• Les motos du "Jurassic" à Cuba (2)

    Il est plus que probable qu'un recensement des motos de la grande île cubaine mettrait au premier rang les marques soviéto-russes ou des ex-pays satellites. Ensuite viendraient les marques américaines (du Nord), ou plus exactement Harley-Davidson tout seul. En effet, Indian a trop tôt disparu pour faire nombre et la présence des Cushman ou Whizzer est Les motos du "Jurassic" à Cuba anecdotique. La passion des Harlistas n'a rien à envier à celle de leurs homologues du pays voisin - et néanmoins ennemi jusqu'à plus ample informé. Comme eux ils endossent la "jacket" en jean ou en cuir constellée des "colors", insignes et patches divers témoignant de leurs exploits sportifs ou autres (surtout autres...).

    Le mimétisme poussé à l'extrême donne des images curieuses. Ainsi ces inscriptions sur les cuirs des motards cubains qui se télescopent et trahissent une forme d'allégeance à l'impérialisme étasunien tant détesté par ailleurs. D'un côté tous les murs du pays appellent à la poursuite de la "Revolucion" et proclament qu'il est essentiel de "Preservar y perfeccionar el socialismo", des exhortations renforcées par les portraits de Fidel Castro et du Che. D'un autre côté, des motards paradent avec sur le dos les badges des "Cuban Harlistas" ou des "Latino Americanos Motociclistas Asociacion", la LAMA, qui n'accepte que les motos de plus de 650 cm3 - tiens donc - et a été créée à... Chicago ! Pour faire quand même acte de patriotisme, les couleurs cubaines figurent aussi sur ces insignes, mais encadrées par les ailes largement déployées de l'aigle-que-vous-savez. Parfois c'est carrément tout le logo Harley-Davidson qui est représenté, marque et aigle.

    Les motos du "Jurassic" à Cuba

    "Tu dois voir chaque jour comme un enfant pur... ou comme un homme pur" proclame le Che sur ce panneau d'affichage. Le pourfendeur des valeurs de l'impérialisme des États-Unis qu'il fut a dû se retourner plusieurs fois dans sa tombe en voyant sa deuxième patrie sombrer dans la société de consommation. Même s'il y a encore peu à consommer...

    Cette fascination/répulsion - le père Freud aurait surement des choses à en dire - n'est pas à sens unique. Les Yankees l'éprouvent aussi et elle perdure malgré les cahots de la vie et les fluctuations de la politique. Sans remonter à "Papá" Hemingway, dont la maison à quelques Les motos du "Jurassic" à Cuba (2)
    kilomètres de La Havane, est devenue un musée, la salsa (ci-contre), le mojito et les Monte Christo n° 2 sont des symboles connus, et appréciés, à travers le monde. Sans oublier le cuba libre où se mêlent fraternellement le marxisme-léninisme et le capitalisme le plus affirmé sous la forme du Coca Cola. Bientôt, et si l'avenir apporte un plus grand réchauffement des rapports entre les deux rives du détroit de Floride, il faudra ajouter à ces nourritures terrestres les autos et motos cubaines devenues par la force des choses des pièces de collection. Elles deviendront autant de proies pour le dollar US auquel il sera bien difficile de résister... 

    Les motos du "Jurassic" à Cuba (2)

    Voici ce qui fait la différence entre un photographe professionnel comme Michael Lichter et un amateur comme vous et moi (moi, surtout, vous je ne sais pas). Tout Cuba en une seule photo : l'entrée décrépite d'un palais (aujourd'hui restaurant La Guarida) datant de l'occupation espagnole avec son portail aux vantaux sculptés ; la fresque célébrant Fidel Castro jeune, encore en chapeau, veillant sur la Harley (1946 et +) de José Manuel Pacheco Denis (photo Michael Lichter). 

    Les motos de l'île commencent à être bien connues - presque répertoriées - depuis que des photographes de renom ont visité La Havane. Ils ont fait des photos, puis des livres centrés sur le célèbre twins en V. Démarche artistique, certes, mais aussi commerciale pour la bonne raison que, sauf dans une frange éclairée, le quidam américain ne s'intéresse guère et ne connait que mal les machines des marques étrangères. Le plus "hip" de ces photographes est Michael Lichter, célèbre pour ses reportages sur les grands raouts motocyclistes tels que la Bike Week à Daytona, le rallye de Sturgis, le Cannonball Endurance Run ou la Biketoberfest. Il a été chargé en 2009 de "couvrir" l'opération de charme de Metzeler qui a offert 70 trains de ses pneus à des harlistas cubains. Michael en a profité pour réaliser à titre personnel un important reportage sur les 300 Harleys cubaines, survivantes d'un parc de 2000 environ que Cuba comptait en 1959 (photo ci-dessus).

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    Parmi ces 300 se trouve la doyenne qui date de 1937 (ci-dessus, mais il y aurait un Servi-Car de 1932), une latérales qui n'est pas moins bien entretenue que les autres Harleys et participe aux rallyes cubains sans exclusive de marques. Car si les twins américaines font souvent l'actualité sur les routes grâce à des démonstrations, par leur nombre, et par leur bruit...), il existe des clubs réunissant d'autres marques, les anglaises en particulier. 

    Les motos du "Jurassic" à Cuba (2)La "Escuderia de Motores Ingleses Classicos de C. Habana" dans son énoncé exprime clairement son but : rassembler les motos anglaises. Elle le fait avec sérieux et tient un registre des machines classées par marque et avec le nom de chaque propriétaire. Le gros des troupes se partage entre les BSA et Triumph des années 60, ce qui montre sans doute l'influence américaine - encore une fois -  des compétitions de l'époque  (Daytona...) qui se déroulaient au sommet entre ces deux protagonistes, plus Harley évidemment.

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    Comme sur la majorité des grosses cylindrées cubaines, cette BSA twin est protégées par d'imposants pare-chocs. Très exposés à l'usure et aux chocs, les silencieux sont des "consommables" impossibles à remplacer, d'où des adaptations personnelles indispensables. Cependant toutes les personnalisations ne sont pas faites que pour la galerie, il en va ainsi du freinage avant par disque...

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    Impeccable BSA Bantam deux-temps de 1953 qui a subi tout de même le régime "chopper" des plus grandes : guidon "hi-rider" et commandes au pied avancées. Le "sissy bar" est censé retenir le passager de Onelio Garcia Pérez en cas d'un improbable "wheeling".

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    Autre échappement et silencieux de secours sur cette 250 BSA 1948 qui semble avoir "fauté" de l'avant avec une machine de l'Est (MZ ?). Le porte-valise latéral est bien là pour signer une grande routière.

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    Lorsqu'une Triumph rencontre une Honda, le mariage est inattendu mais pas vilain. Tentative d'y retrouver ses petits : moteur Triumph 650 (c'est écrit dessus) de 1951 et Felix Perez Otaño le dit aussi. Idem concernant le réservoir. Pour le reste, on va à l'aventure : boîte à vitesses de BSA (?) avec commande de sélecteur avancée ; partie-cycle de Honda (?), du moins les roues... La fourche ? Le concours reste ouvert ! (Photo bedincuba comme la précédente). 

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     Une 650 Triumph de 1952 comme on aimerait en trouver dans cet état. Peu de modifications visibles hormis les échappements et le polissage du réservoir d'huile et du coffre à outils. Pilote : Julio Damaso Zamora Cruz (Photo par Wladimir Nequesaurt Neto, comme pour l'autre Triumph rouge ci-après). 

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    Comme c'est souvent le cas, l'abondance de moto-collants est un cache-misère qui permet d'effacer les cicatrices et bosses récoltés tout au long d'une vie mécanique. En l'occurrence, vu les circonstances on pardonnera cet excés...

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    ... d'autant plus facilement que l'ensemble, compte tenu des pratiques cubaines, est très loin de faire honte au constructeur de Meriden.

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    Mariez une fourche moderne d'une moto d'enduro (ou cross ?) avec une classique Triumph cylindre fonte (ça se voit...) et vous obtenez sans forcer un "chopper" qui en vaut bien d'autres. Quoique... le top-case... les clignotants... pas très "Easy Rider" tout ça.

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    La famille Fernandez, Père et Fils sur une 600 Norton Dominator 99 de 1958 très proche de l'origine hormis le frein avant à disque et les silencieux "lyophilisés". À Cuba, le casque se porte généralement "léger" et il ne semble être obligatoire que pour les pilotes de "motos-taxis" (quelqu'un peut confirmer ?).

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    Une 600 Norton plus ancienne, la M7, précédant la génération qui allait recevoir le nouveau cadre "Featherbed". Le polisseur de bidons est passé par là et ici aussi les échappements sont simplifiés. Pédale de kick d'origine japonaise, peut-être celle d'une Kawasaki H2 réputée assez malléable (la pédale seulement...). Voir commentaire de JMH en fin d'article

    Les motos du "Jurassic" à Cuba (2)

    Couleur inattendue sur cette 500 Norton Dominator 88 de 1952, mais on n'oublie pas que le rouge a souvent été utilisé par Norton, alors pourquoi pas le bleu (des Vincent ont été rouges aussi). Bien préservée, il ne manque que les silencieux en "poire" à la machine de José Lazaro Pardo Cruz (Photo ci-dessus et précédente par Wladimir Nequesaurt Neto).

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    On ne peut pas trop se fier à ses yeux en regardant les motos de Cuba où il est peut-être nécessaire d'en passer par des accommodements avec la loi, ou les assurances. Ce qui provoque des différences entre le papier et la chose qu'il représente. Ainsi le "M" sur ce réservoir est celui de Matchless, marque qui a pu fournir le cadre alors que le moyeu avant trahit un apport "estien". Quant au moteur, on aura reconnu le gros 750 twin de la Royal-Enfield Interceptor... À noter la forme du guidon qui a su résister à la mode chopper.

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    À peu près conforme à l'image du catalogue, cette belle Matchless est une twin 500 G 9 de 1957 (ou G11 si c'est une 600 cm3). Le dessin légèrement flasqué du garde-boue avant est caractéristique de la marque. La livrée en chrome et gris-argent lui va bien et rappelle celle des Norton Dominator. Rien que du classiques, donc.

    Les motos du "Jurassic" à Cuba (2)

    Cependant, si vous la préférez en rouge, nous avons ce modèle, mais ce sera une AJS, absolument identique. Prête à démarrer dès que l'antivol (rouge aussi) sur la roue avant sera retiré (Photo www.taringa.net). 

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    Une Ariel monocylindre qui semble avoir vécu au point d'avoir nécessité pas mal de jus de cervelle pour faire tenir son moteur dans une partie-cycle manifestement pas prévue pour lui (voir la fixation par des platines à l'avant du carter-moteur). On retrouve le disque avant qui semble n'avoir qu'un seul fournisseur sur toute l'île.

    Les motos du "Jurassic" à Cuba (2)

    Wladimir Nequesaurt Neto est un photographe de goût qu'on a abondamment sollicité ici. À juste titre puisqu'il nous permet de nous  quitter sur une bonne impression, avec une anglaise plus anglaise que toutes : une 350 Velocette MAC de 1953 (propriétaire : Cresencio Bello Rodriguez).

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    Le kick d'une Izh... voir commentaire de JMH ci-dessous.

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  • Commentaires

    1
    JMH
    Mercredi 1er Juillet 2015 à 01:32

    Bonjour


    La pedale de kick que vous citez est a mon avis d'origine Izh  modele Planeta ou Jupiter 4


    le modele 3 a un dessin plus classique, style Enfield.


    Sur les Izh, le kick est monte cote selecteur, a gauche, ce kick 2 eme modele est assez affreux a positionner, pour eviter qu'il ne gene, et est surtout tres moche, de plus fabrication actuelle en acier a ferrer les anes


    Je n'ai aucun merite a jouer au specialiste, j'ai les 2 modeles de Izh, vu que j'habite en Crimee, ex-URSS, patrie d'origine des Izh.


    Apres avoir tout eu, en moto, je reviens vers la simplicite et le refus des couts de maintenance/ reparation exhorbitants ( je viens de changer toutes les cages a aiguilles et spi d'un Cagiva mono-amortisseur....aie aie aie)


    Bref j'aime beaucoup ce blog, et j'adhere a la philosophie de son auteur.


    JMarc

    2
    Mercredi 1er Juillet 2015 à 10:26

    JMH

    C'est évident mon Cher Watson, et c'est logique vu la profusion de motos "rouges" à Cuba, alors qu'une H2...

    3
    Newimperial
    Jeudi 5 Novembre 2015 à 08:20
    Bonjour, sur la "Matchless" rouge si le bas moteur vient bien d'une Royal Enfield en revanche le reste est sûrement d'une autre origine... Culasse, caches-culbus, n'ont rien à voir avec une Interceptor. Si quelqu'un peut nous en dire plus... Merci!
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