Depuis la nuit des temps, le motocycliste a aimé se retrouver avec ses semblables. Cette tendance a atteint des sommets au moment où la moto européenne était en crise dans les années 58/68. Les rangs se resserraient devant la menace d'extinction. L'arrivée des japonaises relança le mouvement qui donna naissance à plusieurs manifestations connues sous le nom de concentrations. Elles naquirent un peu partout à travers l'Europe, laissant des souvenirs inoubliables à des centaines de participants, voire à des milliers pour certaines d'entre elles comme les Éléphants (Allemagne), le Chamois et les Millevaches (France) et tant d'autres qui sont passées au rang de légendes.
La Belgique avait le "Cheval d'Acier" organisé par Jean Blanckaert à Bruges, ville point trop éloigné pour le Parisien que j'étais. L'occasion de voir un peu ce qui se passait au delà de nos frontières. Reporter-photographe à Moto Revue, Philippe Folie-Dupart grand rouleur et amateur de ce genre de réjouissances me convainquit d'y aller avec lui.
(Sauf "hot pants Jesus", toutes ces photos sont © zhumoristenouveau - cliquer pour agrandir)
Au bout de 300 km de route, notre équipée faillit se terminer là sur une trainée de gas-oil. Deux d'entre nous, sans rien remarquer de particulier, avaient passé ce virage qui fut fatal au troisième et dernier du groupe. Philippe qui ouvrait le chemin et se livrait à quelques mano a mano avec de prétentieux automobilistes (souvent à bord de D.S. "reines de la route"...) était loin devant. À un moment, je ne vois plus le troisième dans mon rétro. Poussant les feux (!) sur ma 75/5 je rejoins Philippe qui a ralenti. À mes signes, il comprend qu'il s'est passé quelque chose d'anormal...
Revenus en arrière, nous trouvons déjà sur place le fourgon noir de la police alertée par les témoins-voisins de la chute de notre ami qui a déjà relevé sa Honda 4. (On la distingue, ci-dessus au milieu, entre la 750 carénée de Philippe à gauche et ma BMW à droite). Des panneaux d'avertissement sont disposés au milieu du virage et un produit absorbant a été répandu sur le gas-oil.
Constat des dégâts : un genou en vrac pour lui et un trou dans le carter d'alternateur de la japonaise. Pas de quoi nous décourager, surtout qu'on est à seulement 7 km de Bruges ! Tout songeur devant sa propre Honda 4 équipée Speed (?) avec carénage et selle à dosseret, Philippe, comme moi, pensons que nous l'avons échappé belle !
Un attelage d'une "bleue" qui fut célèbre dans les "concentres" du nord de la France et même au delà, la preuve. Et le Vélosolex est aussi de la fête (à l'arrière-plan, à droite).
La CB 450 Honda avec ses 44 chevaux étonne encore par ses 5 vitesses et son régime-moteur de 9 000 tours. Pas de quoi cependant impressionner cette jeune demoiselle qui revient du T.T. de l'Ile de Man comme en témoigne la protection du phare doublé d'un longue portée. Cette K1 remplaçait la "Black bomber" précédente (4 vitesses) dont le réservoir trop... bombé n'avait pas séduit les foules.
La vieille garde européenne résiste encore à la pénétration japonaise qui vient de déclencher un choc avec la "4 pattes" Honda. De la BMW Serie 5 à la Guzzi V7 en passant par la Norton "Fastback" Commando, le Vieux Continent a repris du poil de la bête !
Accueilli dans un parc de loisirs où sont installées à l'année des "résidences secondaire" (tentes volumineuses à gauche), le "Cheval d'Acier" attire les visiteurs curieux de machines qui ne font pas partie de leur univers habituel... pas plus que leurs pilotes.
Plus de 10 ans après la disparition de la marque, une Vincent attire toujours l'attention. Surtout lorsqu'il s'agit d'une monocylindre Comet 500, modèle peu répandu en Europe car très peu importé, vu son prix... pour sa cylindrée.
La "concentre" est un sport qui se pratique à tous les âges et avec toutes les cylindrées et un 50 caréné n'est pas une rareté (Gitane Testi), pas plus qu'une MZ, à droite, en amorce.
Pas de ségrégation comme trop souvent aujourd'hui, à Bruges le "rebelle" en Harley est accepté, même s'il attire les regards de ceux qui blâment ou qui... admirent, dont Philippe au premier rang et moi derrière !
Pour le véritable amateur (et connaisseur), une vue de la même machine complète. Sans doute une brave 750 WL qui en vu bien d'autres et qui supporte autant le "sissy bar" arrière que le guidon "ape hanger" (à vos dicos d'anglais !).
Nul doute qu'on a affaire à un futur motard, même si en 71 il devait encore voyager dans la caisse d'un sidecar, comme on le voit sur la photo suivante. Botté et casqué comme il l'est, il a dû faire des envieux, tel l'autre gamin à l'arrière-plan.
Le contingent de Harley venues de la proche Hollande comprenait des machines (l'une attelée) moins folklorique que le modèle "ape hanger". Aux Pays-Bas, comme en Belgique, le constructeur de Milwaukee était bien plus présent qu'en France soumise à des restrictions économiques et un taux de change du dollar décourageant pour l'amateur du gros V2. Pendant que la police française épuisait ses Cemec-Ratier, voire des BSA de surplus, son homologue belge roulait en Harley 1200 culbutée...
Apporter son stock de bières en Belgique n'avait guère de sens, mais certains ne venaient pas en "concentre" seulement pour rouler, ou alors sous la table ! Heureusement, le carénage de la twin BSA n'a pas l'air d'avoir souffert des débordements de son pilote.
Le Barbour est le vêtement dominant à égalité avec la combinaison de cuir tandis que certains affirment leur différence avec une peau de bête à leur (pré)nom ou un T shirt qui se veut provocant (HM Prison = Her Majesty Prison).
Rencontrer des amis, c'est aussi leur faire part de ses petits soucis, d'autant que les conseils de spécialistes qualifiés ne manquent pas, ainsi que l'outillage. Et on a toute une journée à espérer venir à bout des pannes les plus courantes.
Curieusement, la combinaison de cuir se porte de façon très différente chez l'homme ou chez la femme. Dans le premier cas, elle est baggy au niveau des fesses pour favoriser la position allongée sur la moto alors que chez la femme, l'esthétique semble l'emporter sur le confort. À l'arrière-plan il y a des motos, au cas où vous n'auriez pas remarqué..
1970, la mode féminine est aux "hot pants", un short mini-mini lancé par Mary Quant (DBE) à la fin des années 60. Il a connu un grand succès à l'époque et revient aujourd'hui dans une version de plus en plus "short". (note à benêt : DBE = Dame of British Empire, plus ou moins l'équivalent féminin au noble titre de "Sir". Distinctions décernées par The Queen).
Petit rappel à l'intention des "moins de 20 ans" (ou même 40), cette publicité des années 70 qu'ils n'ont pas connue ou du moins oubliée. C'est la version italienne (photo Oliviero Toscani pour les jeans Jesus) du "hot pants" qui n'a pas de traduction dans la Péninsule pas plus qu'ailleurs, à part le pauvre "minishort". Cette publicité a été censurée dans de nombreux pays mais elle a fait le tour du monde sous forme de photos dans les magazines, de cartes postales et de... posters (c'est bien le moins !).
Le dimanche, au petit matin, pendant qu'un lève-tard a encore l'air de se demander où il habite, des Anglais préparent pour le retour une Velocette au superbe "Fishtail".
Le meilleur moyen de se remettre les idées en place après une soirée agitée était de piquer une tête dans le lac adjacent au camping. Courageux mais déconseillé aux cardiaques !
(La suite bientôt !)