• Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    REVOIR CES PHOTOS des courses à Magny-Cours en 1972, montre à quel point la compétition motocycliste a changé. Non par son côté technique, ce qui est évident, mais dans le milieu qui était le sien. Oui, c'est sûr, on sait que ça a changé, en bien ? en mal ? Va savoir !

    À l'entrée des années 70, le motocyclisme français est en pleine renaissance. La revivifiante (mais oui !...) vague japonaise repousse à la marge des constructeurs européens déjà à l'agonie. Deux ou trois seulement éviteront de peu le couperet de la guillotine économique.

    La compétition de vitesse a vu émerger de nouvelles têtes, les Rougerie, Bourgeois, Tchernine, Guili, Pons, Roca, Chevalier, Fougeray, etc. Avec tant d'autres ils cherchent à disposer d'un matériel qui coûte cher. Il n'est plus question, comme l'ont fait leurs aînés, de récupérer le matériel de pilotes - surtout britanniques - qui changeaient le leur en fin de saisons. On a ainsi vu les sides d'un Eric Oliver ou d'un Cyril Smith finissant leur carrière entre les mains des Jean Murit ou Jacques Drion. Procédure identique avec les solos, Norton ex-Collot, ou AJS ex-Monneret, Guzzi ex-Houel ou ex-Behra.

    Il faut désormais faire son marché auprès des Japonais qui commercialisent des compé-clients efficaces mais chères. Très chères même pour le débutant. Le "sponsor" est une espèce encore rare et c'est souvent le patron motociste-concessionnaire du coureur, lequel travaille le reste de la semaine à l'atelier ou au magasin. Certains ont déjà compris que la chasse au financement  était le passage obligé d'une passion pour la compétition, même si tous ne rêvent pas d'en faire leur métier.

    Une fois encore, comme à plusieurs reprises dans l'histoire de la moto depuis les origines, la presse (qui est si souvent tournée en dérision...), en l'occurrence ce sera ici Moto Revue, va donner un coup de gaz à la compétition en dotant une épreuve de 1 MILLION de francs. Des francs "anciens" ça va de soi, car si depuis 1960 la France est passée au "nouveau franc", le "vieux" se pratique encore, et pour longtemps ! Et pour la bonne raison que 1 MILLION, UNE BRIQUE !, ça "parle" bien plus que les 10 000 réels.

    Avant de passer aux courses, on s'instruit à travers le parc de Magny-Cours - pas vraiment un paddock - herbu, parfois boueux comme on l'a vu au "Million" de l'année précédente. Ouvert à tous, s'y mêlent les spectateurs, les journalistes, les pilotes et les amis (et amies) de pilotes, leurs épouses éventuellement avec enfants, leurs mécaniciens. Il y a aussi quelques représentants des fabricants de lubrifiants, de cuirs, de bougies, de bottes, etc. qui veillent au respect des rares contrats passés avec le pilote et matérialisés par les auto-collants sur le carénage. Le tout dans une atmosphère décontractée qu'on a bien oubliée... Et pas trace du moindre groupe de rock tonitruant pour distraire le public. Seul notre "crooner" en devenir, Eddy Mitchell, donnera un concert le samedi soir ! On vivait dans dans la misère "culturelle", mais on ne le savait pas...

    LES PILOTES CONNUS ET LES ANONYMES

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens

    Parmi les personnages qu'on y rencontrait, j'ai failli oublier les admiratrices, par exemple celles d'un Thierry 'bogosse' Tchernine (Yamaha 250 et Japauto-Honda 860). À l'arrière-plan, on remarque un motard en cuir à médailles avec, symbole indélébile de l'époque, le jean pattes d'éph' qui revient très fort en cette année 2015, m'a t-on dit. Selon le site de mode Pure/Trend : "Il donne du cachet à n'importe laquelle des tenues". À titre personnel, je le déconseille vivement pour la moto, sauf à risquer de passer une vitesse en posant le pied à terre à un feu rouge... 

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens

    Pour l'éducation des jeunes couches et pour ceux de nos lecteurs qui seraient trop éloignés de la capitale pour en connaître les derniers 'must have' vestimentaires, voici de quoi vous renseigner sur cette mode pattes d'éph'. Pas chère, puisque le pantalon, la veste et le gilet sont à 50,17 euros sur le ouèbe.  On en sait plus en cliquant sur la vignette ci-dessus. Attention, ça pique les yeux !  

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

     Attiré par une mécanique peu courante qu'était la 500 Kawasaki-Baranne conçue par Eric Offenstadt, c'est seulement plus tard que j'ai découvert sur cette photo un futur grand champion. Tôt disparu, comme beaucoup d'autres de sa génération, c'est Patrick Pons, debout à droite, qui n'était alors qu'un concurrent parmi d'autres de la Coupe Kawasaki (2 ème de la manche à Magny-Cours, mais en tête du classement de la Coupe). Victime d'un moteur de plus en plus faiblard au fil des tours, il ne sera que 4 ème des 250 du Criterium 250-750. Sa machine est la n° 18 visible à l'arrière plan. Accroupi devant la Baranne (Pilote Gérald Garnier, selon le programme ?), c'est probablement un représentant de Marchal en train d'appliquer un auto-collant "contractuel".

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Je vous l'ai dit qu'il y avait de tout dans ce parc coureurs !

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Flûtes à l'échappement, selle-dosseret, gros carter d'huile additionnel, gros réservoir, commandes reculées, guidon bracelets, carénage "racing", ce 192 (désolé pas de nom au programme) était bien décidé à s'amuser en "Criterium 250-750". Il avait aussi ses chances d'en piquer plusieurs au freinage, surtout les deux-temps, avec son monstrueux Münch à l'avant. On voit aussi que Monsieur Motul a laissé ses signatures.

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Conseil de guerre autour du concurrent-pilote de la BMW précédente, ou peut-être tout simplement le partage d'une boîte de pâté au petit-déjeuner ? 

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    En catégorie Criterium, l'arme absolue est la 750 Kawa H2, mais elle trouve souvent contre elle les 750 Honda, la surnommée "4 pattes" des gazettes en mal d'image. La préparation de cette 4 cylindres a porté surtout sur son allègement, à grand renfort de réservoir et garde-boue en polyester, échappement simplifié par un "quatre-en-un". L'accastillage est réduit par des commandes reculées, un guidon à bracelets ou encore l'inévitable guidon multi-positions signé Bottelin-Dumoulin.  

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Entre pilotes, la discussion permet de passer le temps en attendant l'appel en pré-grille. Jean-Claude Chemarin (Suzuki 500) en donne un exemple avec un autre pilote non-identifié. Si le matériel évolue, la mode aussi et l'on commence à voir des combinaisons multicolores mais encore vierges de logos ou insignes publicitaires. Bottelin-Dumoulin sera parmi les premiers sponsors motocyclistes français à assurer une présence régulière "Service Course" sur les circuits.

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

     L'entre deux courses c'est parfois un moment moins décontracté pour certains pilotes qui doivent mettre eux-mêmes les mains dans le cambouis. Sans égard pour une combinaison de cuir, heureusement noire ! (Thierry Sagory - 250 Yamaha).

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Décontraction totale d'un public pas vraiment motard, tandis que quelques "purs" sont déjà installés sur l'une des tribunes en attendant les premières courses. Pourtant, dans son compte-rendu de Moto Revue, Christian Bourgeois écrit que l'ambiance "bon enfant allait en se dégradant", situation due, entre autres, à une présence policière très stricte. Signe prémonitoire des temps à venir ?... Au premier-plan à droite, la berline Jaguar MK II de Philippe Folie-Dupart, photographe de Moto Revue. Le choc pétrolier est à venir (1974) et une grosse et gourmande anglaise est accessible en occasion. Même si elle ne sort que dans les grandes réunions, le reste du temps une Jaguar fait bisquer les petits camarades de la profession et au-delà. Le virus était venu d'Angleterre (le terreau en berlines de luxe neuves ou d'occasion y fut toujours plus fertile), lorsque Barry Sheene arriva au paddock en Bentley et que Phil Read répliqua par une Rolls-Royce (ou l'inverse ?). Chez nous, Christian Bourgeois s'était acheté une Bentley...

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Personne n'est à l'ouvrage sur cette Kawasaki bien esseulée au milieu de spectateurs tous souriants. Peut-être à la suite d'une plaisanterie lancée par le jovial René Guili ? (tout à gauche) engagé en 250 cm3 (Yamaha) et dans le Million sur 750 Kawasaki, la marque sans doute la plus représentée dans ces journées. 

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

     Le carénage n'est encore qu'un accessoire léger, facilement démontable que de nombreux fabricants français proposent dans toutes les tailles et sous toutes les formes. Ici, celui de Gérard Debrock (250 Yamaha) qui sera un tout bon en endurance, quoique pas mauvais en vitesse. À propos de carénage, celui des Japauto du Bol d'or n'était pas une merveille d'aérodynamisme et Debrock ne l'aimait pas, sauf sous la pluie. Lors d'une autre épreuve d'endurance, confiait-il à Moto Revue, "comme on n'avançait pas, on a décidé de faire un essai sans ce carénage : on a gagné 2 secondes au tour...".

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Avant peinture, le travail d'Eric Offenstadt à motorisation Kawasaki est bien mieux mis en valeur, surtout avec un coup de soleil sur cet aluminium bouchonné. Celle qu'on entrevoit par la porte du camion porte à trois le nombre d'exemplaires de cette machine présents à Magny-Cours. L'un d'entre eux est assez souvent exposé aujourd'hui par l'Écurie Gérald Motos dans des réunions d'anciennes ou dans des Salons.  

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

     Un gros plan pour les gourmands du 3 cylindres deux-temps... et de quoi leur tirer une petite larme. De profundis

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    La Honda 4 cylindres est la favorite de ceux qui croient toujours aux soupapes. Elle a sa place dans la catégorie "Criterium" ouverte à toutes les cylindrées, de 250 à 750, de même que dans le "Miyon" du Nivernais. Si le programme de ces journées est fidèle, la n° 79 était menée par Jean-Luc Flesch qui n'aura pas regretté le voyage depuis son Colmar lointain : il a fini 10 ème de l'épreuve-reine, derrière des "pointures" sur des deux-temps plus ou moins "épaulés" par les importateurs ou concessionnaires. Le seul autre 4 temps à l'avoir devancé était une autre Honda 4 pilotée par André Kaci

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    La compétition est une affaire de famille, ce qui nécessite un équipement en conséquence. Essentiellement une vaste tente avec auvent pour abriter deux adultes, un enfant et un parent venu donner un coup de main. La Honda 4 voyage sur une remorque légère dont j'ai oublié la marque. Je me souviens seulement de sa construction très simple : deux traverses en U et en croix avec un essieu formé d'un gros ressort à lames terminé à ses extrémités par les fusées des roues. Solide jusqu'à un certain point. À quelques kilomètres de mon point d'arrivée j'ai failli perdre ma Yam 500 SR que j'emmenais en vacances : la "patte de lapin" d'attache s'était ouverte ! Comme je me trainais à 5 km/h pour atteindre un village, je me suis fait arrêter par une estafette de "bleus". Arrêté pour rouler trop lentement ! Ils avaient cru que j'avais fait un malaise... Un indice pour retrouver la marque de cette remorque : les garde-boue en "poly-choucroute" étaient peints en jaune. C'est Soulier, de Zone 6, qui les proposait à Paris, mais il fallait aller les prendre chez le constructeur (vers Rambouillet ?).

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    De la plus grosse à la plus petite, tout est bon pour circuler à travers le parc. 

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    ... mais ce qu'on voit se déplaçant à pied n'est pas moins intéressant, telles ces fausses paysannes en sabots, grande mode de l'époque (pour hommes et femmes).

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

     S'il faut en croire leurs T shirts, Madame et Monsieur Champion sont en discussion pour tenter de placer leurs bougies à un pilote (sur Kawasaki ?).

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    Ça n'en a pas l'air, mais voici le photographe de Moto Revue en plein travail. C'est Philippe Folie-Dupart en discussion avec un personnage caché par une demoiselle en tunique "made in Djerba" (très mode aussi en 72). Tout le monde semble avoir les reins fragiles...

    Le "MILLION" à Magny-Cours 1972 : les gens (1)

    En se retournant, Folie-Dupart est tombé en arrêt devant la Kawasaki de René Guili. Dans la première manche du Million, le Savoyard bagarre avec les hommes de tête et termine 5 ème. Dans la même place à la mi-course des 20 tours de la finale, son moteur le trahit soudain et il disparaît dans les profondeurs du classement.

    (À suivre : les courses)

    Ce blog est la suite de Zhumeurs & Rumeurs, blog en sommeil désormais mais toujours consultable sur http://zhumoriste.over-blog.com/

     


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  • Commentaires

    1
    hugues80
    Lundi 14 Septembre 2015 à 11:56

    Et oui ...

    Tout ça a bien changé ... se "professionnalisant" à la méthode automobile ...

    2
    FAJ
    Lundi 14 Septembre 2015 à 11:56

    Jean, histoire de pinailler il me semble que la Jaguar de Folie-Dupart n'est pas une MK II mais une MK X plus grosse, plus large, plus longue, avec toujours le 6 cylindres double-arbre. Il était annoncé, je crois me souvenir, pour 225 chevaux. Pas des DIN, des BHP, mais fort buveurs !

    3
    berson alain
    Lundi 14 Septembre 2015 à 11:58

    comme toujours : un plaisir ! deux petites précisions la BM est celle de la famille Gaillard et en grand amateur de la marque de Coventry, la Jaguar n'est pas une MK2, mais la beaucoup plus grosse et plus luxueuse MK 10, à l'époque j'ai eu les deux pour beaucoup moins cher qu'une R4 l d'occase 

    4
    berson alain
    Lundi 14 Septembre 2015 à 12:01

    FAJ, 220 ch pour la MK2  3L8 (il y avait aussi 3 L4 et 2 L4) et 265 ch pour la MK 10 qui avait le même moteur  avec trois carbus SU que la Type E

     

    5
    Newmap
    Lundi 14 Septembre 2015 à 14:48

    Toujours un plaisir de revoir notre jeunesse motocycliste et tout ces jeunots dont nous faisions partie, merci.

    6
    Alan
    Lundi 14 Septembre 2015 à 16:02

    Merci, merci pour ces images, rares à une époque où le smartphone "couteau suisse" n'existait pas !


    Je me demande si la Kawasaki de la 10e photo (celle où l'on voit René Guili souriant) est une Zerchot ou une Corki

    7
    Liaan
    Lundi 14 Septembre 2015 à 20:14

    Le coup du futal à patte d'éph : lorsque je monte sur la bécane, le bas droit du pantalon "absorbe" le kick sans que je ne m'en rende compte, et arrivé au premier feu rouge, je pose le pied droit à terre, le bas du pantalon entraîne le kick et le reste de la machine... Bing, par terre. 

    8
    Lundi 14 Septembre 2015 à 20:35

    Pour les Jaguar, je vous laisse discuter entre vous, en espérant que Philippe F-D nous mettra d'accord.

    Alain Berson

    Famille Gaillard, les mêmes Gaillard-Gaillard sur un flat 600 qu'au Bol d'or 69 ?

    Alan

    Je dois avoir une autre photo de la même sous un autre angle, dès que je remets la main dessus...

    Liaan

    Content d'être en bonne compagnie, moi je me suis contenté du sélecteur et sans tomber ! 

    MERCI À TOUS cool

    9
    zerchot
    Mardi 15 Septembre 2015 à 18:40
    "Délicieuses " images, merci M'sieur! Pour la Kawa "bien esseulée", je penche pour un cadre Corki, la boucle arrière du Zerchot n'a pas la même forme.
    10
    berson alain
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 11:37

    Voui, les mêmes Gaillard !

     

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    11
    Mercredi 16 Septembre 2015 à 19:19

    Merci Alain, j'ai encore un peu de mémoire

    12
    Ph. Folie-Dupart
    Mardi 13 Octobre 2015 à 11:19

    Salut Jean, à propos de la Jaguar, ça n'est pas la mienne qui était une MKII 3.4l (un de mes meilleurs souvenirs en matière d'automobile...). Celle de la photo doit effectivement être une MK X.

    13
    Mardi 13 Octobre 2015 à 19:10

    ... les voitures et moi, décidément !... Merci de rectifier. Je me souviens seulement d'un voyage vers Rouen dans ta limousine, la seule fois où je suis monté dans une voiture de luxe 8. 

    14
    Mardi 13 Octobre 2015 à 19:12

    ... le "8" c'est un point d'exclam' qui a foiré...

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