-
"Photos Trouvées" du G.P. de France 1961 et ...
... du G.P. de Hollande 1962
Pendant plusieurs générations, les photos "de famille" se sont entassées dans une boîte à chaussures au fond d'un placard. Certaines avaient les honneurs d'un album, mais comme les autres, en fin de vie, elles finissaient sur le trottoir d'un vide-greniers. Au mieux, sur la table d'une brocante. Côtoyant ainsi la carte postale pour laquelle il y a les amateurs qu'on sait, elles peuvent retrouver une seconde vie à l'étal d'un brocanteur. Pour la plupart de ces commerçants elle avait moins d'intérêt qu'une carte postale connue, classée, répertoriée dont on connaît la valeur marchande. Une photo, ça se vendait à la tête du client. C'est comme ça que pendant quelques décennies j'ai pu récolter quelques centaines de photos d'amateurs. Toutes sur la moto, vous l'auriez deviné.
C'est au marché aux Puces de Montreuil que j'ai trouvé les plus intéressantes (les plus "belles"). Nous étions plusieurs à nous retrouver le samedi matin devant l'étal d'Armand, un ancien tueur à la Villette (!) reconverti dans le papier et surtout la carte postale. Il en avait de pleins cartons dans sa fourgonnette mais n'en sortait que trois ou quatre à la fois. Sans avoir fait une école de commerce, il savait comment entretenir l'appétit de ses clients. Parmi ceux-ci pas mal de professionnels de la carte. Ils s'approvisionnaient en nouveautés qui semblaient inépuisables. Armand les leur vendait à des prix inférieurs à ceux du "commerce", car, comme il le disait dans son langage fleuri "faut bien qu'eux aussi mangent un peu là-dessus".
Ses cartes étaient à peu près triées et classées, mais pas les photos. Comme tout le marché de Montreuil savait qu'il ramassait "le papier", les autres marchands lui en déposaient des pleins cartons, voire des valises, dès le déballage du marché. Ils étaient en confiance car c'est lui qui ensuite fixait le prix de la "marchandise".
Même procédure pour les photos. Il fallait fouiller pendant des heures une masse de photos de mariages, dîners en famille, vacances en Espagne, premières communions (les communiantes avaient leur "amateur"...), mariages, baptêmes, départs en retraite, remises de médaille du travail, etc. De temps en temps... une moto. Enfin, poussé par la faim (ça se passait le matin, n'oubliez pas) ou le gel ou la canicule, vous présentiez votre récolte à Armand. Il l'évaluait, commentant vos critères de choix : "Ah, celle-ci je savais que tu la prendrais... Celle-là, elle est trop belle, je la garde pour moi ! (c'était pour vous faire peur) ... Une grande comme çà, elle va te coûter bonbon !". Au final, vous aviez dépensé quelques dizaines de francs, rarement plus.
Il donnait à ses "clients" un surnom inspiré par leur sujet de recherches. Moi, j'étais La Moto, facile ! Un autre était Napoléon. Il y avait Le Radin, pour des raisons évidentes, et enfin Le Toubib et Le Prof. Ce dernier, qui était vraiment un professeur comme on l'apprendrait par la suite, plutôt habitué à commander (à ses élèves), renâclait à "trier" comme nous autres. Avec Armand, il avait fini par établir un accord plutôt exceptionnel pour qui connaît un peu le milieu de la brocante : il emportait une valise de photos qu'il épluchait chez lui et il rapportait ce qu'il n'avait pas choisi... Ce n'était pas un collectionneur ordinaire. Pas du genre à se focaliser sur un thème ou plusieurs, non. Tout ou presque semblait retenir son attention. On a compris pourquoi ce jour de 1994 où il a annoncé à Armand que "son livre" allait paraître. Et quel livre ! Près de 800 pages et encore plus de photos. Un pavé, non, un parpaing de 25 cm x 32 cm, rédigé par 25 auteurs sous la direction du "Prof", dont on apprenait dans la foulée qu'il était une huile au CNRS. Livre-canon et aussi prix-canon que j'ai oublié. Mais le Prof avait un peu tordu le nez lorsqu'Armand lui avait demandé de lui en offrir un... Au motif que lui aussi était un peu l'un des auteurs en tant que fournisseur. L'affaire en est resté là. On n'a revu le Prof que de loin en loin. Puis plus du tout. Le livre en question, toujours édité, est affiché aujourd'hui aux environs de 500 euros (FNAC). Je crois qu'Armand ne l'a jamais vu. Le Crabe l'a pris de vitesse peu de temps après.
Aujourd'hui les photos anonymes intéressent le milieu des collectionneurs. On les voit dans les diverses grandes "foires" nées autour de la photo, dont le dernier en date est Le Mois de la Photo à Paris. Elles sont devenues des "Photos trouvées", titre qui les rend plus nobles, donc dignes d'entrer dans une collection, d'être exposées dans des musées, de figurer dans des livres. Les "marchands d'art" s'en sont emparées et leurs prix s'envolent atteignant les milliers d'euros en ventes publiques !
Si je peux encore aujourd'hui illustrer ce blog, c'est souvent grâce à des trouvailles faites chez Armand. Après sa disparition, les Puces de Vanves ont été mon terrain de chasse. Moins fructueux en terme de découvertes, car un premier "tri" est fait par les brocanteurs eux-mêmes. Ils retiennent "l'objet photo", le plus souvent sous forme d'album, et il est rare d'en trouver un consacré à la moto. Avec des exceptions comme celui ci-après, réalisé par un motocycliste voyageur. Ce n'était pas un vrai professionnel mais plutôt un pigiste très occasionnel quoique déjà bien équipé (télé-objectif ?). Il savait comment accéder aux meilleures places pour "shooter". Au dos d'une carte postale envoyée à "Une Savoyarde", il annonce qu'il a écrit "13 feuillets de compte-rendu sur Assen" et qu'il va faire la même chose pour le G.P. de Belgique à Spa. Plusieurs reportages des G.P. de cette année 1962 publiés par Moto Revue sont signés Pierre Meyer, mais aucune des photos qui les illustrent ne se retrouvent dans l'album. En 1962, la revue concurrente Motocycles n'existait plus et on ne voit pas quel autre support francophone pouvait recevoir son travail. Reste la Belgique ? la Suisse ? mais dans ce cas il y avait des journalistes sur place... Son album s'ouvre, avec malheureusement trop peu de photos, sur le ...
GRAND PRIX DE FRANCE 1961 À CHARADE
Les multiples engagements dans plusieurs catégories d'un même G.P. se pratiquaient couramment. À Clermont, le tout jeune Mike Hailwood (21 ans) a couru en 125 sur une E.M.C. deux-temps (4ème derrière la Honda de Redman), puis en 250 sur Honda (2ème) et enfin en 500 avec une Norton. Il affrontait la M.V. 4 du vainqueur Gary Hocking, lequel, en l'absence d'autres ténors ne força guère son talent. Néanmoins, Hailwood ne put jamais l'inquiéter et se contenta sagement de la 2ème place.
Au coude-à-coude en 125 cm3 : Ernst Degner sur M.Z. et l'Australien Tom Phillis (Honda twin). Ce dernier gagnera de quelques millièmes de seconde après une course acharnée (ici au virage de Rosier). Avec 4 victoires (5 records du tour) sur 9 épreuves, il deviendra Champion du Monde 125 avec 44 points contre 42 à Degner.
Sur les 12 classés en sidecars, les 9 premiers étaient équipés du célèbre flat RennSport bavarois ! Avec le sien, l'Allemand Butscher a été longtemps en bagarre avec celui du Suisse Strub qui finalement l'emportera devant lui pour la 3ème place
DUTCH T.T. 1962 À ASSEN
Fière de son circuit de la Drenthe (7,700 km de développement), Assen le fait savoir dès les abords. On a parlé de 100 000 spectateurs pour l'édition de cette année 1962. Des Hollandais bien sûr mais aussi des Belges et surtout des Allemands. Et au moins un Français pour notre plus grand profit...
Ayant fui l'Allemagne de l'Est à la fin de la saison 1961, Ernst Degner (n° 2) court désormais sous les couleurs de Suzuki. Il est ici aux prises avec son co-équipier Perris.
Ambiance d'un parc coureurs comme on ne l'imagine plus, où l'on croise Bob McIntyre sur sa 350 Honda (285 en réalité) se rendant aux essais. Elle dérivait de la 250 victorieuse à l'Ile de Man avec le Rodhésien Jim Redman. En fin de saison, à l'Ulster, elle deviendra une vraie 350 (presque). À Assen, Redman pilotait une deuxième Honda qui gagnera devant Hailwood à 20 secondes. McIntyre, lui, sera contraint à l'abandon au troisième tour "la jambe droite inondée d'huile", diront les gazettes.
Point de vue imprenable sur le sidecar vertical-twin BSA de Chris Vincent-Bliss, seul attelage non-allemand (BMW) du plateau. Le seul aussi à avoir le side à gauche dont les glissades dans les grandes courbes à gauche rivalisaient avec celles des BMW dont le side est monté côté droit. Conclusion du reporter enthousiasmé de Moto Revue : "Puisse le trois roues ne jamais se transformer en simili-voiture dont aucun passager n'émergerait pour aider à virer"... Réflexion tristement prémonitoire puisqu'on connaît la suite !
Venu en 1958 de la lointaine Afrique du Sud, Paddy Driver était l'un des actifs animateurs du Continental Circus (500 Norton Manx). Il sera 8ème au Championnat du Monde de cette année 1962. Il fera aussi carrière en automobile (Formule 1) dans les années 70.
Autre acteur assidu du "Circus", le pilote d'usine Frantisek Stastny sur 350 Jawa (et non 500 comme indiqué précédemment). Il devait compenser l'infériorité de puissance de sa machine par une virtuosité audacieuse qui le mena souvent sur le podium (9 ème au Mondial en 1962 et multiple Champion de Tchécoslovaquie). Se déplaçant de circuit en circuit, notre reporter-pigiste avait le temps de faire un tirage des ses photos afin de récolter au G.P. suivant un autographe du pilote (en malmenant un peu l'orthographe de leur patronyme).
Le Néo-Zélandais Hugh Anderson sur une Suzuki (125 ?). On ne le retrouve pas dans le compte-rendu de la course ni dans les classements. La seule chose sure est que, au vu du nombreux public, la scène se passe à Assen et c'est durant la course, pas aux essais. Il termine la saison avec une 7ème place en 50 cm3 et la 6ème en 125.
"Toujours plus bas" était le mot d'ordre chez les sidecaristes, illustré ici par l'attelage BMW de Fritz Scheidegger. En course, il aura raison de son compatriote suisse Florian Camathias, éliminé sur casse moteur à l'avant-dernier des 14 tours de l'épreuve.
Autre photo de Scheidegger, selon la légende qui l'accompagne dans notre album. C'est toujours au Dutch T.T., mais la couleur du carénage et ses numéro de course sont différents. Notre reporter a dû classer ses photos longtemps après les avoir faites, si bien que sa mémoire pouvait avoir des défaillances (Remarquons qu'à l'époque, le photographe était vraiment au meilleur emplacement !).
Revenue dans la compétition d'après-guerre avec retard par rapport aux autres usines italiennes, Bianchi fit appel à l'inginiere Lino Tonti (ex-Benelli, Aermachi, Mondial, etc, puis Guzzi !) qui créa une vertical-twin 250 double ACT portée ensuite à 350 par réalésage. Championne d'Italie en 1960 elle fut suivie par une vraie 500 dont deux exemplaires étaient confiés pour Assen à Tino Brambilla (ci-dessus) et Silvio Grassetti.
Ni l'une, ni l'autre ne figure dans les classements, et selon le compte-rendu de Moto Revue, il semblerait que seul Grassetti a pris le départ. L'expérience s'arrêta en 1964 sans que la machine ait pu vraiment s'imposer au niveau international, dominée par les M.V.
Avec 3 victoires sur les 6 épreuves du championnat, l'équipage Max Deubel-Emil Hörner (passager) remporte le titre suprême 1962. Leur attelage était motorisé - faut-il le préciser - par le flat RennSport bien connu.
Les mêmes en plein travers pour doubler un side attardé dont le passager est en train de "retailler la moquette". Il s'était déjà fait doubler dans le paddock (...) Le plat pays de la région d'Assen avait permis de tracer un circuit au profil très apprécié des spectateurs qui pouvaient en voir la presque totalité.
Il y a un demi-siècle, on virait déjà en frottant de partout tandis que le déhanchement commençait à progresser. Démonstration par Alan Shepherd, un privé sur Matchless, un tout bon qui se classera 2ème au Mondial 500 derrière la M.V. d'un certain Hailwood.
Puisqu'on en parle ... voici Mike Hailwood sur la 500 M.V. du team "Privat", une structure de fiction qui bénéficiait "à titre privé" des machines de l'usine de Verghera. L'année précédente, il s'était dit qu'à la suite de la décision du Comte Agusta de retirer ses machines de la compétition en G.P., Stan Hailwood, le père richissime de Mike, avait proposé d'acheter les M.V. de course ! Finalement le prodigieux Mike remportera le titre mondial 500 de 1962 à 1965, toujours sur M.V. avant de passer sur Honda. La relève sera assurée, et de quelle façon ! par "Mino" Agostini.
(Prochain article : Spa 1962, Monza 1962)
En inscrivant votre email dans la case "M'inscrire" de la colonne à droite, vous serez immédiatement informé de la parution d'un nouvel article
Ce blog est la suite de "Z'humeurs & Rumeurs", blog toujours consultable mais en sommeil désormais.
Tags : Photos trouvées, Charade, Assen, Scheidegger, Jawa, Hailwood, Redman, M.V., Degner, Stastny, Bianchi, Phillis, BMW, McIntyre, Chris Vincent, Driver
-
Commentaires
Belle histoire que celle du prof avec le broc des puces.
Mais au fait, quelle est la référence du fameux pavé ?