"Horreur de moi !", comme avait coutume de dire Jean Nougier. Oui, horreur de moi ! pour avoir oublié les apparitions motocyclistes signées Georges Pichard dans Charlie Mensuel (Ce que "Jacques" signale den commentaire du dernier article, qu'il en soit remercié). Compagnon de route de Charlie, Pichard a commencé sa carrière avant la guerre (né en 1928), donc bien avant celle des énergumènes qui l'accueillirent dans les années 70. Il travaillait alors à des bandes dessinées dans des publications fort bien-pensantes, La Semaine de Suzette ou La Veillée des Chaumières ! C'est peu dire que sa rencontre avec l'équipe de Charlie allait donner une nouvelle orientation à sa carrière. Pourtant, le Pichard "érotique" tout comme sa future "Paulette" existaient déjà dans ses dessins dits "humoristiques" publiés par les journaux Le Hérisson (sur papier vert) et Marius (papier rose) ou encore Le Rire. On le voit aussi dans l'hebdo V Magazine, qui a déjà accueilli en 1962 la Barbarella de Jean-Claude Forest. Pichard met en scène des hommes plutôt bas-de-plafond et des femmes (souvent une seule) bien pourvues par la nature de ces "caractères secondaires de la sexualité", tels que définis par les Encyclopédies. Sous le crayon de Pichard, ces caractères n'avaient rien de "secondaires" et passeront à "essentiels" de façon éclatantes. En complicité avec Wolinski, auteur des "textes", il signe en 1970 dans Charlie les aventures "épastrouillantes" d'une héroïne qui allait faire sa célébrité : PAULETTE ! Cette "pauvre petite fille riche" traverse tous les continents, tous les milieux sociaux. Brièvement, elle se trouvera aux mains de Hell's Angels dont elle dit "qu'ils font tout sur leur moto... TOUT !"
Le 15 mars 1972 paraît CULBUTEUR, une revue motocycliste qui a l'ambition d'enterrer toutes les autres rangées au rayon "tas de boulons". Elle meurt après une douzaine de numéros (mai 1973) tandis que son initiateur, le contestataire Patrice Vanoni part vers de nouvelles aventures (reporter pour TF 1, attaché culturel d'ambassade et aujourd'hui chroniqueur dans Moto Revue Classic).
Culbuteur a ouvert son premier numéro par une bande dessinée sortie de nulle part au titre insolite : "Les Manufacturées". C'est le cinéaste Claude Faraldo (*) qui est aux manettes de textes mis en images par Pichard. Les planches de cette BD se succèdent à peu près régulièrement, mais les lecteurs de Culbuteur resteront sur leur faim avec la disparition de la revue. La dernière planche paraît dans le numéro 11, mais il y en avait 10 autres à venir pour connaître la fin de l'histoire ! Il faudra attendre 1974 pour ça, lorsque Charlie Mensuel reprend "Les Manufacturées" dans ses numéros 60 à 62. Réédition conforme à l'original qui rend justice au dessin noir et blanc de Pichard (pointillés, hachures). Lequel subira l'outrage d'un barbouillage en couleurs dans une édition cartonnée (1980 ?).
(*) OVNI du cinéma français, Claude Faraldo est l'inoubliable auteur de "Themroc", à revoir en intégralité sur : https://twitter.com/hashtag/themroc
Impossible de résumer le scénario des "Manufacturées" complètement foutraque et où la moto, quoique essentielle dans le déroulement de l'histoire, tient - graphiquement - peu de place. C'est surtout le prétexte à célébrer de pulpeuses académies, en réaction à une mode qui mettait alors en valeur des mannequins-vedettes aux formes peu prononcées, voire androgynes, telles que représentées par Twiggy ou Jane Shrimpton surnommée "The Shrimp" (La Crevette).