ENTRACTE : QUELQUES INSOLITES
Au hasard de la photographie, on découvre que des machines d'origine diverse ont été utilisées dans le conflit. Inattendue au milieu d'un paysage de désolation, cette Magnat-Debon 500 a bien été réquisitionnée ainsi que l'indique son immatriculation militaire.
Dans son catalogue millésimé "1917-1918", la marque grenobloise Magnat-Debon a publié cette petite photo d'une section du 106è Bataillon de Chasseurs Alpins à Pied (sic) équipée de bicyclettes de la marque. Bien en vue, au premier plan, le chasseur François Delebarre avait droit à une 500 bicylindre culbutée.
La guerre apporta une embellie financière bienvenue pour certaines marques dont la britannique Clyno. Elle fournira à l'armée de Sa Majesté cette 250 deux-temps à deux vitesses, mais sera surtout connue pour un sidecar 750 bicylindre en V, sommairement blindé et armé d'une mitrailleuse Vickers. Sans que l'on sache s'il s'agit de cette mono ou du sidecar armé, il y avait 478 Clyno présentes en France au moment de l'armistice.
Le sidecar Clyno armé équipera aussi l'armée russe, en concurrence avec la Scott twin deux-temps (ci-dessus), également dotée d'une caisse blindée. Cette dernière configuration ne sera pas utilisée dans les Iles britanniques, à une exception près.
Bien que rare, onéreuse et d'une mécanique de précision plutôt délicate, la Moto Rêve suisse est de service armé (avec ce seul exemplaire ?).
Les historiens spécialistes du "militaria" s'interrogent encore sur les méthodes d'immatriculation britannique des motos engagées dans cette guerre car il semble que certaines ont gardé leur plaque "civile", bien que réquisitionnées. Cette Calthorpe bicylindre en V attelée à un side en osier en fait la démonstration.
L'usage des Phelon & More (qui deviendra Panther vers la fin des années 20) était réservé au Royal Flying Corps. Cette 500 à soupapes latérales est remarquable par son moteur qui fait office de tube avant. Cette disposition originale sera conservée, sauf rares exceptions, jusqu'à la disparition de la marque en 1966. Il fut un temps où, en difficultés financières, Panther tenta l'importation du scooter Terrot...
Même si son pilote a mis pied à terre pour les besoins de la photographie, celle-ci permet justement de voir dans quel milieu évoluait une estafette motocycliste. Il a pourtant le privilège de mener une Rudge Multi, laquelle comme son nom l'indique dispose d'une changement de vitesse à rapports multiples. Ces variations sont obtenues en rapprochant ou en éloignant de la poulie-moteur toute la roue arrière et sa poulie de transmission finale.
Encore une Rudge Multi montée par Robert Sexé, l'une des légendes du motocyclisme française de la première moitié du XXème siècle.
Stefan Morar fut l'un des soldats du contingent russe envoyé par le Tsar en France pour combattre aux côtés des Alliés. La révolution bolchévique les empêcha de rentrer chez eux et Stefan s'établit alors chez nous à Paris où il fonda une famille. Il est ici aux commandes d'une peu courante James anglaise au caractéristique ailettage du cylindre "en hérisson".
Se faire tirer le portrait dans une position avantageuse est un plaisir qui ne se refuse pas et cet officier (belge ?) n'y a pas résisté. Stefan est l'avant-dernier à droite, devant un militaire français qui est sans doute le responsable attitré de ce sidecar. (Un lecteur belge et néanmoins ami signale le montage de la caisse à droite, au contraire de la pratique en Britannie. Cet attelage est donc possiblement français et de réquisition - Merci à Yves).
Largement diffusée, cette carte postale bien... composée à popularisé ce soldat "en embuscade" (il s'agirait d'un Belge) qui a délaissé sa monture, une autre James en solo.
Curieuse "prise de guerre" ou machine de réquisition, cette germaine Wanderer attelée témoigne d'une pratique qui perdure à travers les vicissitudes de la guerre : tout officier doit se faire véhiculer par un "chauffeur" ! (Plutôt NSU, voir commentaire ci-dessous)
Heureux militaire ! Outre deux vitesses avec embrayage et une transmission finale par chaîne, cette 1000 Flying Merkel bicylindre en V américaine bénéficie d'une suspension arrière oscillante avec élément mono-amortiseur (sous la selle). Graissage par pompe mécanique et même un démarreur électrique (en 1913, seule année) complétaient ce catalogue des plus séduisants. Seule restriction, à l'avant seul le guidon était suspendu. (Inexact selon commentaire ci-dessous)
Moto personnelle ou de réquisition, en tout cas cet officier photographié en mars 1916 peut être satisfait de sa René Gillet à soupapes latérales. La fourche de type Druid est une option qui ne figurera dans aucun catalogue de la marque, mais on sait que Monsieur René se faisait une spécialité de monter une moto selon les goûts du client. Il ne semble pas que René Gillet ait retenu l'attention des autorités militaires quant à la fourniture de machines. Il est vrai que la marque était alors une très modeste entreprise qui ne se développera qu'après cette guerre.
(La suite bientôt !)
NOTE À CEUX QUI PRENNENT LE TRAIN EN MARCHE...
Cette série d'articles est la suite numérique des trois livres que j'ai consacrés à "La Motocyclette en France". Sont déjà parus un volume sur la période "1894 - 1914", un deuxième sur "1914 - 1921" tous épuisés. Le troisième traitant les années 1922 à 1924 est le seul encore disponible. La présente "édition" est remaniée et complétée à l'aide de documents découverts depuis la parution du volume-papier. Le présent article est le sixième de la série commencée le 4 mars 2015.