7 Novembre 2015 à 09:56

        "Avant" et "pendant" la guerre, mes p'tits gars, une époque où l'on ramassait les clous et les fers (à chaussures) qu'on trouvait sur la route, car à vélo, on a le temps de scruter les bas-côtés. Détordre les clous fut un sport national de 1940 à 44... Le grand-père Bourdache qui était maire, conseiller général et néanmoins facteur de son pays, distribuait le courrier à pied jusque dans les fermes les plus reculées et il récoltait les ferrailles qu'il trouvait en chemin. Dans son grenier, il déposait ses trésors sur des feuilles de journal, bien classées selon la nature du métal : cuivre, fer, aluminium, fonte, acier, etc, autant de merveilles pour mes cousins et moi qui étions pourtant "interdits de grenier" ! 

    7
    ddg
    Samedi 7 Novembre 2015 à 12:20

    Vu la bête hier à Epoqu'auto .... Whaouuuuuuu !!!! impressionnante ! superbe restauration qui fait penser à la découverte d'une machine dans son jus.

    Sur les jantes sont disposées des vis équipées d'écrous papillon, un genre de "gripster" peut-être ??? qui éviterait le glissement des pneus ...

    8
    Bob Sarbacker
    Mercredi 11 Novembre 2015 à 22:28

    FANTASTIC!

     

    9
    Dimanche 29 Novembre 2015 à 23:27

    My copy of the book arrived yesterday. Thank you very much for the recommendation. Now I only need to learn a few more words of French! ;)  

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