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J'ÉTAIS EN TRAIN DE NETTOYER MON ORDINATEUR lorsque le coup est parti dans un bruit de missile : AnnnZaaaNniiiii ! Et soudain est apparue cette photo. Encore une bidouille personnelle, me suis-je dis, in-petto. Mais à y regarder de près, point de bidouille mais une construction bien normale. Si tant est qu'un ventilateur sur un moteur refroidi par ailettes puisse être dit "normal". Sur le réservoir, une inscription très pâle qui pourrait être une marque : "L ? ECLER" souligné d'un ANZANI plus lisible, le tout en lettres majuscules. Le doute n'existe plus avec le carter de la magnéto fixée derrière le cylindre, sur lequel on distingue clairement le nom d'Anzani.
Aucune indication n'accompagne ce document dont j'ai oublié l'origine. Sans doute provient-il d'une correspondance assez vieille. Si quelqu'un se reconnaît...
Un vérification-comparaison s'imposait donc avec les photos de ce moteur au montage déjà particulier tout comme sa construction. L'écartement des soupapes latérales éloigne celle d'admission de la chaleur de l'échappement au prix d'une complication de leur commande puisque chacune d'elles a sa propre came (?). Les ailettes du cylindre, transversales, indiquent une destination plutôt cyclecariste. De même pour ce ventilateur qui se justifie par les contraintes d'un véhicule utilitaire du genre triporteur "à la française", donc avec la caisse en écran devant le moteur.
Selon l'inscription manuscrite au dos de la photo ci-dessus, il s'agit du moteur "1M1 sans ventilateur". Dans une publicité de Motocyclisme (1921) qui détaille la production Anzani, ce moteur existait en puissance de 2-3 hp (1M1), ou 3-4 hp (1M2) ou encore 3-5 à 5 hp (1M3), ce qui suppose des cylindrées de 250 à 500 cm3.
Le 350 fut présenté à la Foire de Paris 1919, équipant un "Side-car amovible pour cycles" présenté sous le nom de Motoporteur ou encore A.R.M. Le moteur, disposé derrière la caisse d'un sidecar à deux roues poussait une bicyclette à l'aide d'un timon fixé sous la selle. Seule la roue gauche du "sidecar" était entrainée (par courroie) afin que la poussée s'effectue dans l'axe de la bicyclette. Ce qui se passait lors d'un virage reste du domaine des suppositions... On ne connaît pas d'autre utilisation de ce moteur, jusqu'à cette moto L?CELER, sans doute unique de sa race.
DERNIÈRE HEURE !
Suite au commentaire du Frenchowl ci-dessous voici le moteur auquel il fait allusion. Il est exact que si on le redresse il a bien l'allure de celui de L'CELER avec une autre culasse et avec les mêmes commandes pour des soupapes semi-culbutées.
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IL ÉTAIT L'UN DES DERNIERS, peut-être LE dernier, de la vague des journalistes apparus dans la presse motocycliste au lendemain de la dernière guerre. Décédé en décembre dernier, Paul Niedermann (ci-dessus à gauche) aurait pu rejoindre l'équipe de Moto Revue, mais c'est à Motocycles, la concurrence, qu'il est allé. Il est vrai qu'au moment où il s'y est présenté, vers 1950, la rédaction de MR était au complet. Il est possible aussi que Camille Lacôme, son directeur, ait jugé que le contingent de "nomades" européens dans sa revue avait atteint sa limite. Il y avait déjà le maître de la règle à calcul Jacques Birger, juif lituanien qui avait fui son pays envahi par les nazis. Bruno Nardini, engagé pour Scooter & Cyclomoto et qui deviendra rédac'chef de Moto Revue. C'était un rescapé de Lipari, une île des Éoliennes où l'Italie fasciste de Mussolini déportait ses récalcitrants politiques. Enfin, toujours à Moto Revue, au rayon dessinateur, caricaturiste et retoucheur-photos on trouvait Antonio Arguello (con un tilde sobre la 'u'), exilé espagnol de 1939 lorsque Franco, le dictateur ami d'Hitler, s'était emparé du pouvoir.
CHASSÉ PARCE QUE JUIF de Karlsruhe sa ville natale, Paul Niedermann a connu de multiples aventures en se cachant de la Gestapo puis de ses sbires lorsqu'il arriva en France en 1940. Il a souffert la faim et le froid dans les divers camps de "regroupement" du gouvernement des collabos de Vichy (Gurs, Rivesaltes) avant de trouver refuge dans l'Ain, à Izieu où l'OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) recueillait les enfants juifs, orphelins pour la plupart. Sa taille au-dessus de la moyenne risquant d'attirer des attentions malveillantes, il fut décidé de le faire passer en Suisse. C'est ce qui lui évita de subir le sort tragique des 44 autres enfants raflés en 1944 sur l'ordre de Klaus Barbie et envoyés directement vers les chambres à gaz d'Auschwitz-Birkenau.
C'est en mémoire de toutes les victimes de la Shoah que Paul Niedermann consacrera de nombreuses années de son existence à témoigner. Il ne se voulait pas historien mais simple témoin. C'est d'ailleurs en tant que tel qu'il sera au procès de Barbie à Lyon en 1987. De collèges en lycées, il racontait ce qu'il avait vécu. Sur internet, on trouve des extraits de ses interventions, utilisant des termes simples et précis tant il était soucieux d'être compris. (Ci-dessus, photo M.-E. Rossola)
Pas rancunier..., il avait un faible pour les B.M.W. Au début des années 50, il fut donc assez content de débarquer un matin à Moto Revue pour présenter à J.B. (Jacques Birger) sa nouvelle acquisition : une R 51/3 raide neuve rapportée d'Allemagne. Pour éviter les droits de douane importants à l'époque, il avait choisi un poste-frontière perdu dans la nature et auparavant il avait roulé dans la gadoue afin de salir sa machine qu'il présenta aux gabelous comme étant une occasion. Tête de Birger qui, lui, pour la même R 51/3 avait payé le prix fort chez l'importateur Latscha et au terme de plusieurs mois d'attente car les motos étaient contingentées comme beaucoup d'autres biens d'importation. Dans la petite communauté d'Allemands francophones et francophiles vivant en France, Paul s'était lié avec Christian Christophe (CH2) qui travaillait chez Motobécane et "pigeait" un peu à Moto Revue.
Ci-contre, Christian Christophe caricaturé dans Moto Revue par Antonio Arguello
Plutôt branché trial, Christophe était quand même intéressé par les épreuves d'endurance. Il avait d'ailleurs couru au Bol en 1938 sur une 100 DKW, puis en 1953 sur une 250 Tornax, une machine allemande à moteur JLO mono deux-temps. Il ne rechigna pas à remettre le couvert (il avait tout de même 51 ans) et participera à deux autres Bol d'or en compagnie de Paul Niedermann.
En 1954, ils se relaient au guidon (ci-dessus, Paul) d'une 250 Adler attelée à un side lesté (60 kg) qu'ils mènent à la 20e place du général à 71,225 km/h. Niedermann n'avait jamais conduit un sidecar auparavant ! C'est seulement le dimanche d'avant le Bol qu'il avait fait des ronds en forêt de Meudon et vers St-Germain-en Laye avec l'attelage BMW-Précision de Birger (Solidarité sidecariste). Durant le Bol, pas d'autre problème qu'une fuite d'huile au carter de boîte et une rotule cassée sur le châssis du Steib. Soudure réparatrice exécutée en 15 minutes sur un stand ami (solidarité sidecariste, encore !) Nouvel attelage, toujours lesté en 1955, cette fois avec une 600 BMW R 69 qui sera contrainte à l'abandon au bout de 14 heures. Roulement d'embiellage mort. Les pilotes avaient oublié qu'un moteur fonctionne à l'essence et avec - aussi - un minimum d'huile...
1956 marque la fin du duo francophile, mais Paul est 'vacciné Bol d'or'. Il passe à la concurrence allemande chez Zündapp. Toujours en 250, il fera équipe avec l'Allemand Hoffman, lui aussi un "ancien" du Bol de 1938. On le voit ci-dessus à gauche, tandis que Niedermann essaie un plat-ventre sur leur machine. À 97,850 km de moyenne, il terminent à la 6è place du classement général et 'seulement' deuxièmes de leur catégorie.
Hoffman félicité par l'importateur Zündapp (M. François?) à l'issue du Bol Tandis que Paul Niedermann, tout à droite, pense sans doute au Bol de l'année suivante.
'Seulement', car ce Bol 1956 a confirmé l'offensive des deux-temps de l'Est. La menace s'était précisée au Bol précédent gagné par une 350 Jawa d'usine profitant des ennuis à répétition de la Norton Manx de Lefèvre. En 1956, c'est encore une 350 Jawa 'usine' qui termine juste derrière la Norton de Lefèvre-Briand (à la 15è heure elle était même en tête !), tandis qu'en 250 la victoire revient à une Pannonia d'usine. Cette hongroise "Sport" est une mono deux-temps, double échappement, qui signe un étonnant 101,062 km/h.
L'occasion de montrer une Pannonia 1956 ne se représentera sans doute pas avant longtemps, alors j'en profite avec cette mauvaise photo (mais probablement unique !)
Pilote toujours partant, Niedermann s'engage dans le Bol 1957 avec pour partenaire Robert Court, journaliste lui aussi à Motocycles & Scooters. La rédaction de cette revue, contrairement à celle de Moto Revue, comptait plusieurs journalistes-pilotes. En plus des deux personnages précités, il y avait Nebout alias Tano (pour la vitesse) et Mouchet (moto cross).
Au vu de son bon résultat précédent, pour 1957 Niedermann a obtenu le prêt d'une 250 Zündapp, la nouvelle version de la 'S' avec fourche avant type Earles. Simplement dépourvue de son carter de chaîne et dotée d'un garde-boue avant allégé, elle est classée "Sport", la catégorie qui interdit certaines modifications aptes à augmenter les performances. Essayée précédemment par Moto Revue, elle a atteint 131 km/h en position couchée. De quoi voir venir, donc. C'était sans compter avec une rivale allemande de choix, mais en 4 temps : la NSU Max arbre à cames, classée "Sport" elle aussi. Redoutable pas seulement dans sa catégorie puisqu'à la fin de la 21e heure elle était troisième du classement général... lorsque son moteur se bloqua ! D'où la victoire à l'équipage Niedermann-Court avec une moyenne de 98 km/h et une place de huitièmes au général.
Photo de la série faite pour la couverture de Motocycles & Scooters au début de cet article. Paul et R. Court (à droite) présentent des vêtements fournis par les fabricants. La plupart du temps, ils étaient ensuite laissés au "modèle". Sauf ceux d'une certaine valeur. Ainsi, j'ai fait "playboy" à Moto Revue pour un beau blouson en cuir parti ailleurs, sur le dos d'un autre
À la fin des années 50, la moto va mal comme on sait et le Bol d'or s'étiole lentement avant de mourir en 1960. Toujours à Motocycles, Paul Niedermann suit la ligne éditoriale de la revue qui se tourne de plus en plus vers la voiturette, NSU Prinz, Zündapp Janus, Maïcomobil et autres Goggomobil. Il essaie la Vespa 400, voyage jusqu'en Bulgarie dans une Isetta. Puis sa signature se fait plus rare. Elle disparaît à l'automne 1958. Les éléments biographiques sur lui sont alors inexistants. La vie a dispersé son entourage. On parle d'une carrière dans le journalisme dont on peine a trouver trace.
C'est grâce à la moto que je vais le revoir. C'est De Moor - Moto Village, spécialisé dans le flat-twin germain - qui un jour m'a parlé de lui : "un ancien journaliste moto qui s'intéresse aux BMW", quelque chose comme ça. J'ai fait le rapprochement. Je voulais lui montrer quelques photos de sidecaristes trouvées en brocante pour qu'il les identifie. Je pensais qu'il s'agissait de Sabine et Miron Slatyn, le couple qui avait hébergé les enfants juifs d'Izieu. Paul et moi nous sommes rencontrés à l'occasion de l'une des toutes premières expositions d'anciennes à Vincennes (peut-être avant que les rênes passent chez LVA). Devant mes photos, il fut catégorique, ça n'était pas les gens qu'il avait connus.
Nous en sommes restés là, après une courte évocation de nos souvenirs autour de Jacques Birger, de Christian Christophe, François l'importateur Zündapp, etc. Je crois me souvenir que Paul avait alors un magasin d'appareils photos, mais j'ai oublié de l'interroger sur son parcours après Motocycles. La dernière mention que je connaisse de lui a été sa signature de la traduction en français du "Grand livre B.M.W." de Stefan Knittel. Encore et toujours B.M.W. !
Un "selfie" historique pour ces deux lycéennes !
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