AU LENDEMAIN DE LA TRAVERSÉE DE LA MANCHE par Louis Blériot, le 25 juillet 1909, le quotidien Daily Mail titrait "L'Angleterre n'est plus une île". La formule était bien (déjà) dans la tradition des titres sensationnels de la presse britannique, mais elle était discutable. Dès la fin de l'an 700, l'île fut en effet pillée à plusieurs reprises par les redoutables Vikings, même si la presse de l'époque n'en dit mot.
C'est donc par la mer qu'est venu le premier danger, alors que, par son exploit, Blériot ouvrait le chemin à travers l'autre défense naturelle du pays : la voie des airs.
Son audace serait cependant à partager avec les innombrables tentatives "d'invasion" par de simples nageurs qui s'attaquèrent à la traversée du Channel, simplement à l'aide de leurs petites mains et de leurs petites pattes. Soit sur la plus courte distance Calais-Douvres (ou vice-versa). La première réussite dont l'histoire a gardé la trace est due à un certain Matthew Webb, capitaine de bateau de son état. Il se mit à l'eau le 25 août 1875.
Accompagné de quelques amis sur des bateaux, qui le nourrissent et l'abreuvent pour l'encourager, il nagera durant 21 heures et 45 minutes. Des courants contraires l'ayant obligé à prendre le chemin des écoliers il avait zigzagué sur plus de 60 kilomètres savant de voir....
... la côte française puisqu'il avait choisi d'envahir l'Europe. Une gorgée de brandy l'aida à supporter la douleur des piqûres de méduses.
Décrite ainsi par un artiste de The Illustrated London news, son arrivée près de Calais sur la plage des Baraques semble avoir attiré autant de spectateurs que l'arrivée de Blériot 34 ans plus tard. Continuant ses exploits nautiques à travers le monde, Matthew Webb disparaîtra dans une tentative de traversée des tourbillons sous les chutes du Niagara.
Des amateurs hésitent à se mouiller tout en voulant voguer plus vite. Ainsi de l'Américain Fowler qui aurait réussi en 1878 la traversée "à bord" du Podoscaphe de son invention. Hormis la station debout, l'engin est plutôt une périssoire à deux coques, donc un bateau.
Au tournant du siècle (le XXème), la bicyclette est en pleine expansion. Le fisc français a délivré environ 330 000 plaques de circulation cyclistes en 1896 alors que le million est dépassé en 1901 puis les 2 millions en 1907 ! La 'Petite Reine' est mise à toutes les sauces : tandem, triplettes, quadruplettes et voire plus si affinités (militaires...). Le tricycle est bien évidemment de la fête pour des traversées de la Manche, hélas restées anonymes à ce jour. En 1895, L'Industrie Vélocipédique fait état d'un Douvres-Calais effectués en mai par deux Britanniques sur un tandem-périssoire en 7 h 15.
Sans esprit de compétition, la périssoire nautique excite les esprits qui choisissent la propulsion par roues à aubes. On verra quand même un burlesque brevet utilisant une très grosse vis sans fin logée sous toute la longueur de la machine. On note cependant, que tous ces projets sont majoritairement présentés dans un cadre marin...
... comme ici dans le projet de M. de La Rue. Ce Britannique bon teint, malgré son patronyme, évolue sur fond de la jetée de Douvres, de quoi susciter des arrières-pensées tournées vers une future traversée moins bucolique.
L'imagination des inventeurs ne faiblit pas et les brevets s'accumulent dans les années suivantes dont un water velocipede de 1903 constitué de deux flotteurs dotés chacun d'une hélice.
Un pas de plus (une brasse ?), est franchi par l'artiste Henri Lanos qui invente cet hydro-moto-glisseur, apparemment dans une version guerrière qui serait de 1908. On remarquera le moteur 3 cylindres en éventail comme celui qui équipa l'avion de Blériot. Prémonition ou, plus vraisemblablement, erreur sur la date - 1908 - si l'illustrateur a réalisé son œuvre après juillet 1909.
(Prochain article : Les motorisés)