Le moteur Monarque vu à Sury-le-Comtal et dont j'ai publié deux photos dans l'article Monarque (26 avril 2016) avait un propriétaire qui vient de se manifester. La machine que motorisait ce moteur a retrouvé forme humaine et Daniel en a fait quelques photos en couleur, bien meilleures que les miennes, et dont il nous fait profiter. C'est d'autant plus intéressant que ce moteur est non seulement différent du précédent modèle qu'on dira "hollandais", mais qu'il est installé dans une partie-cycle elle aussi différente.
Le cadre est ici de type simple berceau ouvert avec des fixations de platines communes avec celles du cylindre fixé par colonnettes sur le carter. La rusticité des platines en fer plat, à l'avant et derrière le carter-moteur dénoteraient un montage plutôt improvisé, ce qui pourrait s'expliquer par l'antériorité relative (un à deux ans) de cette machine par rapport à la "hollandaise" précédente. La photo (voir article précédent) qui montre un montage à cadre ouvert avec "platines" est d'ailleurs datée du 22 décembre 1903...
La multiplicité de ces "platines" et leur découpe torturée n'était peut-être pas un gage de rigidité sinon de solidité. Ce qui explique le nouveau cadre simple berceau de la "hollandaise" qui est du modèle 1904, attesté par La Samaritaine.
La forme sommaire du basculeur ainsi que la petite taille des ressorts de soupapes (ci-dessus) sur la machine de Daniel témoignent, là encore, de son antériorité. Il en est de même pour le frein à enroulement (ci-dessous), pas très courant sur une moto et bien plus onéreux - de 24 à 28 F - que le frein cycliste à patins sur jante, facturé 10 à 15 F.
La poulie de transmission en bois relève, elle, du charronnage des premiers âges, mais il peut s'agir d'une modification ultérieure pour pallier l'impossibilité d'obtenir la pièce de rechange. Ou encore, tout simplement par mesure d'économie car n'importe quel forgeron de village était capable de réaliser cet "accessoire".
L'ENQUÊTE SE POURSUIT
Reste un mystère qu'aucune déduction ne peut éclaircir : cette MONARQUE serait une CHANON... à moins que ça ne soit l'inverse ! C'est la découverte qu'a faite Daniel qui écrit : "...Il se trouve que le cadre sur lequel est monté mon moteur Monarque est un H. Chanon (...). Si ça, c’est pas de la belle coïncidence et un joli scoop ! La décalcomanie est placée sur le tube horizontal, sous le réservoir". Le Monarque serait donc un moteur fourni à la demande à d'autres constructeurs-assembleurs. On peut d'ailleurs remarquer que dans le texte de présentation de La Samaritaine, il est seulement question d'une "Motocyclette à moteur Monarque" et non pas d'une Monarque. Une discrétion identique se retrouve sur une feuille recto-verso, malheureusement non datée, du "Comptoir Vélocipédique Français" établi à La Grève par Loulay, en Charente-Inférieure. Son directeur, M. Gustave Jousselin présentait sans marque une "Bicyclette à pétrole" en laquelle on reconnaissait sans peine une Monarque puisque c'était lisible sur le carter-moteur... Mais le nom lui-même n'apparaissait nulle part dans la littérature de M. Jousselin qui, à 475 F vendait cette machine 100 F de moins - somme énorme à l'époque - que La Samaritaine. Faut-il en déduire que le Monarque n'a pas séduit en son temps ? C'est ainsi qu'on le retrouve dès 1905 dans le catalogue multimarques de L'Albatros (H. Billouin, Ingénieur-Constructeur, 104, avenue de Villiers à Paris)) qui le propose à 175 F seulement en version 2 chevaux 1/2 ou à 190 F en 3 chevaux. Sur la même page du catalogue, figurent les concurrents : Buchet culbuté (250 F) et le Givaudan automatique (210 F) de puissances identiques mais plus chers. Le Monarque a peut-être payé la trop grande originalité de sa technique de distribution...