... et "La Môme Piaf" serait aujourd'hui centenaire...
C'est grâce à Edith Piaf, honorée aujourd'hui d'une exposition à la Bibliothèque Nationale, que la moto est devenue en France le "personnage" à part entière d'une chanson d'origine américaine. Inspirée, dit-on, à Mike Stoller et Jerry Leiber par le film "The Wild One" (sorti le 30/12/1953). Elle se hissera à la 6ème place du "hit parade" des États-Unis en 1955, interprétée par le trio des Cheers. Ils la graveront dans la cire d'un vinyle, en compagnie d'un orchestre dirigé par Les Baxter, compositeur, musicien spécialiste de musiques de films. C'est lui qui pilote la Triumph 650 Thunderbird sur la photo illustrant la partition-papier de la chanson (ci-dessus). La T Bird est aussi la monture du Brando que-vous-savez.
Les Cheers si propres sur eux avaient peu de rapport avec le bruit et la fureur qui sont les thèmes de "Black denim trousers and motorcycle boots". N'oubliez pas qu'on vous parle ici d'une époque où une chanson, c'était une voix - ou des voix - avant d'être un carnaval multicolore mené par des minets au bord de l'épilepsie et noyés dans une musique, plutôt des sons, à vous rendre sourd avant l'âge. Enfin il faut savoir que la diffusion d'une chanson et son éventuel succès dans les années 50 passait à 99 % par les radios d'un réseau immensément développé aux États-Unis.
Traduite plutôt bien en français, on n'attendait pas qu'une chanteuse "réaliste" comme Piaf inscrive à son répertoire ce banal "accident de la route". Mais sa voix extraordinaire en a fait une véritable tragédie antique. "Elle dépasse ses chansons, elle en dépasse la musique et les paroles" a écrit d'elle Jean Cocteau. Et c'est exactement ce qui s'est passé avec "ce démon qui semait la terreur dans toute la région".
Partition-papier d'une version anglaise interprétée par un célèbre chanteur américain qui avait quelque chose d'un Johnny Cash. La Triumph de l'origine a été remplacée par une Indian. Peut-être pour ne pas faire de peine au constructeur britannique, soucieux de voir sa marque assimilée aux débordements d'un "blouson noir" ?
Le succès de "Black denim trousers" aux États-Unis était tel que le célèbre magazine LIFE avait reconstitué l'affaire en photos. Nouveau changement : la moto est une bicylindre Royal-Enfield badgée Indian.
Parfaitement conforme à la description qui en est faite dans la chanson, le chanteur Vaughn Munroe paie de sa personne, vêtu des black denim trousers, avec les bottes de cuir. L'aigle dans le dos du blouson n'est pas mentionné.
LIFE poussait la reconstitution jusquà sa tragique conclusion avec ce camion Diesel motocide que la version française a remplacé par "une locomotive filant vers le midi", notre Californie à nous. La Highway 101 est une section de la route qui va de Los Angeles à San Francisco.
POUR ESTHÈTES ET MÉLOMANES : LA VERSION FRANÇAISE SUIVIE DE LA V.O. JEAN DRÉJAC NE S'EST PAS TROP MAL TIRÉ DE LA TRADUCTION
"Il portait des culottes, des bottes de moto
Un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos
Sa moto qui partait comme un boulet de canon
Semait la terreur dans toute la région
"Jamais il ne se coiffait, jamais il ne se lavait
Les ongles pleins de cambouis mais sur le biceps il avait
Un tatouage avec un coeur bleu sur la peau blême
Et juste à l'intérieur, on lisait : "Maman je t'aime"
Il avait une petite amie du nom de Marie-Lou
On la prenait en pitié, une enfant de son âge
Car tout le monde savait bien qu'il aimait entre tout
Sa chienne de moto bien davantage
"Il portait des culottes, des bottes de moto
Un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos
Sa moto qui partait comme un boulet de canon
Semait la terreur dans toute la région
"Marie-Lou la pauvre fille l'implora, le supplia
Dit : " Ne pars pas ce soir, je vais pleurer si tu t'en vas ..."
Mais les mots furent perdus, ses larmes pareillement
Dans le bruit de la machine et du tuyau d'échappement
"Il bondit comme un diable avec des flammes dans les yeux
Au passage à niveau, ce fut comme un éclair de feu
Contre une locomotive qui filait vers le midi
Et quand on débarrassa les débris
"On trouva sa culotte, ses bottes de moto
Son blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos
Mais plus rien de la moto et plus rien de ce démon
Qui semait la terreur dans toute la région ...
Black Denim Trousers and Motorcycle Boots
He wore black denim trousers and motorcycle boots
And a black leather jacket with an eagle on the back
He had a hopped-up 'cicle that took off like a gun
That fool was the terror of Highway 101
Well, he never washed his face and he never combed his hair
He had axle grease imbedded underneath his fingernails
On the muscle of his arm was a red tattoo
A picture of a heart saying, "Mother, I love you"
He had a pretty girlfriend by the name of Mary Lou
But he treated her just like he treated all the rest
And everybody pitied her and everybody knew
He loved that doggone motorcycle best
He wore black denim trousers and motorcycle boots
And a black leather jacket with an eagle on the back
He had a hopped-up 'cicle that took off like a gun
That fool was the terror of Highway 101
Mary Lou, poor girl, she pleaded and she begged him not to leave
She said, "I've got a feeling if you ride tonight I'll grieve"
But her tears were shed in vain and her every word was lost
In the rumble of an engine and the smoke from his exhaust
He took off like the Devil; there was fire in his eyes
He said "I'll go a thousand miles before the sun can rise."
But he hit a screamin' diesel that was California-bound
And when they cleared the wreckage, all they found
Was his black denim trousers and motorcycle boots
And a black leather jacket with an eagle on the back
But they couldn't find the 'cicle that took off like a gun
And they never found the terror of Highway 101