Au lendemain de ce Bol d'or 1922, La Revue Motocycliste écrivait : "Les sidecars ont gêné les cyclecars et les cyclecars ont empêché les sidecars de donner leur maximum". Bien tranchée, cette conclusion est appuyée par les nombreux incidents et accidents qui s'étaient produit durant les 24 heures où trois et quatre roues se sont côtoyés, parfois sans se ménager. Deux heures après l'arrivée des motos solos, le temps de ranger et réaménager les stands de ravitaillement, les sidecars se présentaient donc au départ...
... avec ici, de gauche à droite : Mercier (1000 René Gillet) ; André (1000 Harley-Davidson) et Gex (1000 Motosacoche), futur vainqueur. En tout, douze attelages dont deux en 350 avec Dubost (D.F.R.) et Lods (Motosolo à refroidissement liquide). Ils sont les seuls constructeurs français - avec René Gillet - à s'être risqués dans ces deux tours d'horloge.
L'attelage Motosacoche de Gex dans la traversée d'un village dont les habitants profitent d'un spectacle gratuit assez peu courant. L'étroitesse de la route et sa mauvaise qualité expliquent les nombreux accidents et incidents qui vont marquer cette première édition.
Les cyclecars suivent les trois roues alors qu'un commissaire de piste s'écarte à gauche, armé de son mégaphone qui aidait sans doute à appeler les concurrents. À droite, un Fournier 1100 cm3 mené par son constructeur. Légèrement en retrait, aux mains de Yoon, va s'élancer un 1100 G.N. (Godfrey & Nash) au moteur bicylindre en V culbuté monté transversalement et débordant du capot.
Un autre 1100 G.N., celui de Giovanelli, fait un "extérieur" féroce au side Harley-Davidson de André dans la caillasse d'un virage. A. Giovanelli était l'un des agents parisiens de G.N.
Les cyclecaristes ont exploré toutes les techniques imaginables (et aussi les plus inimaginables) pour améliorer leurs véhicules. Ainsi, sur le G.N. sans différentiel, chaque vitesse a sa chaîne. Dessin non signé (Guivarch' ?) piqué sur le forum de : http://tricyclecaristes.forumr.net/t60p50-gn-cyclecar
Peu de public pour le cyclecar 1000 Benjamin de Mme Gouraud-Morris, mais public de qualité : l'inscription "Mécano" visible sur le mur de la maison indique que le spectateur qui note les passages des concurrents est de la partie. Peut-être prêt à venir en aide à un véhicule en difficultés.
Avec 4 machines engagées, Harley-Davidson avait de bonnes chances de remporter ce Bol en 1000 sidecars. Après avoir perdu du terrain en début de course, Vulliamy n° 52 (ci-dessus) se hissait en tête, ex-æquo avec Gex sur Motosacoche, tandis que Sigrand (D.S.) les talonnait à deux tours.
Finalement, c'est Gex qui l'emportera (ci-dessus), parachevant le succès de la marque suisse déjà gagnante en solo avec Tony Zind. Souvent en tête, Vulliamy alternait au commandement avec Gex et Sigrand, mais à la 20 ème heure, victime de l'épuisement, Vulliamy s'arrêtait. C'est ensuite Sigrand qui, à 30 minutes de la fin de la course, percutait un poteau télégraphique, suite à la rupture de la fusée de roue de son side !
Née de l'association de MM. de Pierre Debladis avec Camille Sigrand, la marque D.S. (ci-dessus, celle de Pletsier) se veut "Motocyclette Française" alors qu'elle est constituée à 99 % de pièces piochées chez diverses marques américaines des surplus !
La X... engagée par Cabet était bel et bien une Harley-Davidson comme le montre le texte de la lettre-témoignage qu'il a envoyée par l'intéressé à MM. Debladis & Sigrand. Le commerce de D.S. était fondé sur la fourniture de pièces de rechange pour les grosses cylindrées étatsuniennes. Récupérées sur des machines des surplus achetées en lots, elles étaient bien sûr moins chères que celles que proposaient les importateurs.
La seule pièce qui ne provienne pas du catalogue Harley-Davidson est la fourche avant. Pas suffisant cependant pour justifier les publicités D.S. fournissant des "Preuves de la supériorité de l'Industrie Française" : en effet, cette fourche est celle d'une... Henderson !
Le choix de cette pièce Henderson ne peut s'expliquer que par la présence d'un lot "égaré" parmi les machines des surplus car les Henderson ne figurent pas parmi les machines fournies au contingent militaire américain envoyé en Europe.
Photo intrigante prise en Algérie d'un garde-champêtre posant sur une Henderson attelée et pilotée par un chauffeur, à moins qu'il ne s'agisse d'une rencontre fortuite en pleine campagne ? Cliquer pour voir détailler la fourche particulière des Henderson.
Moins convaincante qu'en solo avec Clech, la Motosolo attelée de Lods est seule à terminer ce Bol d'or, à la moyenne de 23 Km/h soit 110 tours du circuit. Bien qu'éliminé au bout de 20 heures après un accrochage avec le cyclecar Amilcar de Mestivier, le pilote de D.F.R. Emmanuel Dubost détient le record du kilométrage de cette catégorie des sidecars 350. Un troisième sides 350 engagé par Sollet (Rover) a rapidement été éliminé sur chute.
Les classements ne donnent pas le nom des passagers des sidecars dont certains, ici celui de la Motosolo de Lods ont dû avoir du mal à ne pas s'endomir durant ces 24 heures à faible moyenne... Cet anonymat des passagers perdurera longtemps, sauf dans des cas exceptionnels comme les couples Drion-Inge Stoll ou Lambert et Madame. Dans le duo Oliver-Jenkinson, c'est la longévité de leur collaboration qui a marqué... et aussi la barbe ébouriffante du passager-journaliste !
Soucieux de promouvoir "le grand tourisme familial", René Gillet était présent dans des épreuves sur longues distances tel le Bol d'or. Deux de ses 1000 bicylindres y étaient engagées dont celle de Mercier (ci-dessus) qui termina 4ème de sa catégorie, derrière deux Harley et la Motosacoche du vainqueur. Fidèle de la marque depuis l'avant-guerre, Emmanuel Dubost figure dans la liste des partants, mais aucune gazette ne le mentionne ensuite dans ses compte-rendus.
SUR 4 ROUES AUSSI...
Morel sur Amilcar 1100, premier au général avec 1450 km parcourus
Chère au cœur d'Eugène Mauve, une Elfe 1100 (moteur Anzani ?) était menée par Genault. Aucune mention de son résultat final...
Sixième au classement général, juste derrière la 500 Motosacoche de Zind, la Benjamin 750 de Lenfant (ci-dessus) a mené la meute des machines engagées en 750 par la marque : 9 au départ et 5 à l'arrivée. L'opposition était représentée par une Sénéchal (pilote Sénéchal) et une Margueritte (pilote Margueritte), non classés tous deux. Au fond, à gauche, le groupe electrogène qui a fourni l'éclairage de cette réunion.
Deux Benjamin au ravitaillement devant leur stand respectif. La pile de pneus à l'arrière-plan à gauche montre bien le degré de préparation de certains concurrents autant que le caractère "abrasif" du revêtement de la route.
Parmi les marques les plus connues se trouve Salmson engagée avec trois machines de 1100 cm3 dont celle de Bueno (ci-dessus). La meilleure sera celle de Benoist, deuxième au classement général derrière l'Amilcar de Morel. Cette catégorie 1100 rassemblait le plus grand nombre de marques différentes. On y trouvait Mourre, Bignan, Rally et Fournier ainsi qu'un insolite cyclecar Janoir-Dutilleux (pilote Dutilleux) qui s'est retourné dans un virage dès le premier tour... C'est à ce jour la seul mention connue d'un cyclecar Janoir en dehors d'une publicité de la marque datant de 1921 qui annonçait "Cycles, Motos, Cyclecars"
(Toutes les photos d'action publiées ici proviennent de Gallica - BNF)
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