ON LUI CONNAISSAIT UN GOÛT CERTAIN pour les mécaniques sinon bizarres, du moins "intéressantes". De fait, ce n'est pas le premier pékin venu qui va oser se lancer dans un Paris-Saint Tropez - et le réussir - au volant d'une Brasier 1911. Si le nom 'Brasier' vous dit quelque chose (en français : vous 'interpelle'), vous savez de qui il s'agit. Au cas contraire, la photo ci-dessous est plus qu'un indice puisque vous avez à la fois la voiture Brasier avec, au volant, son chauffeur-propriétaire : Boris Vian (1920-1959).
La Brasier sur fond de pins-parasol : on est bien sur la Côte d'Azur !
OUTRE CE VÉNÉRABLE ANCÊTRE, on lui a connu une Morgan Plus 4 à peine plus moderne (avec du bois dans le châssis... c'est anglais). Cependant, il a pu avoir un penchant pour la motocyclette. Explication : depuis des années, j'avais dans un coin de la tête une petite photo d'un magazine montrant les lieux du côté du Moulin Rouge de Paris, où avait vécu l'écrivain-poète-pataphysicien-ingénieur de Centrale-joueur de trompinette (j'en passe). On y voyait en lointaine silhouette ce qui pouvait être une moto. Aussi, lorsqu'une de mes connaissances, me confia qu'elle allait visiter la maison de
Boris Vian, je lui ai à mon tour confié une mission : trouver la fameuse moto, si elle existait bien. La photographier si possible. Bingo ! J'avais tout bon ! Il y a bien une moto sur la terrasse devant l'appartement de l'artiste, derrière et au-dessus (photo ci-dessus.) du Moulin Rouge (oui, oui, celui des p'tites femmes qui lèvent la jambe en musique !). L'endroit est tellement insolite qu'il attira Jacques Prévert, un autre 'en-dehors' de la société, qui s'installa dans la partie gauche de cet ensemble.
Les lieux, à l'extérieur comme à l'intérieur de la maison, sont restés tels qu'ils étaient au décès de Boris, veillés par une conservatrice aussi bienveillante que vigilante.
LES JEUNES COUCHES VONT BÉER devant cette machine. Les plus chenus essuieront une t'ite larme à l'évocation d'un conflit qui perturba l'Europe jusqu'à la chute du Mur de Berlin, soit durant un demi-siècle. Car il s'agit là d'une IFA 125, produite en République Démocratique Allemande (D.D.R en jargon schpountz), à Chemnitz dans les usines D.K.W. comprises dans la zone russe d'occupation après le partage par les Alliés du pays vaincu.
La Triumph Plus 4 a été restaurée, mais il est trop tard pour la IFA qui tourne à l'état de pieuse relique, ce qui la rend d'autant plus émouvante. On pourrait dire que c'est un pied de nez posthume de la part de quelqu'un qui dans sa courte vie ne s'est pas vraiment distingué par ses sentiments religieux...
S'il fallait fournir une datation par le carbone 14, elle serait vite fournie par ce qui subsiste de l'antivol "cycliste" accroché au porte-bagages.
Pour comparaison, cette photo est extraite de la feuille (ci-dessous), encore siglée "DKW IFA Chemnitz", de l'importateur en France, Station Service, 83, avenue de la Grande-Armée à Paris 16e. Au début des années 60, j'y fus pour faire réparer ma voiture en panne, une DKW 3/6 (3 cylindres deux temps = 6 cylindres 4 temps, slogan de la marque). Achetée à DiVozzo, spécialiste DKW dans le 19e, c'était sa voiture personnelle, préparée pour les rallyes. Au démontage de mon moteur, il s'avéra que les pistons étaient tellement 'préparés' qu'ils n'avaient plus de jupe ! Forcément, après ça marchait moins bien... (quelqu'un a dit ça avant moi ?).
Toutes les photos couleur de cet article sont © MA-JO qui signe ainsi son premier travail en Mo-Jo (ça vient de sortir, c'est le "Mobile-Journalisme" : le professionnel photographie et enregistre avec son téléphone portable).