SANS PLUS DE DÉTAILS SUR SON ORIGINE, cette photo a beaucoup 'voyagé' dans les réseaux du vouèbe. Après tout, cette vieille dame passagère n'avait pas un visage de vedette connue et on ne voyait pas grand'chose de la Harley-Davidson de 1938. Ça pouvait être une fakefoto destinée seulement à faire causer. Erreur fatale, double erreur fatale de nouzôtres Européens ! Cette Américaine n'est pas en effet une vedette. Elle est plus que ça : une gloire dans son pays où on la considère comme l'une des plus importantes artistes-peintres du XXe siècle nord-américain. Elle est classé moderniste, ce qui dit tout et rien à la fois, mais lui vaut de multiples expositions à travers le monde anglo-saxon.
Il a fallu attendre 2015 pour qu'un hommage soit enfin rendu à Georgia O'Keeffe (1887-1986), en France au musée de Grenoble. Le fait que cette exposition, trente ans après sa mort, n'ait pas intéressé un grand musée national en dit long sur ce qui motive les "spécialistes" des grandes expos - sous entendu : les raouts parisiens qui rapportent la grosse pépète (voir Picasso, Calder, Miro, Wahrol-Basquiat, etc).
Paysage du Nouveau-Mexique (Georgia O'Keeffe).
Coquelicots d'Orient
Au cours de sa longue existence, Georgia a peint près de 2000 toiles. Elle a trouvé son inspiration principalement dans la région du Lake George (État de New-York) puis dans les paysages désertiques du Nouveau-Mexique, enfin dans les fleurs. Bien particulières, ses fleurs . Ce sont souvent des arums (symboles de 'désir ardent', voir ci-dessus à gauche) mais d'autres sont de catégories plus calmes comme cet iris violet (à droite). La psychanalyse, on s'en doute, ne s'est pas privée d'en rechercher les significations inconscientes...
De même qu'il y a beaucoup à creuser dans la passion que Georgia vivra avec Alfred Stieglitz. Cet éminent photographe est le chef de file de l'école pictorialiste américaine, mouvement qui voulait faire reconnaître la photo au rang des Beaux-arts. Georgia le rencontra en 1916, elle avait 29 ans, lui 52 et marié. Il divorce, et tous deux vivront un amour qui ne cessera qu'avec le décès de Stieglitz en 1946.
Durant ces décennies, son modèle sera Georgia. Il la photographiera sans fin, comme un paysage, fasciné par son corps et ses mains tout particulièrement.
Il travaille parfois en plein air, photographié par un ami en 1924. À l'époque, la photo demandait des qualités athlétiques afin de manier un appareil comme son...
... Graflex (à plaques verre) qui est aujourd'hui dans un musée...
... qui est consacré à la préservation des œuvres de Georgia à Santa-Fé au Nouveau Mexique. Il a été installé non loin du ranch rustique au milieu de nulle part où elle a habité (ci-dessous) après la mort d'Alfred Stieglitz.
Une Harley-Davidson a pris place elle aussi dans le musée. Seule différence avec celle qui a emmené Georgia, c'est une latérales qui est exposée... Mais il est possible que son pilote ait possédé les deux modèles. (On a peut-être aussi adapté la formule qui a cours dans l'Ouest : lorsque la légende est plus belle que la réalité...etc)
Georgia O'Keeffe avec son ami le peintre Maurice Grosser sur la Harley-Davidson Knucklehead (la vraie) ont été photographiés par © Maria Chabot
D'UN DÉSERT À UN AUTRE, cette fois celui de l'Afrique du Nord où circula cette ancêtre de l'Hélica en janvier 1913. À vrai dire, cet appareil dont on ignore le nom (traineau ou sauterelle, nous dit Le Petit Journal ressemble plus à la cellule d'un avion qui aurait perdu ses ailes qu'à une automobile. Car de l'auto, il a bien les 4 roues et une de plus pour le général-passager 3 étoiles ...
... qui a dû maintenir sa position durant les 300 km de pistes allant de Biskra à Touggourt. L'artiste a un peu malmené les lois de la perspective car si le pilote mène l'engin vers la gauche, la roue qui porte le général (un 3 étoiles...) vient droit sur le spectateur. Collision en vue !