• Traces (12ème) : depuis De Dion jusqu'à Rip Kirby

    Traces, 12ème épisode

    LE TRICYCLE a donné naissance à des variantes qui, en général, louchaient vers la voiturette encore en développement mais très onéreuse. Les transformations étaient rendues faciles par les constructeurs eux-mêmes qui proposaient sur catalogue des avant-train avec parfois une commande par un volant. Le modèle original ci-dessus est dérivé d'un tricycle De Dion-Bouton dont on reconnait aisément la fourche en tubes formant deux étroites pyramides opposées par leur base, Traces, 12ème épisodefourche qui paraît avoir été renforcée à sa partie inférieure (cliquer sur l'image à droite pour obtenir une vue générale d'un modèle d'origine, extraite du catalogue De Dion).

    L'ensemble est très probablement une réalisation signée d'un professionnel, sans doute mécanicien-garagiste et dépositaire du carburant "Motricine" dont on distingue les caisses de bidons entre les deux véhicules.  Une affichette publicitaire pour cette marque orne d'ailleurs la vitre de la première fenêtre à droite. L'immatriculation bien visible en M (en V sur le sidecar non identifié) recouvrait une large zone allant de Marseille à Nice augmentée des trois départements limitrophes au nord.

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    À L'ÉPOQUE de mes culottes courtes, il se propageait des craques (*) à l'école dont l'une, en particulier, faisait rêver les ados acnéiques que nous étions. Il se disait que la maison Ricard offrait une 4 CV Renault à quiconque acceptait de rouler pendant 1 an avec cette Traces, 12ème épisode voiture peinte aux couleurs publicitaires jaune et bleu du célèbre pastis. Aucun de nous n'avait le permis, ni même n'avait l'âge requis, mais on ne se posait pas la question !

                             En plus de la 4 CV (ci-contre) et de la 2 CV                                        (ci-dessus), il y eut aussi une caravelle Ricard                            transportée sur un semi-remorque Renault.

     EN VOYANT ARRIVER dans mon parking une Smart aux couleurs Harley-Davidson, je me suis demandé si cette vieille craque n'allait pas refaire surface et si Harley n'avait pas repris l'idée de Ricard. À moins que les deux marques n'aient signé un accord de partenariat afin de doter la poumonesque et chère voiturette d'un moteur digne de ce nom ? Et j'ai repensé à cette information de Paul d'Orléans (The Vintagent) qui, en voyage à New-York avait vu un Hell's au guidon d'un trike Polaris, ce violent trois-roues de 2 400 cm3 et 173 Ch (modèle de base). Un Hell's sur 3 roues, vous imaginez ça ? ! Quoique, à la réflexion, le Hell's est un homme comme un autre, il vieillit comme un autre et en attendant, afin de s'entraîner au pilotage d'un déambulateur, pourquoi pas 4 roues de Smart...

    (*) Craque : mensonge, invention, ragot, boniment, bouteillon (Guerre 14-18)

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    Oui, je sais, ça fait un peu mal aux yeux mais Photoshop n'y est pour rien !

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    LES CRAQUES sont nombreuses (nombreux ?) mais certain(e)s perdurent à travers les siècles, au moins dans les deux derniers. La vision humaine par Rayons X en est une qui ne turlupine pas que les ados puisqu'on trouve en ce moment sur le ouèbe une vidéo d'origine russe (?) qui propose des lunettes permettant de voir à travers les vêtements. De préférence ceux des femmes, ça va de soi. Cependant on peut garder un espoir sérieux avec les travaux d'un artiste-photographe anglais, Nick Veasey, qui a commencé des expériences intéressantes dont on a le résultat ci-dessus (à voir sur http://www.nickveasey.com/). Il n'a utilisé d'abord - prudence ou manque de volontaires ? - que des macchabées des écoles de mèdecine parfaitement insensibles aux rayons X, de même que les motocyclettes, Matchless ou Indian prises pour modèles. Il a fait des expériences identiques avec des objets très divers, insectes, fleurs crustacés, kalachnikov, vibro-gode, etc. L'ambition lui venant, il s'est attaqué à du plus gros tel une Austin Mini qu'il a dû démonter entièrement pour en tirer des clichés lisibles. À son actif on trouve ensuite un autobus, de profil et avec une vingtaine de passagers, ainsi qu'un avion (de face seulement !). 

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    Nick Veasey expose ses tirages en galeries et il en vend. Avec un certain succès et, ma foi, fort cher. Son matériel est semblable à celui qui est destiné à des fins médicales, seulement en beaucoup plus volumineux.

    PLUS DISCRET, l'appareil que proposait pour le même usage un fabricant américain était aussi meilleur marché. Pour 1 dollar il vous promettait grâce à de simples lunettes une Traces, 12ème épisodevision par rayons X qui traversait les vêtements jusqu'au squelette. L'objet fut commercialisé en France mais je n'ai pas trouvé la publicité qui s'y rapporte et qui passait sans doute dans les catalogues de farces et attrapes et dans des petits journaux comiques. Cette idée de transparence était dans l'air des années 50 aux États-Unis. Elle a généré des exemples multiples un peu partout dans le cinéma, les annonces publicitaires des journaux, la bande dessinée évidemment et un peu dans la mode. Mais on n'y va jamais "jusqu'à l'os", et pour cause ! 

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     Au cinéma, Anne Francis va être habillée d'une robe en une matière transparente "inventée" par son ami Robby le Robot. Ce dernier est par ailleurs fabricant de whisky pour le cuisinier de l'expédition sur cette "Planète interdite" (1954), que ce cuistot estime inintéressante car il ne s'y trouve "ni bibine, ni femmes, ni bistrot". C'est l'un des premiers films "adultes" de science-fiction ("adultes" ayant le sens de "intelligent" et celui, équivoque, qu'il a actuellement...), utilisant le cinémascope et la couleur. On a été jusqu'à écrire que les auteurs s'étaient inspirés par "La Tempête" de Shakespeare, oui Môssieur ! L'affiche annonce pourtant bien mal... la couleur avec un robot en vedette portant dans ses bras une pin-up vêtue d'une courte tunique sous laquelle a été rajouté le bout d'une petite culotte qui n'existe plus sur l'affiche française. Échappant à l'influence du castrateur Code Hays étasunien, les exploitants ont pensé à ces coquins de Français bien que la scène, autant qu'il m'en souvienne - et dites-moi si je me trompe - ne figure pas dans le film !  

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    Pour la petite histoire, on remarquera la présence d'un certain Leslie Nielsen, ici en haut à droite. C'était déjà un héros protecteur de la femme avant de devenir le sauveur de la Reine d'Angleterre qu'on connaîtra 34 ans plus tard. Ici, il avait déjà un assez grand rôle en capitaine du vaisseau spatial qui explore la fameuse planète.

    Quant à la demoiselle qui jouxte la photo d'Anne Francis avec Robby, elle est là pour la promotion d'un... cirage, pas pour un imperméable transparent. On pourrait se méprendre, c'est sûr, car cette silhouette la révèle quasiment nue alors que ce cirage est destiné à l'homme - celui qui tient le parapluie. Il peut draguer sous la pluie sans abîmer ses chaussures car il utilise "Griffin Microsheen", un révolutionnaire cirage aux silicones ! En fait de silicone, c'est peut-être dans la poitrine de la demoiselle qu'on pourrait le trouver... Ce qui, quelques années plus tard, a inspiré à Georges Pichard cette variante en couverture de V Magazine (ci- dessous), en esquisse de ses héroïnes plus hardies dont sa rocambolesque Paulette qui enluminera longtemps les pages de Charlie ou les albums relatant les aventures encore plus épicées de Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope.

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    Comme tous les costumes des autres acteurs, celui d'Anne Francis a été testé sous toutes les coutures (soudures ?). Ceci dans le but de déceler d'éventuelles fautes qui auraient violé le Code Hays mis en forme par le sénateur du même nom pour la bonne tenue des productions d'Hollywood. Activé dès 1934, ce code interdisait, par exemple, que deux personnes de sexes opposés puissent s'asseoir sur le même lit sauf si l'une d'elles gardait un pied à terre. Pas question d'évoquer la drogue, l'homosexualité ou des amours interraciales. Les scènes de violence devaient être calibrées comme celles plus "chaudes". Trois secondes était le temps maximum permis à un baiser sur la bouche, une chambre conjugale devait toujours se composer de lits jumeaux. D'où des séquences allusives tel Traces, 12ème épisodequ'un train s'engouffrant dans un tunnel, une casserole de lait qui déborde sur le feu, le champagne qui gicle de la bouteille et bien d'autres autres situations suggestives. Les metteurs en scène (Alfred Hitchcock en tête) inventèrent des subterfuges parfois plus érotiques que ce qu'ils étaient censés dissimuler, ridiculisant le Code Hays en le contournant.

    Une victime exemplaire de ces regrettables interdits a été Tarzan dont le slip a dû prendre de l'ampleur (en superficie) et surtout sa compagne, Jane dont le nombril devait tellement exalter William Hays qu'il le fit dissimuler (Freud aurait eu son mot à dire...). Dans la foulée, on lui imposa d'allonger son "bikini" qui montrait un peu trop de ses hanches. Il y eut aussi le "bouchon de carafe" inséré dans le nombril de toute danseuse ou princesse exotique (Anita Ekberg ?).

     Dans les années 60, le Code Hays finira par être de plus en plus défié et disparaitra. Quoique, quoique... Chassé par la porte, il semble faire un retour par la fenêtre puisque depuis quelques années un film américain qui montre des personnages cigarette au bec, risque une interdiction aux moins de 17 ans. Un commencement ? Pas de quoi en rigoler chez nous où on a mis un coup de Tippex sur la photo officielle de Malraux et son éternelle cigarette... 

    ON NE VA PAS SE QUITTER sur une aussi mauvaise impression. Aussi admirera t-on (ci-dessus) cette superbe illustration extraite de "La Reine des neiges", un des épisodes de Flash Gordon, la Traces, 12ème épisodeBD connue chez nous sous le nom de "Guy l'Éclair". L'artiste, Alex Raymond, est surtout connu pour son "Rip Kirby" aux aventures beaucoup moins mouvementées puisque le héros à lunettes fume la pipe, joue au golf et adore la musique classique (ci-contre). Atypique donc, et si Alex Raymond use moins de la transparence, Honey la petite amie de Rip n'en est pas moins affriolante.

    Il faut clore ces vagabondages loin de la motocyclette, mais bien dans le courant à la mode qui exige de la transparence dans tous les domaines. On signalera donc une information parue dans le très sérieux (?) news magazine "L'Obs" au début de l'été. Il y était question des "must" qui devaient apparaître sur les plages, dans les boîtes à cocktails et autres lieux de vacances branchés. On y trouvait cette délicieuse jupette en plastique transparent qui devait faire fureur mais qui a fait un flop. Cependant, gardons l'espoir, l'été n'est pas fini... 

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  • Commentaires

    1
    Luc
    Vendredi 21 Août 2015 à 15:56

    Dans la série des craques il y avait également dans les années 70 la légende du cargo qui rapatriait au Havre des 4CV toutes neuves retrouvées entreposés en Algérie (Ça devenait selon les régions des dauphines à Marseille ou des Harley à Toulon).


    Quand au coup de tippex sur la cigarette de Malraux il y eut également la disparition mystérieuse de la célèbre pipe de monsieur Hulot.

    2
    jackymoto
    Samedi 22 Août 2015 à 00:13

    La censure des actualités à la télé américaine faisait rire ma fille : les nichons floutés, comme les sexes d'enfants de 3 mois. Si c'est un beauf qui parle avec beaucoup de " fuck et fucking et autres fuck off " très courants, il n'y plus que des bips !

     

    3
    Samedi 29 Août 2015 à 09:00

    J'ai découvert le blog, il y a peu, j'apprécie beaucoup !! quant aux lunettes permettant de voir à travers les vêtements, ça date, j'en rêvais déjà dans les années 60 quand je feuilletais mon canard local !!

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