"Le conseil municipal l’a décidé : le musée de la moto et du vélo d’Amnéville va fermer ses portes. Et ses 230 pièces, acquises par la Ville en 2000, seront cédées à un collectionneur thionvillois pour un montant d’1,5 M€."
C'est avec cette phrase-titre que Le Républicain Lorrain a annoncé la triste nouvelle à ses lecteurs début avril, avec les explications suivantes (texte intégral du 3 avril 2015) signées de Lisa Lagrange et que je reprends in extenso :
"Pour renflouer ses caisses, la Ville d’Amnéville vend ses bijoux de famille. Hier soir, le conseil municipal a examiné une offre de rachat déposée par un entrepreneur thionvillois concernant la collection du musée de la moto et du vélo, créé en 2002 par le maire de l’époque, Jean Kiffer, et le passionné Maurice Chapleur.
"Pour justifier cette vente et, donc, la fermeture du musée, qui n’a jamais vraiment trouvé son public, la municipalité conduite depuis 2014 par Eric Munier, confrontée à de sérieuses tensions budgétaires, évoque les coûts de fonctionnement de cet équipement. Ses charges s’élèvent à 87 701 € par an, pour 2 271 visiteurs annuels. Ce qui représente 38 € par visiteur. Trop cher apparemment.
La décision de la Ville a ému les descendants de Maurice Chapleur. « Nous sommes forcément inquiets. On peut imaginer une fermeture du musée. Pire : que la collection parte ! », craignait Jean-Baptiste Chapleur, petit-fils et héritier du fondateur de cette collection de motos et de vélos exceptionnelle, avant de connaître l’issue du vote. « Mon père, mes sœurs et moi n’avons pas été informés, alors que nous passons régulièrement. Nous venons de l’apprendre par le personnel du musée. Nous avions fait confiance à la Ville pour mettre en valeur cette collection, de manière pérenne. C’est un patrimoine ! »
Hier soir, les membres du conseil municipal d’Amnéville ont examiné la vente des 230 pièces du musée, sans doute l’une des plus importantes collections au monde de motos datant d’avant 1914.
La commune avait acquis l’ensemble, comprenant également tricycles, affiches, moteurs et plaques émaillées ou peintes, en 2000, pour un montant de 1,295 million d’euros. Un bâtiment avait été construit en 2002 afin d’accueillir la collection et quelque 2 000 visiteurs par an.
Selon la délibération soumise au vote, ce jeudi soir, le musée " accueille de moins en moins de visiteurs et nécessiterait, pour être plus attractif, d’investir dans des dépenses de scénographie qui, aujourd’hui, ne sauraient être une priorité pour les finances communales".
Un collectionneur privé, gérant de sociétés immobilières dans le Thionvillois, a offert de racheter la collection pour un montant d’1,5 million d’euros TTC.
L’opposant Xavier Dieudonné s’interroge. Sa mise en vente a-t-elle fait l’objet d’une candidature ? Réponse du maire, Eric Munier : l’acquéreur a spontanément fait cette offre, parce qu’il est collectionneur et qu’il expose et loue fréquemment ses collections dans (et à) d’autres musées.
Pour l’opposition, qui déplore le fait que l’estimation sur laquelle se base la municipalité remonte à 2000, l’héritage de Maurice Chapleur vaut bien plus. Xavier Dieudonné dit pouvoir fournir une offre plus élevée. Il demande un délai afin de trouver un autre acheteur ou de réfléchir à une location de la collection, par la commune, à d’autres musées français spécialisés. Option pouvant, précise-t-il, rapporter 50 000 € par trimestre.
La délibération indique que la collection ne fait l’objet " d’aucune protection au titre des Monuments historiques et n’est pas classée Musée de France ". « Mais elle est classée Trésor national ! », insiste le petit-fils de Maurice Chapleur. Ce qui voudrait dire qu’elle ne peut, normalement, pas quitter le territoire français.
Hier soir, la majorité municipale s’est prononcée en faveur de la cession. L’opposition, elle, a voté contre.
Le bâtiment abritant le musée de la moto et du vélo va être loué, afin d’accueillir d’autres activités. Des négociations sont en cours avec des locataires potentiels, qui se sont montrés intéressés. Pour justifier cette vente, la municipalité évoque les coûts de fonctionnement du musée."
Lisa LAGRANGE.
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La première chose qui saute aux yeux, c'est que cette collection n'est pas vendue : à 1,5 million elle est BRADÉE ! Achetée par la municipalité pour 1,295 million en 2000, le chiffre actuel ne tient même pas compte de l'inflation. Selon un calcul dont chacun peut trouver les détails sur le vouèbe, le prix de l'année 2000 équivaut à 1,649 million de 2015.
Au moment où les chiffres atteignent les sommets qu'on connaît dans les ventes aux enchères de motos (étrangères, il faut le préciser), il faut n'être au courant de rien pour accepter une telle offre. Ce qu'on ne peut évidemment reprocher aux membres du Conseil d'Amnéville. Par contre, on peut supposer que, de par son métier (dans l'immobilier...), l'acquéreur potentiel n'est pas dans la même ignorance de l'évolution des prix sur le marché de "l'occasion", qu'elle soit immobilière... ou "mobilière". M. le maire d'Amnéville, par ailleurs avocat de profession, a forcément les moyens de solliciter les avis de personnes qualifiées dans ce genre de transactions.
En tout état de cause, selon l'offre potentielle, le prix moyen de chacune des pièces de la collection se situerait à environ 6 500 euros pièce. Il est possible que certains cycles vaillent moins (quoique ça reste à prouver...), mais les motos sont largement au-dessus de ce prix. Au minimum 10 fois plus et encore au delà pour beaucoup d'entre elles. Donc, quand on parle de braderie, c'est un euphémisme...
L'idée avancée par Xavier Dieudonné "l'opposant" devrait être étudiée plus sérieusement . Par exemple le prêt ponctuel à des musées ou espaces d'exposition des machines de la collection unique constituée par Maurice Chapleur.
On imagine une sorte de musée itinérant qui pourrait commencer par s'installer à... Paris, dans l'Espace du 104 rue Curial, par exemple. La superficie disponible y a été suffisante lors d'une récente exposition pour recevoir une reconstitution de la maison ultra-moderne des Arpel, conçue par Tati pour "Mon Oncle" (photo ci-dessous). Le 104 semble avoir du mal à proposer des thèmes intéressants, en voici un tout trouvé et qui ne demande pas de gros investissements. La dernière fois que j'y suis passé, il y a longtemps, là où avait été montée la maison Arpel, le sol était entièrement recouvert d'une immense couche de pommes. Pas des "Pommes" de Cézanne mais des vraies pommes plus ou moins avariées, que semblait menacer une machine agricole (à cidre ?). C'est ce qu'on appelle une "installation" dans le milieu artistique...
"Installer" des motos Trésor National, dont certaines sont uniques au monde, ça ne ferait pas une belle affiche ?