-
Zhumeurs d'octobre : hommage à Lauren Hutton
Accaparés par les futilités de la vie quotidienne tels que je vous connais, il vous aura échappé un évènement qui a pourtant fait frissonner la planète. Figurez-vous que lors d'un défilé à Milan, on a vu un model sourire devant le public des modeuses. Au cas où vous ignoreriez ce qu'est un model (vous êtes vraiment lourd ou vous le faites exprès ?), c'est ce qui s'appelait un mannequin il y a encore quelques années. Voire quelques décennies, je vous l'accorde. L'affaire s'est déroulée chez Bottega Veneta, artisan du luxe du Groupe Kering (ex PPR = Pinault-Printemps-Redoute) dont "les équipes travaillent en priorité à développer des process de sourcing et de production plus innovants et à améliorer toujours davantage la performance de ses fournisseurs" (en français garanti 'gaulois' dans le texte...).
Pour revenir à nos moutons, c'est par là...
Donc l'évènement - c'est de ça qu'il est ici question, souvenez-vous - c'est le sourire d'un model. Une rareté donc. Manière de petit scandale dans cette profession où "tirer la gueule" est la règle, sans doute pour ne pas attirer l'attention sur la personne au lieu de l'attirer sur le vêtement qu'elle porte (?). À vrai dire, dans notre affaire il y avait deux models, dont l'un vous est connu, au moins son visage. Car c'est celui de l'héroïne de l'un des trois ou quatre meilleurs films de fiction sur le milieu motocycliste (c'est mon avis et je le partage). J'ai nommé Lauren Hutton (ci-dessus en imper clair, avec Gigi Hadid), pour la vedette et "L'Ultime Randonnée" (titre original : Little Fauss and Big Halsy) pour le film. Au passage, l'actualité est farceuse puisqu'on annonce pour octobre la parution en DVD de ce film longtemps invisible sauf dans des versions piratées sur l'écran d'une télévision donc de très mauvaise qualité. Probable que ce DVD restera en version originale, non doublé ni sous-titré... On se consolera avec une bande sonore originale signée par trois pointures : Johnny Man in Black Cash, Bob New Nobel Dylan et Carl King of Rockabilly Perkins. Excusez du peu..
Lauren Hutton est la vedette féminine dans cette histoire d'hommes entre Michael Pollard (Little Fauss, à gauche) et Robert Redford (Big Halsy, à droite). La Yamaha est une 250 DT.
Robert Redford était un véritable passionné de motos à une époque où ce n'était pas vraiment "hype". Il avait gardé la machine du film que les producteurs lui avaient offerte (au moins l'une d'elles car il s'en est consommées beaucoup dans ce tournage). James, son fils qui en a hérité, l'a finalement vendue aux enchères afin d'alimenter le Robert Redford Center, association créée par l'acteur pour encourager diverses initiatives environnementales.
Après une enfance difficile en Caroline du Sud où elle a été élevée par un beau-père qui l'entraînait à capturer les serpents à sonnette et à mépriser les alligators qui abondent dans les marais de cet état, la jeune Lauren entre comme barmaid au Club Playboy de Hugh Hefner, repaire de crocodiles d'une autre genre... Parallèlement, elle pose pour quelques publicités qui ne rendent pas vraiment hommage à la somptueuse plastique de ses 19 ans (voir ci-dessus). Son attirance pour la moto, racontée dans le magazine financier Forbes...
... lui serait venue d'une rencontre à un feu rouge. Alors qu'elle était à l'arrêt sur son Vespa déglingué, une Indian s'est arrêtée à côté d'elle. C'était Steve McQueen qui lui a lancé un irrésistible "Baby, ça t'intéresserait de voir comment on fait un film ?". Une telle invitation ne se refuse pas, surtout quand on a 19 ans. Le film, c'était "Le Kid de Cincinnati". Pas trop de motos là-dedans, mais l'Indian avait fait son effet !
Elle se retrouve en 1970 dans ce Little Fauss and Big Halsy, dont elle dira plus tard au cours d'une interview : "J'ai débarqué dans ce film à poil et défoncée à l'acide" (acide = LSD = diéthylamide de l'acide lysergique, l'hallucinogène préféré des hippies des années peace & love). Boutade ou réalité ? Toujours est-il qu'à l'écran son rôle est celui de Rita, une riche hippie qui veut décrocher de la drogue. Voilà pour l'acide. Quant à la première partie de sa phrase (à poil), elle est illustrée par la séquence ci-dessus...
Grâce à un fructueux contrat de 1 million de dollars (!) avec les cosmétiques Revlon, elle devient bientôt la première "supermodel" d'une génération qui affirme sa place dans la publicité, à l'égal des hommes. Au long de sa carrière, elle figurera 27 fois en couverture du magazine Vogue leader de l'élégance féminine. Jusqu'à aujourd'hui son charisme est recherché et apprécié à travers le monde (ci-dessus Elle, en France).
Récemment Town & Country évoquait son caractère inoxydable et sa passion pour la moto en mariant sur une même photo (ci-dessus) la brutalité d'une Triumph - en version desert slingshot - avec la douceur d'une robe en soie (signée Marc Jacobs, 2600 $), la rugosité d'un blouson en jean (Ralph Lauren, 298 $) et, pour les chaussures, une misère de chez Mercantile à 324 $. (Photo Brigitte Lacombe).
Anticonformiste, Lauren possède, dit-elle, deux Yamaha pour la balade dans sa propriété du Nouveau-Mexique tout en circulant ordinairement (... euh...) sur une BMW. Cependant elle aurait dû méditer une phrase pleine de bon sens de Robert Redford dans une scène de Little Fauss. À une brave mamie américaine qui s'effraye de la chute d'un coureur, il lui lâche au passage un placide "Ma'am, la moto c'est un jouet dangereux" que, 10 ans plus tard, Lauren va confirmer dans sa chair. Jambe gauche plâtrée, fracture de l'autre cheville, côtes brisées, un poumon transpercé, outre de multiples brûlures à la suite d'une chute de moto ! Heureusement, son visage au doux regard de myope et ses "dents du bonheur" ont été préservés grâce à un casque intégral échangé au dernier moment avec celui de Jeremy Irons, le sien ayant été jugé trop "léger" par Dennis Hopper. Rien à voir avec une cascade d'un film qui aurait mal tourné, non, un vrai accident dans la vraie vie ! Au guidon d'une BMW, elle participait alors à un charity tour en compagnie des deux acteurs précités (ci-dessus) et d'une douzaine de billionnaires, en soutien au Musée Guggenheim. La BMW de l'accident trône désormais dans son appartement de New-York. Un début de collection personnelle ?
Chaque fois que c'est possible, les photographes et les grosses têtes de la publicité font allusion à sa "carrière" motocycliste. Même dans des mises en scène improbables comme ici où elle est censée vanter les mérites d'un... fond de teint résistant au vent de la vitesse ! Au passage, on notera à nouveau la présence d'une BMW... avec tout l'accastillage nécessaire en studio dont on se passe aujourd'hui depuis que Photoshop est passé par là.
Après 12 ans de contrat avec Revlon, Lauren a lancé sa propre marque de cosmétiques dont le succès a renforcé encore son indépendance, s'il en était besoin. En 2013, elle crée toujours le buzz lorsqu'on annonce que des photos d'elle vont être mises en vente, extraites de la collection de Bob Guccione, le défunt patron du sulfureux Penthouse. Ces photos qui datent de ses 20 ans la montrent en "full frontal nude", marque de fabrique du magazine dont les audaces ont détrôné Playboy. Le prétendu buzz s'avéra être un pétard mouillé car elle avait pris les devants dès 2005 lorsqu'elle avait posé nue dans Big Magazine... à 62 ans ! Toujours provocante, elle avait dit : "Ma génération, celle des femmes de 60 ans, ne va pas renoncer à être séduisante".
À propos de l'une de ces photos de Big Magazine la journaliste présente dans le studio lui avait demandé si elle était d'accord avec le proverbe "It's the old fiddle that plays the sweetest music" (version élégante de notre "c'est dans les vieux pots, etc..."), Lauren avait répondu "C'est tout à fait vrai !" (Photo par Mario Sorrenti).
Afin de vous fournir un casting sérieux de ce film, en voici l'autre actrice féminine, Linda Gaye Scott. Elle apparaît dans un Batman et dans de nombreuses réalisations de serie B des années 60/70 au cinéma et à la télé. Vos connaissances cinéphiliques s'en sont grandement accrues, n'est-il pas ?
Excellent cliché qui permettra au restaurateur éventuel d'une 250 DT Yam de relever quelques détails absolument authentiques. Dans tout le film, qu'il s'agisse de courses de tout-terrain ou sur circuit, la marque japonaise est omniprésente. Ce n'était sans doute pas un hasard...
La jaquette du "vrai" DVD fait aussi une bonne place à la DT 250. Ne vous laissez pas abuser par les multiples offres que l'on trouve sur le ouèbe. Presque toutes sont des copies piratées sur la télé, malgré une date de sortie millésimée 2013.
Tags : L'Ultime randonnée, Robert Redford, Lauren Hutton, Revlon, Yamaha, BMW, Forbes, Dennis Hopper, Jeremy Irons, Bottega Venta, Kering, Linda Gaye Scott
-
Commentaires
2FAJLundi 17 Octobre 2016 à 22:14Jean, tu dis que Lauren a les "dents du bonheur". A mon époque etats-unienne on disait "clit-slot". Je te laisse le soin de traduire si tu le juges nécessaire à l'éducation des masses !
-
Mardi 18 Octobre 2016 à 09:40
Les "masses" ont déjà dû trouver leur bonheur sur le ouèbe...
-
3oliericMardi 18 Octobre 2016 à 09:43J'eus le bonheur de vivre à Varsovie pendant la merveilleuse période communiste qui suscite tant de nostalgie chez ceux qui ne l'ont pas vécue. Le doublage des films américains était fait de façon simple: les dialogues américains en fond sonore (pas trop bas pour pouvoir suivre) et une seule voix, celle du speaker officiel qui racontait tous les dialogues... males, femelles, enfants et autres...
En 1996, à la télé, c'était encore comme ça. Et il y en avait des séries à doubler! et sans parler du porno! On est loin de l'école de cinéma de Lodz chère à Polanski.
-
Mardi 18 Octobre 2016 à 20:13
La pratique du commentaire sur fond de VO est une vraie curiosité... Pour les pornos, ça devait être assez rigolo, déjà que les dialogues originaux le sont aussi pas mal
-
4FMDMardi 18 Octobre 2016 à 18:26Merci Jean pour ce grand bouillon de culture, mais je n'ai eu du mal à détailler les motos.
-
Mardi 18 Octobre 2016 à 20:07
Encore tellement troublé que tu dis exactement le contraire de ce que tu veux dire !
-
5FAJMardi 18 Octobre 2016 à 19:00Commenter la photo de l'arrière-plan de la belle posant nue à 62 ans en disant que "le prétendu buzz était un pétard mouillé" sans s'être approché du pétard en question pour en juger me semble être une affirmation audacieuse !.
-
Mardi 18 Octobre 2016 à 20:08
Je savais bien que quelqu'un relèverait l'allusion...
-
Ajouter un commentaire
Voui, sur les DVD des puces de Montreuil il y a souvent des acteurs supplémentaires: les braves gars qui passent devant l'écran du cinoche pour aller pisser!
Quant aux versions doublées en français, même si on comprend mieux (quand c'est des Texans ou des Brumies!) c'est fatigant d'entendre toujours les mêmes voix ...
La doublure française de Marilyn est effectivement d'une rare niaiserie !