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Lancé par souscription à l'initiative de Gilles Destailleur, président de la Confrérie des Vieux Clous, mon premier livre "La motocyclette en France 1894-1914" a été tiré à 4 500 exemplaires en 1989. Tous ont été vendus, même si une petite partie a été soldée par l'éditeur au quart (!) du prix de souscription et sans que j'en sois prévenu comme l'exige pourtant la loi. Après changement... d'éditeur, un deuxième livre a suivi concernant la période "1914-1921", puis un troisième sur les années "1922-1924". Seul ce dernier est encore disponible alors qu'on me demande encore le "1914-1921", lui aussi épuisé en quelques mois.
Il n'est pas possible d'envisager une réédition-papier de ce "14-21" pour de bêtes raisons pratiques autant que financières. C'est pourquoi il est republié ici sous une forme numérique et presque "à l'identique". Le "presque" signifiant des corrections, des ajouts, certaines formulations nouvelles et surtout de nouveaux documents, principalement des photos récoltées durant les années qui se sont écoulées depuis la première impression (Indiquées par la mention "Nouvelle photo"). À peu de choses près, les textes sont les mêmes avec quelques remaniements, augmentés des légendes des photos nouvelles.
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Repeintes parfois en kaki (ou gris-bleu horizon ?) et sans autre modification qu'un numéro d'immatriculation sur le réservoir, les Peugeot bicylindres sont les motos françaises que l'on trouve le plus souvent aux mains de nos soldats. Celui de droite et celui du milieu (debout) sont coiffés de képis en toile cirée achetés dans le commerce, non réglementaires mais plus résistants aux taches que ceux en drap du modèle fourni par l'armée.
On sait l’importance capitale de la motorisation dans le déroulement des hostilités de la Grande guerre. Chacun connaît l’épopée des Taxis de la Marne qui décida de l’issue d’une bataille décisive. Cette intrusion du véhicule motorisé dans l’armée française, ce passage vers la guerre moderne, ne s’étaient pas effectués de façon idéale, loin s’en faut !
À la signature de l’armistice, 100 000 camions et voitures étaient en service qui, durant tout le conflit, avaient transporté 34 millions d’hommes et 30 millions de tonnes de matériel, alors qu’au 2 août 1914 les Services automobiles de l’armée française ne comptaient que 170 véhicules en tout et pour tout. S’y ajoutaient un millier d’autobus dit "réquisitionnables" pour le ravitaillement des troupes. Dans un premier temps de la mobilisation, on a donc paré au plus pressé en récupérant des véhicules particuliers : voitures de tourisme, camionnettes, cyclecars (!), motocyclettes sans oublier, quand même, les chevaux, voire les boeufs. Des petits malins en profiteront pour présenter des motos hors d’âge, hâtivement retapées, qui pouvaient faire illusion auprès des non-spécialistes chargés des réquisitions. Trafic fructueux car chaque machine est achetée à son propriétaire lorsque celui-ci n’est pas mobilisable avec sa monture.
Dès 1909 la réquisition des véhicules automobiles ainsi que les motocyclettes était mise en œuvre avec effet au 1er janvier 1911, les maires étant chargés de mener à bien les opérations. Le taux d'indemnisation des voitures et motocyclettes, ainsi que leurs accessoires, prenait en compte leur ancienneté et leur nombre de chevaux fiscaux
Scène de réquisition à Paris, dans un quartier chic, Champ de Mars ou Esplanade de Vincennes. À côté de véhicules automobiles divers, dont un autocar de transport (pneus de rechange sur le toit), on remarque deux Peugeot bicylindres, à droite. À gauche, une Magnat-Debon reconnaissable à sa fourche télescopique. Le sidecar de l'arrière est impossible à identifier (Nouvelle photo).
D’abord installé à Vincennes, le parc militaire motorisé est ensuite transféré au parc d’artillerie de Montluçon. C’est là que vont être formées, entre autres, les premières sections motocyclistes équipées de machines neuves provenant de chez Clément-Gladiator (deux ou trois douzaines) et Triumph (une centaine). Ces deux marques ont été retenues par le responsable du parc, le commandant Ferrus, sous les ordres du lieutenant-colonel Cordier.
Cette carte postale de décembre 1914 est signée de Henry C... "Automobiliste militaire au camp de Vincennes". Les machines sont des Triumph identiques et la 480 est de réquisition car on devine des reste d'une immatriculation civile sur le garde-boue avant.
À l’Etat-major de Paris, ordre est enfin donné de mobiliser avec leur machine quelques "vrais" motocyclistes. C’est ainsi que les Jeanniot, Martinez, Lombard, Naas, Meuriot (Tous des coureurs connus) arrivent dans les parcs d’artillerie ou dans les formations automobiles qui se mettent en place peu à peu. C’est sans doute grâce à ces spécialistes que s’organisent de façon logique et raisonnable l’entretien, la constitution de stocks de rechange et la réparation des motos. Auparavant, la bureaucratie militaire procédait de manière très mathématique : par exemple, pour 200 motos en service on stockait 200 cylindres, 200 pistons, 200 cadres, 200 soupapes d’admission, etc.
Témoignage de l'impréparation des armées devant les difficultés de la mécanisation, ce télégramme d'août adressé à l'importateur de Triumph pour lui commander 100 machines. Impréparation et aussi connaissance approximative de son sujet par l'auteur de ce courrier urgent qui demande des motocyclettes "Triomphe"... (Nouvelle photo - moto-collection.org)
L'importateur français de Triumph ne manquera pas ensuite de profiter de l'excellente publicité fournie par les commandes de l'armée française. Moralité (si l'on peut dire) : "Le malheur des uns fait le bonheur des autres"... (Nouvelle photo).
Primitivement la création des sections motocyclistes devait être à la charge de la cavalerie qui éditera en novembre 1914 (il était temps !), un savoureux opuscule intitulé "Instruction sur l’organisation des sections motocyclistes pour divisions de cavalerie". Au chapitre "Armement, équipement et paquetage" est détaillé le barda que doit transporter le motocycliste ou sa moto :
A - Sur le garde-boue avant : le manteau-collet, maintenu par deux courroies.
B - Dans le havresac : 1 courroie ou chaîne de rechange, 1 chambre à air, 5 paquets de cartouches, les vivres de réserve, 1 chemise, 1 caleçon, 1 flanelle, 2 mouchoirs, 1 trousse garnie, 1 serviette, 2 cravates, 1 bonnet de police. (Nota : il n'est venu à l'idée de personne que la majorité des motos de l'époque se démarrait par un pédalier nécessitant une chaîne. On aurait donc dû lire : 1 courroie ET chaîne de rechange...).
C - Extérieurement au havresac : 1 paire de chaussures, 1 couvre-pied, 1 corde à fourrage (Ndlr : on pensait aux chevaux-vapeur ?), 1 gamelle".
Une photo assez connue d'une estafette sur une Peugeot bicylindre. Sa tenue, excepté l'armement, pourrait correspondre aux prescriptions définies dans le manuel sur "l'organisation des sections motocyclistes" (Nouvelle photo). Cependant, dans la réalité...
... le motocycliste en campagne ressemblait plutôt à celui-ci (1915) pour plusieurs raisons évidentes. Outre son équipement qui devait tenir compte d'une guerre longue et livrée dans des conditions climatiques extrêmes, sa machine sera le plus souvent étrangère (ici une Triumph) car les française de réquisition, déjà peu nombreuses, avouèrent rapidement leurs limites en matière de performances et de fiabilité (Nouvelle photo).
Et le catalogue de la Cavalerie poursuit par l’équipement et l’armement du pilote, soit : "Linge et vêtements de drap, chaussures, molletières, bidon, 1 paire de gants, 1 chandail, 1 cuissard imperméable, 1 veste de cuir, 3 paquets de cartouches, 1 carabine". Rien n'est précisé pour la tête. Au front, les soldats de toutes les armes coiffent le képi en drap lorsqu'ils sont en service, le bonnet de police (calot) se porte au repos. Le casque métallique Adrian n'apparaîtra qu'en 1915, au moment où commence la guerre de tranchées responsable de mortelles blessures à la tête.
On voit mal le soldat-motocycliste se promener avec son "manteau-collet" fixé par deux courroies sur le garde-boue avant. Tout au long du conflit interviendront des modifications de l'uniforme des troupes françaises. Du casque aux bandes molletières, le "poilu" de 1914 ne sera plus comparable à celui de 1918. Le motocycliste militaire évoluera lui aussi, mais selon ses propres règles, parfois très personnelles tandis que ses machines seront en majorité d'origine britannique comme cette BSA 550. Les coiffures de ces hommes sont peut-être des couvre-képi bleu-horizon "délavé" par la pluie ou des chèches d'une unité de spahis (Nouvelle photo - moto-collection.org).
Gradé sur sa Peugeot personnelle ? Non, car le "galon" apparent sur le poignet de la vareuse est en réalité un courrier glissé dans le revers de la manche. L'homme est prévoyant avec une chambre à air en sautoir, une courroie de rechange autour de la trousse à outils du guidon et sur les reins une musette rebondie (Nouvelle photo).
Uniformes impeccables de même que la moto, mais il s'agit d'un groupe de musiciens de la 184è Brigade d'infanterie de Bordeaux, donc loin du front. La "pilote" E. Sassus est sur une Motorette Terrot n°3 à moteur Zürcher 2 hp 3/4 (67 mm X 90) soupapes latérales.
Dans la zones des armées (ici, le Pas-de-Calais), une petite mise en scène humoristique éditée en carte stéréoscopique. Mais les uniformes, les armes et la Peugeot bicylindre sont, eux, bien réels. Cette guerre va donner lieu à une abondantes imagerie en cartes postales, planches à découper, fascicules plus ou moins historiques, panoplies, etc. destinée à la jeunesse et qui sera décuplée par l'interminable durée du conflit.
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Parmi les autres - peu nombreux - constructeurs français, et après Peugeot, le dijonnais Terrot est celui qui aura le plus travaillé pour l'armé, bien qu'à dose homéopathique. On y verra surtout ses "Motorettes" monocylindres et aussi la "Motorette" n° 4, une bicylindre toute nouvelle puisque née en 1913.
Son moteur est d'abord un Terrot-Zedel deux cylindres en V que voici sur une photo (ci-dessus) extraite du 2ème catalogue 1913. Sur le premier catalogue du début 1913 ne figurait qu'un dessin de la machine (ci-dessous) avec une fourche avant aux fourreaux courbes devenus droits sur la version photographiée.
Cette N° 4 reprend les cotes-moteur de la n° 3, mono à soupapes latérales dont elle a le cylindre avant incliné. C'est donc une forte machine de 640 cm3 avec un alésage de 67 mm pour 90 de course. Le catalogue propose - sans illustration - une version N° 4 Sport de 500 cm3, avec "moteur spécialement préparé pour les courses de vitesse pure, sans considération pour l'économie et la durée". Cette mention ne figurera plus dans les catalogues des années suivantes.
Un document "d'époque" rare sur une machine tout aussi rare, la Motorette N° 4 de 1913 vue du côté distribution. Elle porte les stigmates d'une existence mouvementée qui lui a coûté le tube d'échappement de son cylindre arrière et une fourche avant passablement fatiguée (la courroie de transmission a dû être retirée pour poser dans le studio de l'homme de l'art). Il est probable qu'on est dans l'après-guerre, si l'on se fie à la tenue de ce pilote localisé dans un grand Sud-Ouest que révèle "B3", immatriculation délivrée depuis les Basses-Pyrénées jusqu'aux Charentes, plus la Dordogne, le Lot-et-Garonne et le Gers (Nouvelle photo, merci à J. Pichaud).
Toujours sous la même appellation, la N° 4 est remaniée esthétiquement en 1914 (photo du catalogue ci-dessous) avec des garde-boue plus enveloppants et une nouvelle décoration du réservoir. Sa transmission directe par courroie peut recevoir en option un embrayage "progressif" à la poulie-moteur que commande un levier au réservoir. Un "moyeu anglais" (marque Armstrong) à 3 vitesses et débrayage est également disponible. Un autre levier le commande au réservoir, plus proche de la selle.
Pourtant éprouvée en compétition dans une version "usine" de 500 cm3 à culbuteurs et soupapes en tête (ci-dessous, avec ailettes du cylindre avant perpendiculaires à son axe), la N° 4 pêche par une certaine fragilité due à un graissage "automatique" déficient. On a tenté d'y remédier par une pompe additionnelle manuelle, mais les meilleurs succès de la marque continueront d'être acquis par les monocylindres 250 et 350 à soupapes latérales.
Le moteur de la 500 à culbuteurs de Franquebalme, présentée au "laboratoire" de l'U.M.F. à Neuilly aux fins de vérifications-pesage avant le G.P. de l'U.M.F. en juillet 1913 (Nouvelle photo- BNF Gallica). Les deux machines pilotées par Cuzeau et Franquebalme abandonneront. Chaque échappement est du type "1 en 2", le tube le plus court étant muni d'un clapet mobile permettant l'échappement libre.
"Le moteur 2 cylindres N°4, 4 HP 1/2 sorti un peu hâtivement l'année passée a été mis bien au point" annonçait Terrot dans son catalogue 1914 paru en début d'année. Affirmation péremptoire qui trouvait son bémol dans le même catalogue car après les trois pages consacrées à la N° 4, était annoncée une Motorette N° 5 de 500 cm3 seulement (64 mm d'alésage x 77). Une annonce tellement précipitée qu'il n'y avait pas d'illustration de cette 3 HP 1/2, représentée par ce simple cartouche : "Cliché en préparation"...
Cette N° 5 était aussitôt apparue dans Paris-Nice en février 1914 où Cuzeau, ci-dessus avec sa plaque 21 de l'épreuve (21 comme la Côte d'Or...) l'avait menée à bon port, récoltant une médaille d'or... en compagnie de quelques dizaines d'autres concurrents.
Avant Paris-Nice 1914, l'équipe Terrot présente les machines aux vérifications techniques dans le "laboratoire" de l'U.M.F. à Neuilly. Tout à gauche, Cuzeau avec la nouvelle bicylindre en V.
Les soucis mécaniques étaient donc effacés de façon radicale grâce à un tout nouveau moteur, le MAG 2CX d'origine helvète, choisi également par bien d'autres marques européennes. Ce semi-culbuté de 500 cm3 a pris place dans une partie-cycle à cadre ouvert plus ramassée que celle en simple berceau de la N° 4. Sur le Terrot-Zedel, la position de la magnéto, entraînée en bout d'arbre à cames, augmentait aussi l'encombrement-moteur.
On ne sait pas si, par cette photo, ce soldat a voulu mettre en évidence sa machine ou sa prise de guerre, un casque à pointe allemand, fièrement posé sur le phare de sa Terrot MAG N° 5. À nos yeux aujourd'hui, c'est évidemment la moto qui l'emporte, mais pour ceux à qui ce document était destiné à l'arrière, l'intérêt n'était pas le même...
Photo "officielle", très probablement réalisée dans la cour de l'usine à Dijon.
Malgré le départ aux armées d'une grande partie du personnel et la situation particulière née de la mise sous séquestre des Ets Terrot (voir les détails dans l'ouvrage "Terrot", par Bernard Salvat), on a continué à travailler sur des projets à Dijon. Spécialement celui d'une boîte à vitesses séparée permettant de tirer un meilleur parti du MAG seulement exploitable par le fameux "moyeu anglais" et la poulie-moteur variable. Les deux étaient utilisés par exemple sur la N° 5 de Cuzeau dans Paris-Nice.
Un modèle à trois rapports et kick avec une transmission primaire par chaîne est monté sur un prototype de la N° 5 (ci-dessus). Celle-ci devient ainsi plus moderne, en dépit d'une fourche avant rétrograde au moment où les modèles "Druid" ou "Saxon" à parallélogramme commencent à se répandre dans la concurrence française (René Gillet, Griffon, Clément).
C'est avec une boîte 3 vitesses différente que sera présentée la Motorette N° 5 B en 1918. Elle sera dite au catalogue "Modèle fourni à l'armée". Suite aux recherches que B. Salvat a menées pour son livre, 420 de ces machines ont été produites, dont 101 sont allées à des motocyclistes civils. C'est tout dire de leur rareté en collections ou musées.
(C'est, évidemment... À SUIVRE !)
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(Les photos de cet article sont © zhumoristenouveau. Prière d'en tenir compte en cas d'emprunt)
APRÈS UNE NUIT réparatrice entamée samedi dès la fin du show Eddy Mitchell, on traîne un peu au "lit" le dimanche matin en lisant Moto Revue... histoire de se changer les idées, mais "la boîte à clous" reste à portée de mains. La veille, on assisté aux trois séries qui ont vu s'affronter les 104 concurrents (!) destinées à former le plateau de ceux - 80 pilotes - qui pourront participer aux deux manches (8 tours) et à la finale (20 tours) de ce Trophée du Million tant attendu.
La journée a débuté par les 125 cm3 qui attaquent une journée chaude et chargée puisque 11 épreuves sont au programme. La lumière rasante indique presque le moment du départ : 10 heures. L'inoxydable Leroy, à droite, officie au poste de commissaire sportif qu'il a occupé durant tant d'années après avoir lui-même raccroché son cuir de coureur. À ses ordres, de gauche à droite on trouve Jean-Louis Tellier (n° 46), X... (n° 48) puis François Granon (n° 43). Au fond, à droite le n° 15 est Ramon Jimenez. Le programme mentionne aussi une étrange "Glutzenbaum" 125, marque totalement inconnue des historiens les plus qualifiés, mais dont les caractéristiques peuvent être trahies par le nom de son pilote, un certain Patrick Tran-Duc (Sur Pit Lane, il vend la mèche : moteur de Yam YAS à distributeur rotatif inséré dans une partie-cycle de 50...).
(P.S. : ne pas confondre avec son frère, le Tran-Duc de la Commère dans Moto Journal se prénommait Fred).
Durant toute la journée, on ne se décourage pas dans le parc où l'on s'affaire autour des mécaniques malades comme cette twin Yamaha anonyme qui ne manque pas de "chirurgiens" à son chevet.
Ou cette autre, une 250 de l'écurie André-Luc Appietto. Dans une catégorie supérieure, celle des 500, il a aussi une Kawasaki dont on aperçoit le réservoir au second plan.
Comme le nom du type l'indique, une bicylindre Honda fonctionne bien mieux lorsque chacun de ses cylindres fonctionne (Note à benêt : merci d'éviter dans les commentaires les considérations sur les diverses marques de voitures visibles dans le champ des photos. Ce blog se doit de garder une orientation motocycliste...).
En dépit de l'avalanche de machines japonaises subsistent quelques îlots de résistance. En moyenne cylindrée on trouve des machines italiennes, dont les Ducati 250 avec Anne-Marie Lagauche, figure de proue du motocyclisme féminin français de ces années. Les monos culbutés Aermacchi (photo) qui ont connu leurs heures de gloire dans la décennie précédente jettent leurs derniers feux. La passion qui anime leurs pilotes les maintiendront encore quelques temps sur les lignes de départ, malheureusement moins sur les podiums.
Plus d'une douzaine de machines britanniques étaient inscrites, Triumph 750, Gus Khun 750 et une majorité de Norton en 750 ainsi que deux ou trois en 500 qui devaient être des Manx. Pas d'autre précision sur celle-ci. Sorry, but if somebody knows...
Là, c'est sûr, on a affaire à une Norton Manx, mais on n'en sait rien de plus : le programme des engagés s'arrête au numéro 137. Je crois que j'ai d'abord flashé sur les couleurs du pantalon du mécano plus que sur la bécane. C'est ballot, hein !
Une Citroën DS ou ID break souvent "ex-ambulance", quelques piquets soutenant une toile de tente protégeant les machines, tel était l'hospitality des coureurs privés, voire amateurs, de l'époque. En contrepartie de ce relatif dénuement on avait un contact sympathique avec les hommes et un accès facile à leurs machines, des petits privilèges perdus à jamais...
Beau duo de Honda 4 cylindres préparées pour le Million, dont celle de Michel Rougerie avec son numéro "1", à demi-cachée par le spectateur de dos. Des trois personnages en discussion à gauche, le pilote à gauche devrait être identifiable car il me semble qu'il était l'un des "bons" de l'époque (mais son nom... ?). La brune demoiselle pourrait être Danielle Baranne (?), représentante sur place du spécialiste de l'entretien des cuirs et sponsor de plusieurs coureurs, ceux sur Kawasaki particulièrement.
Sur une 250 Yamsel (moteur avec cylindres préparés et partie-cycle Colin Seeley), un pilote qui deviendra une des grandes vedettes de l'endurance : Jean-Claude Chemarin. En équipe avec Christian Léon ou Gérard Debrock, il remportera de nombreuses victoires dans des épreuves-phares, telles le Bol d'or, les 24 Heures du Mans et sera titré plusieurs fois dans le Championnat d'Europe d'endurance.
Autre préparation personnelle sur base de 250 Yamaha, la "Spéciale Schoon", (c'est écrit dessus) est une réalisation du Roubaisien Didier Schoon.
Pas facile d'identifier ce concurrent du Critérium 250/750 dont le numéro sur sa 750 Kawasaki est à demi bouffé par un reflet de soleil. En procédant par élimination, il doit s'agir de Gérard "Chouchou" Choukroun. C'était, l'un des tout bons pilotes issus de la bande de Maisons-Alfort dont plusieurs membres vont se retrouver en figurants de luxe dans "L'Agression", le film de Gérard Pirès (1975). Choukroun terminera 2ème de ce Criterium, juste derrière Gougy, aussi sur une H2, machine qui a trusté les 9 premières places !
Le dernier virage avant la ligne droite des stands fut fatal à de nombreux concurrents et donna pas mal de travail aux commissaires et secouristes postés en cet endroit stratégique.
Donné parmi l'un des favoris pour le Million, le pilote-journaliste Christian Bourgeois pouvait être satisfait de sa première place aux essais chronométrés. Ensuite, il a remporté la première des deux manches ayant réussi à maintenir en respect avec sa Yamaha 354 TR3 ses concurrents directs les plus dangereux, Léon (Kawasaki H1RA) et Fougeray (Honda 750) ou encore Roca sur une 750 Suzuki "surpuissante", écrira Moto Revue. (Au premier plan, en "profil perdu", Philippe Folie-Dupart photographe de Moto Revue)
L'imposante Suzuki 750 de Jacques Roca ne suscite que peu d'intérêt bien qu'elle soit une des favorites de ce Million. En course, dans la première manche, Roca sera harcelé jusqu'au dernier tour par René Guili (Kawasaki 750 H2), mais il conservera sa 4 ème place derrière Bourgeois, vainqueur, Fougeray et Léon. Nota : superbes pattes d'éph' à droite !
Armé d'une 4 cylindres Honda 750 type Daytona, Georges Fougeray avait de quoi prétendre à la victoire en finale, surtout après sa deuxiéme place dans la première manche.
Bref instant de détente pour Michel Rougerie attendant sa machine sur la ligne départ. Durant ces deux jours dans la Nièvre, il a pris six fois la piste dans trois cylindrées différentes, de la 125 Aermacchi à la 4 cylindres 860 Honda fournie par Honda France en passant par la 250, encore une Aermacchi.
Le choix des machines des pilotes dans la finale du Million est assez large puisque la catégorie est "Illimited". Plusieurs ont misé sur la puissance brute, donc sur une grosse cylindrée. La Honda Daytona de Fougeray était l'une d'elles, ce qui lui valait le premier rang au départ, en compagnie de Bourgeois, Léon et Rougerie. Un "tout droit" dans le fameux dernier virage avant les stands le reléguait à la 5ème place du premier tour. À la mi-course (10 tours), il est signalé à la 4ème place mais il ne figure pas au classement final où figurent pourtant 37 concurrents, dont le dernier qui est à... 19 tours (?).
Dans la 1ère manche, Georges Fougeray sur le gros multi quatre-temps (Honda Daytona n° 7) précède Christian Léon et sa trois cylindres deux-temps (Kawasaki 500 H1 RA n° 220).
Avec sa fougue habituelle, William Gougy a repris sa Kawasaki 750 H2 du Criterium et s'est lancé dans la course au "Miyon". Pointé en huitième position à la mi-course, il continue une furieuse remontée pour terminer 5éme. Il n'a été devancé que par d'authentiques compé-clients Yamaha 350 et la Kawasaki 500 du vainqueur.
Week-end en demi-teinte pour Jacques Roca (3) ici en tête devant Thierry Tchernine (6) lui aussi à la peine dans cette première manche du Million. Tchernine n'est pas cité durant la course finale alors que Roca l'est pour une raison dont il se serait bien passé : une chute l'a contraint à rentrer à pied en boîtant mais sous les applaudissements du public ! Tchernine quant à lui, avait pour consolation sa victoire du matin en 125.
"Christian Léon et sa Kawasaki H1RA étaient irrésistibles" écrivait Christian Bourgeois dans sa page de commentaires sur la course publiée dans Moto Revue. Et il savait de quoi il parlait pour avoir été son adversaire durant tout ce week-end nivernais. Battu de 19'' 2 en finale de l'épreuve des 350/500, le pilote-journaliste l'était également dans le Million. Il terminait à 3''8 de Christian Léon qui a mené impérialement jusqu'à la victoire dès le 8 ème tour après. Auparavant, il avait dû batailler contre Rougerie jusqu'à ce que celui-ci rende la main, victime d'une fuite d'essence qui le renverra à la 18 ème place finale.
Bien menée, une cylindrée moyenne comme la Yamaha 350 (354 cm3 en fait) de Christian Bourgeois avait de sérieuses prétentions de décrocher ce Million. Dès le premier tour bouclé à une allure de Grand Prix, Bourgeois a pris la roue de Rougerie en tête avant d'être lui-même attaqué puis passé par Léon. Pendant plusieurs tours Léon fera ensuite le "show" en duo avec Rougerie, jusqu'à ce que ce dernier perde du terrain, suite à sa fuite de carburant. Léon accentue alors son avance sur Bourgeois qui ne pourra pas faire mieux que deuxième bien qu'ayant réduit à 4'' son retard qui était de 8'' au 18 éme tour.
Par trois fois Christian Léon battra ensuite Bourgeois dans le championnat 500, mais il ne remportera pas le titre, n'ayant pas participé à assez d'épreuves. Il poursuivra une fructueuse carrière dans l'endurance, d'abord sur Kawasaki et toujours soutenu par le Team Guignabodet puis il passe sur Honda. Mais il avait dû abandonner son Cromwell fétiche !
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LES "MOTOMANIAQUES" d'une seule marque sont assez nombreux dans le monde de la moto, pour ne pas dire qu'ils sont une écrasante majorité. On ne compte plus les Indianistes, Béhêmvistes et tous les Dékavistes, Morinistes ou Guzzistes, Terrotistes et Benellistes pour qui n'existe qu'une seule machine au monde digne d'intérêt, celle de leur marque préférée, voire pour les extrémistes, un seul modèle de la marque en question. Du coup, ils passent à côté d'évènements qui n'entrent pas dans le champ de leur lorgnette réductrice. Il en est ainsi de la célébration d'anniversaires, tarte-à-la crème (ou marronnier) de la presse de tout genre, spécialisée ou pas.
Prenons un exemple, j'allais dire "au hasard" (mais non), celui de Triumph qui peut fêter un soixantenaire - diamond jubilee - de son histoire important à plusieurs titres. 1955, c'est l'année qui voit toutes les machines de son catalogue passer à la suspension arrière oscillante. On conviendra que ce n'est pas rien. Et tout autant de la naissance de la 650 TR Trophy destinée au marché américain en manque de cylindrées puissantes pour les "desert races" mangeuses de chevaux (vapeur).
Bien vu car Bud Ekins remportait en catégorie "Unlimited" le très convoité Catalina T.T. de 1955 avec cette Trophy allégée (Photo : Archives Bud & Dave Ekins).
À l'automne 1955, aux États-Unis sur le Lac Salé à Bonneville, le "cigare" Triumph de Johnny Allen avait atteint la vitesse de 310 km/ (193 miles per hour). Genre de record du monde et une autre bonne raison de se réjouir en fêtant ça aujourd'hui. Même si, pour d'obscures raisons techniques invoquées par la Fédération Internationale il ne fut jamais homologué. La machine de Johnny Allen n'en figurera pas moins à la place d'honneur sur le stand Triumph au Salon de Londres suivant.
AUCUN "TRIUMPHISTE" même le plus fanatique, ne peut ignorer qu'il existe d'autres produits commercialisés sous le même logo que celui de sa marque préférée. Au premier rang desquels se trouve le fabricant de lingerie... Triumph qui, lui aussi, fête un anniversaire : celui de son modèle Amourette (in french dans le texte !). C'est dire si notre réputation est bien établie dans le domaine de la gaudriole (quoique... voir P.S. ci-après). C'est donc en 1955 que fut lancée cette collection de sous-vêtements (culottes, soutiens-gorge, etc) par un fabricant allemand qui existe depuis la fin des années 1800. Afin de marquer cette année 1955 historique, Triumph présente le "body" Amourette dont la Madame ou la Mademoiselle de votre vie (désolé si c'est un Monsieur, rien de prévu), vous dira en quoi c'est une innovation, avec - ce qu'on vous souhaite - démonstration à l'appui. Enfin, ce n'est pas vraiment du nouveau, mais vous aurez déjà une idée plus claire avec une excellente illustration que voici :
Si personne ne vous voit, vous pouvez cliquer pour agrandir (... tention les yeux !)
Existe aussi en rouge pour le même prix.
(P.S. : À propos d'Amourette, le publicitaire qui a eu l'idée de ce nom ne doit pas être très au courant de la définition complète et détaillée de ce mot en français. S'il s'agit bien d'un mouvement amoureux sans trop d'importance, le mot "amourette" désigne aussi un met raffiné (à c'qu'on dit) que l'on présente sur les bonnes tables sous le nom de "rognons blancs". La réalité est plus triviale puisqu'il s'agit de... couilles, euh.. de testicules de taureau...).
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LARGEMENT AUSSI CONNUES en France que les motos du même nom sont les Triumph TR2, TR3 (Photo TR3 - et non TR2 comme écrit dans une première - ci-dessus de www.pacc.fr) et surtout Spitfire, la plus économique à l'achat. Elles ont beaucoup contribué à faire abandonner la moto à des motards en les convertissant au quatre-roues. Les nouveaux venus appréciaient chez ces cabriolets un côté sportif qui pourrait aussi se traduire par "spartiate". En effet, on y retrouvait quelques unes des... particularités de la moto : inconfort des suspensions, protection aux intempéries à géométrie variable (déplier la capote d'une "Spit" sous la pluie est une expérience de qualité rare), électricité capricieuse rappelant le célèbre Lucas "Prince des ténèbres" et bien d'autres joyeusetés. Apparue en 1953, la TR2 fabriquée à plus de 8600 exemplaires quitte le catalogue Triumph en 1955, ce qui fait que l'on fête l'anniversaire de sa... disparition.
ON CONTINUE...⇓ ⇓ ⇓ ⇓ ⇓ ⇓
Les ailettes de la 250 T.W.N. BD plus petites et séparées étaient censées améliorer le refroidissement en créant de multiples turbulences. Sur les modèles ultérieurs, le double-piston sera conservé mais sur une bielle en 'Y'. Absorbée en 1953 par le spécialiste allemand Grundig (téléviseurs et autres bidules électriques), T.W.N. disparaîtra en 1957 comme nombre de constructeurs de motos d'Outre-Rhin.
Afin de clore le chapitre Triumph, on ne doit pas oublier la branche motocycliste allemande qui débuta en proposant des machines identiques à celles de Coventry jusqu'en 1929. Devenue ensuite T.W.N. (Triumph Werke Nuremberg) la marque produira des machines à moteur deux-temps dont la plus connue en France sera la BD 250 avec son curieux cylindre "Hérisson". Bien connue car, à partir de 1939, elle équipa l'armée allemande avec plusieurs milliers d'exemplaires dont beaucoup restèrent chez nous à la fin de la guerre. Outre son ailettage particulier, son moteur double-piston (sur deux bielles côte à côte) et son distributeur rotatif, elle donnait matière à la cogitation des apprentis-sorciers du deux-temps...
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EN SEPTEMBRE DERNIER j'ai oublié de fêter l'anniversaire de Julie Andrews , motocycliste d'honneur, qui a franchi le cap des ... 1 an de plus. On trouve d'elle la photo (ci-avant) partout sur la toile, mais aucune indication sur le film d'où cette image pourrait être extraite. Du moins à l'occasion de quel film cette photo fut prise si ce n'est qu'une image dite "d'exploitation" pour la publicité. C'est ça le ouèbe, à force de "partager", de "rebloguer" on ne sait plus d'où vient l'information. On est gavé, ça arrive de partout pour retourner nulle part. C'est un progrès... On dit qu'on augmente ses connaissances et en réalité on se vide la tête en manipulant frénétiquement le "mulot" (mulot... remember ?).
Revenons à notre 500 Serie 2 d'aspect "gendarmerie" dont il est douteux qu'il s'agisse d'une "vraie" mais plutôt celle d'un cascadeur d'un film qui aurait été tourné en France. À ma connaissance les flats de nos bleus n'étaient pas équipées de ces clignotants en bouts de guidon (très exposés et très onéreux car d'origine allemande et payables en deutschmarks). Les sacoches, elles, paraissent réglementaires comme le casque de l'honorable DBE Julie Andrews distinguée par la Reine en l'an 2000 (DBE = Dame Commander of the Most Excellent Order of British Empire - l'équivalent du titre de "Sir" pour les hommes, décerné par la royauté britannique).
Ces titres honorent les services rendus à la Couronne d'Angleterre, services qui peuvent être d'ordre militaire, économique ou artistique, dernier point ici retenu. En effet, Dame Julie a contribué au renom de l'Angleterre par une carrière qui compte des succès planétaires comme Mary Poppins ou La Mélodie du Bonheur, deux "blockbusters" qui baignent dans la sucrerie des bons sentiments. Ce qui ne sera pas toujours le cas de la trajectoire de la Dame qui, sous la direction de Blake Edwards, son époux et metteur-en-scène, a impressionné la pellicule (et pas que...) par des scènes plus... épicées.
Mary Poppins a effectivement de quoi suffoquer en se voyant dans le rôle de Sally, vedette de "S.O.B." (Son of a Bitch = Fils de pute, mais réduit à ses initiales en la prude Amérique). Dans cette œuvre de Blake Edwards un producteur de films pour enfants ruiné par les échecs tente de se remettre à flots en transformant l'un de ses films en film porno... S.O.B. fut un échec commercial, mais Blake Edwards retrouva le succès avec l'irrésistible Victor-Victoria", brûlot transgenre d'un humour ravageur avec, encore une fois, Dame Julie en vedette.
P.S. : Blake Edwards a aussi signé d'autres chefs-d'œuvre, par exemple The Party ou La Panthère Rose, que personne n'a oubliés (j'espère...).
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Jamais en panne d'une idée, Gilles Destailleur a mené à bien l'opération de sensibilisation qu'il avait annoncée, autour de la Collection Chapleur. Avec beaucoup d'autres, il réclame le retour de celle-ci dans son berceau à Lunéville. Il raconte ici (texte et photos) son aventure et celle des amis qu'il a entraînés avec lui.
UN PEU FÂCHÉ de la tournure que prenait le devenir de la Collection Maurice Chapleur, je décide de faire avec ma René Gillet 1937 la liaison Lille-Lunéville par la route, le week-end du Patrimoine. Il s'agissait d'une initiative personnelle et individuelle ... Là dessus, Thomas Devigne (1000 René Gillet) et Jean-Paul Decreton (500 Super Culasse Motobécane), séduits par l'idée décident de faire la même chose de leur coté. Après réflexion nous roulerons ensemble sur des machines des années 30. Un quatrième compagnon, Yannick Boutier, devait se joindre à nous, mais une semaine avant le jour J, lui qui d’habitude prend son pied sur une Ariel a pris… son Ariel sur le pied ce qui l'a contraint à rester chez lui ! Avant notre départ, nos amis Alain Granier et Philippe Maingain m'avaient proposé de rester "en alerte" chez eux durant l’aventure "au cas où", mais finalement ils vont prendre la route de leur coté, en voiture mais loin derrière nous.
(Les légendes des photos sont de zhumoristenouveau)
"Un cavalier qui surgit hors de la nuit, court vers l'aventure au galop...", Non, ce n'est pas Zorro qui va sauter en selle de la René Gillet mais Gilles Destailleur. Tel le célèbre Vengeur masqué qui défend le faible, Gilles a décidé de combattre à sa façon le sort funeste qui menace la Collection Chapleur.
Départ samedi 19 septembre à 6 h 45. Je dois rejoindre Thomas et Jean-Paul à 28 km de chez moi. Mon éclairage qui fonctionnait encore la veille ne donne plus rien ! J'avais prévu ce genre de choses et équipé ma RG de systèmes à LED. Arrivé pile à l'heure. Il fait désormais jour avec un léger brouillard plus ou moins épais par la suite. Nous prenons la route immédiatement, à 7h30.
Mieux qu'un pare-brise pour dévier la bise, Jean-Paul a fait confiance à ses sacoches de réservoir. En fond bleu le long de la fourche, la plaque "Journée du Patrimoine 2015".
Rien de tel qu'une moto ancienne pour attirer les sympathies aux arrêts-ravitaillements.
Arrêt au Nouvion pour le premier plein et estimer notre consommation. Pour bien faire, il faudrait ravitailler tous les 130 km. Au moment de repartir le serre-câble du décompresseur de la Motobéc lâche, Jean-Paul répare dans la foulée et Thomas en profite pour bloquer l’écrou de fixation arrière de l'échappement de sa RG ...
Où l'on constate que le coffre à malices d'une RG n'est pas superflu !
À ce sujet il faut remettre les choses au point : une René Gillet ne vibre pas, elle s'exprime ! Et je le redirai souvent par la suite car les RG s'expriment vraiment beaucoup !
L'air de rien mains dans les poches, l'homme à la Gnome AX2 vient aux nouvelles...
Route, nous revoilà… la pluie aussi et de plus en plus. À 12 km de Charleville-Mézières, exactement à Lonny, la RG de Thomas s'arrête dans une droite à un endroit où il n'y a que 3 maisons. Béquillage dans la boue, en devers, sous la pluie ... On trouve quand même un peu de béton et on s’installe. Analyse de la panne : allumage très léger, arrivée d'essence ok, carbu ok ... Elle redémarre difficilement puis cale, plus d'allumage. Thomas attaque la magnéto, un charbon est un peu grippé dans son guide et vite réglé. À l'aide d'un tourillon de PQ nous vérifions s'il y a de l'eau dans la magnéto. Eh bin oui ! Y'en avait ... À ce moment, le propriétaire d’une maison proche (il nous dira qu’il a eu une AX2 dans le temps) vient dire bonjour. Nous en profitons pour lui demander un sèche-cheveux. Pas de sèche-cheveux mais il nous propose un décapeur thermique et 30 m de rallonge, distance de sa maison à la route.
Décapeur thermique à portée de main, le souple Thomas ausculte les entrailles de la magnéto.
Un 1⁄4 d'heure après la bête pétait la santé et nous repartions après avoir resserré le plateau/rupteur de la magnéto (elle s'exprime je vous dis ). Moi qui ne roule jamais avec une tenue de pluie, j 'avais investi dans un pantalon de marin, c'est mon côté Breton, super agréable, à la bonne taille y compris en longueur. Bref, merci Monsieur Cotten, mais je l'ai fondu dans les 10 minutes sur le cylindre arrière de ma RG...
Lors d'un arrêt-essence après Sedan, nous somme rattrapés par « l'équipe technique ». Nos RG ont laissé quelque gouttes d'huile sur le sol, mais des belles gouttes ... des gouttes de plaisir évidemment car une RG ne pisse pas l'huile ! La Super Culasse a une petite fuite sur les protège-tiges de culbuteurs, d'où un peu d'huile derrière le cylindre (équivalent des gouttes sous nos RG).
À une douzaine de km de Lunéville, de l'essence fuit du coffre arrière de la RG de Thomas (coffre au-dessus des ressorts de la suspension arrière sur les cadres élastiques - dessin ci-dessus). Dans ce coffre, le bidon d'essence de dépannage vient de se crever et ça goutte un peu ! Arrêt donc. Un quart du bidon est perdu mais le reste va dans le réservoir (en cas de problème j'ai, dans une sacoche, un bidon de 5 l. donc pas de souci !). Au moment de repartir, la boîte de vitesses de la RG ne répond plus.
Le bidon fuyant fautif git sur le trottoir. Une relique qu'un autochtone a peut-être récupérée en souvenir du passage dans sa ville de nos trois intrépides...
Pas grave ! Thomas a déjà eu ça, c'est le pignon en bout de vilebrequin qui s'est desserré. Nous repartons sous les encouragements d'une foule en délire... Enfin, trois personnes quand même... La RG de Thomas s'est beaucoup exprimée, la Super Culasse a super roulé, moi je me traîne de plus en plus. La puissance m'abandonne un peu. Normal, la vis de dégommage sur la culasse arrière de ma RG est dévissée ! Pour le coup, c'est pas celle de Thomas.
La première moitié de l'expédition est accomplie et une nuit réparatrice (à peine) est bienvenue.
Il est 19 h 00 quand nous arrivons à Lunéville. Mon compteur de vélo qui est très précis indique que nous avons fait 449 km et avons été en selle pendant 8 h 40. Nous avons raté le rendez vous avec France 3 et l'Est Républicain. On se verra demain. Nous dînons au restaurant CAPRI qui sera notre cantine de luxe durant notre séjour (à recommander). C'est l'heure d'aller au lit. Plus de son, plus de lumière...
... Z z Z z Z z Z z Z z Z... GROINKCH !... Z z Z z Z z Z z Z...
Dimanche matin, rendez-vous devant l'ancien Musée Chapleur, face au château de Lunéville. Notre QG sera le café STANISLAS où nous sommes accueillis chaleureusement par Madame Liégeois, plus connue sous le nom de Marie-Jeanne, qui nous offre son aide et un café. Encore un grand merci à elle !
Jean-Paul est déjà installé au "Stanislas" tenu par Marie-Jeanne et son thé spécial qui, en plus du café, a recueilli les suffrages unanimes des amateurs.
Deux des trois mousquetaires immortalisés devant l'ancien Musée Chapleur.
Devant l’ancien Musée Chapleur, je fais une annonce afin d'expliquer notre action et faire circuler un carnet qui recueillera les réflexions et avis de chacun des visiteurs. Ce carnet circulera toute la journée.
En plus gros plan, Thomas et Jean-Paul encadrant le manifeste en défense de la Collection...
... dont voici le détail lisible (on clique...).
Arrivent les clubs de la région dont Les Vieilles Gloires, puis une délégation de la famille Chapleur, Jean-Baptiste le petit-fils en tête. C'est lui qui a mis le feu aux poudres, car rappelons que sans son intervention la Collection Chapleur serait aujourd'hui la propriété d'un collectionneur ! Suivent bientôt FR3 Lorraine, LVM et l'Est Républicain. Désormais, nous avons atteint notre objectif, bien qu'à l'échelon national rien ne soit réglé...
FR 3 Lorraine en pleine action filmant Pascal Beaurain, président du club lorrain des Vieilles Gloires. Quelques minutes sur la manifestation passeront dans le Journal aux infos du soir.
Jamais avare d'explications, Jean-Baptiste Chapleur ne se ménage pas afin de convaincre les visiteurs du bien-fondé de son action. À voir et lire les réactions des visiteurs, il a prêché la bonne parole
Une Ariel est venue en voisine respirer l'odeur de vieille huile de motos des années 30.
Avec en fond de décor le majestueux château, le rassemblement des machines anciennes (une belle Nimbus 4 cylindres au second plan) attire les habitants auxquels Jean-Baptiste Chapleur fournit toutes les explications désirées (veste rouge). Certaines des Motobécane ou Motoconfort visibles ici ont peut-être été vendues en leur temps par Maurice Chapleur lui-même...
Photo en contre-champ de celle qui précède. Le trottoir devant l'ancien Musée est bien occupé.
Venu en voisin, un "ancien" qui roule sur une BSA culbutée.
Devant ces deux twins BSA, de quoi peuvent-ils bien parler ?
Dans la conversation avec Daniel Chapleur, des noms d'amis communs fusent : Roland Couty, Jean-Marie Debonneville, Jean Lalan ... jusqu’à la fin de la journée. Dîner vite expédié et au lit car demain la route nous attend !
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Le départ se fait au matin du lundi avec les encouragements chaleureux de l'omniprésente Marie-Jeanne qui a quitté un instant le bar de son "Stanislas".
Lundi matin, les bagages sont chargés. Après un rapide petit déjeuner au STANISLAS nous prenons la route sous un épais brouillard ... Le petit élastique en chambre à air qui maintenait mon robinet d'essence ouvert vient de lâcher, je le remplace sous les ricanements de mes sympathiques copains.
Dernières vérification des bagages précédant les coups de kicks décisifs.
Pour éviter le centre de Nancy nous contournons la ville en faisant une vingtaine de km par l'autoroute (là, je dois dire que nous avons eu chaud ). Les deux furieux partent devant. Je leur avais bien dit en insistant : Vous sortez surtout à la sortie 22 , Pompey. Surtout, hein ! Sauf que moi je l'ai loupée et je suis sorti à la 23... Nous nous sommes retrouvés à Pompey où j'ai eu droit à un costard et une batterie de casseroles, devinez par qui…
Le soleil s'est fait plutôt rare et capricieux durant ce week-end, aussi faut-il en profiter dès qu'il se montre. Ne pas laisser passer les bons moments, c'est aussi ça l'avantage de la moto !
Ils sont encore souples et décontractés lors d'une pause sandwich-saucisson, mais dans quelques instants un bruit sinistre va les faire déchanter... Fatalitas !
Juste après Sedan, nous nous arrêtons pour faire le plein et manger un morceau. Je m'aperçois que ma chaîne secondaire est bien trop tendue. On la détend et réglons la boîte (ndlr : la tension de chaîne des RG se fait en déplaçant la boîte sur ses supports). Thomas a eu pitié de mon dos et c’est lui qui s'y colle. Je lui demande de bien serrer cette boîte et il m'explique que Roland (un expert René Gillet) avait fendu la sienne trop serrée, donc le serrage doit être judicieux. Je n'ai rien dit mais je l'aurais serrée plus fort, môaaa !
Alors que nous attaquions le sauciflard, on entend un gros TAC ! Contraintes thermiques : la boîte vient de se fendre ! Je devrais pouvoir rentrer quand même car j'ai mis assez d'huile et de graisse dedans. Et puis, c'est une René Gillet quoi ! Nous repartons, avec cette Super Culasse qui nous nargue, juste un peu d'huile sur le moteur...
? ! ? ! ? L'affreux spectacle...
Un peu avant Le Nouvion, je perds encore de la puissance, puis... PAN ! Suivi d’un gros PEUUFFF. Je n’ai plus que le cylindre avant, je pense que pour moi c'est la fin ! Ce n'est pas trop grave, j'ai perdu le petit entonnoir avec la vis-pointeau pour le dégommage du cylindre arrière. Je pars le retrouver sur la route ... Je fais 300 m à pied... et rien ! C'est fini pour moi, sauf que quand je reviens, la voiture et la remorque sont là. Les copains Alain et Thomas m'attendent avec un grand sourire. « C'est réparé », me dit Thomas ! Alain en expert RG (encore un) avait lancé « Ah ! Si on avait un boulon de 10 avec une rondelle étroite ça ferait l'affaire ». Thomas avait ça dans ses boîtes à outils. Au 2éme coup de kick, la RG démarre et c'est parti...
Plus simple comme réparation, ça n'existe pas !
À Douai, la nuit commence à tomber tout comme la pluie, nous arrivons chez Thomas et nous nous séparons. J'arrive chez moi vers 20 h, mon compteur m'indique 8 h 47 sur la motocyclette comme pour le samedi ... incroyable ! Voilà, objectif atteint, l'aventure est finie mais pas la mobilisation... le plus difficile reste à faire !
Je ne vais pas citer tout le monde, mais merci à tous, y compris mon ostéopathe !
Signé : Le Motocycliste masqué
PS : Je n'ai pas parlé de la pipe du carbu qui s'est desserrée, ni du câble de décompresseur cassé aux deux extrémités (Thomas va finir par m'en vouloir !) ... ni de mon pneu arrière couvert d'huile…
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Au vu du nombre et du pedigree des candidats avides d'empocher la fameuse "brique" mise en jeu par Moto Revue, on se doutait que les empoignades allaient être sévères. Donc, en piste 80 pilotes, sélectionnés sur les 104 ayant participé aux essais chronométrés et qui devaient disputer deux manches et une finale. Dans les premières lignes se trouve le gratin de la vitesse française avec les Rougerie (Honda 750), Bourgeois, Chevallier, Jimenez, Boinet, Debrock (tous sur Yamaha 350), Roca (Suzuki 750), Tchernine (Honda 860), Léon et Baldé (Kawasaki 500) en plus des Kaci, Pogolotti, Passet et bien d'autres encore. Mais en plus de cette épreuve-phare, il y avait 21 courses au programme...
Tout le monde est en place, la séance peut commencer. Sous un soleil radieux qui fera le bonheur des photographes (dont Philippe Folie-Dupart - Moto Revue - s'agenouillant devant les dieux de la vitesse), mais aussi pour les commissaires de piste, les secouristes sous leur tente (au fond, derrière la glissière entre les deux hommes de droite) et même pour le gendarme de service tout à gauche.
En hors d'œuvre, la Coupe Kawasaki-Moto Revue. Cette épreuve promotionnelle, sur une initiative de Xavier Maugendre (importateur Kawasaki), fournira quelques vedettes d'avenir dont un Patrick Pons (n° 34), ici en première ligne avec Jean-Pierre "Zinzin" Frisquet (n° 18, journaliste à Moto Journal) et Hubert Crassard (n° 8). Manque William Gougy, tout à l'extrême-gauche, meilleur temps aux essais donc en pole position.
Beau départ en voltige de "Zinzin" alors que Crassard, déjà en selle est en pleine accélération. C'est lui qui remportera l'épreuve devant Pons et Frisquet.
1972 est la deuxième année de cette Coupe courue sur des 3 cylindres 350 Kawasaki S3 remplaçant les twins 350 Avenger de l'année 1971 inaugurale. Malgré sa victoire à Magny-cours, Crassard ne finira que 7 ème au palmarès 1972 dominé par Patrick Pons.
Quant à Gougy, bien placé pendant plusieurs tours, juste derrière Crassard futur vainqueur, il accroche l'attardé Tohic dans le dernier virage du dernier tour, en vue de l'arrivée... L'impétueux Gougy va en perdre son casque et l'une de ses bottes...
... mais il se relève sans mal et tente de remettre la Kawasaki en route... peine perdue ! Il revient alors sur la piste et fonce à pied en poussant sa moto jusqu'à la ligne d'arrivée qu'il franchit à la 23 ème et dernière place ! Il peut néanmoins s'honorer du record du tour avec 122, 123 km/h, à peine moins que celui qu'il a battu précédemment dans le Criterium 250-750, signant 122,358 km/h, avec encore une Kawasaki, mais cette fois sur la 750 H2 !
(Je dois reconnaissance éternelle à William Gougy pour la délicate attention qu'il a eue en se viandant à quelques mètres devant moi, me permettant ainsi ces photos qui sont pour moi parmi les "meilleures" de ma carrière).
Le même virage avant l'arrivée sera fatal à plusieurs pilotes qui éviteront le pire grâce à un simple grillage supporté par des gros tuyaux en PVC. On pouvait penser que ces tuyaux plieraient sous un choc éventuel. Seul détail qui fait tâche, ces tuyaux contenaient des poteaux en bois d'arbre dur bien plus résistants que le PVC !
La majorité des pilotes de 125 sont sur des Yamaha comme Dhouailly (n° 19, ici lors du pesage) qui terminera à la 4ème place...
... ou encore ce "210" sur une machine personnalisée par un frein avant à disque. la fumée qu'elle dégage trahit bien la deux-temps japonaise, comme il est "écrit dessus". Mais il existe une concurrence non négligeable qui a choisi d'autres marques. À commencer par Michel Rougerie que Robert Leconte, l'importateur d'Aermacchi, couve avec persévérance...
... jusque sur la ligne de départ où Guido Bettiol de Moto Journal (au centre), tente de lui soutirer des informations exclusives sur son poulain et surtout sa machine. Crédité du meilleur temps, Michel Rougerie était logiquement donné comme favori.
L'opposition comptait une dizaine de Maïco germaines plutôt performantes puisqu'on voit ici celle de François Granon sur la première ligne avec le 4ème temps (5ème à l'arrivée).
Une Maïco personnalisée par Jean-Pierre Souchet, d'où le "JPS" peint sur le carénage.
Une autre Maïco dont l'absence de carénage, donc de numéro, n'a pas permis d'identifier son pilote. Pardon de l'excuse, Chef, mais la mémoire, 43 ans plus tard...
Le duel attendu en 125 entre la Yamaha de Tchernine et l'Aermacchi de Rougerie n'aura finalement pas lieu. Dès le départ, Tchernine a filé en tête, suivi de près par Patrick Fernandez (n°21) et Ramon Jimenez (n°15). Rougerie est pointé à la quatrième place, mais il remonte à la 3ème malgré une machine qui n'est pas au mieux de sa forme. Cependant, c'est à cette position qu'il termine sa course, pendant que Tchernine saura se débarrasser d'un Fernandez dangereux jusqu'au bout et détenteur du record du tour à 119,768 km/h. Vers la mi-course, déjà distancé, Jimenez a abandonné sur problèmes mécaniques.
Le "Miyon" est un évènement d'importance régionale et la radio nationale (France-Inter) s'est déplacée pour une interview de Bruno Nardini, le rédacteur-en-chef de Moto Revue. La jeune frimousse qui s'est insérée (accidentellement ?) dans le cadrage est inconnue de nos services. Désolé, on le regrette autant que vous !
(Prochain article : la course au Million)
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