• Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    Temps radieux sur Montlhéry pour ce 22ème Bol d'or, le 4ème de l'après-guerre. Ceux qui ont fréquenté les lieux régulièrement reconnaîtront que cette information était assez exceptionnelle pour figurer en ouverture d'un article. Le soleil a donc chauffé le béton de l'anneau en ces journées de courses, comme précédemment autour de l'organisation dans les coulisses de l'épreuve. En effet, un éditorial du directeur de la revue Motocycles révélera que certaines vedettes de la vitesse se sont fait porter pâle le jour de la course après avoir annoncé leur participation. Les principaux visés - mais non cités - sont les Monneret Père et Fils (Jean et Pierre) et quelques autres "pointures" de moindreBol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil
    réputation. Le seul pilote "International" très connu que l'on aura l'occasion de voir en piste est Georges Houel... dont personne n'avait annoncé l'engagement ! Avec ce geste anti-sportif des absents, le Bol d'or encaisse là un autre de ces coups qui le mèneront à la tombe, car le public échaudé par ces défections de dernière heure renoncera peu à peu à se rendre à Montlhéry, un circuit déjà trop éloigné de la capitale et peu accessible à des amateurs non motorisés.

    Les concurrents, une cinquantaine dont plus de trente en 125, 175 et même 75 et 50 cm3 (une innovation qui n'aura pas de suite...), abonnés à l'épreuve d'Eugène Mauve, sont néanmoins bien présents. De même que l'abonné à la victoire absolue Gustave Lefèvre qui à plus de 101 de moyenne horaire remporte ici sa troisième victoire (Il n'avait pas couru le Bol de 1948) pour le plus grand plaisir de son "manager" et beau-père Clément Garreau (ci-dessus caricaturé sur le vif dans Motocycles).

    (Cliquer sur les photos pour les agrandir)   

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    Dès la première heure, "Tatave" alignait ses 17 tours, impérial sur sa 500 Norton Manx alors que le concurrent le plus proche est déjà distancé de 2 tours. La Norton ne connaîtra aucun ennui, mais la mésaventure de 1949 a servi de leçon chez l'importateur Norton, Clément Garreau. La bouteille d'acétylène qui "orne" l'angle du stand est là pour rappeler que nul, même pas "L'inapprochable" Norton, n'est à l'abri d'une rupture de cadre, ce qui s'était produit lors du précédent Bol.

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche

    Autre personnage qui aurait pu entraver le succès de Lefèvre c'est Georges Houel avec sa 350 Velocette ACT de circuit, préparée pour l'endurance (batterie et dynamo d'éclairage). Mais au bout des quatre premiers tours les ennuis commencent. C'est l'arrêt au stand où l'on s'affaire (à quatre et même cinq si l'on compte Madame)...

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    ... sans que l'on puisse savoir exactement ce qui cloche. Pas plus Motocycles que Moto Revue n'en souffleront mot. Pis encore, dans leurs reportages respectifs, ils ne signalent même pas la participation de Georges Houel dans ce Bol d'or ! La présente photo semble être le seul témoignage de sa courte participation en plus de son nom dans le tableau de marche des concurrents publié dans Moto Revue. La tache sous la moto (huile ? essence ?) et l'impressionnante batterie d'outils - dont un marteau - à côté laissent cependant supposer une grosse chirurgie. Qui sera vaine car la N° 20 ne fera que deux tours de plus dans les trois heures suivantes, puis onze dans la 5ème heure. La messe est bientôt dite et l'on aura perdu à jamais l'occasion de voir un duel au plus haut sommet entre les deux gros bras de la course moto qu'étaient Georges Houel et Gustave Lefèvre.

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    L'opposition, quoique d'apparence modeste, viendra d'une autre machine anglaise, simple culbutée de 350 cm3 seulement. Annoncée pour 21 ch en version tourisme, cette Douglas  peut en fournir jusqu'à 28 en version "Sport" avec les bonnes pièces que fournit l'usine. 

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    Esthétiquement la différence est surtout marquée par les échappements relevés de ce flat-twin et les deux boîtes à outils de chaque côté du garde-boue arrière au lieu d'être sous la selle. À son guidon, l'amateur tourangeau Juigné, par ailleurs distingué crossman sur N.S.U. 250, accumulera régulièrement ses 13 à 14 tours dans l'heure, s'acheminant vers une tranquille deuxième place au général à plus de 85 de moyenne. Au Bol précédent, il avait terminé 2ème des 250 avec une N.S.U. préparée par ses soins.

    JAWA PAS VITE... MAIS JAWA LOIN ! *

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    L'origine de ce calembour * n'est pas attestée par le Larousse ou le Littré, mais il avait cours dans le monde motocycliste des années 50, bien que ce Bol le contredise : une Jawa ça va vite ! Par exemple cette 350 qui, à 84 km/h de moyenne, remportait la 3ème place au classement général grâce à Hervé, agent de la marque. Elle se démarquait radicalement de la Douglas par son vertical-twin deux-temps. Considéré comme utilitaire, le deux-temps n'avait pas trop bonne presse en ces années, surtout dans des cylindrées dépassant les 125-175 cm3. Consommation exagérée, fiabilité douteuse, serrage toujours possible (la qualité des huiles laissant à désirer), grand dévoreur de bougies, bruit d'échappement peu flatteur, malpropreté étaient les maux dont on l'accusait. Pas toujours à tort, d'ailleurs... 

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    On ignorait alors les efforts de la recherche dans l'industrie allemande - et aussi Est-allemande - voire tchèque dans le cas présent, sans oublier l'autrichienne comme on le verra dans des Bol à venir. Une marque italienne aussi prestigieuse que la M.V. avait beau courir en championnat du monde 125 avec une deux-temps, elle était régulièrement barrée par des ACT de chez Mondial ou Morini. Le triomphe du cylindre à trous n'était donc pas pour demain. Et pourtant...

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    ... après Hervé et sa Jawa, la 4ème position de ce Bol d'or était occupée par une autre deux-temps, la DKW de Godard, elle aussi une 350 cm3. Prise de guerre à l'armée allemande, donc pas de toute première jeunesse, cette machine avait une fourche avant en tôle emboutie à parallélogramme (ce n'était pas exceptionnel en 1950), mais aussi un cadre rigide, ce qui l'était moins dans cette cylindrée. Rien de tout celà n'empêchera l'intrépide et endurant Godard de boucler ses 24 heures d'horloge à 81,5 km/h de moyenne, améliorant de plus de 250 km sa performance de 1949 où il avait terminé 7ème de sa catégorie !

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    Pas très loin de Lefèvre dans les premières heures on trouvait Louis Jeannin, glorieux pilote de Jonghi des années 30. Il a ressorti son Bayard avec ses lunettes bordées de fourrure, ses bottes et son pantalon en cuir. Peut-être aussi le pull qu'il portait lors des records qu'il avait établis sur ce même béton de Montlhéry. C'était au milieu des années 30, une première fois avec la Jonghi 350 latérales (!) puis sur la Jonghi 250 double-arbre, deux constructions signées du génial Giuseppe Remondini.

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    Très bien parti dans ce Bol 1950 au guidon d'une 350 Jawa bicylindre (il en est l'agent dans le XVème à Paris) proche de la série, avec ses silencieux. Seule modification visible, une petite écope canalise l'air de refroidissement dans le tambour de frein arrière. Il abat régulièrement ses 14/15 tours à l'heure et se trouve dans les quatre premiers à la 15ème heure, puis il rétrograde. Retour au stand pendant plusieurs heures sans que l'on connaisse le détail de cet arrêt mécanique. Il repartira dans les derniers tours jusqu'à l'arrivée et se classera 7ème de sa cylindrée. 

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    Pas moins de 6 machines tchèques étaient engagées au Bol par paires en 350, 250 et 125. Ces dernières l'étaient sous la marque-sœur C.Z. mais leur aspect ne laissait pas de doutes sur leur origine. Aspect modeste mais qui cachait une redoutable efficacité en termes de fiabilité. Les Britanniques en firent l'expérience lors des Six Jours Internationaux qui furent longtemps "leur" épreuve. Dès 1952 la Tchécoslovaquie remportait le Trophée et le Vase alors que la Grande-Bretagne disparaissait des palmarès. Dans les décennies suivantes, elle laissait entre eux les Tchèques (Trophée 15 fois - Vase 17), puis les Allemands de l'Est  (Trophée 7 - Vase 6), suivis d'une petite pincée d'Allemands, d'Autrichiens et d'Italiens.

    ZWEITAKT ÜBER ALLES ? PAS TOUT À FAIT MAIS ÇA VIENT ! 

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    Dans la semaine du Bol, le vainqueur Gustave Lefèvre figurait sur la couverture de Moto Revue, mais dans le numéro suivant, c'est un deux-temps qui lui chipe la vedette. La photo floue (ci-dessus) est quasiment repeinte à la gouache car, il y a plus d'un demi-siècle,  réussir une image d'un engin en vitesse était une performance qui tenait autant à la technique qu'à la chance. Néanmoins on reconnaît la 125 Puch que Robert Moury conduira à la victoire de la catégorie : 72 km/h de moyenne et 11 ème place au général. Autant que la performance, déjà remarquable pour une 125, c'est l'attitude en course du pilote qui étonna les rares spectateurs : la main droite soutenant le menton pendant que la gauche tourne la poignée des gaz ! Une façon comme une autre de se détendre dans la partie du circuit qui empruntait l'anneau puis la ligne droite qui suit. Mais jamais personne d'autre que lui n'adopta ce style... Robert Moury était aussi un crossman émérite sur... Puch. En avril de la même année 1950, il avait remporté pour la deuxième fois le titre de champion de France des 250.  

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    Autre particularité de l'équipage Puch/Moury : des mégaphones aplatis dont le son déchirait les oreilles, un réservoir en rapport avec l'appétit de ce huitième de litre, du caoutchouc-mousse à profusion pour le séant du pilote (pas de suspension arrière) et pour les jambes...

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    ... de rustiques planchettes de bois arrimées au fil de fer sur les repose-pieds (et non des cale-pieds, bordel !) qui permettaient de changer la position sans trop s'ankyloser. Une solution un peu Shadok, mais apparemment efficace !

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    Nombreuse en 125 deux-temps, la concurrence présente un large échantillonnage de la production française. Guignabodet Fils (son père court en sidecars 600) a choisi pour motoriser sa "Spéciale" un moteur Jonghi dont les sorties d'échappement sont retournées vers l'arrière. Malgré des modernes suspensions, télescopique avant et coulissante arrière, les feuilles de caoutchouc-mousse n'étaient pas superflues.

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    La numéro 78 est une machine mystérieuse, fantôme pour ainsi dire. Dans le cadre du Bol d'or, elle est photographiée dans Moto Revue et dessinée par Daniel Rebour dans Le Cycle (ci-dessus), mais elle ne figure pas dans le tableau de marche des concurrents qui passe du n° 77 à 79. Moto Revue mentionne aussi le nom de son pilote, Meyer, précisant que la culasse de cette Gnome-Rhône R4 est "spéciale". Autres particularités notables : un long levier de débrayage extérieur au carter afin de soulager le travail du poignet gauche, un levier de sélecteur simple au lieu du double d'origine (G-R fut la seule marque française à placer cette commande du côté gauche), enfin la cuve de carburateur est séparée du corps, un montage "à l'italienne" dont j'ai oublié la justification technique qui avait cours à l'époque (on écoute donc celui qui sait...). 

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    L'un des plus élégants des scooters français fut l'AGF dont André Nebout (alias "Tano" dans la revue Motocycles) se fit souvent le promoteur par l'exemple comme ici (4ème des 125). Cette création d'André Faizant plaisait aussi par son évidente filiation motocycliste : une fourche avant télescopique, une suspension coulissante à l'arrière et - surtout - un moteur qui ne se cachait pas sous des tôles aussi joliment galbées soient-elles.

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    Minutieusement aménagé en vue d'une longue épreuve, cet AGF modèle compétition s'éloigne esthétiquement de l'origine par un réservoir volumineux et un autre sur le porte-bagages. Additions bienvenues afin d'autoriser une position plus effacée et aussi, relativement, plus reposante. Le moteur Ydral 125 est gavé par deux carburateurs diamétralement opposés sur un cylindre aussi spécial que la culasse aux larges ailettes (une Maucourant ?). Ici et là, le châssis a été renforcé par des entretoises, alors que le "plancher" en alliage léger comme les garde-boue, a été réduit afin de faciliter le passage de l'air de refroidissement.

    DANS LA FAMILLE DES "TOUT PETITS" JE VOUDRAIS...

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    ... l'un des plus populaires, le Poney 60 de Motobécane dont un exemplaire historique a refait surface il y a quelques années dans une vente aux enchères. C'était celui engagé par "Jabiru", pseudo d'un journaliste qui allait devenir célèbre dans la presse automobile. À raison de quelques tours par heure, il en totalisera 102 à l'arrivée pendant que le n° 84, son homologue de même marque...

     Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    ... plus régulier en comptera 173, représentant 1133 km à une moyenne de 47,2 km/h, ce qui ne devait pas être bien loin de sa vitesse maximum ! Schombs, son pilote, l'avait assez peu modifié à l'exception, comme sur la "Jabiru Spéciale", du montage d'un sélecteur au pied (à droite) et d'un mégaphone. Grâce à la fixation d'un repose-pieds passager, le frein arrière se trouvait commandé plus normalement par la pointe du pied et non au talon comme d'origine.

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    Trois détails choisis parmi les cinq cyclomoteurs 50 cm3 qui participaient pour la première fois, et la dernière, à un Bol d'or. L'un des trois VAP, celui de Rotino, avec un pédalier... aussi improbable qu'original (ci-dessus). C'était un choix de la marque destiné à démontrer que le cyclo moderne pouvait désormais se passer de ces accessoires "administratifs" et parfois dangereux. Un long combat s'annonçait. 

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    Seul représentant de la traction avant, le Vélorêve CICCA, l'un des nombreux rivaux à galet du Solex se retirera au bout de quelques heures.

    Bol d'Or 1950 : le deux-temps s'affiche au soleil

    Une frêle fourche télescopique était la seule concession au confort faite par les préparateurs des VAP. Le soin apporté à la fixation de la plaque-numéro avant méritait bien d'être immortalisé par la plume de Daniel Rebour !

    (À suivre : Les 4 temps du Bol 50)

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