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Zhumeurs de mai
UNE 'SUZ' ENTRE AU MUSÉE D'ART MODERNE (avec un P 103)
Sans peut-être le savoir, un Français vient de réinventer le célèbre cadre "Featherbed" popularisé par Norton et tant copié ensuite. Artiste plumassier de son état, Maxime Leroy a été choisi ainsi qu'une vingtaine d'autres virtuoses des métiers d'art pour reconstituer minutieusement en plusieurs scènes le parcours d'une enquête policière (*) dans le cadre d'une exposition parisienne au Palais de Tokyo (ci-contre). D'habitude, Maxime Leroy qui professe aussi son art au Lycée Octave Feuillet, travaille pour les têtes de gondoles de la haute-couture, les Chanel, Louis Vuitton, Givenchy et autres Jean-Paul Gaultier. Il signe alors des décorations en plumes fragiles et éphémères qui émerveillent les "fashionistas" lors des présentations de mode ou dans les vitrines de l'avenue Montaigne. Grâce à des réserves de plumes venues du monde entier (en respectant les interdictions qui protègent les espèces en voie de disparition, précise-t-il), il dispose d'un précieux matériel qu'il retaille, peint, découpe, passe à l'acide, teinte, brûle, tel un alchimiste de la Renaissance aux doigts d'orfèvre. Mais pour cette expo "Double Je" du Palais de Tokyo, il a choisi de travailler sur un objet beaucoup plus dur et massif : une Suzuki GSXR 1100 !
(*) Scénario d'après une nouvelle de l'écrivain Franck Thilliez (Fleuve Editions).
D'un bijou de la mécanique d'Hamamatsu, il a fait un monstre agressif surgi de l'Apocalypse qu'aucun "tuner" ne saurait égaler. Lui parle de "Mad Max version haute couture". Mais il a ainsi ranimé la création de Richard 'Rex' McCandless, génial Irlandais de Belfast qui avait permis à Norton de garder sa place au plus haut du palmarès du Championnat du monde dans les années 50. Il avait persuadé Joe Craig, grand sorcier du service compétition chez Norton, d'abandonner la partie-cycle à suspension arrière coulissante (dite "garden gate") qui datait déjà de l'avant-guerre (1936) sur des machines souvent éliminées par ruptures de cadre. À la place, McCandless proposa un large cadre double-berceau ininterrompu dont la colonne de direction était soigneusement entretoisée (dessin ci-contre à droite) et avec une suspension arrière oscillante à deux éléments séparés. Choix validés après des essais menés sur l'Ile de Man et plusieurs centaines de kilomètres sur la piste à Montlhéry. La pioche était bonne car au Tourist Trophy de 1950, les Norton ainsi équipées remportaient les trois premières places en 350 cm et en 500 dans des temps encore jamais vus et avec les records du tour dans les deux cylindrées. C'est la première fois qu'un p'tit jeune faisait ses débuts au T.T., et pour cette première apparition, il se permettait de gagner en 500. Il se nommait Geoff Duke, et le monde de la moto n'avait pas fini d'entendre parler de lui !
La preuve que la "lit de plumes" n'est pas qu'un mot, même si ça n'est pas une "vraie" Featherbed et même si certaines demoiselles en font une utilisation que n'avaient prévu ni Joe Craig, ni McCandless... (Photo Erick Runyon)
Le pilote Artie Bell qui avait gagné le T.T. Junior (350) en 1949 sur une Norton usine "garden gate" (coulissante) était par ailleurs associé avec McCandless. À ce titre, c'est lui qui menait les essais du prototype Norton créé par l'Irlandais. De retour de l'un de ces essais et interrogé sur ses sensations, il avait déclaré, enthousiasmé : "C'est comme si on était sur un lit de plumes". Le nom de la merveille était trouvé, ce serait "Featherbed" ! Un véritable mythe allait naître autour de cette machine, au point qu'en 2016, on en trouve encore des "clones" qui sont mis à toutes les sauces du "café racer". En tout cas, honneur à Maxime Leroy d'avoir ressuscité pour quelques instants (peut-être sans le savoir ?) l'une des légendes de la moto.
Visite panoramique dans l'espace "Garage" de l'expo qui compte 6 autres "stations". Ici, une 125 Honda se morfond à l'état d'épave abandonnée contre un mur, sous un bois pyrogravé de Eudes Menichetti. En vis-à-vis une palette (propriété de Total...) présente une autre épave accidentée, toujours d'une GSXR, sans doute à récupérer "pour pièces".
Un garage sans un cyclomoteur français serait comme un baiser sans moustache, c'est à dire sans saveur. Ce Peugeot 103 est placé à l'écart, protégé par sa disposition, hors d'atteinte, comme un jouet qu'on met sous vitrine... Souvenir d'enfance du premier deux roues à moteur qu'on a eu ? À droite, Une petite pièce à part sert d'atelier de peinture au pistolet où plusieurs pièces de carénage de motos sont au séchage...
... mais d'autres œuvres ont demandé beaucoup plus de soins et un autre matériel. À côté de deux réservoirs de cyclos (encore intacts !), casque et demi-réservoir de moto sont signés Erwan Robert, ancien nageur de combat qui a abandonné le pistolet (de combat) pour le plus pacifique pistolet aérographe.
Le Service Régional de l'Identité Judiciaire de la Préfecture de Police de Paris a été sollicité pour vérifier que l'enquête était menée avec le soin et la rigueur habituels dans ce genre de circonstances... (Vélo ARVAK par Keim Edition, un "fixie" (pignon fixe) à cadre monocoque creux en frêne stratifié, revu par Maxime Leroy avec écailles en coquille d'oie noire).
L'AMBITIEUSE AMPHIBIE D'ANZANI
Sous le numéro 1415 a été réalisé le dessin de cette "Aero Voiturette Flottante Anzani" qui témoigne d'une nouvelle orientation du célèbre immigré mécanicien. Il apparaît que, lui aussi, avait pensé à intéresser les militaires si l'on en juge par la tenue du conducteur de la machine. Sous-titrée "Cage protectrice de l'hélice formée par le fuselage" l'illustration en diazographie est datée du 22 juillet 1914. Pas d'autres informations connues sur la question, ce qui peut s'expliquer par la date de réalisation et de diffusion du document (La diazographie est le procédé de reproduction de plans par contact direct qui fournit un dessin en blanc sur fond bleu. D'où les "bleus" en architecture).
ON SE RETROUVE APRÈS UNE PAGE DE PUBLICITÉ (GRATUITE)
Pour patienter en attendant le Vintage de Juin 2017 à Montlhéry
GOÛTEZ AUX PLAISIRS DES PAUVRES !
On ne sait plus quoi inventer pour amuser les blasés qui s'emmerdent, tout en leur soutirant quelques pépètes au passage. La mode du porno-trash a défuncté, mais subsiste le grunge des jeans déchirés et cousus au fil d'or vu leur prix, idem des blousons usés à la pierre ponce pour montrer qu'on est aussi décomplexé qu'une droite française... (qui désormais ose se montrer sans cravate à la télé...). Reste qu'il n'est plus possible, comme à la Belle Époque, d'aller traîner dans les cabarets de barrière ou s'encanailler dans des coinstots bizarres (merci Boris Vian) afin de prouver qu'on est sensible au sort des classes "défavorisées". Bien trop dangereux tout ça, mon enfant. Alors, pourquoi ne pas transporter dans ces quartiers "moches" le confort et les commodités de la vie moderne ? Par exemple en Seine-St Denis, dans ce neuf-trois que l'on dit le département le plus pauvre de France. Et carrément au milieu du Marché aux Puces de St-Ouen ! Là, moyennant une misère de quelques centaines d'euros, on vous offre le grand frisson du licencié économique, du clochard, de l'oublié de la croissance, du sous-smicard qui n'a même plus de quoi payer un loyer et couche dans sa voiture. Tiens justement, coucher dans une voiture, en voilà une idée qu'elle est bonne. Dans une 2 CV, ça c'est chic ou plutôt hype !
Il paraîtrait que d'aucuns envisageaient de proposer un week-end Quechua : deux nuits sous une tente et sous le métro Stalingrad. Mais la police les a pris de vitesse en délogeant les dizaines de sans-papiers qui s'y étaient installés. Damned, encore raté, mais restez à l'écoute pour être les premiers à être informés si un nouveau squat sauvage se crée ailleurs...
(Hype = branchouille)
AVIS AUX AMATEURS : J'ai remis la main sur une dizaine d'exemplaires du livre "Les Motos des Français - Un album de famille 1945-1970". Un chèque de 40 euros - port compris - fera de vous un homme (ou une femme) heureux (heureuse).Tous renseignements complémentaires : janbour@free.fr
Tags : Maxime Leroy, Palais de Tokyo, Suzuki GSXR, Featherbed, Double Je, McCandless, Joe Craig, Norton, Erwan Robert, Anzani, Lantilly
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Commentaires
Moi, j'ai tout de suite pensé à la Porcupine (porc-épic) en voyant cette chose-Suzuki !
Si je l'aurais su, je l'aurais dit avant toi !