La plus connue de toutes ces "chenillées" est sans doute la Lehaître, peut-être parce qu'elle fit son apparition à la populaire Foire de Paris plutôt que sur le territoire "secret défense" du Polygone de Vincennes. Sa photo fut diffusée en 1938 via les agences de presse, dans de nombreux journaux, spécialisés ou non. Elle inspira rapidement les artistes du futur qui comprirent rapidement à quel usage guerrier on pouvait la destiner.
L'artiste de Modern Mechanix s'est inspiré de la deuxième mouture de la Lehaître. Car, pas plus que la Mercier, cette moto-chenille ne convint du premier coup aux militaires, malgré sa facilité déconcertante à escalader un tas de pavés...
Première version. La volumineuse chenille Kégresse en caoutchouc était entraînée par une couronne arrière solidaire d'un gros galet. D'autres galets dans le "nez" de la carrosserie et à l'aplomb des roulettes assuraient le relais de la chenille. Sa stabilité était confortée par deux roulettes auxiliaires suspendues sur des lames de ressorts cantilever. Ce qui ne contribuait pas à alléger l'ensemble, lequel dépassait les 400 kilos que le bloc-moteur Chaise 500 ACT emmenait péniblement à des 30 km/h !
La destination des roulettes reste un mystère. Elles sont mobiles sur le plan vertical et réagissent aux mouvements du guidon. Mais elles ce mouvement vertical n'est que de faible amplitude car limité par celui de leur ressort à lames cantilever.
Dans sa dernière version, Lehaître a supprimé les roulettes, à moins qu'elles ne soient dissimulées dans la carrosserie un peu plus élaborée (?). Toujours insuffisante aux yeux des militaires pour qui elle fut jugée "ne pouvant rendre aucun service à l'armée".
La Foire de Paris fut sans doute le seul lieu d'exposition où cette machine pouvait être montrée. Dommage qu'elle n'ait pas suscité plus d'attention de la presse spécialisée, ce qui nous laisse aujourd'hui sur notre faim de connaissances.
Dans un registre à peine plus raisonnable que ses "chenillées", Lehaître s'était déjà distingué en 1936 au célèbre Concours Lépine de Paris, parmi tous les Géo Trouvetou de la création motocycliste française. Dans la foulée des New-Motorcycle, Majestic et autres Durandal à châssis-coque en tôle emboutie de la toute fin des années 20, il a présenté son modèle, lui aussi en embouti mais articulé. De cette façon, la machine se dépliait comme un couteau suisse multi-outils ou un Leatherman, permettant en quelques secondes un accès aisé à ses principaux organes. La création du "french inventor" avait suscité assez d'intérêt pour traverser l'Atlantique et faire l'objet d'un article (ci-dessus) de la presse populaire nord-américaine, reprenant la presse française.
Comme un air de Monotrace dans la Géomobile de Géo Trouvetou (personnage créé par Carl Barks, chez Disney)
Si la moitié supérieure relevable apportait un confort indéniable dans le cas d'une intervention sur les éléments de la partie motrice, la double articulation de la fourche, ainsi fragilisée, était d'une utilité plus discutable. Sauf à assurer l'équilibre de l'ensemble en position ouverte. Il est néanmoins dommage que pas plus cette machine que l'une des chenillées Lehaître ne soit parvenue jusqu'à nous. Mais tous les espoirs restent permis : il a bien fallu un demi-siècle pour que les Mercier refassent surface !
(À suivre)
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