(D'après Charlie Hebdo du 1er juin 2016)
L'art et l'argent - le gros pognon, le fric, pas le métal précieux - fêtent leur union tous les ans dans un grand raout de plusieurs jours dénommé Art Basel (c'est de l'alémanique...) ou encore Foire d'Art Contemporain, qui s'est déballée à Bâle. Comme on est en Suisse, nichoir des grosses fortunes, la carte de paiement y est sans complexe chauffée à blanc. Un exemple de prix pour un mobile de Calder : entre 6 et 7 millions de dollars... (j'adore ce "entre"). D'autres "mobiles" y étaient aussi visibles et à vendre dont des œuvres d'un peintre-sculpteur qui s'est beaucoup intéressé à l'automobile et à la moto : Salvatore Scarpitta. D'origine italienne (1919-2007) il a fait carrière aux États-Unis où il a passé sa jeunesse à traîner dans les garages californiens. On y pratiquait alors des chirurgies explosives à base de gros V8 et de... Ford T, accouchant de midgets, stock cars et autres trapanelles qui écumaient les pistes de speedway du littoral ouest-américain. Salvatore fait ensuite des études d'art en Italie où il rencontre - entre autres - le futurisme. Revenu aux États-Unis, il commence la Seconde guerre derrière les barreaux car il est catalogué ennemi de par son origine. Libéré rapidement il s'engage dans la Navy pour le reste du conflit. Il sera plus tard membre de la Commission chargée de retrouver les œuvres d'art pillées par les nazis.
Influence du futurisme dans cette "œuvre motocycliste" de Salvatore Scarpitta. On y reconnaît sans peine le moteur d'une Moto Guzzi avec son spectaculaire volant-moteur "coupe-jambon".
Deux lithographies en noir et blanc datant de la jeunesse de Scarpetta.
Au milieu des années 50 (dans la critique d'art, on dit "au mitan"...), il réalise des "emballages" énigmatiques qui seront sa signature pour l'éternité. Parallèlement, il revient à son amour premier de la course automobile et convainc Leo Castelli, puissant galeriste new-yorkais, de financer un projet pour le moins original. Dans ses sculptures (que l'on qualifiera d'emballages, faute de mot approprié) il incorpore progressivement des éléments de voitures de course, un harnais-ceinture de pilote, un échappement (à droite). Puis il s'attaque carrément à la réplique d'une voiture de course à l'échelle 1. Il ne s'agit pas de n'importe quel racer mais de la Rajo Jack Special d'un pilote des années 30 lui aussi "spécial" car c'est un ... Noir ! Dans une Amérique où règne la ségrégation de façon officielle, qui ne sera abolie qu'en 1964, Dewey Gatson - son vrai nom - est le premier pilote Afro-Américain à entrer dans l'histoire de la course automobile.
S'il figure aujourd'hui parmi les élus du fameux West Coast Stock Car Hall of Fame, il n'a cependant jamais été affilié à la toute-puissante AAA (American Automobile Association) car pour courir dans les épreuves qu'elle organisait (Indianapolis, par exemple) il fallait passer un examen médical. Rajo disait qu'il serait éliminé à cause de l'œil qu'il avait perdu dans un accident à moto, mais ses copains pilotes savaient que ce serait à cause de la couleur de sa peau. Dans d'autres circonstances, il se faisait engager comme coureur portugais sous le nom de Jack De Soto ou encore se disait d'origine Indienne (Native American). Le vainqueur d'une épreuve avait droit comme partout à la remise d'un trophée accompagné de la bise de la
Miss de service. Mais aux États-Unis, pas question évidemment qu'une femme blanche embrasse un noir ! C'est donc à Ruth, sa femme qui le suivait partout, que revenait l'honneur du bisou, respectant ainsi les règles de la ségrégation... (Photo à gauche). C'est à cet homme que Scarpetta a rendu hommage en réalisant une réplique de la Rajo Jack, sa façon à lui de critiquer l'odieux racisme anti-noir ignominieusement justifiée par une interprétation tordue de la Bible (Genèse 9-27). La Rajo Jack va être suivie d'autres constructions automobiles. En effet, vers 1960, Scarpitta va mettre en chantier, grâce à l'appui de Leo Castelli, une vraie voiture de course, la Sal Scarpitta Special. Elle sera ensuite intégrée avec d'autres du même calibre dans un Team Scarpitta, toujours avec l'appui du galeriste new-yorkais dont elle portait les couleurs sur les circuits.
La Rajo Jack Special dans un cadre très éloigné de son terrain de jeu habituel. Dans le fond à droite, on distingue l'avant d'une voiture du Team Scarpitta-Castelli.
Peinture et bois, l'une des œuvres de Salvatore Scarpitta exposée à Bâle (Prix sur demande).
Le bon goût du maître s'exprime dans le choix de la motorisation de cette Red Hauler : rien de moins qu'un bon gros JAP bicylindre en V culbuté, abondamment survitaminé et suralésé.
L'autre facette du talent de Scarpetta, qui avait horreur des injustices, s'exprime dans cet assemblage de 1992 qui fait penser à une énorme tapette à souris. C'est bien une tapette en effet, mais celle-ci c'est pour prendre les hommes, ce que révèle le titre " Ivan's bedroom - Gulag" que Scarpetta lui a donné.
De quoi réjouir (ou atterrer...) les amoureux de la marque
C'est avec ce moteur qu'Indian Motorcycle® a annoncé son intention de revenir dans la compétition américaine de flat track de façon officielle. Dans une langue de bois dont on fait habituellement les manches de pioches, le constructeur de Minneapolis (Polaris) déclare que sa machine sera "engagée dans une compétition sur un circuit encore à choisir". Sa mise au point se fera sur la saison 2016 afin qu'il soit pleinement compétitif en 2017. Les amateurs sont invités à se tenir au courant des "détails et des progrès de cette machine lors de sa première course" en consultant les medias et réseaux sociaux. D'après ce qu'on en voit, ce moteur est un 750 à 4 soupapes et double ACT refroidi par eau. La partie-cycle qui le recevra n'est pas encore connue.
En cadeau promotionnel : 2 "mitan" offerts par la maison...
...Collectionnez-les, ils vont prendre de la valeur si bien que vos enfants seront heureux de les retrouver plus tard !
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AVIS AUX AMATEURS : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr